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Visite du Calife Kubilay à Aserjuco [Alguarena - Azur]

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Visite d'Etat de Son Altesse Kubilay, Calife d'Azur, à la République Fédérale d'Alguarena


Aserjuco

Dans le silence ouaté de l'habitacle, le Khalife fermait les yeux. L'appareil, survolant la mer des Burbujas Verdes, transférait la délégation azuréenne vers la capitale de l'Alguarena. Après avoir visité Caribeña et le Grand-Kah, la suite du Commandeur des Croyants se dirigeait vers la capitale de la première puissance mondiale, au milieu de l'île de Malmana, dans l'empire archipélagique. C'est le coeur du voyage ; après cette étape cruciale, le guide suprême de l'Azur visiterait les Etats voisins d'Akaltie et d'Icamie, avant d'opérer un retour vers Agatharchidès.

Lorsque l'idée de faire un voyage au Nouveau-Monde était apparue à Jamal al-Dîn al-Afaghani, c'était avant tout dans l'optique de se rapprocher des deux puissances mondiales principales ; le Grand-Kah, qui était parvenu à 2000 milliards de Produit Intérieur Brut grâce à des investissements massifs dans ses réseaux de dépendance à travers le monde, demeurait toujours deuxième après l'Alguarena, dont l'industrie battait des records de compétitivité. Idéalement située au carrefour de grandes routes commerciales, l'archipel était riche en ressources, et la puissante République Fédérale avait depuis longtemps structuré sa production pour tenir son rang sur le marché mondial. L'efficience des industriels alguarenais, bien connue sur le marché de l'armement, faisait de l'Alguarena le premier arsenal du monde, et à ce titre une puissance autant économique que militaire.

Evidemment, c'était un interlocuteur majeur pour l'Azur. Le Califat constitutionnel recherchait de nouveaux partenariats, et un contrat important d'armements navals avait été signé avec l'Alguarena récemment. De plus, l'Azur cherchait l'aval de la grande puissance pour faire avancer ses idées sur la zone maritime souveraine, qu'il voulait consolider sur sa petite bande côtière. C'était aussi chercher à désamorcer les tensions entre Aserjuco et Axis Mundis, Etats voisins par la mer, en proposant une réglementation internationale des frontières maritimes à même de susciter un accord entre les deux grandes puissances du Nouveau Monde.

Par ailleurs, le Khalife venait visiter la grande puissance technologique et culturelle, et échanger avec ses autorités sur des sujets divers, touchant à l'histoire et à l'avenir. L'Azur espérait que l'Alguarena puisse jouer un rôle plus important dans la stabilité internationale, en évitant que le conflit du Gondo, par exemple, ne se prolonge. De façon plus prosaïque, ce serait aussi l'occasion de sonder la vision internationale des autorités d'Aserjuco, alors même que celles-ci venaient de se renouveler lors des élections fédérales. L'Afarée, le continent le moins peuplé et le plus éparpillé, attendait beaucoup de partenariats potentiels avec les économies dynamiques du Paltoterra et d'Aleucie, notamment pour établir de solides contrats énergétiques et obtenir leur soutien sur la scène internationale.

C'est donc avec une disposition d'esprit conciliante que la délégation azuréenne arriva dans les hauteurs d'Aserjuco, dont la skyline brillait près de la mer. La prospérité de la capitale fédérale s'observait depuis le ciel. Un jour, peut-être, Agatharchidès brillerait des mêmes feux.
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ASERJUCO le 15 janvier 2016


aéroport Aserjuco
Un nouveau jour se lève à Aserjuco.


L’aube inarrêtable venait s'étendre sur le ciel azur d'Aserjuco, peut-être était-ce le signe annonciateur de la venue du Calife d'Azur dans l'archipel? Une rencontre inédite, organisée selon la realpolitik du moment qui touchait l'Afarée, et faisait du Califat d'Azur, un acteur incontournable ou tout du moins porteur du souhait de réguler certains aspects de la vie économique et commerciale du continent afaréen, mais avec quels desseins pour la Paltoterra?

Si certaines idées faites autour de la venue du Calife dans l'archipel demeuraient sous un épais brouillard, l'avion du Calife en était lui, bien sorti, amorçant sa descente vers le tarmac de l'aéroport d'Aserjuco. Une venue remarquée, à en croire le parterre coloré qui bariolait une partie de la piste depuis les hauteurs. Un détachement des honneurs cérémoniels, omniprésent lors des rencontres diplomatiques entre dirigeants, avait effectivement installé sa fanfare, prêt à entonner les hymnes respectifs des nations représentées de leurs officiels aujourd'hui. En leur compagnie, la piste plate et bétonnée qui séparait l'avion de l'aéroport avait déjà plus fière allure ! Outre la fanfare, le représentant de la communauté catholique, le Cardinal César Gálvez et candidat malheureux du précédent conclave catholanais de 2010, était présent aux côtés de la président fédérale sortante, Mazeri Abrogara.

A la sortie de l'appareil, le Calife fut salué par la présidente fédérale, non sans respect une certaine distanciation sociale, peu coutumière des règles de bienséance et de la relation homme-femme eu égard à son homologue azuréen. Le représentant de l'Eglise catholique et particulièrement l'Eglise catholane depuis son accession au titre de cardinal, salua également le Calife, marquant l'amorce des fanfaronnades destinées à restituer l'intégralité des hymnes nationaux. La délégation azuréenne, ainsi accueillie, fut alors prise en charge par l'autorité alguarena, les berlines se succédant sur le tarmac même, l'accès leur ayant été facilité depuis une grille installée à même la clôture chargée de délimiter l'accès réglementé et de faciliter une évacuation ou l'arrivée de secours sur place. Un accueil digne et une exfiltration discrète, voilà ce qui était ambitionné pour la rencontre diplomatique aspirée entre les deux gouvernants. La présidente fédérale avait souhaité partager la même voiture que le Calife avant son arrivée au palais présidentiel, pour garantir des photos communes par une presse complaisante qui les verrait sortir ensemble peu de temps auparavant. Le conseiller fédéral aux affaires étrangères Simón Velázquez, dont le nom revenait régulièrement lors des rencontres entre homologues, était là lui aussi, mais attendrait les deux officiels au pied du bâtiment institutionnel vers lequel convergeaient les berlines des officiels. La venue du Calife se fit, comme à l'accoutumé lorsque l'on accueille un dirigeant, dans un cadre assez formel. Un formalisme largement aidé par la disponibilité des dirigeants eux-mêmes qui ont fait de cette rencontre diplomatique une rencontre de chefs d'état, bien qu'il soit inscrit dans la pensée de chacun que le contexte politique alguareno se veut particulièrement mouvant, à l'heure où sonnent les appels au vote de nombreux partis politiques.

Malgré tout l'enthousiasme qui s'était invité autour de la rencontre diplomatique, un fait demeurait : l'invité qu'était le Calife, monarchie gazière décomplexée, pouvait véhiculer un certain standing outrageant pour une partie de l'opinion publique alguarena. Le choix a été donné de maintenir une certaine sobriété en la circonstance, considérant la période électorale en cours pour les présidentielles fédérales, l'affichage d'un certain faste pouvant nuire à la coalition présidentielle du MPF.

Le palais présidentiel, ce bâtiment imposant mais élégant et vieux de plusieurs centaines d'année après qu'il fut bâti durant l'ère coloniale se présenterait bientôt face à la délégation azuréenne pour seul faste permis, sitôt le quart d'heures qui les en séparé écoulé.



Présidente fédérale Mazeri Abrogara
Mazeri Abrogara
Mazeri Abrigara, Présidente de la Fédération d’Alguarena.


"Votre éminence, permettez-moi de venir au nom de la Fédération d'Alguarena, vous souhaiter la bienvenue dans l'archipel ainsi que de me trouver soucieuse de vous savoir ayant fait bon voyage. La venue d'une délégation azuréenne en Alguarena est un fait nouveau, qui m'appelle à vous délivrer un fois encore, tous mes remerciements pour vous être fait la voix de l'ambition azuréenne pour la Paltoterra et sur laquelle chacun entend capitaliser dans l'intérêt commun.

Soyez assuré que l'honneur de cette rencontre est pour nous... La Fédération d'Alguarena ayant à coeur d'identifier des interlocuteurs durables pour la région afaréenne, à l'heure où un certain nombre d'intérêts partagés s'y dessinent, au Bajusid, en Mandrarika, au Banairah, etc..."

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Kubilay

Le Calife d'Azur avait salué la Présidente Fédérale en inclinant le menton, la main sur le coeur, en signe de respect et conformément à la nature féminine de la chef de l'Etat d'Alguarena. L'accueil de la République Fédérale n'était pas à prendre à la légère ; il serra des deux mains la poignée de César Gálvez, Cardinal de la communauté chrétienne catholique nombreuse et fervente dans le pays, en répétant : "Que la Paix soit sur vous, Monseigneur Gálvez, et sur tous les croyants qui vous suivent". L'homme lui rendit un sourire aimable ; ils échangèrent quelques paroles de politesse, avant de s'engouffrer dans le convoi présidentiel qui les conduirait aux édifices publics.

— La beauté d'Aserjuco n'est pas usurpée, déclara le Calife dans la voiture.

Face à Mazeri Abrogara, présidente sortante, il se laissa porter vers le Palais fédéral. A ses côtés, son secrétaire personnel, Mohammed Badie, ajustait ses petites lunettes fines et faisait, de temps à autre, un complément d'information dans l'oreille de Son Altesse Sémillante. Polis, mais séparés par la barrière de la langue, les chefs d'Etats ne purent échanger que quelques phrases par le truchement d'un interprète avant d'être menés à destination.

Le Khalife serra la main de Simón Velázquez, puis ils furent tous conduits dans une grande salle où les discussions pourraient avoir lieu. La délégation azuréenne pris place autour de sièges et de tables ; elle se composait de diplomates, de conseillers et de religieux en habit, et entourait le Commandeur des Croyants comme une nuée de petits papillons. Badie, en simple veste, s'occuperait de la partie technique des discussions ; Son Altesse n'intervenait pas beaucoup dans le concret des échanges politiques.

Après avoir écouté les paroles d'introduction de la Présidente alguarenaise, Badie prit la parole au nom de l'Azur.


— Comme Son Altesse l'a répété, nous sommes reconnaissants à l'Alguarena et à ses autorités d'avoir rendu cette rencontre possible. Merci, Excellences, merci encore, pour votre implication et votre bonne appréciation... Vous l'avez mentionné, Excellence, Madame la Présidente ; des enjeux importants existent et appellent justement à un dialogue bilatéral soutenu... Avec votre permission, je vais à mon tour exposer les points que nous souhaitons aborder avec vous, dans l'espoir qu'ils suscitent également votre intérêt, mais en explicitant leurs motivations du mieux que je le peux...

Il reçut du Khalife l'autorisation de continuer ; celui-ci, chaussant des oreillettes pour la traduction, battait lentement des cils, impassible.

— Permettez-moi au préalable de revenir sur l'un des éléments essentiels de notre coopération bilatérale jusqu'ici, qui est le contrat d'armements navals que nos deux pays ont passé, et qui a permis à l'Azur d'être doté de nouveaux navires pour la logistique, la surveillance et la sécurisation de sa région côtière, en faisant l'acquisition des très compétitive et excellents appareils de technologie alguarenaise. Par ce partenariat, l'Alguarena a contribué à renforcer la sécurité de l'Azur sur un terrain qui lui est cher : celui de la protection de ses intérêts maritimes. Bien sûr, l'Azur est un pays essentiellement continental, et qui a vocation à le demeurer. Cependant, son ouverture à la mer par le port d'Anaxandre - Anascandar en arabe, est un élément clé de son infrastructure commerciale, économique, énergétique, stratégique. A l'heure de la mondialisation, nous ne saurions nous passer de ce goulot d'accès qui nous ouvre au marché international ; c'est une question vitale pour nous de protéger cette porte vers le monde.

Mohammed Badie fit une courte pause pour permettre aux traducteurs d'aller de l'arabe vers l'espagnol.

— En tant qu'Etat archipélagique, et vu son histoire essentiellement construite sur les rapports maritimes entre ses îles constitutives et avec les métropoles coloniales des époques précédentes, je suis sûr que vous pourrez convenir avec nous, Excellence, du bien-fondé de notre démarche qui illustre notre seule préoccupation à assurer notre souveraineté, sans esprit de concurrence ou de rivalité avec quiconque. C'est toujours dans cet objectif légitime que nous avons sollicité l'Alguarena à nouveau pour l'acquisition de missiles balistiques... Ces matériels seraient nécessaires afin de renforcer notre capacité de dissuasion, en particulier en direction de quiconque voudrait s'en prendre à nous. Ces armements, qui ne peuvent avoir d'autre intérêt que celui d'apporter une réplique à une agression, ne sont pas de nature à nous mettre en possibilité de nous en prendre à nos voisins : avec des missiles, l'on ne peut gagner une guerre dans la durée pour un objectif territorial... Ainsi, Excellences, nous serions heureux que l'Alguarena identifie dans ce second contrat la possibilité d'un deal raisonnable et conforme avec nos intérêts respectifs, et qui ne mettrait personne en danger : ni l'Alguarena bien sûr, ni ses partenaires afaréens qui sont nos voisins, avec lesquels nous travaillons dans une très bonne entente.

Il prit un verre d'eau avant de continuer son propos.

— Dans la continuité de la stratégie qui est la nôtre, nous travaillons au contraire avec nos voisins, notamment avec le Mandrarika, Banairah ou d'autres encore, à stabiliser et consolider la paix régionale et la bonne entente entre nos Etats, par le biais d'accords de coopération qui touchent à des volets divers. Le volet maritime, étant l'un des plus cruciaux, est l'un de ceux-là. Nous avons récemment conclu un accord avec le Mandrarika établissant la reconnaissance des eaux territoriales souveraines des deux Etats ; nous souhaiterions construire avec vous un accord similaire. Ce texte, qui donnerait un cadre juridique et une légitimité aux revendications territoriales maritimes de nos deux Etats, permettrait d'assurer notre soutien réciproque pour exercer notre souveraineté dans le territoire maritime qui en relève. Loin d'être inutile, ce cadre devrait selon nous être la base même de toute pensée stratégique, car l'Azur souhaite fonder son action dans le droit, et en tout temps honorer sa parole. L'honneur et la sincérité sont des valeurs que nous avons en partage.

A nouveau, Mohammed fit une pause. Il en profita pour scruter ses interlocuteurs ; par un regard, le Calife lui confirma qu'il pouvait continuer.

— L'Azur est une force de paix dans sa région, tout comme l'Alguarena l'est à l'échelle mondiale. Nous travaillons à construire les cadres réglementaires, économiques et politiques qui permettent aux Etats de travailler ensemble sans s'inquiéter que le recours à la force puisse entacher les relations internationales. Ainsi, en Afarée, nous sommes très curieux des avancées réalisées à Paltoterra, en particulier en matière de développement économique. L'industrie alguarenaise est la première au monde, elle est extrêmement compétitive. Des pistes de nouveaux partenariats commerciaux semblent émerger. Nous pourrions nous y associer. De plus, nous serions très heureux d'avoir l'appui de l'Alguarena dans le cadre du problème structurel de l'unité du continent afaréen. L'Afarée est un continent très grand et dispersé, victime de nombreux maux dont le plus actuel d'entre eux est une guerre civile sanglante au Gondo. Ce conflit, qui est le théâtre de percées d'influences idéologiques communistes et gauchistes, n'est que le prolongement d'une attitude néo-coloniale et impérialiste de la part de grandes entreprises aleuciennes et eurysiennes, et de certains Etats comme la Clovanie. Face à cela, l'objectif de l'Azur est de structurer un pôle afaréen non-idéologiquement adossé à une quelconque influence, qui puisse défendre les Etats afaréens et faciliter leurs coopérations avec les autres pays du Sud Global, dont l'Alguarena. Dans ce contexte, nous espérons beaucoup d'un appui diplomatique de l'Alguarena pour qu'un tel pôle afaréen émerge, de sorte qu'il ne soit ni soumis à l'impérialisme, ni converti à une idéologie rouge porteuse de fièvres révolutionnaires et de chaos social.

Mohammed Badie s'interrompit ; il venait d'effleurer un panel de sujets. Avant d'aller plus loin, la diplomatie convenait de vérifier qu'on était sur la même longueur d'onde avec les interlocuteurs ; la délégation azuréenne se prépara à écouter les réponses des Alguarenais.
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ASERJUCO le 15 janvier 2016


Palais présidentielle
Réception au plais présidentiel.


L'aube qui dominait maintenant les cieux couvrait largement l'horizon sur lequel se dessinait la capitale d'Alguarena, finissant d'amorcer l'approche du palais fédéral ainsi mis en valeur, à l'heure où les berlines des officiels étaient invitées à entrer dans le parc jouxtant la propriété héritée de l'architecture coloniale hispanique du XVIIIe siècle. En réalité, le choix d'accueillir le Calife au sein du palais présidentiel fédéral était un choix autant mûri par le protocole lié à la réception de chefs d'état, que la volonté d'échapper aux manifestations possibles dans le centre de la capitale.

Des manifestations directement dirigées contre le Calife et la présidence fédérale, puisqu'il était question des collectifs de pêcheurs et de pisciculteurs alguarenos, un puissant lobby pour l'archipel, qui se trouve aujourd'hui inquiet après le lancement d'une rencontre diplomatique entre la présidence fédérale et le califat d'Azur, connu pour ses souhaits de réglementation en mer. Des réglementations qui, non contentes de définir des zones économiques souveraines à chaque état, veulent aussi intervenir dans la définition et le suivi de quota de pêche, comme des accords ont récemment pu être tractés auprès de la République Fédérale de Mandrarika.

La définition des quotas de pêche ne serait en soi pas directement dommageable aux pisciculteurs puisqu'ils interviennent eux dans l'élevage des ressources halieutiques et pourraient donc produire indistinctement. Cependant, ils estiment avoir de bonnes raisons de craindre qu'une réglementation dirigée à l'encontre des activités de pêche en mer n'incite partie d'entre eux à se tourner vers les activités d'élevage halieutique, déséquilibrant un marché encore fragile à l'heure de la mondialisation et du contexte inflationniste que l'on ne présente plus dans l'archipel.

A ce stade, tout n'était que pure spéculation car les rumeurs ébruitées des instances officielles ne faisaient état que d'une rencontre entre la présidente fédérale et le Calife, sur la question des zones économiques exclusives. Une rencontre rendue nécessaire, pour crédibiliser le califat dans l'affirmation de sa souveraineté en Afarée et nourrir l’orgueil alguareno de concourir à l'assise d'institutions pérennes aux interlocuteurs durables qui font défaut à la Fédération d'Alguarena en cette partie du globe. Bien entendu, la rencontre diplomatique allait au-delà de toutes considérations faites aux zones maritimes revendiquées par chacun et certains diraient, que l'assise voulue aux autorités azuréennes en Afarée avait déjà été fortement débuté avec la ratification de contrats d'armement d'importance, initiant l'acquisition d'une flotte militaire sur laquelle le Califat d'Azur entendait escompter.

"Il n'existe pas de puissances navales en Afarée et aussi longtemps que ce sera le cas, la politique locale sera façonnée sous les coups de boutoire des forces de projection étrangère, aujourd'hui principalement nourrie par l'Eurysie et la Paltoterra" avait dit en ces termes un jour, Felicity Edminston, politique alguarena felicizienne. Certains continuent de penser aujourd'hui qu'elle avait raison mais tous tomber d'accord sur un élément de langage, les expectations azuréennes autour d'une flotte de guerre d'origine alguarena, si elles devaient être satisfaites, devaient être le terreau fertile à des engagements azuréens notables pour lever tout doute autour d'une confrontation possible entre les deux pays dont "l'un aurait fourni les balles au pistolet du second"...

Le Calife d'Azur, représentant terrestre du Califat d'Afaréen orientale, était à la fois discret et imposant, à l'image de ce pays niché sur le versant Est du continent afaréen, qui prospérait avec une forme d’humilité, aux fanfaronnades évincées. L'entrée dans le palais présidentielle fédéral leva un peu de cette chape e plomb voulue par un protocole stricte, déliant les langues des officiels et nourrissant une transparence sincère, amorce nécessaire au dialogue constructif tel qu'il était ambitionné par la Fédération d'Alguarena.



Présidente fédérale Mazeri Abrogara
Mazeri Abrogara
Mazeri Abrigara, Présidente de la Fédération d’Alguarena.


"Votre éminence, permettez-moi de vous recevoir au palais présidentiel pour ultime gage de la volonté qu’est la notre, à considérer le Califat d'Azur en interlocuteur digne de confiance et d'intérêts pour coconstruire une relation mutuellement prospère. Vous l'avez relevé, la Fédération d'Alguarena a consenti à la délivrance des agréments administratifs autorisant la vente de bâtiments de guerre au Califat d'Azur, ceci est une nouvelle expression manifeste de la confiance alguarena, permise dans l'accompagnement d'une politique souveraine azuréenne.

Car en autorisant la vente d'armements, de bâtiments navals puis de missiles balistiques vers le Califat d'Azur, nous prenons immanquablement et parallèlement à ça, le parti pris de concevoir que vous puissiez les engager sur des opérations de maintien de la souveraineté azuréenne. Par conséquent, nous sommes tout à fait disposés à considérer les eaux territoriales du pourtour oriental de l'Afarée, comme les espaces maritimes souverains du califat, sous couvert d'un tracé clair, précis, sans ambages cartographiques si l'expression m'est permise.

Nous avons l'humilité de croire que faire reconnaitre au plus tôt, une souveraineté azuréenne sur les espaces marins nommément identifiés sera un gage profitable à vos institutions pour considérer une politique de surveillance et de sécurisation maritime, soutenue par notre autorité. En contrepartie, la Fédération d'Alguarena espère légitimement voir vos autorités faire la reconnaissance de ses espaces régionaux concernés. S'il fallait poursuivre sur les spécificités azuréennes, reconnaissons que le califat a un accès restreint à la côte, ce qui pourrait légitimement l'évincer au profit d'un autre acteur régional. En vous prodiguant la reconnaissance de vos espaces souverains, la Fédération d'Alguarena entendrait vous laisser les cartes en main, pour aborder cette épineuse question qu'est le contrôle maritime de la côte orientale afaréenne, avec les territoires de l'Est-afaréen.

Il ne vous a également pas échappé que le programme d'acquisitions d'armes balistiques au Califat d'Azur provoquait actuellement la mobilisation de nos industries de l'armement chargées d'y répondre ainsi que de notre département fédéral aux affaires extérieurs qui souhaite y répondre favorablement, mais sous le couvert d'un plan d'acquisition graduel, pour ne pas entamer la réserve stratégique alguarena et nous offrir les gages nécessaires du protocole prévu pour leur engagement.

Pour ce qui a trait à la formation d'un pôle afaréen, la Fédération vous aurait jadis recommandé le FCAN mais à l'instar de la crise gondolaise ou diambéenne, nous doutons que l'organisation soit tenable dès sa première épreuve du feu. Nous pensons comme vous que la Cémétie en moins, les dynamiques afaréennes sont à reconstruire et le Califat d'Azur, par sa justesse de propos et sa mesure des actes, y occuperait une place en première ligne, si ce n'est privilégiée. La Fédération d'Alguarena que je représente identifie encore assez mal l'ensemble des leviers qu'elle pourrait mettre à votre service pour la réalisation d'une telle coopération interétatique mais c'est un chantier de travail qui ne souffrira en tout cas, d'aucun restriction de notre part."

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Mohammed Badie, Secrétaire personnel du Calife

La délégation azuréenne faisait face à ses hôtes alguarenais dans le palais présidentiel d'Aserjuco. La ville immense autour d'eux était éloignée par un périmètre arboré, et le palais, niché comme un oiseau de la forêt dans un écrin de verdure, se trouvait au milieu d'un parc ceinturé et sécurisé par la garde présidentielle. La moiteur de l'air, chaud et imprégné des saveurs de la mer et de l'industrie toute proche, était dans la grande salle du coeur du pouvoir alguarenais adoucie par la climatisation et la ventilation. Auprès du Khalife, qui représentait le pouvoir azuréen en déplacement dans l'archipel, se trouvaient l'ambassadeur d'Azur en Alguarena et surtout Mohammed Badie, le Secrétaire particulier de Son Altesse, qui l'accompagnait dans ses moindres déplacements et était véritablement comme son ombre. Architecte de la pensée du leader azuréen, maître des horloges, ce personnage aux fines lunettes teintées par le soleil avait déjà assisté à plusieurs épisodes de haute intensité politique, comme la démission du Grand Vizir de l'Azur qui quitterait bientôt son poste en raison d'une maladie secrète incurable, et surtout les rencontres diplomatiques de haut vol réalisées à Caribeña et au Grand-Kah pendant la tournée califale à Paltoterra. Plus au fait que le Calife des affaires de la politique concrète, c'était lui qui s'occupait de diriger, au nom du Commandeur des Croyants, les discussions bilatérales en ce qui concernait la partie azuréenne. Il le faisait en s'entretenant régulièrement à voix basse avec Kubilay, qui, parfois, définissait d'une voix ferme et indéchiffrable quelque parole dans la langue arabe. L'échange se déroulait calmement, les traducteurs s'occupant de permettre la communication entre les deux délégations.

— Merci, Madame la Présidente Fédérale, d'avoir abordé ces éléments. Permettez-moi tout d'abord d'adresser à nouveau le dossier au sujet du droit de la mer qui, comme vous le pointez avec justesse, est étroitement relié à la question de nos relations avec les autres Etats voisins de l'espace est-afaréen. Notre démarche est effectivement de consolider nos propres revendications maritimes en les présentant à nos partenaires pour obtenir leur agrément et leur reconnaissance. C'est un travail déjà initié avec le Mandrarika, l'île d'Anna, et en cours de discussion avec le Banairah ; nous espérons un retour prochain du Faravan et de l'UC Sochacia à ce sujet également. Nous proposons justement de convenir ensemble des frontières éventuelles à reconnaître, pour éviter toute querelle qui pourrait apparaître à l'avenir. Notre travail sur le droit de la mer correspond donc à un objectif de normaliser, de pacifier et de stabiliser nos relations avec nos voisins (et par extension avec les pays du monde entier, étant donné la nature universelle de la mer, où naviguent tous les pays). En ce sens, nous travaillons en parallèle de ces accords à la cartographie de nos revendications sur notre petit espace maritime, ce qui est un travail commencé mais pas achevé, et qui sera proposé à nos partenaires et surtout à nos voisins les plus proches. Là encore, dans l'objectif de tomber d'accord avec eux, et, réciproquement, de leur octroyer notre reconnaissance et l'assurance pour eux que le Califat ne recherche aucunement à empiéter sur leur espace légitime.

Badie fit une pause le temps que la traduction se fasse. Ses phrases étaient longues, dans la tradition diplomatique arabe, mais il espérait qu'elles soient libres de tout malentendu possible.

— J'aimerais insister sur le fait que la proposition d'un accord de normalisation des questions maritimes entre nous est, de notre point de vue, dans notre intérêt mutuel aux uns autant qu'aux autres. D'abord parce qu'il permet d'éteindre tout malentendu futur sur ces questions. Ensuite parce qu'il renforce, et non pas affaiblit ou limite, le secteur maritime de chacun d'entre nous. J'ai constaté, grâce aux notes produites par Monsieur l'Ambassadeur d'Azur à Aserjuco, l'importance du secteur halieutique pour les Alguarenais. C'est une réalité de votre pays ; une nation d'îles, dans des mers chaudes et poissonneuses, où le métier de pêcheur est une fierté et une tradition nationale. C'est votre identité et nous la respectons autant que nous l'apprécions, notamment grâce à vos spécialités culinaires renommées.

Il sourit.

— Le point que nous proposons dans notre proposition d'accord relatif à la question de la pêche vise, à l'instar d'accords conclus avec la République Sacrée et Universelle du Mandrarika ainsi qu'avec le Saint-Empire de Karty, et d'accords en cours de négociation avec le Grand-Kah et la République de Banairah d'autre part, ne vise pas à organiser une restriction aux captures en mer pour les pêcheurs alguarenais. Ses dispositions prévoient au contraire de restituer la souveraineté de chaque Etat sur les prélèvements dans sa zone (en instituant un système de licences rendant caduque la possibilité d'aller pêcher là où l'on n'a pas le droit) ; l'Alguarena, qui a des eaux territoriales parmi les plus considérables de la planète, serait donc en position de force pour contrôler l'accès à ses ressources halieutiques qui sont aujourd'hui ouvertes à la concurrence des secteurs concurrents. Par exemple de la part de votre grand voisin communaliste, mais pas seulement ; des pays comme Caratrad, Tanska ou la Confédération Zélandienne sont également très bien positionnés dans le domaine de la pêche hauturière, et leurs navires-usines parcourent les océans du globe indifféremment de toute réglementation internationale à cette heure. C'est aussi le cas de l'Icamie qui est un concurrent régional sérieux pour vos propres embarcations. Un autre point à noter est que nous proposons d'instituer un contact permanent en matière de suivi des bancs de poisson pour s'assurer que nos politiques de pêche soient harmonieusement agencées, afin que la ressource soit garantie pour les générations futures. Je l'admets, c'est un point qui a pu poser question, notamment de la part du Mandrarika dont les activités de pêche sont trop réduites pour que cette circonstance puisse paraître envisageable. Dans tous les cas, au vu de notre éloignement géographique, il me semble que cette question de coopération sur les sujets de pêche n'est pas la plus urgente. Je vous laisse consulter l'ensemble de notre proposition sur le dossier de la mer, et apporter les modifications éventuelles que vous désireriez, mais je me dois de vous indiquer clairement que si les dispositions en matière de réglementation de la pêche posaient une question non résoluble rapidement, nous serions prêts à la retirer immédiatement.

Les officiels de la suite azuréenne délivrèrent une pochette en carton où se trouvait un texte préliminaire. Ils laissèrent les Alguarenais s'en emparer pour le consulter.

Proposition d'accord maritime Alguarena-AzurPréambule

Le Califat constitutionnel d’Azur et la République Fédérale d'Alguarena, confirmant leur lien d'amitié mutuelle, constatent le besoin d’établir par le présent accord leur coopération maritime afin de sauvegarder leur intérêts mutuels et d’assurer la sécurité juridique des navires en mer. Le présent accord vise à consacrer la notion de « zone maritime souveraine » et à encadrer la coopération entre les deux Etats pour conforter la croissance et les retombées positives découlant d'un usage réglementé de l'espace maritime. Cet accord a vocation à s'inscrire de manière cohérente avec les autres dispositifs internationaux touchant aux questions maritimes.

Article 1 : de la reconnaissance de la zone maritime souveraine

Article 1.1 : du principe de la zone maritime souveraine
Les Etats partie au présent accord reconnaissent mutuellement leurs droits souverains réciproques sur leur zone maritime souveraine, définie comme le segment de territoire maritime situé entre le prolongement de leurs frontières terrestres et la ligne parallèle à la façade maritime établie à trois cents kilomètres (300 km) du continent. Cette zone est définie par les cartes maritimes fournies en annexe au présent traité.

Article 1.2 : du droit applicable
Les deux parties du présent accord considèrent que la zone maritime souveraine fait partie intégrante du territoire et que le droit qui s’y applique est le droit national du pays souverain. Les seules restrictions aux activités conformes à ce droit dans cette zone ne peuvent être admises que par le présent accord.

Article 1.3 : de la haute mer
Les territoires maritimes échappant à la définition de l'article 1.1 appartiennent à la "haute mer" ; ils ne sauraient être accaparés par aucun Etat. Seules les dispositions relatives à la liberté de navigation sont susceptibles de s'y appliquer.

Article 2 : de la liberté de navigation
Article 2.1 : du principe de libre circulation
Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les eaux considérées comme souveraines de l’autre partie. Cette liberté de circulation ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles motivées par une décision de justice.

Article 2.2 : du principe de libre ancrage
Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les ports de l’autre partie et de s’y amarrer sans considération de durée, dans le respect de la règlementation maritime locale. Cette liberté d’ancrage ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles liées à une décision des autorités sanitaires afin de mettre en place une quarantaine contre les épidémies.

Article 2.3 : de la lutte contre la contrebande
Dans le cadre de la lutte contre la contrebande, les dispositions de l’article précédent peuvent être suspendues pour un contrôle par la garde maritime motivé par une décision de justice. Cette décision de justice doit être communiquée au préalable aux autorités judiciaires de l’autre partie, au cas où le navire arraisonné serait enregistré dans ce pays.

Article 2.4 : de la circulation des navires de guerre
La circulation des navires de guerre est autorisée en mer sauf dans la zone maritime souveraine de chaque partie, sauf autorisation préalable. Avant de pénétrer dans la zone souveraine de l’autre Etat, un navire de guerre doit s’assurer que cet accès ne lui est pas défendu.

Article 3 : de la pêche

Article 3.1 : des licences de pêche
L’Azur et l'Alguarena conviennent d’autoriser les navires de pêche de l’autre partie à circuler dans les eaux qu’ils considèrent relever de leur souveraineté. Seuls sont autorisés à se livrer à la pêche halieutique les navires disposant d’une licence octroyée par le ministère de la mer de l’Etat souverain.

Article 3.2 : de la définition des licences de pêche
Une licence de pêche est octroyée individuellement pour chaque navire et précise le tonnage maximum prélevable dans les eaux souveraines du pays émetteur, pour chaque espèce de poisson. Ce tonnage maximum doit être défini en lien avec le ou les autres pays selon les dispositions des articles suivants.

Article 3.3 : de la gestion des ressources halieutiques
Afin d’éviter la surexploitation de la ressource halieutique préjudiciable à l’ensemble des Etats ouverts sur la mer, les Etats parties au présent accord s’engagent à coopérer pour se transmettre l’ensemble des données océanographiques afin de suivre l’évolution des bancs de poisson, la qualité chimique des eaux, et l’état général de la faune et de la flore sous-marine.

Article 4 : de la conservation des écosystèmes marins

Article 4.1 : de la coopération entre instituts d’océanographies
Les autorités scientifiques dédiées au suivi des écosystèmes marins des deux pays s’engagent à collaborer et à transmettre leurs découvertes et données sans conditions.

Article 4.2 : de l’exploitation des ressources géologiques sous-marines
Etant constaté que les forages pétroliers, gaziers, et les autres activités d’extraction des ressources géologiques sous-marines engendrent des dégâts irréversibles sur la biodiversité et préjudiciables aux populations humaines riveraines, les parties signataires s'engagent à informer les Etats frontaliers des projets d'extraction sous-marine qu'elles envisagent au cas où sont avérés des risques.

Article 4.3 : des aires marines protégées
Les parties s'engagent à ne pas mener d'activités dans les aires de conservation marine. Ces régions sont à définir de manière consensuelle entre les parties. (Joindre une carte des aires de conservation marine le cas échéant).

Article 5 : de l’application de l’accord
Le présent accord entre en fonction à partir de la signature par les deux parties. Il pourra être révisé par concertation commune. La non-application d’un des articles de l’accord par l’une des parties rend l’ensemble de l’accord caduc. Il appartient seulement aux autorités judiciaires de caractériser un non-respect d’une des clauses de l’accord. L’Azur et l'Alguarena formulent ensemble le souhait que le présent accord soit respecté ou révisé s’il y a lieu de le faire, dans un esprit de coopération bienveillante et de considération pour les intérêts mutuels de l’autre partie.


— Non, véritablement ce sujet de la pêche est pour nous d'un ordre moins urgent que d'autres. J'aborde à présent la question de la sécurité. Effectivement, entre des partenaires sur la question des armements se pose le problème possible d'une contradiction future : et si nos deux pays venaient à utiliser l'un contre l'autre les moyens qu'ils ont partagé ? Permettez-moi, Excellences, Madame la Présidente Fédérale, d'exprimer la haute opinion que l'Azur se fait de nos relations bilatérales, et notre forte conviction qu'une telle situation est improbable. Cette conviction est justifiée par notre éloignement autant que par notre volonté d'indépendance, qui nous fait nous garder de toute alliance inconsidérée avec de potentiels adversaires de l'Alguarena. L'Azur ne recherche pas à se lier à un camp diplomatique et militaire, mais à être une voix libre et indépendante, à nouer des partenariats et de bonnes relations avec tous, et à se positionner en facilitateur de la diplomatie d'une manière impartiale. Dans cette vision, comment pourrions-nous aller à la confrontation avec l'Alguarena ? Sans langue de bois, il me semble que ce serait une entreprise bien folle de notre part...

Certains ne purent s'empêcher de sourire à la boutade.

— Vous avez donc mentionné la nécessité d'une acquisition graduelle et dans ce cas, Excellence, l'Azur se rangerait à cette condition. Elle est par ailleurs tout à fait compréhensible. En ce qui me concerne, ces garanties que je viens d'expliciter me semblent suffisantes à prouver la sincérité et le bien-fondé de nos échanges, mais c'est une question que nous pouvons encore aborder, bien sûr.

Mohammed Badie passa ensuite à la dernière partie de sa prise de parole.

— Je reviens un instant sur le sujet du "pôle afaréen" que nous avons mentionné. Je suis déjà heureux que vos Excellences n'y voient aucun inconvénient de principe et se sentent disposées à accompagner non seulement l'Azur, mais encore l'ensemble des partenaires continentaux, vers ce projet dont les contours demeurent flous. Un soutien de votre part pourrait être sollicité, à mon sens, pour convaincre certains acteurs locaux du bien-fondé de cette entreprise et de l'approbation de la première puissance mondiale pour aller dans cette direction ; mais pour l'instant nous sommes trop loin d'un projet concret pour que cela soit nécessaire. Si vous l'admettez, l'Azur pourra solliciter à nouveau l'Alguarena sur cette question. Il est en revanche un point sur lequel la Fédération pourrait avoir un impact positif décisif...

Les Azuréens se concertèrent du regard avant d'aborder le sujet.

— Ce point concerne le Gondo. Comme vous le savez, l'Azur est engagé, en tant que médiateur, dans un travail diplomatique complexe, qui n'avance qu'à petits pas. A ce stade, nous avons proposé à certains acteurs directement impliqués sur le terrain, dont, en toute transparence : le Président du Gondo, l'ensemble des forces rebelles, le Grand-Kah, la Clovanie, Teyla et éventuellement l'Althaj et le Banairah, de se joindre à nous pour discuter d'un Plan de Paix qui serait proposé aux protagonistes. Puisque ceux-ci n'arrivent pas à convenir du principe même de négocier, nous leur faciliterions la tâche en proposant une solution de manière proactive. C'est un travail que nous allons commencer... Certes, nous ne proposons pas explicitement à vos Excellences de rejoindre ce projet, bien que nous y serions tout à fait disposés si vous en émettez le besoin. En revanche, après avoir accompli quelques pas dans cette direction, nous aurons sans aucun doute besoin de l'Alguarena pour soutenir cette solution à laquelle — du moins nous l'espérons — nous serons parvenus. Ce soutien pourrait être diplomatique — en signant le texte proposé, s'il vous convient en principe — ou matériel — par la livraison de produits nécessaires aux populations civiles par exemple. Il est trop tôt à ce stade pour anticiper la manière dont nous présenterons un Plan de Paix, mais nous aurons à coup sûr besoin du soutien de l'Alguarena pour avancer dans cette voie. Je l'argumente a fortiori pour porter à votre connaissance que la guerre civile au Gondo, telle qu'elle se déroule actuellement sans espoir de résolution en-dehors de ce projet, risque de mener à la victoire de nouveaux impérialismes ou bien de régimes idéologiques ; ce qui, je crois, n'est dans l'intérêt de personne.
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ASERJUCO le 15 janvier 2016


Palais présidentielle
Réception au palais présidentiel.


Dans l’immense salle du palais présidentiel aux teintes ivoires, un silence presque palpable s’installait après la déclaration de Mohammed Badie, rapidement édulcoré par les sourires de convenance entretenue par la délégation alguarena. A l'arrêt du discours du Calife, les regards se tournèrent vers Mazeri Abrogara qui finissait de prendre connaissance des éléments de langage de son homologue au travers d'un traducteur.

Les mains croisées devant elle, elle hocha ostensiblement la tête à mesure que les finitions en traduction se faisaient. Malgré l'histoire du bâtiment, un filet de climatisation perceptible dans l'air ne tarda pas à trahir la modernité des lieux, paraissant suspendre du même fait, la charge politique qui gravitait autour des deux dirigeants. Au moment où la scène paraissait figée, et les horloges chargées de donner le timing à cette rencontre paraissaient suspendues, les seuls bourdonnement des appareils électroniques autour de la table rectangulaire trahissait le cours normal du temps. La présidente fédérale Mazeri Abrogara ne parlait pas encore qu'elle veillait pour autant à ne pas offrir à son interlocuteur un "silence vide", sa respiration marquant à sa manière un début de réponse et d'interprétation aux propos qui lui étaient soumis. Une force contenue, calculée et présentée de façon théâtrale, où chaque seconde où elle se gardait de parler pesait tout aussi lourd que tout discours enflammé auxquels s'adonnent volontiers les plus populistes des dirigeants.



Présidente fédérale Mazeri Abrogara
Mazeri Abrogara
Mazeri Abrigara, Présidente de la Fédération d’Alguarena.


"Votre éminence, je commencerai par saluer la clarté et la hauteur de votre propos, l’exercice diplomatique que nous menons ici aujourd’hui n’a d’autres ambitions que celle d’ouvrir un sillage commun dans l’océan, entre Paltoterra et Afarée. Un sillage rendu souvent trouble, par la géopolitique et la volonté de polarisation faite à ce monde. Les pistes ou en tout cas les aspirations à la coopération entre Afarée et Paltoterra, font office de pierres angulaires, pour la coopération que nous avons l'espoir de voir se dessiner.

Sur le cas du Gondo, la Fédération d’Alguarena ne saurait ignorer la gravité de la situation. Si l’intention qui est la votre, est de devenir l’artisan d’une paix durable, nous nous ferons mais bien entendu l’écho de vos souhaits pour ce projet, mais entre nous, de vous à moi, chaque jour perdue à gérer un conflit, fait croître la tentation de la force pour ceux qui n’ont déjà plus foi dans les mots. Aussi, un engagement politique alguareno, s'il devait muer en autre chose, serait conditionné à la détermination d'un calendrier défini qui poserait cette trame linéraire :
  • Date de cessation des hostilités (cessation choisie ou subie). Avec l'instauration d'une trêve de 7 jours et des lignes de front établies, pour permettre la prise en charge des blessés, l'évacuation des civiles pris de cours par la guerre civile. Si des parties prenantes y sont fondamentalement contre, la Fédération d'Alguarena qui n'occuperait pas un rôle de premier plan dans ces négociations, pourraient ouvrir une troisième voie par des opérations clandestines et frappes stratégiques sur des dépôts de munitions, des bases arrières ou plateformes logistiques pour contraindre l'ensemble des parties prenantes à admettre la nécessité d'une trêve opérationnelle, autrement nommée trêve subie. Considérant nos facilités de déplaoiements sur place, sans maintien au sol de forces quelconques, le belligérant souhaitant poursuivre le conflit serait largement pénalisé.
  • Construction d'un accord de paix, par la formulation des conditions de départ de l'actuel dirigeant, négociation des conditions de retrait des forces étrangères non affiliées à la coalition.
  • Désarmement, démobilisation et réintégration des moyens militaires sur place. Relance de l'économie par la démobilisation progressive des forces non permanentes et recomposition d'une force étatique homogène pour garantir les droits élémentaires des citoyens gondolais.
  • Stabilisation et reconstruction du pays. En commençant notamment par rétablir le fonctionnement étatique et économique du pays, sécuriser les zones à risques dans le pays, reconstruire les infrastructures endommagées.
  • Et enfin, la phase dite de réconciliation où l'on s'attache à guérir les divisions sociales pour instaurer une paix durable. Cela passerait nécessairement par la mise en place de commissions "vérité" destinées à déterminer le narratif des évènements survenus dans le pays, juger de parts et d'autres les figures et personnalités publiques bloquant cette réconciliation, et susceptiblement à même de provoquer de nouveaux troubles, par l'existence d'un passif empreint de violences et de meurtres sur le territoire national.

Pour ce qui a trait au présent accord de coopération maritime, nous aimerions, sans le rejeter, considérer la formation de groupes de travail internationaux composés de scientifiques j'entends mais aussi d'experts économiques et sociologues. Il est effectivement nécessaire de penser au delà des positions de principes voulues par des mutations écologiques, en intégrant également les mutations économiques et culturelles qu'impliqueraient ce nouveau texte réglementaire, cette nouvelle source de droits et de devoirs. C'est qu'il n'y a pas que les poissons que nous nous devons de protéger, il y a également les ports, les familles et leurs traditions...

Là encore, nous aimons l'action et l'entrain donné à certains projets tels que ceux-ci, mais nous aimerions parallèlement pouvoir nourrir des leviers de réflexion et si nécessaire, de réécriture d'un commun accord des dispositions énoncées, si elles s'avéraient dommageables à certaines parties. C'est pourquoi et vous le comprenez sciemment, le projet d'acquisition des missiles balistiques par le Califat d'Azur oblige à un calendrier graduel, pendant lequel notre gouvernement aimerait connaître les conditions d'engagement d'un tel armement stratégique, ses conditions de stockage et déploiement. En effet, la Fédération d'Alguarena que je représente souhaiterait à terme nourrir une charte internationale autour de l'emploi et de l'utilisation des armements stratégiques, pour éviter l'usage irraisonné ou même des facilités d'accès à la technologies, aux états non désireux de formaliser des lignes rouges claires et non tacites, à l'emploi de frappes balistiques sur un état tiers. Quoiqu'il en soit et au terme de cette rencontre, je vais consentir à la livraison de la moitié des armements commandés, à savoir pas moins de vingt missiles balistiques. Outre cette donnée, la Fédération d'Alguarena met également un point d'honneur à ne pas dégarnir ses réserves stratégiques, considérant la perte de dissuasion qui pourrait en découler et la précipitation de situations conflictuelles, soit sur son sol, soit sur un sol étranger, compte tenu d'une absence de dissuasion ou de réponses immédiates que procureraient le tir de plusieurs centaines de missiles balistiques sur des infrastructures stratégiques."

15491
Le Khalife et son secrétaire échangèrent quelques paroles en arabe, avant que le souverain ne laisse son serviteur répondre à sa place. Mohammed Badie réajusta ses fines lunettes et consulta ses notes. Derrière leurs interlocuteurs reposaient des drapeaux de l'Alguarena et de ses États fédérés sur leur hampe. Ils brillaient comme de la soie, renforçant la solennité du palais calme et marbré. À l'extérieur, un soleil équatorial se déployait sur la mégalopole d'Aserjuco, dissimulée hors de la vue par des jardins et une enceinte sécurisée.
— Merci, Excellence, Madame la Présidente, pour ces points que vous avez énoncé. J'y répondrai dans le même ordre ; d'abord au sujet de l'assistance que l'Alguarena pourrait offrir à la résolution du problème gondolais, ensuite sur la question de la dimension sociale de la protection des mers, et enfin sur le dossier stratégique et militaire qui attire notre préoccupation mutuelle.

Le Secrétaire pris d'abord sous les yeux la proposition alguarenaise sur le Gondo. Désignant chaque ligne du bout de son stylo, il revint sur ses différentes étapes.

— Pour m'assurer d'avoir bien compris votre propos, je vais le reformuler ; Excellences, n'hésitez pas à m'interrompre. Ainsi, l'aide alguarenaise pour apporter la paix au Gondo serait conditionnée au respect de cinq grandes étapes, qui sont, en résumé ; Un, l'adoption d'une trêve générale et inconditionnelle par tous les belligérants, si besoin en imposant un état de fait par l'intervention militaire d'une coalition de Nations dont l'Alguarena pourrait faire partie ; dans cette hypothèse, l'Alguarena pourrait participer matériellement aux démonstrations tactiques visant à assurer la soumission des parties prenantes au principe d'une trêve générale. Deux, la convocation des parties prenantes pour la négociation d'un nouvel accord de paix, incluant la détermination des conditions de transformation constitutionnelle et de passation du pouvoir du régime actuel à un gouvernement provisoire ; à ce moment-là, les forces internationales de la coalition assureraient la sécurité et la sincérité de la trêve diplomatique, toute force non partie à la coalition devant être expulsée du Gondo ; Trois, une phase de désarmement général des belligérants, qui devraient remettre leur armes au nouveau gouvernement constitutionnel, et passer à une action politique non-violente, par exemple en se structurant en partis ou associations politiques conformes à la nouvelle Constitution ; Quatre, une phase de reconstruction où, à notre avis, l'assistance financière, matérielle et économique de tous les pays sera nécessaire ; Cinq, une phase visant à restaurer la vérité et la justice sur les crimes de guerre, les entorses et les injustices commises pendant la guerre civile, de sorte qu'une réconciliation nationale soit possible et que les structures de la paix soient pérennisées après le retrait des forces internationales.

Mohammed Badie releva les yeux vers les membres de la délégation alguarenaise.

— Excellences, il s'agit là d'un Plan que l'Azur tient à saluer, et qui est conforme à l'impératif d'impartialité et de service rendu au peuple gondolais et à la stabilité régionale. Il n'y a rien là qui attire formellement une quelconque remarque négative de notre part ; au contraire, nous sommes enchantés de constater que l'Alguarena et l'Azur partagent un même état d'esprit, consistant en une approche impartiale et centrée sur l'objectif ultime d'assurer la paix sur le terrain. Ainsi, l'Azur souhaite véritablement que les étapes que vous avez listées soient bientôt rendues possibles. Néanmoins, les conditions de sa réalisation ne sont pas encore réunies.

Il se pencha vers le Calife pour échanger quelques mots, puis continua son propos.

— Deux faits en sont la cause. D'abord, il y a l'absence de volonté manifeste des belligérants de conclure une trêve pour mettre fin aux souffrances de leur pays ; chacun se figurant pouvoir remporter la suprématie totale par les armes... Une telle attitude promet un prolongement sans fin de cette guerre civile, et elle est surtout une attitude pleine de mépris pour les efforts des Etats internationaux qui s'activent en faveur de la paix. Cette attitude est celle du gouvernement actuel, et du Président Flavier-Bolwou en particulier, qui l'a déclaré tel quel en public après la Déclaration pour la paix au Gondo signée par plus de trente-trois Etats. Le camp présidentiel a rejeté cet appel à une trêve pour de nouvelles négociations. Les rebelles, eux, ont fait valoir une position plus positive, l'Armée Démocratique et le Mouvement de Libération Likra ayant confirmé officieusement leur intention de prendre contact les uns avec les autres. La situation est donc claire-obscure. Plutôt obscure du côté du gouvernement central, plutôt claire du côté des rebelles, bien que les détails concrets de ce dialogue entre les deux groupes insurgés ne soient pas encore connus ; ceux-ci ont listé des doléances communes, mais les détails de l'application de leur volonté commune de ne pas s'opposer l'un à l'autre ne sont pas connus. Par ailleurs, le M.L.L. est actuellement aux prises avec l'armée présidentielle dans la région centre-est, et l'issue de ces combats est encore complètement incertaine. Le moment n'est donc pas encore propice pour savoir si une trêve est possible, ou en tous cas, pour savoir sur qui se reposer afin de l'imposer.

Car c'est là le point essentiel ; afin de dérouler les cinq phases du plan alguarenais, la trêve est nécessaire, et pour cela il est question d'une intervention militaire internationale afin de frapper les réservoirs de munitions et de contraindre les parties à s'entendre. C'est effectivement l'idée qui se dessine, mais il semble à Son Altesse que les conditions n'en sont pas encore réunies. C'est là le deuxième fait : les pays qui souhaitent la paix au Gondo n'ont pas encore harmonisé leur discours et leur volonté d'aller vers cette solution. L'Azur a échangé étroitement sur cette question avec le Royaume de Teyla, proche de la Clovanie qui a des troupes au sol côté loyaliste et des intérêts militaires manifestes dans le conflit, ainsi qu'avec le Grand-Kah, plutôt favorable à un appui aux rebelles, et qui a déployé sa flotte de guerre au large du Gondo pour assurer la sécurité des voies commerciales ; ces bâtiments n'ont pour l'instant été engagés en combat réel que pour intercepter une force antegraine qui se dirigeait vers le Gondo pour prendre en tenaille les rebelles du M.L.L. Le Grand-Kah a également dissuadé l'Ouwanlinda de lancer une offensive — idée absurde du fou qui dirige aujourd'hui ce pays — contre Sainte-Loublance. Par ailleurs une conférence afaréenne s'apprête à aborder le sujet du Gondo... Bref, comme vous le comprenez, il y a là un véritable sac de noeuds, un nid à serpents entre les différents Etats. Par le dialogue, l'Azur souhaite faciliter leur harmonisation, car nous croyons profondément que tous les pays sincères, Afaréens et autres, ont intérêt à s'entendre sur le sujet, et que des désaccords mineurs peuvent être mis de côté pour avancer sur une solution réellement profitable et rassurante pour tous. Ce dialogue continue aujourd'hui. C'est dans ce contexte que nous vous sollicitons d'ailleurs, afin de vous proposer de rejoindre le groupe d'Etats qui, ayant certes des identités et des points de vue divers, souhaite mettre ces désaccords de côté pour avancer sur une solution réaliste et constructive.

Pour être très clair, je considère que votre Plan est de nature à rassurer nos partenaires, et que ceux-ci pourraient aussi y trouver leur compte. C'est pourquoi l'Azur serait en mesure de le défendre et de l'argumenter, et ainsi, je suis sûr que nous pourrions parvenir, avec les Etats afaréens, Teyla, le Grand-Kah, et d'autres partenaires éventuels, à articuler un discours commun pour mettre en oeuvre la Paix. Afin d'avancer dans cette direction, l'Azur avait proposé de mettre en place un Working group de ces pays, afin de réunir un Fonds de reconstruction pour le Gondo (en points internationaux), fonds qui serait livré au gouvernement constitutionnel résultant du processus que vous avez tracé. Ce working group, cette task force, serait sans doute appelée à s'unir pour contraindre les récalcitrants à une trêve. Il m'apparaît l'hypothèse que nous pourrions ainsi débloquer la première phase du plan que vous avez suggéré, soit par acceptation volontaire des parties à s'entendre, soit en procédant à une intervention matérielle pour les y inciter.

Dans l'hypothèse d'une intervention visant à contraindre les belligérants, il apparaît absolument nécessaire que les Etats du monde que j'ai cité agissent dans le respect d'un cadre établi collectivement, et ainsi, que les noeuds aient été dénoués entre eux au préalable s'il en existe. Cela nous donnera de la force, et nous assurera qu'aucune tension inutile et contre-productive n'émergerait. Au contraire, ce serait ajouter à l'honneur et au prestige des membres de la coalition que d'agir ensemble pour une solution concrète au Gondo. En conclusion, je propose que l'Azur et l'Alguarena se joignent au plan que vous avez cité, dans la mesure où nous parvenons à convaincre les Etats potentiellement partenaires à travailler avec nous au préalable.

— À présent, je passe au deuxième point. Celui-ci touche, selon mon interprétation, à l'article 4 de notre proposition d'accord maritime, touchant à la conservation des écosystèmes. Il pourrait être rajouté, dans le titre de l'article, ainsi qu'à l'article 4.1, la mention de "la protection des habitats et des traditions des populations côtières". Parmi les autorités scientifiques, pourraient se trouver, ainsi que vous l'avez proposé, des sociologues et des géographes ; ainsi le suivi mutuel de la santé de ces régions, tel que nous le prévoyons, incluerait une dimension sociale, par exemple en ce qui concerne le développement économique profitable à ces populations et à leurs équilibres traditionnels.

— Enfin, j'aborde le troisième point, qui touche à un enjeu central pour nous, à savoir l'acquisition d'une capacité de dissuasion pour assurer la sécurité de nos frontières. Son Altesse Sémillante entend tout à fait vos arguments et reconnaît parfaitement la nécessité, pour l'Alguarena, de veiller à ses propres capacités de dissuasion ; en ce sens, 20 unités balistiques en livraison immédiate est une disposition que nous sommes prêts à accepter. Les 20 unités restantes seraient à livrer plus tard ; c'est entendu. Puisqu'il en serait ainsi, le Diwan voudrait tout d'abord savoir s'il était possible d'ajouter encore 20 unités à la commande, portant à 40 le nombre de missiles qui seraient transférés plus tard, et à 60 le nombre total de têtes acquises, pour une somme qui s'élèverait donc non plus à 72'000 points monétaires internationaux, mais à 108'000 points. Nous proposons de les acquérir par tranche, payant chaque tranche à l'avance ; ainsi, nous pouvons verser aujourd'hui 36'000 points pour la livraison immédiate de la première tranche, et ceci étant réalisé, 36'000 autres points par avance de la seconde tranche. À l'issue de cette livraison, nous paierions les derniers 36'000 points avant la livraison de la troisième tranche de la commande, les vingt derniers missiles. Est-ce qu'un tel contrat vous conviendrait ? Quel calendrier de livraison envisageriez-vous pour chacune des tranches des 60 missiles que l'Azur souhaite acquérir ?

En effet, il est question à travers cette transaction de renforcer notre dissuasion. En ce sens vous avez tout à fait raison d'interroger la doctrine d'usage de ces armes, car ce sont de redoutables outils qui, placés en de mauvaises mains, apporteraient incertitudes, craintes et probables destructions. L'Alguarena a raison d'assurer le bien-fondé de cette transaction ; nous en ferions de même à votre place. En ce sens, Madame la Présidente Fédérale, je me dois de vous apporter une réponse aussi claire que possible.

Le point essentiel de la doctrine militaire de l'Azur en ce qui concerne l'armement balistique est la dissuasion. Celle-ci fera bientôt l'objet d'une loi afférente que tous pourrons consulter, et qui apportera la force du texte écrit aux mots que je vous livre ici. Les détails varient selon les points de vue des parlementaires, mais le caractère dissuasif de cet arsenal fait l'unanimité. Par dissuasif, j'entends que l'Azur exclue un usage tactique des missiles à très longue portée (technologie supérieure à 5), dont la puissance destructrice est considérable. De telles armes ne seraient d'aucun secours sur le champ de bataille ; ce sont des instruments pour anéantir les infrastructures. En ce sens, l'Azur, qui n'a aucune intention maudite, n'envisage une telle sanction qu'en réponse à une agression contre ses intérêts vitaux. La possibilité d'une frappe balistique massive en représailles dissuadera à coup sûr ceux qui voudraient s'en prendre à nos intérêts vitaux ; s'ils passaient à l'acte, nous répliquerions dans des proportions considérables.

Cette doctrine (hrp : la doctrine nucléaire française — même si les MB ne sont pas nucléaires) fait que notre armement ne saurait être une menace pour nos voisins, étant donné que ceux-ci n'ont pas d'animosité à notre égard. Elle serait un bouclier contre tout Etat inconséquent, et nous permettrait ainsi d'éviter que des puissances mal intentionnées nous cherchent des poux dans la tête en-dehors des canaux diplomatiques. Mais ce serait, en toute hypothèse, un bouclier et non un outil offensif dont nous nous servirions pour aller je ne sais où, à la recherche de la destruction générale. J'attire votre attention sur le fait que cette doctrine est pensée en raison de notre relative petitesse sur la scène internationale. Nous n'avons pas les moyens d'entretenir une armée de terre et une flotte de guerre immenses au point que nos muscles d'acier permettraient de contrecarrer les acteurs qui évoluent dans l'océan des intérêts. Plutôt que de mener une course insensée aux armements offensifs, nous priorisons ce bouclier. Que ferions-nous de milliers de chars et de bombardiers, quand nous n'avons aucune intention de nous en servir pour envahir des régions ? Nos forces conventionnelles sont de bien piètre niveau par rapport aux armées des Etats avec lesquels nous travaillons et contre lesquels nous voulons assurer notre protection éventuelle. Elles ne visent qu'à assurer notre sécurité territoriale, mais nous n'avons pas le temps et le désir de constituer des forces considérables capables de tenir toute la région. J'espère, Excellence, que vous aurez compris qu'à travers cette transaction, vous ne mettriez personne en danger, mais renforceriez l'indépendance et la paix de l'Azur. J'ajoute que notre doctrine est particulièrement sécurisante pour nos voisins, qui constatent que notre effort militaire ne se dirige nullement vers les outils qui permettent réellement l'occupation d'un territoire : chars, camions, transporteurs de troupes ; nos voisins ont donc d'autant moins de raison de craindre une quelconque agression de notre part.

En l'état, sur les questions techniques liées à ces missiles, il semble que l'Azur se dirige vers un stock situé sur le territoire national, avec des pas de tirs disséminés sur le territoire. L'acquisition de sous-marins lance-missiles nous permettra d'équiper des missions de routine ; il faut en effet, pour que la dissuasion soit totale, que nous soyons en mesure de frapper un éventuel agresseur directement chez lui, quel que soit sa position sur le globe. En cas d'attaque sur nos intérêts vitaux, que ferions-nous ? Cela reste à définir précisément, mais l'essentiel de notre doctrine consiste à privilégier les cibles militaires, en frappant de manière subite les centres de commandement de l'adversaire afin de désorganiser irréversiblement son appareil militaire et ainsi rendre tout à fait inutile l'idée de s'en prendre à nous. Tels l'abeille, nous piquerions en une fois, entraînant l'ennemi dans la ruine immédiate.

C'est de cette sévérité que notre dissuasion sera forte et que nous n'aurons donc aucune raison de l'employer. Plus le risque sera grand pour un adversaire, moins la probabilité qu'une guerre n'éclate sera forte. En transmettant des missiles de haute capacité à l'Azur, vous travaillez ainsi, pour ainsi dire, à un monde plus sûr, plus stable et plus pacifique, en assurant la sécurité d'un pays.

— En ultime conclusion, permettez-moi de dire l'enthousiasme du Diwan pour votre idée d'encadrement des règles d'usages des missiles balistiques, qui tombe tout à fait dans notre vision des choses, et pour laquelle nous sommes prêt à apporter le soutien que vous jugeriez utile. Il est en effet grand temps de mettre des règles dans la course internationale aux armements et de garantir les populations contre un usage effréné de telles armes ! Vous avez notre plein soutien pour cela et nous avons des propositions à faire en ce sens. Par ailleurs, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que la réglementation de l'usage d'armes de "destruction massive" (massive dans la mesure où les missiles balistiques ont la puissance de détruire et désorganiser profondément les réseaux dont dépendent les populations) est aussi notre préoccupation. L'Azur est notamment très préoccupé par la question des mines. Les mines, navales ou anti-personnel, font des ravages parmi les innocents qui, du simple fait du hasard, sont mortellement frappés, de manière aveugle et hideuse. On le voit au Gondo, on l'a vu lors du naufrage d'un chalutier burujoais sur une mine listonienne, et on le voit encore dans le détroit d'Icamie, où flottent encore de dangereuses armes silencieuses et aveugles, limitant le passage des navires. Ces armes doivent cesser de proliférer ! En ce sens nous sommes en plein dialogue avec nos amis du Burujoa pour lancer une initiative visant à débarrasser le monde des mines terrestres et maritimes ; peut-être y a-t-il des ponts à trouver avec votre propre idée de règlement de l'usage des armes balistiques ? Peut-être sommes-nous face à un potentiel accord international pour rendre notre monde plus sûr, en légiférant enfin sur les armes ?
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ASERJUCO le 15 janvier 2016


Palais présidentielle
Réception au palais présidentiel.


Et tandis qu’ils se trouvaient dans la salle de réception, vouée à se faire une immensité à mesure que les conseillers diplomatiques alguarenos se mettaient en retrait du trio incarné par Mazeri Abrogara, le Calife et Mohammed Badie, le discours prononcé par ce dernier s'éteignait pu à peu, engageant la réponse alguarena.

"Avant toutes choses, je voudrais d’emblée vous partager ma reconnaissance des plus amicales envers la netteté et la profondeur de vos propos, inscrits au profit du Califat d'Azur et qui, à n'en pas douter, lui font honneur. Le présent échange dont vous nous gratifiez est une solide passerelle entre nos deux continents Afarée et Paltoterra dans un contexte international où la coopération entre les pays doit se faire la règle, l'impérieuse nécessité, en lieu et place des divisions et des potentats qui observent l'actuel Gondo comme un théâtre d'expression égocentré, pour une influence mise au service d'une ère où les organisations internationales perdent en influence et où chaque acteur international se sent l'âme de faire cavalier seul pour fonder l'incarnation de nouveaux piliers idéologiques et les projeter dans des régions préalablement fragilisées autour d'un passif colonial et national déjà rendu bien douloureux...

Pour ce qui a trait aux conditions d'engagement de l'Alguarena autour de la question du Gondo, votre lecture faite à mon propos ne souffre d'aucun hors piste. La Fédération d'Alguarena peut décemment participer à chaque étape décrite mais elle ne saurait s'engager dans un processus dont le cheminement logique à celui énoncé ne saurait être le même.

La possibilité qu'un ou plusieurs belligérant décline la volonté d'une trêve est une donnée qui a, vous l'avez compris, déjà pu être considérée lors de ma précédente intervention. Une option qui nous a invité à vous soumettre un engagement plus affirmé de l'Alguarena, en vue de contraindre à la trêve par une réduction des capacités militaires des parties prenantes. Fermer l'espace aérien, fermer l'espace maritime gondolais au travers d'un groupement naval dont l'Azur et l'Alguarena ont déjà simultanément exprimé la volonté et la capacité à le faire, est une voie laissée ouverte.

Si en dépit de toute avancée concrète quant à la méthode exposée, vous pensez celle-ci à même de rassurer vos partenaires dans la nécessité pour eux de s'investir pleinement. Faite-leur savoir. Faite leur savoir qu'avant même d'envisager la présence d'une seule douille alguarena sur le sol gondolais, la Fédération entend travailler des moyens de coercition qui n'implique pas la présence d'une force militaire d'occupation.

Quoiqu'il en soit, la Fédération aime entendre l'idée que les parties prenantes internationales n'ont d'autres intérêts que la paix pérenne au Gondo et elle entend à cette fin, se vouloir indistinctement et auprès de chacun, une force de proposition à même d'investir le plus grand nombre de partenaires, dans le tarissement des moyens militaires présents sur zone... Concernant la crise du Gondo, l’Alguarena partage bien entendu votre désir d’établir une paix durable, ce qui nous amène à souhaiter faire progresser les discussions au-delà de l’impuissance actuelle...

L'Alguarena est prête à participer activement à l’établissement d’un calendrier précis marquant d’abord la cessation rapide des hostilités, qu’elle soit volontaire ou imposée. En l’absence d’accord, elle est prête à procéder plus énergiquement à des opérations ciblées et clandestines, sans effet de présence prolongée sur le terrain, dans un but pardonnez moi par avance le terme, quasi ludique, afin de montrer qu’il sera désastreux pour toutes les parties de continuer la guerre et provoquer son enlisement, par la tenue d'opérations spéciales visant à la destruction de dépôts, la reconnaissance tactique sur zone, la neutralisation de leaders.

La deuxième étape consisterait ensuite à négocier identifier de nouveaux interlocuteurs en quête d'une légitimité auprès de leur faction, pour discuter les termes du retrait des forces étrangères et de leur soutien logistique, pour l'installation d'un cordon de maintien de la paix distinctif des forces armées préalablement sur place et désengagé des enjeux économiques liés aux futures élections présidentielles. Dans le même temps, il conviendrait de désarmer progressivement les différentes factions de combat pour mieux les intégrer dans une armée nationale unifiée, qui respecte le droit, la souveraineté et les institutions nationales de ce pays en mutation.

Pour en revenir à des considération plus nationales et le projet d'accord maritime qui nous lierait à vous. La possibilité donnée à l'intégration de considérations faites aux traditions des populations côtières est un engagement des plus souhaitables. Le lobby des pêcheurs et pisciculteurs est assez marqué en Alguarena, et les réglementations données quant à l'aménagement ou l'exploitation des ressources océaniques, souffre d'une double lecture au niveau fédéral, à même de chambouler le quotidien de la vie économique et sociale du pays, en différents endroits régis par notre relation à la mer et aux conventions internationales engagées, engageantes... Politiquement parlant, mon gouvernement aura peine à faire vivre les engagements relatifs à cet accord s'il n'est pas admis de la population qu'il respecte les intérêts économiques des partis prenantes entourant celui-ci. Notre capacité à nourrir des objectifs affichés autour de la protection des habitats et des traditions socioéconomiques des populations côtières, indique selon nous et toute vraisemblance, la bonne voie à suivre pour ne jamais délier les enjeux environnementaux, aux intérêts socioéconomiques des populations rendues dépendantes des activités océaniques..."


Sur le prochain sujet à venir, relatif au projet d'acquisition d'un arsenal balistique en Azur, les membres de la Fédération d'Alguarena observaient Mazeri Abrogara avec une forme de circonspection, considérant les sujets sous-jacents à celui-ci, relatif à la souveraineté nationale d'Azur, l'entretien d'une réserve balistique stratégique en Alguarena, les protocoles de désignation des cibles, etc... La dirigeante, transformée en l'image d'une femme austère et digne, s’accordait à la solennité du moment, voilée d’une sombre tenue, de celle qu'on porte sans le savoir pendant ce que l'on considérera plus tard comme un instant clé de la politique internationale et des conventions (ne serait-ce que morales) en vigueur. Peut-on légitimement créer des puissances balistiques autonomes, souveraines, destructrices? Quelle lecture donner à ces critères prédéterminants, pour la mise en place d'un tel transfert d'armements, d'un tel transfert de compétences même, considérant les limitations actuelles pour qu'un Etat puisse se faire, hors acquisition d'armements, une puissance balistique notable.

Il y eut un instant de silence qui enveloppa la petite assemblée des officiels. Au milieu d’elle se tenait la délégation azuréenne, portée par Mohammed Badie, lui-même trop bien habillé, la tête apparemment trop haute, les lunettes affranchies et redressées, le corps figé, mais l’œil vif, dédié aux prochaines prises de paroles de son interlocutrice alguarena. Un instant la présidente fédérale fixa les drapeaux et le flottement donné à eux, marquant sa réflexion et initiant sa pensée, sans un quelconque document ou prises de notes supplémentaires.

"En ce qui concerne le projet d'acquisition des missiles balistiques par le Califat constitutionnel d'Azur, il est peu de choses de remercier le sérieux et la volonté de transparence exprimés par le Califat, tant celui-ci est manifeste et donné à chacun de vos propos. Le dossier du Gondo en étant un énième exemple récent. Là encore, le programme d'acquisition des missiles balistiques exprimé par le Califat jouira d'un soutien plein et entier de la Fédération d'Alguarena et il n'est ici que question de définir les conditions dans lesquelles cette transaction se déroulera. Sur la quantité, vous l'avez dit, qu'il soit question de quarante ou soixante missiles balistiques, la donnée importe peu et ne conditionne pas la réussite d'une opération militaire offensive en territoire étranger. Aussi, la seule donnée entrant en compte pour l'arbitrage est ici notre capacité à justifier de réserves stratégiques suffisantes pour nous faire dissuasif, en l'absence de ces soixante missiles balistiques, ce qui est le cas, entendons-nous.

Notre capacité à vous faire parvenir :
  • 20 missiles balistiques janvier 2016,
  • 40 autres en juillet 2016,
ne souffre par conséquent d'aucun tabou, d'aucun propos dommageables à nos aspirations, que nous souhaitons continuer de vouloir communes à nos deux pays. La simple amorce donnée à un travail de groupe autour des garanties d'emploi et des conditions d'utilisation des armes balistiques, suffit à nous motiver dans la délivrance des autorisations administratives relatives à une telle acquisition. Nous laisserons à vos bons soins, l'initiative de contacter nos industriels pour contractualiser cette commande additionnelle...
Si les doctrines nationales sont des garanties que la Fédération ne saurait remettre en cause ou même juger, elles n'en demeurent pas moins mouvantes et déconnectées des engagements pris auprès de partenaires étrangers. C'est pourquoi, en sus de ces lignes rouges édictées sur un plan national et propre à chaque état, notre Fédération se permet d'appuyer la réalisation d'une Charte internationale, sur laquelle chaque état pourra se faire signataires et qui conditionnent les mesures à l'acquisition et à l'emploi de ces armements stratégiques.

S'il m'est encore tôt pour rédiger une vision complète d'un tel document, alimenté au fil de l'eau par nos présentes discussions, il m'est néanmoins permis de souligner, au travers d'une note diplomatique, plusieurs éléments:

Contenu envisagé pour la Charte a écrit :
  • la rédaction d'une Charte, engageant l'éthique et l'honneur de son signataire autour de conditions rendues claires et immuables sur la seule base de cette Charte,
  • QUALIFICATION ET DESIGNATION DU CADRE D'EXECUTION : la désignation des armes dites stratégiques et celles identifiées tactiques (hrp : les missiles inférieurs au LVL5 pour armement tactique et supérieur stratégiques me convient bien, l'OTAN décrit une lecture identique en ligne),
  • CONDITIONS D'EMPLOI : affirmation du principe de dissuasion, l'emploi d'un armement stratégique, hors armements tactiques, n'est prévu qu'en stricte réponse à un acte de belligérance, lui-même formalisé par une frappe balistique ou une invasion terrestre hostile subie. Les engagements pris, autour d'un emploi défensif des armements stratégiques ne sont valables qu'auprès des autres états signataires de la présente Charte. L'emploi d'armements stratégiques contre un état non signataire de la présente Charte ne souffre d'aucune restriction,
  • CONDITIONS D'EMPLOI AU PROFIT D'UN TIERS : si un état signataire du présent traité, souhaite faire l'emploi d'armements stratégiques dans la défense d'un état tiers, justifiant d'une frappe balistique ou d'une agression militaire subie, les deux se doivent d'être signataires du présent document,
  • VENTE INTERNATIONALE D'ARMEMENTS STRATEGIQUES: La vente et la fourniture d'armements stratégiques que sont les missiles balistiques par un état signataire, est conditionnée à la ratification de la présente Charte par son acquéreur, ceci afin d'éviter toute guerre par procuration, visant à fournir des armements stratégiques à un état tiers dont il pourrait faire librement l'usage, au détriment des valeurs prônées dans la présente réflexion collective. En conséquence, aucune vente d'armements stratégiques ne saurait être autorisée sans avoir préalablement formalisé l'adhésion à cette Charte, des Etats souhaitant s'en faire l'acquéreur.

Après ces éléments, voyez-vous d’autres points qui vous apparaitraient pertinent de renseigner?

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L'échange avec la Présidente Fédérale avait été très productif. Mazeri Abrogara, qui terminait son long mandat à la tête de la première puissance mondiale, était une personne mesurée, prudente, qui ne revenait pas sur sa parole. En même temps, l'écrin de tranquillité formé par le palais et ses jardins tropicaux au milieu de la mégalopole d'Aserjuco étaient un lieu propice pour comprendre le fonctionnement de l'Alguarena en tant que puissance. L'attitude réservée des dirigeants, polis mais peu enclins à la dissertation, était une façade ; ils avaient en réalité une compréhension aiguë des enjeux et une pensée stratégique articulée. Pour l'Azur, comprendre la mentalité alguarenaise était l'un des enjeux cruciaux de la réunion, au-delà de tout accord à signer ; cela avait été aussi au centre des réunions diplomatiques précédentes, tenues avec les autorités communalistes du Grand-Kah, la petite république de Caribeña, et bientôt avec des pays comme l'Icamie et Sylva. Bien que toutes ces nations appartiennent à la sphère paltoterrane, du dit Nouveau Monde, chacune avait ses spécificités. Muhammad Badie échangea un regard avec le Calife, qui observait et écoutait l'échange sans trop y prendre part, laissant à son second le soin d'assumer les propositions azuréennes face à Abrogara. Contrairement à ce que certains auraient cru, l'Alguarena n'était donc pas fermée à l'idée d'architectures réglementaires globales. En effet, le gouvernement fédéral s'était montré tout à fait intéressé à contribuer à la solution internationale pour le Gondo, et c'était de son initiative qu'on discutait à présent du projet de convention internationale sur les armes balistiques. Pourtant, l'Alguarena n'était pas un moteur identifié du multilatéralisme ; ainsi, certains avaient critiqué les projets de l'Azur pour accroître le multilatéralisme, jugeant cette idée utopique. La question se posait alors en ces termes : comment susciter l'intérêt de la première puissance mondiale pour une approche collégiale des problématiques mondiales ?

En écoutant le ton calme et ferme de la Présidente Abrogara, le Calife médita sur la possibilité d'un accomplissement discret de cette réunion : celui de voir l'Alguarena basculer du côté des Etats favorables à un changement de lignes dans l'organisation générale du monde. L'Azur, en effet, commençait à identifier deux tendances parmi ses partenaires ; ceux qui, comme le Burujoa, le Grand-Kah ou encore la Poëtoscovie, étaient ouverts et enthousiastes à l'idée de renforcer la sécurité mondiale par de nouveaux accords globaux, basés non pas sur des logiques d'alliance ou d'homogénéité idéologique, mais sur une approche concrète et universelle des problèmes ; ainsi, les traités sur la mer avancés par l'Azur trouvaient auprès de ces acteurs un écho favorable, pas forcément dans les détails de leur mouture, mais au moins dans leur principe. L'Alguarena, une très grande puissance maritime étant donné sa nature archipélagique, y consentait également avec des points de vigilance ; mais cela était-il suffisant à en faire un partenaire motivé pour élargir l'horizon du règlement maritime ?

L'autre tendance était celle du repli et de la puissance de fait. Des Etats comme la Serenissima Fortuna, le Jashuria, le Wanmiri dans une moindre mesure, ou encore la tentaculaire république de Velsna, demeuraient profondément sceptiques quant au principe de travailler de manière transversale et collégiale à des règles mondiales communes, que ce soit sur les questions maritimes ou d'autres questions. Certains de ces Etats pratiquaient une forme de mauvaise foi pragmatique, considérant qu'ils avaient plus à gagner qu'à perdre en l'absence de règles et de plateforme mondiale, car ils étaient suffisamment forts pour s'imposer à leur voisinage. C'était aussi une attitude prudente bien compréhensible. Mais quelles qu'en soient les raisons, ces acteurs étaient réticents aux processus multilatéraux qui demandaient patience, effort, et optimisme, de part leur lenteur et la difficulté réelle qu'est la pratique de la collégialité.

Quelle serait l'attitude de l'Alguarena ? Il semblait se dégager que malgré les réserves apparentes de la Fédération, Mazeri Abrogara et son gouvernement étaient en fait assez ouverts au multilatéralisme, au point de proposer un nouveau chantier sur les armes balistiques à ce sujet. Bien sûr, il faudrait davantage de temps et de pratique diplomatique pour identifier si l'Alguarena voudrait élargir son périmètre à d'autres questions, et notamment la question visiblement localement sensible de la mer, mais l'Azur n'attendait pas de "oui" par principe. C'était au cas par cas qu'il fallait travailler sur les sujets évoqués ; et dans le cas présent, des perspectives s'ouvraient.

« Merci, Madame la Présidente Fédérale, pour vos propos. La clarté et la concision de cet échange facilitent autant notre bonne compréhension qu'elles rendent cet exercice particulièrement qualitatif. Au nom du Calife, je voudrais déjà nous féliciter d'avoir parcouru ce chemin avec vous. »

« Comme depuis le début de cet échange, j'aimerais vous répondre sur les trois points suivants : le Gondo, l'accord maritime et les questions militaires. Permettez-moi cependant de commencer par le volet maritime. »

« Madame la Présidente, je suis heureux de constater que l'ensemble de l'accord et son principe recueillent votre avis favorable, et il est extrêmement important pour nous de considérer le sujet hautement social, voir culturel ou identitaire, qu'est la pêche pour le peuple alguarenais. A bien vous écouter, je comprend que la révision de l'article 4.1 telle que nous la proposons convient à votre préoccupation de bien associer les questions sociales aux questions environnementales, car privilégier ces dernières au détriment des premières serait une erreur profonde. Dans ce cas, je comprends que l'accord tel qu'il existe semble vous convenir... ? Cependant nous sommes très attentifs à ce que les dispositions de cet accord soient cohérentes avec les aspirations profondes du peuple alguarenais ; en effet, si ce n'était pas le cas, l'ensemble de l'accord deviendrait une chose vaine. C'est évidemment ce que nous souhaitons éviter. C'est pourquoi je me permets d'ajouter quelques arguments, non pas à votre intention, mais à celle de la population alguarenaise et d'opposants éventuels à cet accord qu'on verrait comme limitatif pour le secteur halieutique national. D'abord, il me semble que cet accord établit des règles très protectrices pour un Etat, car elles lui donnent la souveraineté reconnue sur ses eaux côtières, lui permettant d'avoir toute légitimité pour se défendre contre des opérations économiques ou politiques préjudiciables aux populations côtières. Ensuite, il régule les activités de pêche dans les eaux étrangères en instituant des licences, ou permis de pêche, pour les navires. Il va de soit qu'un pays se sentant assailli par les navires de pêche étrangers pourra refuser de leur délivrer des licences ; ainsi, la souveraineté de l'Alguarena sur sa ressource halieutique est non seulement préservée, mais elle est renforcée par ce dispositif légal. Enfin, dans le cadre d'accords internationaux, les Etats ont toujours la possibilité de retirer leur signature ou de demander une révision des textes : cet accord maritime est donc réversible. En conclusion, il est très favorable à l'Alguarena. »

« Si ma compréhension est bonne, l'accord vous convient en l'état et pourrait donc être signé ? Si tel est bien le cas, nous y sommes prêts. A présent, je passe au sujet du Gondo. »

« Pour aller vite, l'Azur souscrit entièrement à vos propos, qui sont mesurés et conséquents. Nous sommes en phase sur la question. Dès lors, nous ne pourrons cependant avancer que dès que les factions gondolaises auront précisé leur position relative les unes par rapport aux autres. Il est en effet question de pourparlers secrets entre les différents groupes d'opposition. Nous en attendons beaucoup, car ils pourraient ouvrir la voie à une demande officielle de leur part pour l'aide internationale. C'est cette demande qui fonderait légitimement nos Etats à intervenir plus concrètement pour dérouler le plan de pacification du pays tel que nous l'avons évoqué. En ce sens, je sais que nous pourrons également compter sur le Grand-Kah, qui est également favorable à une solution internationale en faveur de l'alliance de l'opposition. Encore faut-il que cette alliance se caractérise. Dès que ce sera le cas, les Etats internationaux devraient alors se concerter pour mettre en place cette aide internationale à la pacification du pays. J'insiste sur le fait que l'Alguarena et l'Azur ont ici avancé sur des éléments articulés qui peuvent servir de base à un cadre international formel, de sorte que l'action internationale ne s'éloigne pas de ces directives. C'est ce cadre que nous défendrons auprès de nos partenaires pour qu'ils s'y attachent. Par ailleurs, l'Azur n'a pas vocation à mener l'intervention sur le terrain ; notre seul souci est de garantir que le périmètre d'action sera bien défini, et réalisé harmonieusement entre nous. »

« Je me permets là une parenthèse, car nous ne sommes pas indifférents à la question des relations diplomatiques entre le Grand-Kah et l'Alguarena. Naturellement, nous comprenons que ce sujet soit difficile, et c'est justement afin d'éviter tout problème que nous avons pris l'initiative de discuter avec les deux acteurs en bilatéral, en insistant toujours sur la nécessité d'harmonie dans le cadre d'un plan rigoureux pour le Gondo. Notre position personnelle est le souhait vif que ces deux grandes puissances du Nouveau-Monde, dotées l'une et l'autre de qualités différentes, pèsent du même côté dans la balance gondolaise, ainsi que sur d'autres sujets éventuels. Dans tous les cas, vous trouverez en l'Azur un ami impartial et soucieux de la paix. Je referme ici cette parenthèse. »

« Je viens à présent au sujet militaire. Tout d'abord, je peux dire au nom du Calife que nous trouvons la proposition que vous formulez-là équilibrée et conséquente, ce que nous apprécions beaucoup. Je comprends qu'elle comporte trois points :
(1) une nomenclature des armes balistiques ;
(2) une définition du périmètre légitime d'usage de ces armes, proscrivant donc tout usage en-dehors de ce périmètre par le Etats signataires ; que ce soit pour soi-même ou pour un tiers, par exemple un allié ;
(3) la disposition encadrant les transferts d'armes balistiques entre signataires, proscrivant tout transfert à un Etat non-signataire ;
et ces points s'appliquent dès la signature par un Etat. »

« L'Azur est ravi de constater l'avancée que représenterait un tel texte. Il nous paraît compliqué de transformer ce texte en accord bilatéral, mais en faire une charte internationale (nous aimons utiliser le terme de convention) lui donnerait toute sa puissance. Pour cela, il faudrait que nous soyons au moins trois pays, car c'est d'être au moins trois qui crée un groupe. Avez-vous en tête un Etat qui pourrait nous rejoindre sur ce plan ? Nous trouvons pertinent d'associer par exemple la Poëtoscovie et le Jashuria à la signature d'une telle charte. Ces deux pays, qui ont des relations difficiles à cause de problèmes justement liés à la portée des missiles que l'un voulait installer près du territoire de l'autre, pourraient trouver dans ce texte une amorce de compréhension commune - si tant est qu'ils veulent effectivement se comprendre... »

« Un partenaire très important à nos yeux à associer à cette charte serait selon nous le Burujoa. Comme je vous l'ai indiqué, ce pays est enthousiaste et porte avec l'Azur un projet de convention visant à lutter contre les armes aveugles que sont les mines terrestres et navales, car un de leur navires civils en a fait les frais récemment... Il me paraît cohérent qu'une convention sur les missiles balistiques soit éditée à côté ou en fusion avec une convention sur les mines. Ces deux textes visent à mon sens au même objectif : encadrer l'usage des armes par des règles communes, qui soient justes, pertinentes. Il me semble donc très souhaitable que les Etats signent les deux en même temps. En tous cas, il serait heureux que l'Alguarena nous appuie aussi sur ce texte anti-mines, dont vous pouvez consulter la version de travail ici. Je pense que dans la mesure où l'Alguarena appuie cette initiative anti-mines, le Burujoa appuiera l'initiative sur les armes balistiques. Un tel trio serait heureux à voir, chacun d'entre nous représentant un continent distinct, démontrant la portée universelle de notre projet. »

« A votre proposition actuelle sur le texte de la charte sur les armes balistiques, il me semble important d'apporter des précisions et des compléments. Je ne sais pas encore comment l'écrire littéralement. Deux points m'apparaissent nécessaire à apporter en modification de votre version. Le premier est relatif au point (2), qui voudrait encadrer l'usage des armes balistiques en fonction de leur catégorie. Bien que nous approuvions le principe de distinguer ces armes, et la nécessité de limiter au maximum l'usage des plus dévastatrices d'entre elles, l'Azur est réservé quant à l'intérêt d'expliciter les conditions qui en permettraient l'usage. En effet, notre force principale vient de ces armes. C'est une force de dissuasion, donc de représailles potentielles, non d'agression ; mais nous avons besoin que nos adversaires redoutent cette dissuasion pour qu'elle soit effective. Ainsi, nous ne pourrions expliciter les cas où nous nous en servirions, dans la mesure où ils se glisseraient alors dans les failles du raisonnement pour nous frapper là où nous nous serions engagés à ne pas répondre. Plus largement qu'en réponse à une frappe balistique, la dissuasion azuréenne suppose une réponse foudroyante pour un panel assez large d'agressions, que ce soit effectivement une frappe en bonne et due forme, ou bien des opérations plus cyniques, comme un piratage généralisé de réseaux essentiels, ou une agression déguisée en accident. Le flou est notre allié dans la dissuasion. Bien sûr, nous comprenons la nécessité d'éviter qu'un Etat se serve de sa puissance balistique stratégique pour agresser ou contraindre ses voisins ; peut-être pouvons nous donc simplement écrire que "l'usage d'armes stratégiques n'est légitime que pour des représailles après une agression évidente et reconnaissable", sans préciser davantage ? Nous sommes ouverts à vos propositions alternatives. »

« Le deuxième point de précision à apporter selon nous recouvre un sujet qui n'est pas mentionné dans votre proposition ; c'est celui des Etats non-signataires. En effet, les pays qui ne signeraient pas la convention l'affaibliraient donc. Il serait donc néfaste à notre projet qu'un Etat puisse négliger la convention et continuer d'agir sans limites, en distribuant des armes balistiques ou en les utilisant sans mesure, car dans ce cas les signataires pourraient légitimement se sentir lésés, faisant un effort là où leur voisin ne s'en préoccupe guère. Non, il faut que signer cette Convention soit nécessaire pour tous les Etats s'ils veulent jouer dans la cour des puissances balistiques. Et pourtant nous ne devrions pas faire de cette convention pour la paix un instrument de conflit. C'est pourquoi je propose l'ajout d'une clause attractive, renforçant la protection des Etats signataires, mais affaiblissant la sécurité juridique des Etats non signataires, qui serait une clause double dans les termes suivants :

a) les Etats signataires se défendent d'utiliser d'arme balistique stratégique les uns envers les autres, quel que soit le cas de figure ;
b) l'usage d'une arme balistique stratégique par un Etat signataire contre un Etat non-signataire ne saurait être reproché, quel que soit le cas de figure.


Cette clause aurait le double effet de protéger les signataires contre des frappes de leurs co-signataires, tout en retirant aux non-signataires l'avantage qu'ils auraient à un "désarmement" des autres sans avoir à se "désarmer" eux-mêmes. Ainsi, cette clause me semble tout à fait propice à susciter le succès de notre projet, d'autant qu'elle me semble parfaitement légitime. Je ne fais là que reformuler votre proposition, mais c'est aussi un moyen de voir si nous comprenons bien votre intention. Qu'en pensez-vous ? Nous sommes ouverts à la faire évoluer si vous en ressentez le besoin. »

« Excellences, je vous laisse la parole. »
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