L'air commence à devenir frais en cette fin de septembre, mais notre scène se déroule dans un endroit à l'abri de la chaleur, le cœur bouillant de ce qui fait l'importance de la cité. Bien plus que le Sénat, bien plus que n'importe quelle institution, Velsna est avant tout dépendante de sa flotte. On dit que l'âme de la cité est bien davantage sur une frégate que dans les plus luxueux palazzos de la capitale. Velsna, c'est la Marineria, et la Marineria, c'est Velsna. Cette visite était l'occasion pour le Maître de l'Arsenal Di Grassi, de montrer autre chose que la dorure des couloirs du Sénat. L'endroit dans lequel se tiendrait ce dialogue qui se voulait un approfondissement des relations raskeno-velsniennes devait refléter les propositions qui seraient en jeu. Aussi, quoi de mieux que de faire découvrir à la délégation raskenoise l'endroit où étaient conçus ces navires: les grands arsenaux de Velsna. Un site s'étendant sur le rivage à des hectares à la ronde. C'est dans cette odeur métallique, parmi les ouvriers tenus au secret de fabrication que se promenaient donc le sénateur Di Grassi et la délégation raskenoise, guidés par le "Maître armateur" des lieux: Vincenzo Tolomei.
C'était la première fois que l'on accueillait des étrangers entre les quatre murs de ces ateliers, strictement interdits d'accès à qui que ce soit hormis le personnel. Certains sénateurs velsniens, pas même eux, ont le droit de pénétrer dans les lieux sans un accord écrit du doyen du Sénat et de la S.A.V, la société des Arsenauli de Velsna, une association de tous les armateurs privés reconnus par la Grande République comme des fournisseurs de la Marineria. Obtenir une telle distinction était un titre de prestige que Tolomei n'hésitait pas à exhiber fièrement à qui de droit. C'était un homme gras, dont le poids était semble t-il proportionnel au capital qu'il détenait. Une bague à chaque doigt ou presque, qui se laissaient deviner avec peine tant ceux-ci étaient gonflés, il présentait fièrement le dernier sous-marin en cours d'assemblage dans cette cale sèche débordant d'activité. Les ouvriers étaient telles fourmis autour d'une source de nourriture.
" Mes excellences de Rasken: laissez moi vous présenter la Santa Michela. Nous pensons que ce sous-marin d'attaque de 8ème génération sera prêt à prendre la mer d'ici cinq mois, tout au plus. Et peut-être même sous des couleurs raskenoises, le fameux drapeau noir-blanc-rouge de nos amis margoulins ! Si cette entrevue porte ses fruits...bien entendu."
A ses côtés, le Maître de l'Arsenal Di Grassi se feignit d'un commentaire qui laissait présager de la suite de la discussion:
- Conformément à notre échange épistolaire, c'est bien sûr ces sous-marins dont il sera question. Vous pourriez développer la technologie appropriée pour les développer, mais cela prendrait beaucoup de temps et d'efforts. Avec le marché que je compte vous proposer, je gase que vous disposerez d'une flottille bien assez tôt. Bien entendu, il y aura un échange à faire, pas en argent évidemment. Mais tout comme Rasken a des lacunes dans la marine, Velsna a des lacunes dans certaines technologies qui font la réputation de votre armée. C'est pourquoi je pense que nous pourrions partir sur un échange de matériel, avec un léger avantage pour vous en temps de production, rien que pour vous montrer notre bonne volonté. Que dites vous de ce principe ? Sous-marins et navires contre canons et autres chars, avec un léger bonus pour vous.
Di Grassi marqua une brève pause, avant de rediriger a négociation sur un autre sujet.
En dehors de cette histoire d'obus et de missiles, voyez vous, je vous ai certes fait venir pour discuter d'armement, mais je voudrais également que cette rencontre soit le début d'un nouveau pas dans les relations entre nos deux pays. Nous nous sommes à mon goût éternisés dans une optique de simple partenariat. Or, ces excellences du Sénat pensent, suite à cette affaire mahrénienne, que Velsna et Rasken doivent prendre une initiative symbolique, car il apparait de plus en plus évident que notre relation particulière a dépassé ce cadre.
Rasken a échappé au pire avec la Mahrénie, elle a repoussé le danger de la Rache, et elle est en voie de régler ce problème gradenbourgeois, pour lequel nous vous faisons confiance malgré l’échec malheureux de cette médiation. Vous reste donc Fortuna à tranquilliser. Et si je vous disais que Velsna, de par sa relation particulière avec Fortuna, pourrait également vous aider en ce sens ? Une alliance militaire défensive bilatérale, et une solution diplomatique avec Fortuna: voilà ce que je vous propose en plus de l'accord au sujet du matériel. J'estime que nous sommes des partenaires fiables, et que nous avons tout à gagner en nous alliant de manière officielle. Il y a encore un an, on aurait pu penser que la flotte velsnienne trop menue pour vous proposer cet accord, mais les choses ont changées, et dans le bon sens à notre goût. Notre flotte est désormais la plus solide force de la Manche blanche, et si nous ne sommes pas encore au niveau des fortunéens, nous nous en rapprochons assez pour vous poser cette question sérieusement. N'hésitez pas à nous faire part de vos pensées, nous sommes entre amis ici...