
Lorsque l'idée de faire un voyage au Nouveau-Monde était apparue à Jamal al-Dîn al-Afaghani, c'était avant tout dans l'optique de se rapprocher des deux puissances mondiales principales ; le Grand-Kah, qui était parvenu à 2000 milliards de Produit Intérieur Brut grâce à des investissements massifs dans ses réseaux de dépendance à travers le monde, demeurait toujours deuxième après l'Alguarena, dont l'industrie battait des records de compétitivité. Idéalement située au carrefour de grandes routes commerciales, l'archipel était riche en ressources, et la puissante République Fédérale avait depuis longtemps structuré sa production pour tenir son rang sur le marché mondial. L'efficience des industriels alguarenais, bien connue sur le marché de l'armement, faisait de l'Alguarena le premier arsenal du monde, et à ce titre une puissance autant économique que militaire.
Evidemment, c'était un interlocuteur majeur pour l'Azur. Le Califat constitutionnel recherchait de nouveaux partenariats, et un contrat important d'armements navals avait été signé avec l'Alguarena récemment. De plus, l'Azur cherchait l'aval de la grande puissance pour faire avancer ses idées sur la zone maritime souveraine, qu'il voulait consolider sur sa petite bande côtière. C'était aussi chercher à désamorcer les tensions entre Aserjuco et Axis Mundis, Etats voisins par la mer, en proposant une réglementation internationale des frontières maritimes à même de susciter un accord entre les deux grandes puissances du Nouveau Monde.
Par ailleurs, le Khalife venait visiter la grande puissance technologique et culturelle, et échanger avec ses autorités sur des sujets divers, touchant à l'histoire et à l'avenir. L'Azur espérait que l'Alguarena puisse jouer un rôle plus important dans la stabilité internationale, en évitant que le conflit du Gondo, par exemple, ne se prolonge. De façon plus prosaïque, ce serait aussi l'occasion de sonder la vision internationale des autorités d'Aserjuco, alors même que celles-ci venaient de se renouveler lors des élections fédérales. L'Afarée, le continent le moins peuplé et le plus éparpillé, attendait beaucoup de partenariats potentiels avec les économies dynamiques du Paltoterra et d'Aleucie, notamment pour établir de solides contrats énergétiques et obtenir leur soutien sur la scène internationale.
C'est donc avec une disposition d'esprit conciliante que la délégation azuréenne arriva dans les hauteurs d'Aserjuco, dont la skyline brillait près de la mer. La prospérité de la capitale fédérale s'observait depuis le ciel. Un jour, peut-être, Agatharchidès brillerait des mêmes feux.