La pièce était immense, ses lustres resplendissaient et renvoyaient la lumière du soleil qui illuminait tout en se réverbérant sur les dorures et les boiseries d’ébène. Les vastes fenêtres rejetaient un flot lumineux qui ne faisait que renforcer cette impression de richesse et de puissance de la famille impériale. La force et l’influence des tsars se ressent ici, tout les attributs y sont, les icônes de la toute puissance du Christ, les tableaux représentants les grandes heures des souverains, ou encore les gardes tsaristes dans leurs uniformes verts et leur posture cambrée impeccable. Les fauteuils, tout aussi richement ornés que les murs, avec leurs tentures et leurs dorures rivalisaient même avec ces derniers. Seule originalité, les armes de la famille tsariste ne figuraient pas sur le dossier, rappelant subtilement que ce faste n’est pas du à l’influence de quelques augustes ancêtres ayant réussi à se tailler un vaste domaine, mais bien à la force et surtout l’intelligence du Sire Stanislas.

Pourtant, les deux hommes restaient méfiants, le tsarat c’est certes démocratisé, mais mieux valait rester prudent, et il fallait conforter le tsarat dans ses orientations politiques tout en s’assurant qu’aucun moyen législatif existe pour mener à un retour en arrière, et même pire, de redonner tant de pouvoir à l’Armée, qui joue visiblement un rôle plus important qu’il n’y paraît. Ainsi le Ministre des affaires étrangères, le jeune dandy au costume trois pièce fit à l’Empereur :
« Vous etes surs qu’il n’y a pas de risques à s’exposer ici, enfin l’opinion publique les a certes pardonné, mais pas certains que le monde ait oublié certaines de leurs gourdes diplomatiques, et même pire leur ait accordé leur pardon pour l’expulsion de milliers de communistes il y a de cela deux ans. Et même pire, qu’en dirait nos partenaires commerciaux et sécuritaires, comme la Fédération ou le Royaume de Teyla. »
L’Empereur répondit simplement :
« Bonne remarque, et il est certain, et même clair que mieux vaut éviter de s’en vanter, mais après tout, le Saint Empire fait des efforts importants, et on a bien reconnu la Loduarie ou encore la Rimaurie, alors une monarchie conservatrice chrétienne ne devrait pas nous inquiéter ! »
« Oui mais, t’imagine sérieusement que l’on nous regarderait de la même façon à l’Union, déjà que les valinoréens ont fait la moral aux économistes de la C.S.G.E.E, alors t’imagine si nous nous rapprochons d’un état qui a refusé de se démocratiser et qui a quitter l’Union et qui s’est lui même démocratisé sous la pression teylaise ! Bref, une belle déconvenue pour l’Union et surtout une belle humiliation pour nous autres qui avons voté en faveur de son intégration ! Une belle honte ! »
« Oui, certes, mais tu oublies qu’il s’est lui même démocratisé, et que le bloquer pour un incident, aussi grave soit-il, ne servirait à rien, n’oublie pas que le ministre de l’économie était favorable à cela lors du Conseil des Ministres, même de la Geauce avait voté pour ! De plus à se braquer comme ça, rien ne nous dit que les négociations devraient aller vite avec un si mauvais caractère et aucune volonté venant de ta part, ce n’est pas pour rien que l’on m’a demandé de t’escorter, je dois à la fois te surveiller mais aussi monter au créneau pour te soutenir en cas de remarques déplacés du Tsar. »
« Mouais, mais par rapport à la démocratie, le système kartien est une sorte d’état militariste avec une importance bien trop assumée du rôle de l’armée tsariste ! Enfin, ils prennent des décisions importantes en lien avec la situation du Saint Empire, tu te doutes bien que ça peut très vite virer dans l’oligarchie assez rapidement ! Tu ne me contredirais quand même pas sur le sujet ! »
« C’est un risque en effet, mais a vue de la brochure sur le système politique local, on remarque assez bien que l’armée ne sert que de gardien de la constitution et assure son respect, tout en évitant qu’elle ne soit pervertie ou menacée par des hommes politiques corrompus comme c’est le cas pour le parti Reconquete Royale ! Voire même du Front Populaire Kartien ! Donc bon, il est important de rappeler que ce n’est pas plus mal. De plus, l’Armée n’est pas uniquement une force politique, mais c’est aussi un outil du gouvernement pour défendre l’Empire. Dans la mesure ou ce n’est pas si grave que ça tant qu’elle reste fidèle et inféodée au gouvernement ; tu n’es pas d’accord ? Et c’est même mieux d’avoir un bras armé que d’avoir un conseil constitutionnel impuissant, il ne faut pas oublier que la transition a été assez rapide, et que dorénavant, mieux vaut se réjouir que le Parlement ait un minimum d’influence, et même mieux qu’il exerce un rôle central dans la vie politique plutot qu’il soit soumis à l’autorité d’un prince tout puissant qui se repose sur l’armée ! »
« Ca reste bien trop proche d’une stratocratie ! Enfin, tu pourrais bientôt utiliser le terme « particularismes » pour désigner ce régime ! »
« Exactement, c’est un régime avec des particularismes, tout comme la démocratie antérinienne est tout de même assez spéciale, c’est indéniable ! »
En effet, le régime antérinien est avant tout castral, c’est à dire divisé en trois catégories, jouissant des mêmes droits, des mêmes devoirs et d’une égalité quasi-parfaite dans le domaine politique si ce n’est que chacune de ces classes ne vote que pour une assemblée en particulier, ce fonctionnement castrale a le double avantage de prendre en compte les intérêts de chaque groupe social (à savoir le Tiers-état, la Noblesse, et le Clergé, ) qui représentent chacun une importance équivalente au niveau démographique, notamment quand la particule de noblesse est méritoire et que devenir clerc nécessite une seule année d’étude et que la plupart des avocats, juristes, juges et autres professions du monde politique et juridique ainsi que les indépendants ayant eu des cours de théologie, soit 33 % de la population, la noblesse, recrutée parmi les fonctionnaires et les entrepreneurs obtient sa particule lorsque la profession est désignée comme « utile » à la nation, et le Tiers d’État représente en grande partie l’ouvrianat et les agriculteurs… Mais il permets aussi de laisser ces derniers s’exprimer plus librement, et de ne pas voir leurs ambitions se noyer parmi le flot d’interets, parfois divergents, qui caractérisent chaque classes.
Ainsi, le système kartien, s’il restait particulier n’en restait pas moins relativement démocratique, les libertés fondamentales semblaient respectées, le droit de vote pour tout les citoyens était assuré, le Parlement jouissait d’une autorité renforcée, le Tsar qui semblait être la seule figure exécutive du pays reste relégué au silence et ses ministres sont nommés par la Chambre. Cette dernière d’ailleurs, est relativement puissante, le Conseil Constitutionnel faisant office de contre-pouvoir solide, qui peut, semble t’il, être appuyé par l’Armée si besoin. En revanche, il est certain que des limites pouvaient apparaître, notamment avec une influence trop marquée du conseil militaire qui avait dans ses rangs le Tsar, qui est aussi une figure exécutive, rendant la perméabilité entre les deux institutions assez fortes. La question des pouvoirs étendus appartenant au Kantsler ne posait pas tant problème que ça, une minarchie n’est pas une dictature en soi.
Ainsi les chefs d’états antériniens s’étaient montrés rassurés, et afin d’éviter que des énièmes incidents se déclarent, l’Empire a préféré y envoyer le Ministre des Affaires Étrangères et l’Empereur pour s’assurer que rien ne dérape et que la convenance caractéristique des chancelleries feutrées soit respectée ; le Protocole avant tout ! Ainsi, l’Empereur avait pour charge de s’assurer que le Ministre ne dérape pas et surtout que la rencontre se déroule de manière calme et posée. Même si ce n’est assurément pas la chose la plus simple avec le divorce assez violent qui sépara les "deux alliés soudés tel un le manche d'un glaive rattaché à sa lame" ainsi mieux valait les ressouder, non seulement pour montrer au monde que la diplomatie antérinienne restait ouverte au dialogue et à la compréhension, mais aussi car la puissance militaire kartienne et la puissance économique antérinienne peuvent très bien redevenir complémentaire, pour des accords permettant de s’assurer que la Leucytalée occidentale reste propice au commerce et qu’aucune puissance ne vienne perturber les échanges locaux.

Tout deux s’assayèrent dans une vaste pièce, elle était mille fois plus lumineuse que l’antichambre, les tableaux étaient resplendissant et la table, massive, imposante et démesurée, taillée de part et d’autres, envahies de stylos, de papiers et de verres avait un je ne sait quoi d’effrayant, peut être était-ce les tapisseries qui représentaient les chevaliers s’affronter pour trouver cet arbre magique qui servirait à faire cette table, les stylos plumes de fabrication kartienne aux armes de l’Armée impériale… ou plus simplement, les mains du Tsar qui étaient posées sur la grande table. A coté de lui, l’ambassadeur délégué aux affaires ouest-eurysiennes. Ils étaient tout deux assez imposants et le regard perçant du Tsar voyait les deux Antériniens s’asseoir. Puis il commença.