
L’élégant dandy au costume bleu scintillant qui prononça ces mots se rassit après avoir interrompu une altercation entre le représentant de Terrabilis ; Thomas de Saint Étienne et le représentant de Carbonnex, Armand Jovier. Ces derniers, de jeunes hommes ayant la trentaine, maitrisants habilement le verbe et sachant se distinguer en société ne peuvent s’empêcher de se vanter et tenter de prouver que leur société (et parallèlement leur travail acharné) est la plus rentable, déclenchant ainsi une guerre d’ego sous couvert de défendre leurs sociétés respectives… L’un arguait que le modèle syndical qui fut mis en place est bien plus efficace que le modèle entrepreneuriale classique tandis que l’autre rappelait que venant d’une société qui détournait allégrement l’argent hernandien ça reste extrêmement ironique. Le Ministre des affaires étrangères, lui fatigué par ces innombrables disputes ne put s’empêcher d’exprimer le fond de sa pensée, mais malheureusement, son intervention ne fut pas couronnée de succès et après un vague blanc, les deux hommes d’affaires continuèrent leur guerre d’ego.
« Non, c’est inadmissible ! Terrabilis n’a rien à voir avec les détournements de fonds e Hernandie, strictement rien à voir ! »
« Ben voyons, et l’argent disparaît tout seul ! Pitoyable, on sait tous que vous n’avez pas obtenu vos concessions en Hernandie grâce à une opération du Saint Esprit (fit-il en signant) ! M’est avis que le lobby des libertariens et des trafiquants a eu un rôle significatif dans une telle avancée ! Je vous assure que le mensonge ne vous va pas le moins du monde ! Et allez savoir pourquoi on continue à collaborer ensemble à la Nouvelle Antrania ! »
« Mais, mais, mais… Les bras m’en tombent et un tel comportement me déçoit et me dégoûte au plus haut point ! Vous osez calomnier l’une des entreprises les plus intègres de ce pays ! Regardez notre système syndicaliste ! Ce dernier réffrène les pulsions naturelles des grands patrons dans la course aux vices et au luxe ! Le conseil syndical a bien suspendu quelques membres pour corruption ! Et après on ose douter de l’intégrité morale de Terrabilis ?! »
Puis le ministre se leva et fit d’un ton rude qui n’admettait aucune contradiction :
« Oh et puis merde quoi ! Allez au diable vous et vos guerres d’ego ! Car vous me donnez une excellente raison d’envoyer à de la Geauce une petite lettre dans laquelle je lui recommanderais de céder aux pulsions de nationalisations qui agitent l’extrême droite et l’extrême gauche ! Non mais sérieusement, comportez-vous comme des adultes responsables, ce n’est pas par ce que nous quittons pour une ou deux semaines l’Antérinie que nous sommes obligés de régresser intellectuellement ! (Il ravala une de ses piques qu’il considérait comme trop violente à l’égard des homme d’affaires). Maintenant je veux que l’on ait rien à dire des Antériniens, nous avons tout interet à ne pas entrer en confrontation avec les messolvardiens qui pourraient s’avérer bien utile pour le commerce ! Ce n’est pas pour rien que je vous ai fait venir ici ! »
« Et bien ça c’est certain, car sinon je serais bien rester prendre le soleil dans les pavillons de Saint Jérome au lieu de trainer mes bottes dans ce coin surpollué qui mets en péril la santé de quiconque y vit ! »
« Ca c’est bien vrai » renchérit le représentant de Terrabilis.
« Oui… Peut être que l’air est irrespirable et que ces sauvages réussissent à bousiller des lieux sacrés, comme Notre Dame de Fatima, mais après tout, religion et politique n’ont pas les mêmes intérêts et nous aurions bien de la chance de nous en sortir vivant. De plus, je pense quand même que leur palais doit être bien aér… enfin climatisé. De plus n’oubliez pas ce qu’à dit un grand homme : « la politique n’a pas de cœur, elle n’a que de la tête » et c’est d’autant plus vrai aujourd’hui que l’Antérinie, pays pourtant très catholique et très conservateur, cherche à nouer des partenariats commerciaux avec le très collectiviste Drovolovski. Mais on a tout intérêt à se rapprocher de ce dernier, d’abord car c’est une puissance économique régionale qui est stable et riche en ressource, et ensuite car c’est un état fréquentable au vue des… écarts sylvois sur le sujet, mais aussi des velsniens et très prochainement des états de l’O.N.D, ainsi, mieux vaut parlementer avec eux qu’avec des états « instables » ou du moins en pleine phase de transition politique comme le Novyavik… »
« Alors ça, ils seraient en attendant bien moins compliqués à satisfaire, il sont ultra-libéraux ! » firent en cœur les deux hommes d’affaire.
« Oui… et alors ? » répondit le ministre
« C’est simple, car tout bon libéral sait que les entraves légales sont bien trop dissuasives pour commercer librement, bien trop de parprasses, bien trop de temps passé dans les administrations pour des crédits d’exploitation ! Alors que dans le monde libéral, rien de tout cela, finit ! Seul le Marché et sa loi réguleront les abus ! Alors que chez les collectivistes, et bien autant dire qu’on a rien à y faire ; les règles, les travailleurs, les quotas ! Que d’entraves pour commercer, et pourtant, ils réussissent à y exporter des centrales nucléaires ! Vous savez d’ailleurs qu’ils sont en train de spolier les habitants de leurs droits à disposer librement de leurs organes ! (fit Thomas de Saint Étienne en baissant subitement la voix). »
« C’est des us et coutumes particulières… En revanche je tiens à vous rappeler que le Marché pour seul maitre n’est pas une solution bénéfique pour la société ! »
« Si vous le dite… » fit le représentant de Terrabilis en soupirant, lui aussi sentait que la conversation allait mal tourner si le débat continuait. Il fallait dire que le ministre était un fervent cinservateur qui avait des idées économiques particulière et ce malgré la position de son parti qui reste dans une logique d’État assurantiel qui sauvegarde les intérêts des travailleurs tout en régulant si nécessaire l’économie… Malgré l’importance accordée à la propriété privée et au développement des entreprises antériniennes, jeu d’équilibriste qui en faisait rire plus d’un au palais des Mille Cent Trente, notamment lorsque communistes et corporatistes critiquaient avec force et vigueur la politique de l’autruche menée par le gouvernement quand il s’agit d’excès commis par les grandes entreprises antériniennes à l’étranger… Mais pourtant, ce modèle semble fonctionner car les autonomistes ont eux mêmes suivis les conservateurs sur cette voie…
Puis des turbulences se firent ressentir et l’élégant jet de fabrication antérinienne débuta son atterrissage tandis que le pilote fit : « messieurs veuillez accrocher vos ceintures, nous débuterons d’ici peu à l’atterrissage de l’appareil. » Puis les concernés retournèrent s’asseoir dans leurs fauteuils de cuir et attendirent que l’appareil se pose… Louis espérait simplement qu’Armand et Thomas avaient l’habitude des vols, car lui-même avait un grand nombre de rencontres diplomatiques à son compteur et espérait que celle qui allait se dérouler se déroule aussi bien que les autres… Les deux hommes d’affaires, eux, avaient l’habitude des vols long courrier, mais c’est le première fois qu’ils assistaient à une rencontre officielle entre l’Antérinie et le Drovolovski. Et s’ils furent invité, ce fut uniquement pour gagner du temps et signer des accords commerciaux le plus vite possible…
Puis, lorsque Louis d’Antrania regarda par dessus le hublot il ne put s’empêcher de dire : « Monsieur le pilote, êtes-vous certains que nous sommes dans un aéroport ? » ce dernier répondit « oui !». La question, qui paraît pourtant stupide devait bel et bien traverser la tête des autres industriels antériniens, qui ne voyaient que de la poussière et de la fumée grisâtre à des kilomètres et des kilomètres, la tour de contrôle était presque invisible et la piste était enrobée d’une épaisse couche qui cachait complètement le goudron… ou du moins ce qui s’y apparentait. Et finalement, avant de sortir, le ministre prit un masque à oxygène et recommanda aux accompagnants d’en faire de même. Puis la porte du jet s’ouvrit et il descendit la rampe mise à disposition par des unités de maintenance, avant de saluer les formes qui se présentaient à lui…
« Je suppose que c’est vous qui vous chargez de nous accompagner… Ainsi je tiens à vous présenter mes plus sincères salutations et j’ai hâte de débuter cette rencontre. »
Puis il rentra dans une voiture avec ses compères et attendit d’arriver au palais impérial, qui devait certainement être des plus embrumés…