1714 - 1747 : L'histoire du preux chevalier Niels Viermetz Introduction :Niels Viermetz naquit dans une famille pauvre de la capitale impériale. Ses parents, ne pouvant supporter sa charge, l'abandonnèrent sur la place publique à l'âge de sept ans et demi. Il vécut jusqu'à ses douze ans dans les vieux quartiers délabrés aux alentours du centre-ville, là où les bas-fonds rejoignent l’enfer sur terre. Un endroit si terrible qu’il ferait passer n’importe quel saint pour un animal sauvage. Il était sale, ne se lavant qu’une fois toutes les deux semaines, lorsque les vieilles femmes de la ville l’attrapaient pour le laver et le soigner. Niels Viermetz vivait de la délinquance, volant tout ce qu’il pouvait avoir à sa portée. Cependant, à l’âge vénérable de douze ans, il vola la poche de trop, celle qu’il ne fallait pas. Plongeant sa main sale dans la poche d’une tunique blanche, il récupéra un objet sans regarder sa prise, préférant s’enfuir en courant plutôt que de vérifier. L’homme sous la tunique, s’en rendant compte, le pourchassa mais s’arrêta à l’entrée des bas-fonds de la ville. C’est alors que le jeune homme, fier de sa prise, se cacha dans une ruelle peu éclairée. Discrètement, il observa le fameux objet. Surpris, il leva les yeux vers le ciel, l’air d’implorer quelque chose, ou attendant un signe. En effet, il sentait une certaine forme de sarcasme dans cet objet, comme si le destin lui disait qu’il n’était pas au bon endroit. L’objet qu’il avait dérobé était une croix veldiste. Il se mit à pleurer, repensant à l’enseignement de ses parents sur l’Église et Dieu, et même sa sainteté l’Empereur. Lui qui avait été un jeune croyant avait perdu la foi une fois jeté par ceux qui lui avaient enseigné celle-ci. Peut-être était-ce le sarcasme du Tout-Puissant ? se dit-il.
Il se décida à accepter le destin qui lui était réservé. Mais quelque chose le poussait à aller au-devant des peurs, des ressentiments. Un souffle d’espoir d’une vie meilleure ou simplement la rédemption ? Nul ne sait. Niels avança pas à pas vers la grande tour de l’Inquisition impériale. Il transpirait de stress, les jambes tremblantes de peur, mais sa main frappa le fer de la porte de la tour. L’immense porte en bois qui lui faisait face s’ouvrit alors. Un homme se présenta à lui, vêtu d’une tunique blanche, armé d’une hallebarde et du casque à pointe typique de l’Inquisition impériale. Le petit garçon s’agenouilla, s’effondra en sanglots, expliquant à ce dernier sa quête tout en montrant la croix qu’il avait volée. L’Inquisiteur, sans un mot, le prit par le bras, le traînant devant le lieutenant de la garde. Ainsi, Niels Viermetz fut entendu, jugé en un instant et envoyé dans les cachots souterrains de la tour, en attente de son exécution.
Chapitre 1 : L'enfermement et la servitude.L'ordre de l'Inquisition impériale avait été très clair durant son jugement : Niels Viermetz serait exécuté. Cependant, le valet de la tour s'étant décidé à quitter son poste de manière étrange, le moine Manuel Riegel, grand serviteur de Dieu et de l'Empereur, chargé de la direction de la tour, se présenta au-dessus du cachot de Niels, par la trappe du plafond qui le reliait à la seule partie de civilisation qu'il connaissait encore. Cela faisait déjà deux ans et demi qu'il était enfermé, cependant le manque de divertissement et de contact lui avait fait perdre la notion du temps, voire même l'esprit par moments. Il lui semblait s’être écoulé plusieurs dizaines d’années. Mais l'homme en tunique, se présentant soudain, fit tout à coup revenir le jeune homme à lui-même. La voix dure et grave qu’employait le moine le transperçait. Il fit un pas en avant, quittant la paille qui lui servait de lit pour regarder le plafond, la trappe ouverte, ne voyant que la tête d’un vieux monsieur au visage glacial. Le moine lui proposa un poste, un métier de servitude dont il ne pourrait pas s’échapper, mais qui lui permettrait de reprendre contact avec la civilisation. Niels Viermetz accepta sans réfléchir, sans hésiter. Il grimpa à la corde que le moine venait de lui lancer au visage.
Ainsi commença ce qui allait devenir son nouveau métier, que l’on pourrait qualifier de son remède à la souffrance. Le jeune Niels débuta comme valet de la tour, la plupart du temps ignoré par les moines et les Inquisiteurs car il restait toujours condamné à mort par ces derniers. Il nettoya, rangea, et retourna chaque soir à sa tanière misérable au premier étage des cachots, dans un confort qu’il n’aurait échangé pour rien contre son ancienne cellule. Il avait désormais un but... servir la tour ou mourir. Quatre années supplémentaires passèrent. Le jeune homme était devenu un maître dans l’art de nettoyer la tour, et cette ferveur fut remarquée. Un jour banal d’hiver, il fut stoppé dans sa tâche par le moine Manuel Riegel. Celui-ci lui posa une question, le regardant droit dans les yeux d’un air sérieux et tragique : << Qui est l’Empereur ? >>. Niels Viermetz répondit avec ferveur : << L’Empereur ? Il est le représentant de Dieu sur terre, il est le chemin, le phare de la nation toute entière. >>. Par ces mots, Niels venait de faire chavirer son destin. Il devait ce jour-là être exécuté. Cependant, le moine lui dit : << Aujourd’hui, je te reconnais comme fils de l’Inquisition. Toute peine prononcée à ton encontre est levée ! >> Ainsi, le moine venait d’enlever les chaînes du jeune garçon alors âgé de dix-huit ans à peine.
Chapitre 2 : Renaissance et chevalerie.Le moine enseigna à Niels Viermetz l’art de l’Église, le matin avec les aspirants, et l’art de combattre avec l’Inquisition. Il se fit vite remarquer. D’abord par sa carrure qui le rendait insurmontable, mais aussi par les diverses cicatrices qu’il accumulait à force de combattre. Il forçait le respect de ses camarades de l’Inquisition, se battant avec rigueur et acharnement. Il était destiné à cette carrière. Le destin avait-il bien fait de jouer avec lui ? Certainement !
Après six années passées à étudier chaque jour Dieu et à combattre le soir, il ne ressemblait plus au jeune garçon fébrile trouvé il y a plusieurs années de cela devant le parvis de la porte du château. Durant tout ce temps, il n’était jamais sorti voir le monde extérieur, pas une seule fois, sans jamais tenter d’y jeter un coup d’œil. La porte restait face à lui, semblable à un vestige du passé qu’il essayait d’oublier. Il fut tiré de ses pensées quand le moine Manuel dit derrière lui : << Va, Niels, tu peux. >> Surpris, Niels hésita durant de longues secondes qui parurent des minutes. Il ouvrit alors la porte, ébloui par le soleil qu’il ne voyait qu’à travers des vitraux teintés.
Chapitre 3 : Le déclenchement et l'avant-guerre.Après sa longue formation, son mentor, le moine Manuel, l’envoya auprès de la garde de l’Empereur : un signe de respect envers Niels, mais également un cadeau à l’Empereur, avec qui le moine était en froid. Une dispute qui poussa l’Empereur à émettre l’hypothèse de destituer le moine. Ainsi, Niels servit l’Empereur comme garde du corps et serviteur. Mais un jour, à l’aube du 10 juillet 1747, après un service loyal à l’Empereur durant toutes ces années, Niels apporta le fameux verre de vodka altrechtoise matinal à l’Empereur, comme à son habitude. L’Empereur allait très bien : il jouissait d’une vivacité sans équivalent dans l’histoire pour son âge. Une concoction matinale préparée par les moines de la tour pour lui donner vigueur. Une astuce secrète que peu de gens connaissaient. Cependant, le laissant à son lit, Niels revint une heure et demie plus tard pour accompagner l’Empereur, qui restait silencieux, étrangement, dans sa chambre. Mais en ouvrant la porte, il découvrit l’Empereur, pâle et évanoui dans son lit. Immédiatement, il fit appeler la garde et le médecin. Le lieutenant de l’Inquisition, qui le surveillait de près depuis son premier jour par jalousie, lui dit en passant : << S’il tombe, tu tombes ! >>. Le stress montant, Niels alla annoncer la nouvelle à son fils héritier, le Prince Viktor Von Härig. Mais il fallut attendre le soir de la même journée pour que la nouvelle tombe : l’Empereur est mort. Dans les journaux, on annonçait une mort naturelle, mais dans le château, c’est bien le contraire qui se chuchotait. On accusait le jeune Niels de trahison et de régicide. Niels resta lucide : il réfléchissait, menait son enquête. Qu’est-ce qui avait bien pu arriver à l’Empereur ? Le médecin chuchota à un garde proche de Niels, et celui-ci tendit l’oreille pour entendre : << Poison, il a été empoisonné ! Sûrement par son garde du corps. >>. Niels ne pouvait le croire. Empoisonné ? Par qui ? Par moi ? Non, impossible, je lui ai juste apporté son verre de… Miséricorde ! Non, pas ça !
Saisissant son armure et s’accrochant à sa dévotion, il fonça hors du château vers la tour de l’Inquisition. Sur sa route, nul garde, pourtant convaincu de sa culpabilité, ne le stoppa. Sans doute ont-ils eu peur de sa carrure toujours aussi imposante. Il s’arrêta face à la tour : un sentiment de déjà -vu, déjà vécu, surgit. Il se remémora le souvenir de sa première fois, à genoux face à la porte et au garde qui lui avait ouvert. Mais cette fois-ci, il ne serait pas à genoux. Il toqua et, lorsque la porte s’ouvrit, il ordonna qu’on le laisse passer au nom de l’Empereur. Les Inquisiteurs s’exécutèrent. Marchant d’un pas lourd vers le bureau de recherche de son vieux maître, la tour pouvait trembler d’effroi. Le moine l’attendait, affalé sur son siège, une bouteille mystérieuse à la main, vide. Niels défonça la porte qui était fermée. Il vit son maître en train de rendre lui aussi l’âme sur le fauteuil de son bureau. Sans un mot, il saisit la bouteille et dit : << Qu’est-ce que c’est ?! >> Le moine lui répondit : << Du poison, mon fils. Le même que pour cet ignare d’Empereur factice. >> Le vieux moine tentait de rester éveillé mais s’évanouit avant d’entendre la réponse de Niels. Il resta sans voix, abasourdi par cette trahison. Niels avait été utilisé pour assassiner l’homme qu’il devait protéger…
Tout à coup, il sentit un éclair parcourir son corps depuis sa poitrine. Puis un cri vengeur : << Traître ! >>. Niels s’effondra à genoux, un souvenir douloureux ressurgissant. Il baissa les yeux et découvrit une lance de l’Inquisition plantée dans sa poitrine. Sa gorge crachant du sang sur le sol devenu sanguinolent, il dit dans un ultime effort : << Le destin avait-il bien fait de jouer avec moi ? Certainement pas ! >>.