11/05/2017
16:04:48
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[Teyla-RT] Invasion ou Libération ?

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Invasion ou Libération ?

Lieu


La finance, tonna Loring Josseaume, n'est pas un jeu pour nous. Nous voyons en elle un moyen de construire les royaumes, défaire les empires, sacrer les puissants et venir en aide aux opprimés. Sans elle, rien ne s'élève, rien ne perdure. C'est grâce à elle que le Royaume de Teyla renaîtra de ses cendres après la guerre civile, parce que la finance, les banques sont venues à son secours. Les bateaux remplis d'or Zélandais se sont déversés dans notre État.

Rasim Bal écouta le monologue du Teylais sans vraiment lui prêter attention. Cela faisait vingt minutes qu'il subissait ce discours qui ressemblait à un discours de secte, de coach sportif vendant leur formation ou encore de ces milieux d'extrême-droite teylais reconvertis en coach bien-être ou en développement personnel. Il vouait une haine viscérale contre ce type de profil et l'étranger qui avait envahi ses locaux n'échappait pas à la haine viscérale de Rasim. Ses tempes pulsaient sous l’effet d’un mal de tête lancinant, une conséquence prévisible de l’obligation qui pesait sur lui. Il devait écouter le Teylais faire l'éloge de la finance, pour le bien du pays, après tout, il était un conseiller employé par une grande entreprise du pays.

Tout cela s'était passé tellement vite. L'invasion loduarienne suivie de celle de l'Organisation des Nations Démocratiques dans une course à la capitale. La scission du pays avait été dans les faits immédiate, bien qu'officiellement actée plusieurs mois après la réalité. La situation était à l'époque ubuesque, dramatique, chaotique. Le pouvoir politique translave semblait dépassé par les événements. Alors, les nations de l'Organisation des Nations Démocratiques et notamment le Royaume de Teyla, le Duché de Sylva et la République Fédérale de Tanska étaient venues en aide à la République pour lui permettre de tenir et de ne pas être envahie par sa voisine, la Démocratie Communiste de Translavya. Contrairement à ses partenaires, le Royaume de Teyla avait envahi la République avec les services financiers et d'assurance et plus globalement les services. Les entreprises teylaises dans le domaine étaient partout dans le pays, alors Loring Josseaume n'était pas une chose incongrue, mais une habitude dans la nation translave.

Devant le tableau, sur lequel de nombreux chiffres et calculs trônaient, le Teylais continuait son monologue, qu'il énonçait à chacun de ses clients ou de ses futurs clients. Il n’avait pas besoin de convaincre Rasim Bal en particulier. Il récitait une vérité déjà inscrite dans la nouvelle architecture du pays, une réalité implacable dont il était l’un des architectes. Rasim le savait. Mais cela ne rendait pas l’instant moins exaspérant. Rasim Bal inspira profondément, essayant de contenir son agacement. Il croisa les bras, fixant les chiffres sur le tableau comme s’ils pouvaient l’aider à se soustraire à cette réunion inutile pour lui comme pour son entreprise. La finance comme un levier important du pouvoir, de l'influence des nations, il n'y était pas contre et concevait totalement l'idée derrière. Mais ce Teylais était d'une arrogance rare, croyant qu'il dominait l'assemblée parce qu'il travaillait dans la finance. Le Teylais ne voyait pas que des chiffres dans la finance, mais un outil puissant de domination, de contrôle.

- Tout ça, ils y croient vraiment ? murmura à ses côtés Miroslav Yusupova.

Rasim Bal ne répondit pas immédiatement. Il jeta un regard en coin à Miroslav Yusupova, dont l'expression cynique traduisait son profond scepticisme. La question de Miroslav était rhétorique, mais elle espérait fortement que la réponse de Rasim allait être négative. Mais au fond d'eux, les deux Translaves savaient que pour Loring Josseaume, son récit était bien plus que des paroles, mais un credo, une profession de foi rythmant son métier et son quotidien.

- Le pire dans tout ça, c'est qu'il en vit. Répondit dépité Rasim Bal en regardant le Teylais en face.

Miroslav Yusupova émit un sourire en coin. Elle s'attendait à la réponse et trouva la situation ironique. Face au cadre de vie et de travail offert par le Royaume de Teyla, beaucoup de Teylais s'étaient exilés en République Translavique qui offrait un cadre de vie et de travail beaucoup plus calme et vivable. Les heures de travail étaient strictement contrôlées et limitées, contrairement au Royaume de Teyla où seuls les contrôles étaient nombreux. Bien que le Royaume de Teyla avait des syndicats, une Déclaration des Fondamentaux de l'Homme ou encore une constitution, rien ne remplaçait la Déclaration des Droits des travailleurs translaves. Elle offrait une protection pour les salariés qui était impossible d'obtenir au Royaume de Teyla, sauf à avoir soit un patron conciliant, soit des compétences très demandées sur le marché du travail.

Malgré cette migration teylaise, les Teylais avaient du mal à sortir de leur cadre. En outre, ils restaient dans leur comportement très travailleurs comparé à la plupart des Translaves qui profitaient des avantages que leur offrait le système. La présence en nombre de Teylais était telle qu'elle avait grandement influencé de nombreux sujets et notamment l'intégration des étrangers. Comment devait s'y prendre l'État pour intégrer toute cette nouvelle population ? La question n'avait pas encore de réponse, alors que la presse relatait de nombreux accords prochains entre le Royaume de Teyla et la République Translavique.

- Ils migrent ici pour échapper à leur propre système, mais ils continuent à en chanter les louanges, ajouta-t-elle avec un sourire amer.

Rasim Bal hocha lentement la tête tout en affichant un sourire ironique. L'ironie de la situation n'échappait pas aux deux Translaves qui regardaient de nouveau Loring Josseaume. Un homme fuyant un système oppressant, mais incapable de s’en détacher idéologiquement, voilà ce que représentait le Teylais. Est-ce le destin de tous les Hommes ? La question traversa l'esprit de Rasim et y restera tout le reste de la réunion, de sa journée, de sa vie. Une question existentielle était née en lui. Le Teylais ne semblait pas s'apercevoir du paradoxe dans lequel il était. C'était facile de faire les louanges d'un système tout en profitant des bienfaits d'un tout autre système, tous dans la salle l'avaient compris, sauf Loring Josseaume.

- Nous ne sommes pas ici pour prendre vos richesses, vos créations. Bien au contraire, nous sommes ici pour rendre vos richesses plus belles, plus prestigieuses, plus éclatantes qu’elles ne l’ont jamais été. Nous ne sommes pas des pillards ni des marchands sans foi ni loi. Nous ne sommes pas Velsniens mais Teylais ! Continua Loring avec conviction devant l'assemblée. Nous vous offrons un avenir, de la stabilité, une indépendance que chaque nation et entreprise chérit en tout temps. Il leva la main comme pour annoncer la phrase qui allait tout changer, réveiller la passion chez son auditoire. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère, celle d'une révolution technologique. Nul ne pourra rater cette nouvelle ère technologique au risque d'être écarté sur l'hôtel des grandes puissances. Ainsi, ce que vous nous proposez n'est pas qu'un simple prêt financier, mais un outil pour vous assurer un avenir dans cet océan où la puissance dicte les actes des États et des Hommes.

Rasim Bal n'était pas convaincu par le discours de l'homme et leva les yeux au ciel d'exaspération. Miroslav s’adossa à sa chaise, croisant les jambes avec une nonchalance feinte. Elle jeta un regard en coin à Rasim, qui continuait à fixer Loring Josseaume avec un mélange d’agacement et de résignation. Puis, à voix basse, elle reprit la parole.

- On devrait le remercier de nous assurer un avenir, dit-elle avec sarcasme.

- Au moins ça. Je propose qu'on lui érige la plus grande des statues à Anapol en son honneur.

- Je n'ai pas envie de voir mon pays sombrer sous le coup de la domination de la finance. Si le gouvernement commence à prendre chacune des décisions par rapport à ça, alors nous sommes fichus !

Rasim haussa les épaules.

- Je crois que nous ferons tout pour résister à l'occupation sous le qualificatif de libération selon les Teylais. Enfin, si le gouvernement par intérim est cohérent avec lui-même.

Miroslav avait la mâchoire serrée face à l'audace de Loring.

- Nous ne gagnons rien et il gagne tout. Voilà un bon résumé de son offre. Une soumission. J'espère que tous les Teylais ne sont pas aussi idiots que cet homme qui se croit supérieur et n'offre que du dédain à ses interlocuteurs.

- J'en ai rencontré plusieurs et il y a des Teylais sympas, presque humains comme on l'entend. Tous ne sont pas obnubilés par leur travail. Enfin, ce n'est pas surprenant, ils ont un système qui préserve les droits, l'un des meilleurs au monde, je crois. Dommage qu'il ne prenne pas en compte le travail, dommage...

Les deux Translaves restèrent sur leur faim. De l'autre côté de la ville, c'est un autre discours qui était réalisé. Dans une salle luxurieuse du Commissariat aux Affaires Étrangères, un autre homme prenait la parole devant un parterre d'invités triés sur le volet. Contrairement à la réunion austère à laquelle participaient Rasim et Miroslav, ici, le climat était bien différent. Les visages étaient détendus et les sourires nombreux. Malgré les récentes nouvelles d'une livraison d'armement de la Loduarie Communiste à la Démocratie Communiste de Translavya, on n'imaginait pas un conflit surgir entre les deux nations dans cette salle. Le rapport de force était en faveur de l'Organisation des Nations Démocratiques, de plus cela voulait dire pour la Loduarie Communiste se mettre définitivement à dos le Duché de Gallouèse.

L'ambiance était conviviale parce que la nouvelle ne changeait pas la donne ni la réalité. En cas d'attaque de la Loduarie Communiste sur le Royaume de Teyla, l'Organisation des Nations Démocratiques allait très certainement vouloir que les troupes positionnées en République Translavique émettent une attaque sur la Démocratie Communiste de Translavya. On espérait que cette demande puisse être refusée ou tout du moins que le rapport de force ferait en sorte que le quotidien ici ne soit pas perturbé. Le regain de vie après la défaite du régime fasciste permit à la population de retrouver un espoir qu'elle avait perdu dans les abysses de l'enfer. Tout n'était pas parfait, loin de là, énormément de problèmes subsistaient au sein de la République Translavique. Mais les problèmes semblaient trouver des solutions tant sur le court que sur le long terme. L'économie de la République Translavique restait la plus dynamique de la région, laissant entrevoir un avenir radieux pour la République.

Thorsten Savchenko, le Premier ministre par intérim de la République, finit par prendre la parole :

- Tu as raison, Emir, dit-il en gloussant, les Teylais sont d'un paradoxe ahurissant. Mais nous allons devoir faire avec durant la rencontre et même pour les prochaines décennies. Je ne veux pas nous porter malheur, mais cette rencontre doit bien se passer. La rencontre avec la République Fédérale de Tanska s'est bien passée, ce qui nous assure un membre de l'Organisation des Nations Démocratiques favorable à la République Translavique. Si nous pouvions avoir un deuxième membre de l'Organisation des Nations Démocratiques acquis à notre cause, je suis preneur, étant donné la situation qui nous reste favorable vis-à-vis de la Démocratie Communiste de Translavya. Mais la livraison d'armes ne me rassure pas, et nous sommes tous d'accord sur ce point précis. En outre, l'Empire du Nord nous a contactés aussi, c'est une bonne nouvelle au regard de la situation.

Mais concernant le Royaume de Teyla, nous devons être prudents. Je me souviens d'une prise de parole publique de leur Premier ministre. Il actait le soutien du Royaume de Teyla, mais un soutien temporaire et sous la condition d'élections libres. Nos objectifs sont la signature d'un traité de défense de la République Translavique et une coopération sur les renseignements qui ne soit plus verbale, mais acquise à travers un traité. Nous savons tous que les Teylais respectent leurs traités, alors un traité par écrit doit être fait sur le sujet pour assurer la sécurité de la République Translavique. Ainsi, vous l'avez compris, nous voulons un accord de sécurité global qui n'englobe pas uniquement l'aspect militaire. De plus, une mise sous traité d'une présence teylaise, permanente ou non, sur le sol translave doit être réalisée.

J'ai eu ouï-dire que Pierre Lore, leur ministre des Affaires Étrangères, a dans une missive à notre égard signifié que le Royaume de Teyla souhaite faire des dons d'armements à la République Translavique. C'est une bonne nouvelle qui augure d'une relation cordiale sur le long terme.


- Oui, je suis d'accord, répliqua Emir au Premier ministre. Pour arriver à nos fins, j'ai observé le comportement des Teylais. Ayez l'assurance et la confirmation que ce peuple et les dirigeants du Royaume aiment être traités en grande puissance, en une nation qui compte sur la scène internationale. Nous allons devoir nous courber pour obtenir ce que nous voulons sans avoir trop à concéder. Nous avons pour nous un atout et pas des moindres. Le Royaume de Teyla ne veut pas être perçu sur la scène internationale comme un colon, impérialiste ou autre. Comprenons donc que nous n'aurons pas trop d'efforts à faire pour convaincre le Royaume de Teyla de mettre ce que nous voulons sur écrit dans la limite du raisonnable, bien entendu.

Thorsten Savchenko, en signe d'acceptation des arguments et de l'analyse d'Emir, hocha la tête.

- Oui, tu as raison, Emir, il faudra savoir flatter les Teylais si nous voulons arriver à quelque chose. Les livraisons d'armes loduariennes nous facilitent la tâche, mais nous ne devons pas prendre cela comme acquis, bien au contraire. Ils ne voudront pas lâcher la République Translavique par conséquent. Selon plusieurs analystes, le Royaume de Teyla a du mal à tenir tous ses déploiements actuels à travers le globe. Ainsi, ces mêmes analystes pensent que le Royaume de Teyla et son armée partiront de la République. Nous devons nous tenir prêts à une telle éventualité durant la rencontre ou pour les mois prochains.

Le silence se fit dans la salle face aux propos du Premier ministre par intérim. C'est dans ce contexte où la libération se mélange à l'invasion que se passera la rencontre entre le Royaume de Teyla et la République Translavique.
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Invasion ou Libération ?

Lieu


À l'époque la Loduarie Communiste n'était pas archivée, merci de le prendre en compte.

La rencontre entre le Royaume de Teyla et la République avait débuté bien avant l'arrivée d'Angel Rojas et de Pierre Lore sur le sol Translave. En effet, les enjeux de la rencontre sont grands pour chacune des nations et les récents événements obligeaient les parties à parler. Ni le Royaume de Teyla ni la République Translavique ne pouvaient rester silencieux face aux mouvements de la Loduarie Communiste, qui devaient être dénoncés. La Loduarie Communiste a livré des armes à la Démocratie Communiste de Translavya sans que les deux nations libérales puissent connaître les détails de la livraison. Une situation jugée préoccupante pour le Royaume de Teyla, un peu moins du côté de la République Translavique. Du côté d'Anapol, on sait qu'une attaque de la Démocratie Communiste de Translavya sur la République signifierait son anéantissement par l'Organisation des Nations Démocratiques et très certainement le Duché de Gallouèse.

Alors, on s'inquiéta de la manœuvre sans penser une seconde que la nation communiste oserait attaquer. Même en cas de conflit entre une nation de l'Organisation des Nations Démocratiques et la Loduarie Communiste, la Démocratie Communiste de Translavya pourrait servir de base d'opération à la nation loduarienne pour attaquer les territoires des nations tanskienne, zélandienne et caratradaise, mais aucunement la République Translavique, pensait-on du côté d'Anapol. Toutefois, on n'était pas naïf du côté de la République et de ses autorités. On estimait probable que la Démocratie Communiste de Translavya soit aidée par les nations de l'Union Internationale du Communisme et du Socialisme sans qu'on ait de preuve pour affirmer les propos. Cela reste une possibilité qui méfie les services du renseignement et les politiques au pouvoir de la République.

En amont de la visite diplomatique, Angel Rojas a signifié auprès des médias que la livraison d'armes loduarienne à la Démocratie Communiste de Translavya "ouvrait la voie à un armement massif de la République Translavique pour lui donner les moyens de se défendre contre les nations qui lui sont hostiles. Je crois que le geste de la Loduarie, que je comprends parfaitement, ouvre la voie à une nouvelle manière de procéder plus généralement vis-à-vis de la République Translavique en respect avec ses volontés. Si les autorités et le gouvernement de la République Translavique le veulent, je crois que l'Organisation des Nations Démocratiques leur est ouverte."

Ces déclarations, loin d'être prudentes, ne manquèrent pas de susciter des réactions du côté d'Anapol. L'idée d'un armement massif de la République Translavique était loin de faire consensus au sein du gouvernement par intérim et au sein des partis politiques. Cela était encore plus vrai pour une adhésion à l'Organisation des Nations Démocratiques. Tout d'abord, le gouvernement par intérim avait exprimé qu'il n'était pas de ses prérogatives de décider de cette question, laissant la patate chaude à un gouvernement élu prochainement. En outre, les partis politiques de l'opposition comme le Mouvement Spartakiste sont totalement fermés à une adhésion à l'Organisation des Nations Démocratiques et les partis politiques soutenant le gouvernement par intérim freinent une adhésion pour éviter d'augmenter les tensions avec les nations voisines, bien que la Démocratie Communiste de Translavya ne se soit pas privée d'entrer dans l'Union Internationale du Communisme et du Socialisme.

Toutefois, la situation ne pouvait perdurer éternellement au risque de voir les autorités de la Démocratie Communiste de Translavya devenir aussi agressives que celles de la Loduarie Communiste, disait-on dans les couloirs des nations membres de l'Organisation des Nations Démocratiques et même d'Anapol. Le pays ayant le plus de puissance militaire de cette organisation est, sans nul doute possible, le Royaume de Teyla. Il avait une puissance de production et d'achat à la hauteur de son ambition et de ses craintes. Voilà que le Royaume de Teyla dépense chaque année cent milliards dans sa défense, dans les commandes d'armements. Il avait les capacités d'assurer sa défense et celle de la République Translavique, avec l'aide de ses partenaires, bien entendu. Toutefois, c'était le sujet dont parlait la délégation teylaise dans l'avion en route pour la République Translavique.

- Je ne sais pas si on pourra atteindre nos objectifs avec la République Translavique. Ne sont-ils pas trop ambitieux ? dit le Premier ministre, d'une voix hésitante.

- Je suis du même avis que toi, mais on nous a dit de viser haut pour obtenir quelque chose malgré tout. Ils vont nous demander quoi ? Il leva les yeux au ciel pour réfléchir et reprit. D'officialiser notre présence par un traité, ok sur ça, d'assurer la défense du pays à travers un déploiement...

- Oui, tu as raison Pierre, mais justement un déploiement oui, mais sur le court terme. On doit réduire nos déploiements à l'étranger et le seul déploiement qu'on peut amoindrir, c'est celui en République Translavique. Ils vont faire la gueule et nos partenaires avec, je le crains, mais on ne peut pas maintenir autant de déploiements à l'étranger, la défense du Royaume de Teyla devient inefficace à cause de ça. En échange, on va leur proposer des dons d'armements. Tu as la liste ?

- Oui, elle est sur la table là-bas, dit-il en pointant la table.

Angel Rojas se leva et, tout en se baissant pour éviter de se cogner au plafond de la carlingue, le Premier ministre de Sa Majesté atteignit la table et s'exclama en ayant la liste dans sa main, tout en revenant vers Pierre Lore.

- Ahhhh ! C'est une sacrée liste que nous a concoctée le ministère des Armées ! dit-il en rigolant. Putain, c'est combien d'années d'achat ça, Pierre ?

- Si on parle d'achat à notre industrie, alors on parle au moins de deux ans d'achat, les avions de chasse sont sacrément chers et longs à produire. Mais si on les retire de l'équation, c'est à peine six à dix mois d'achat, je crois. Ça va, non ?

- Comment "ça va" Pierre ? dit-il calmement. Il s'agit de l'argent du contribuable, je te rappelle, dit-il avec un rictus. Ils ne se font pas chier au ministère des Armées, moi aussi j'aimerais pouvoir claquer autant d'argent à l'étranger pour assurer la domination du Royaume de Teyla sur la scène eurysienne. Mais je n'ai pas ce pouvoir et le Royaume, toute puissance soit-il, n'a pas les capacités de le faire. Outre les dons d'armements, à lire Lucie Jaunette. Ça semble fun d'être ministre de la Guerre à Teyla, j'y penserai pour une reconversion.

Angel Rojas lut la liste à voix basse. Une vingtaine de chasseurs, une centaine voire deux cents transports de troupe, ouais, l'artillerie ok... Il reprit à voix haute en s'adressant directement à Pierre Lore.

- Eh bien, si avec ça ils n'acceptent pas le retrait des troupes teylaise à terme, je n'y comprends rien.

- Ou alors c'est que tu te fais vieux, répondit-il avec un air malicieux sur son visage.

- Au moins ça, je vais mourir dès demain à coup sûr ! Je connais mon corps et il va me lâcher en une nuit, tu vas voir.

- Comment allons-nous faire sans toi ? Le pays est perdu sans contestation possible, dit Pierre Lore sur un ton ironique et sarcastique.

L'avion arriva sur le tarmac de l'aéroport. Et ce n'était pas le Premier ministre par intérim ou encore le Commissaire aux affaires extérieures qui accueillit les deux protagonistes teylais. C'était un homme inconnu au bataillon par la délégation teylaise. Cet homme était petit, presque frêle. Son costume gris souris semblait trop grand pour ses épaules étroites, et pourtant, il le portait avec une étrange assurance, comme si le tissu lui-même était complice d’un pouvoir invisible. Son visage était sec, sa barbe n'était pas la plus grande de ses préoccupations. Elle n'était pas entretenue, et des poils se baladaient un peu n'importe où sur son visage.

- Vos Excellences, nous sommes ravis de vous recevoir sur le sol translave, dit l'homme d'une voix assurée, mais aiguë. Je suis Emeric Venthal, chef de cabinet de Thorsten Savchenko. Je vous prie pour cet accueil modeste, mais depuis la libération, nous essayons de ne pas dépenser des fortunes pour des raisons évidentes, Vos Excellences. Grâce à vos investissements, la croissance translave va très bien et notre économie aussi, mais le budget de la République Translavique, c'est une autre paire de manches. L'ancien régime et la scission ont laissé de la dette à rembourser, des trous dans le budget et j'en passe.

- Enchanté, Votre Excellence, répondit Angel Rojas d'une voix tout aussi assurée. Nous sommes ravis d'être présents ici et de rencontrer le gouvernement de la République. Ne vous en faites pas, dit-il en rigolant, nous aimons la sobriété aussi, bien que nous soyons teylais. Nous ne sommes pas là pour vous juger en fonction des paillettes décoratives que vous pouvez déployer, mais pour discuter des affaires sérieuses entre nos nations et de la manière dont nous pouvons répondre aux enjeux auxquels nous faisons face, tous les deux.

Emeric Venthal inclina légèrement la tête, montrant sa reconnaissance. Pierre Lore en profita pour se présenter à son tour sans offrir de main, contrairement à Angel Rojas et Emeric. Une froideur qui fit froid dans le dos d'Emeric, les Teylais n'étant pas connus pour être froids. Toutefois, la chaleur que dégageait Angel le rassura sur les intentions du Royaume de Teyla. Cependant, si le gouvernement de la République devait faire face à un jeu de gentil et méchant flic, il ne savait pas si cela allait plaire à ses supérieurs.

- C’est exactement ce que nous espérions, répondit-il en fixant Angel Rojas. Je ne peux que vous rejoindre concernant les enjeux. La République Translavique a hâte de commencer la rencontre et les discussions dont nous avons convenu pour cette rencontre diplomatique. Le Premier ministre sera accompagné, tout comme vous, du commissaire aux affaires extérieures, Vos Excellences. D'un geste élégant avec sa main droite et se retournant vers des véhicules noirs, le chef de cabinet pointa ces mêmes véhicules et dit : Si vous voulez bien nous suivre, Vos Excellences.

Après un bref échange de regard entre les deux hauts représentants de l'État teylais, ils firent un signe de la tête montrant leur accord quant à la proposition d'Emeric Venthal. Le convoi déambula dans la capitale, Anapole, de la très jeune République Translavique. Les représentants teylais purent voir une capitale avec de nombreux chantiers en cours, et de nombreux chantiers en devenir, tant au sens premier du terme qu'au sens figuré, avec la politique et la diplomatie. Ils virent des habitants parfois sursautant au bruit hurlant des sirènes du convoi, rappelant un sombre passé pour cette nation, qui avait tant souffert. Lorsqu'elle s'était débarrassée du pouvoir fasciste, elle avait dû faire face à une invasion de la Loduarie Communiste. L'Organisation des Nations Démocratiques avait réagi de même, tout comme le Duché de Gallouèse. Il était impossible de laisser une nation entière, encore une, aux mains du dictateur Lorenzo. Elle avait souffert de nouveau lorsque les deux camps qui avaient conquis ou libéré le territoire, selon les points de vue, ne pouvaient s'entendre sur une réunification du pays, actant la scission officielle.

Le convoi poursuivait sa route à travers les artères sinueuses d’Anapol, la ville se réinventait à chaque croisement de rue. Il fallait reconstruire les bâtiments et les vies détruits après le passage de la guerre. Cette guerre ne fut pas la plus coûteuse en vies et en matériel pour Anapol, le pouvoir fasciste n'ayant à l'époque pas les moyens de résister. Mais cette ville fut utilisée comme base logistique principale par les pays de l'Organisation des Nations Démocratiques afin de pouvoir s'enfoncer dans les terres, toujours plus profondément. Dans certaines rues, on ressentait le clivage politique qui montait au sein de la République Translavique, correction, les clivages politiques. Des graffitis ou des pancartes appelant à la non-vassalisation de la République Translavique par l'Organisation des Nations Démocratiques se répandaient comme du petit pain, dans les villes et les villages du pays. D'autres pancartes appelaient à la réunification, soit sous une même nation libérale, soit communiste, le débat faisait rage chez les unionistes.

Les habitants savaient qui se tenaient dans le convoi. Les médias avaient tourné en boucle sur la visite du Premier ministre de Sa Majesté. On le mettait au même niveau que la visite du Duc de Gallouèse, quelques mois plus tôt. Les nations qui avaient libéré le pays semblaient défiler à Anapol : Teyla, Gallouèse et Tanska. Les habitants regardaient ce convoi avec consternation. Ils savaient que des décisions qui allaient les concerner, mais sur lesquelles ils n'avaient aucune prise, allaient être prises par les deux nations. Que ce soit des décisions sur la présence de la République Translavique au sein de l'Organisation des Nations Démocratiques ou des liens plus forts avec le Royaume, les habitants devaient attendre l'élection présidentielle et les prochaines législatives pour pouvoir dire un mot, bien que des élections législatives aient déjà eu lieu, avec l'élection de l'Assemblée constituante. La majorité de la population était certes favorable à cette organisation, mais une grande partie lui restait hostile. Alors ce n'est pas anormal si cet incident arriva.

Alors que le convoi fonçait vers le lieu de la rencontre à Anapol, une voiture, non blindée, vint enfoncer un barrage de motards de la sécurité, avant de finir sa course en travers de la chaussée, fumante et cabossée. Les sirènes du cortège hurlèrent plus fort, les ordres criés dans les radios créèrent un bourdonnement tendu dans l’habitacle des voitures de tête. La scène se déroula en quelques secondes, mais l’atmosphère se figea dans un silence assourdissant. Les forces de sécurité sortirent instantanément, armes levées, encerclant la voiture. Le conducteur, un homme jeune, fut extrait manu militari. Il criait, il n'arrêtait pas de crier. Mais il était impossible de distinguer les mots qu'il énonçait à la foule, aux policiers et très certainement à destination des deux Teylais.

Le Translave dans la voiture ne dit pas un mot, il se fit petit face au problème. L'homme sorti de force de la voiture par les policiers avait écrit sur son torse "La RT n'est pas une colonie". Un message plus que clair à l'attention des Teylais présents dans la voiture. Angel Rojas ne cligna pas à une vitesse anormale des yeux. Il fixa l'homme au sol, tout comme Pierre Lore.

- Je crois que le message est clair venant de cette personne, dit Pierre Lore calmement, a voix basse.

Certes, répondit Angel Rojas. Mais cela était attendu. Nous avons libéré un peuple et entamé des relations avec lui, il est normal que certains y voient une forme de colonisation, alors qu'en réalité ce n'est aucunement de la colonisation. Est-ce courant ? demanda-t-il à Emeric.

Pas à ce point. Il y a un courant anti-OND au sein de notre nation, mais il n'est pas majoritaire dans le pays. Je dirais qu'environ trente pour cent de la population a une position anti-ONDienne. Il faudra attendre les prochaines élections pour voir si la reconstruction du pays, qui est une réussite, aura eu un effet bénéfique sur le mouvement anti-OND. Ce mouvement est principalement dû à la gauche radicale et au Mouvement Spartakisme. Bien qu'il reste le premier parti du pays, le mouvement s'essouffle, mais je doute qu'il s'essouffle encore à l'avenir. Il y aura un effet stabilisateur de la part de l'élection présidentielle, de notre vie politique et des rapports de force. Mon gouvernement tient à présenter ses excuses pour cet incident.

- Vous n'avez pas à vous excuser, Votre Excellence. Parfois, ces incidents arrivent et personne ne pouvait prévoir que cet homme allait faire cette action. Quoi qu'il arrive, la République Translavique reste une démocratie et il est sain d'avoir ce genre de débat, bien que l'action n'était peut-être pas nécessaire de sa part. Mais soyez gentil avec cette personne qui faisait que lutter pour ce qu'elle croit être un monde meilleur. Enfin, faites ce que vous voulez, dit-il en regardant l'homme entrer dans une voiture de police, alors que le convoi reprenait la route.

- Oui, cela va de soi, Votre Excellence, répondit Emeric. Nous sommes une démocratie et les droits de cet homme seront respectés par la justice de cette nation, je peux vous l'assurer au nom du Gouvernement de la République Translavique. Les lois de l'ancien régime les plus inégales ont été abolies, suspendues avec l'accord de l'Assemblée constituante. Il n'y avait aucune raison de continuer à répondre aux lois d'un régime... d'un régime fasciste.

Angel Rojas mit une main sur l'épaule du chef de cabinet du Premier ministre translave, pour signifier sa compassion. S'il y avait bien une lutte qui faisait sens au sein du Royaume de Teyla, c'était la lutte contre le fascisme. En dehors d'une très faible minorité, tous les partis étaient d'accord, bien que les désaccords venaient de la méthode et des actions à mener à l'international pour lutter contre ce poison. Après cet événement, les hommes restèrent silencieux, alors que la rencontre pour les deux nations était importante. Cependant, c'était avec le Premier ministre que voulaient discuter Pierre Lore et Angel Rojas. C'était le personnage le mieux placé pour savoir si les accords qui allaient être discutés avaient une chance de passer auprès de l'Assemblée constituante et ainsi être ratifiés par l'entité centrale de ce régime de transition.
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