09/07/2016
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Conférence de Presse du 12 janvier 2016 sur l’accident de la Plateforme Keryl-1


Suite à l’accident survenu le 8 janvier 2016 sur la plateforme d’exploration et de production pétro/gazière Keryl-1, qui entraîna la libération d’une quantité massive de gaz et la formation d’une flamme visible à des dizaines de kilomètres, une conférence de presse fut organisée. Cette conférence, à l’initiative d’Apex Energy et de Kiesling OilRig Groupe, fut tenue en ce 12 janvier 2016. Son objectif était d’informer le public en toute transparence sur l’état de l’accident ainsi que sur les mesures prises ou qui seront prises.

Participants principaux
Oskar Brötzmann PDG d’Apex Energy
Anna-Lisa Krieger PDG de Kiesling OilRig Groupe


Oskar Brötzmann – Bonjour à toutes et à tous, et merci d’être présents à cette conférence de presse. Ma collègue Anna-Lisa Krieger et moi-même sommes présents pour vous informer avec le plus de transparence possible sur l’accident survenu il y a maintenant quatre jours sur la plateforme Keryl-1. Je vais commencer par expliquer les circonstances de cet événement, après quoi nous répondrons à vos questions.

L’accident s’est produit sur la plateforme d’exploration et de production pétrogazière Keryl-1. Celle-ci avait pour mission d’effectuer un forage dans le dôme numéro trois de la formation géologique au large de Rasken, baptisée Courtial. Courtial est un prospect situé à très grande profondeur, en moyenne autour de 12 000 mètres sous le niveau de la mer. Celui-ci est connu depuis longtemps, sa découverte remontant à 2006. Cependant, les grandes profondeurs d’eau, dépassant les 840 mètres, ne permirent pas d’effectuer de forage immédiatement. Il fallut attendre le développement de plateformes adaptées au deep-offshore et à l’ultra-deep-offshore. C’est dans cette optique que les plateformes de classe Keryl furent développées : elles devaient être capables de forer dans des environnements deep-offshore et ultra-deep-offshore. La seule exception fut le dôme numéro un, qui avait une profondeur d’eau de "seulement" 560 mètres, ce qui permit d’effectuer un forage.

Le forage du dôme numéro trois débuta en début d’année 2015, le 24 janvier pour être exact, après le forage décevant du dôme numéro deux l’année précédente. Ce forage se termina le 8 janvier 2016… c’est-à-dire le jour de l’accident. Cet accident débuta à 22h17 lorsque l’appareil de forage atteignit la poche de gaz. Après cela, tout s’accéléra, car une seule petite minute plus tard, les opérateurs furent forcés de fermer une première annulaire afin de prévenir un blowout. Malheureusement, celle-ci se révéla inefficace et fut détruite instantanément. L’échec de la première annulaire provoqua un premier blowout. Bien que très violent, celui-ci ne fit aucun blessé. Seul l’ouvrier Adam Illich, qui se trouvait proche de la colonne de forage, fut touché par le blowout, ce qui le projeta de quelques mètres et le sonna. Juste après le premier blowout, face à la situation, les opérateurs fermèrent la deuxième annulaire. Cette deuxième annulaire permit dans un premier temps de stopper l’éruption, mais comme la première n’avait pas tenu, la deuxième ne permit pas de l’arrêter définitivement. La pression en dessous de l’annulaire continua de monter, et une minute plus tard, à 22h20, la seconde annulaire céda, provoquant un deuxième blowout. Cette deuxième éruption, plus violente que la première, blessa gravement l’ouvrier Adam Illich, qui n’eut pas le temps d’évacuer après la première éruption. Ayant épuisé toutes leurs options, les opérateurs durent activer les Shear Rams afin de sceller complètement le puits à 22h21, ce qui fut chose faite une dizaine de secondes plus tard avec la fermeture totale des mâchoires du Shear Rams. Une fois les mâchoires fermées, l’éruption s’arrêta une trentaine de secondes plus tard, permettant de prendre en charge Adam Illich et de l’envoyer à l’infirmerie de la plateforme.

Malheureusement, l’accident ne s’arrêta pas là. En effet, deux minutes plus tard, à 22h23, des secousses se firent ressentir dans la salle de contrôle et un peu partout sur la plateforme. Ces secousses étaient dues à l’immense pression des gaz en dessous des Shear Rams. La pression n’avait pas cessé d’augmenter après la fermeture des mâchoires ; bien au contraire, elle avait encore augmenté et se rapprochait maintenant de la limite des Shear Rams. À 22h29, la pression dépassa cette limite et, à peine une minute plus tard, à 22h30, les mâchoires cédèrent sous la force de cette pression. Quelques dizaines de secondes plus tard, une troisième éruption se produisit, incomparablement plus puissante que les deux autres. Elle pulvérisa toute la structure supérieure se trouvant au-dessus du puits. En pulvérisant la structure supérieure, l’éruption arracha également de nombreux câbles, qui produisirent des étincelles mettant le feu au gaz s’échappant à grande vitesse.

Pour expliquer rapidement ce que sont des annulaires, il s’agit d’un dispositif de sécurité mécanique conçu pour se refermer autour de la tige de forage dans le puits et empêcher la remontée des fluides. Pour les Shear Rams, l’objectif est sensiblement le même que pour les annulaires, mais ils ont la particularité de sectionner la tige de forage ainsi que de pouvoir fonctionner à des pressions bien supérieures à celles des annulaires. Les Shear Rams sont considérés comme la dernière solution pour sceller un puits.

Voilà pour le contexte, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Après cela, le silence s’installa dans la salle pendant quelques secondes avant qu’une personne ne se décide à lever la main. Immédiatement, un membre du staff se dirigea vers cette personne pour lui donner un micro.

Dennis Wilhelm (XXXX) – Il semblerait que je sois le premier à commencer. Bonjour, je m’appelle Dennis Wilhelm et je travaille pour le journal XXXX. Ma question portera sur le bilan humain de l’accident. Pouvez-vous nous donner plus d’informations à ce sujet ?

Oskar Brötzmann – Bien entendu. Le bilan actuel est de 3 morts, dont deux à cause des émissions de SO2 et un à cause du choc du blowout, qui aurait provoqué la chute d’un ouvrier d’une hauteur importante, le tuant sur le coup. Ensuite, nous avons une vingtaine de blessés, principalement à cause des émissions de SO2 et du choc provoqué par le blowout.

Matteo Kittel (Le Patriote) – Bonjour, je m’appelle Matteo Kittel et je travaille pour le journal Le Patriote. Ma question portera sur l’équipement lui-même. Vous avez mentionné que la première annulaire a été immédiatement détruite alors que la deuxième a réussi à fermer le puits pendant environ une minute, bien qu’elles soient rigoureusement identiques. Pourquoi la première a-t-elle été pulvérisée alors que la deuxième a tenu une minute ?

Oskar Brötzmann – Bien. Avant de répondre à votre question, je dois préciser que nous ne savons pas exactement ce qu’il s’est passé dans le puits à ce moment-là. Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses. Deux explications semblent plus plausibles que les autres. La première consiste à penser qu’un bout de roche, un débris, ou tout objet solide et suffisamment lourd a remonté avec les fluides de forage et que ce débris aurait percuté la première annulaire, la détruisant. Concernant la deuxième annulaire, il est plausible que les quelques secondes séparant la destruction de la première et la fermeture de la deuxième aient suffi pour évacuer ces débris.

La deuxième possibilité est que la première annulaire a encaissé le choc initial et absorbé suffisamment de force des fluides pour permettre à la deuxième annulaire de "résister". Cependant, la pression étant trop importante, cette résistance n’a duré qu’un court moment.

Matteo Kittel (Le Patriote) – Je vois. Et qu’en est-il des Shear Rams ? Non, ma deuxième question portera plutôt sur les caractéristiques du matériel. Si la deuxième annulaire a résisté un temps, cela signifie qu’au début, la pression était supportable, mais qu’elle a ensuite dépassé sa limite. De même pour les Shear Rams.

Anna-Lisa Krieger (PDG) – Je vais répondre en partie à cette question. La politique de Kiesling OilRig Group a toujours été de fournir le meilleur matériel possible à tout moment. Grâce à cette politique, par exemple, là où les annulaires fabriqués par d’autres entreprises, utilisant des caoutchoucs renforcés, peuvent supporter jusqu’à 1 000-1 100 bars, les nôtres peuvent monter jusqu’à 1 500 bars. Cette différence est due à la composition même de l’annulaire. Les nôtres n’utilisent pas de simple caoutchouc renforcé, mais des matériaux plastiques avancés renforcés par des éléments métalliques. Pour les Shear Rams utilisés sur les plateformes de classe Keryl, l’idée est similaire. Là où les autres Shear Rams peuvent encaisser jusqu’à 1 500, 1 600, voire 1 700 bars, les nôtres sont capables de résister jusqu’à 2 300 bars.

Oskar Brötzmann – Avant que vous ne pensiez que le matériel exploité sur la plateforme a pu présenter des défauts de conception ou qu’il n’a pas été correctement entretenu, laissez-moi préciser que tout le matériel était en parfait état de fonctionnement. S’il n’a pas résisté, c’est en raison des caractéristiques spécifiques du gisement lui-même. En effet, plus un gisement est profond, plus sa pression augmente, ce qui est logique. Mais nous ne nous attendions pas à trouver une pression aussi élevée.

Une méthode utilisée pour estimer la pression dans un gisement de gaz consiste à calculer la pression exercée par les roches et la colonne d’eau sur la zone du gisement, appelée pression lithostatique. Dans notre cas, avec 1 km d’eau plus 11 km de roche, cette pression est de 2 798 bars. Dans un gisement de gaz, nous (Apex) estimons que la pression maximale à l’intérieur du gisement représente 70 % de la pression lithostatique, ce qui correspond aux gisements surpressurisés. Dans notre cas, cela ramène la pression maximale estimée à 1 958 bars. Si vous vous demandez pourquoi 70 % et non 75 ou 80 %, je vous répondrai que ce pourcentage a été étudié par des générations entières d’ingénieurs et continue de l’être. Cet accident nous poussera certainement à revoir ce seuil à la hausse.

Ainsi, avec ces données, vous comprenez que, du point de vue d’Apex, ce forage ne présentait pas de grandes difficultés et qu’il était très peu probable qu’une éruption brise toutes les barrières mises en place. De plus, même en cas d’éruption, nous savions que notre dernière carte pour sceller le puits était pleinement capable de le faire. Si cette éruption a eu lieu, c’est parce que le seuil de 70 % que j’ai mentionné ne s’est pas appliqué à ce gisement. Ce n’était pas 75 % ni même 80 %, mais presque 86 %. En effet, la pression maximale enregistrée fut de 2 400 bars. Cette pression étant bien au-delà de la limite des Shear Rams, elles n’ont pas pu contenir cette éruption.

J’espère que nous avons répondu à votre question.

Matteo Kittel (Le Patriote) – Je vous remercie pour votre réponse.


Fiona Wachtel (XXXX) – Bonjour, je suis Fiona Wachtel et je travaille pour le journal XXXX. Pouvez-vous nous donner plus d’informations sur le blowout en lui-même, comme le débit ou la composition du gaz ?

Oskar Brötzmann – Avec une pression de 2 400 bars, vous vous doutez bien que la vitesse d’éjection est démentielle. Malgré la difficulté pour s’approcher, nous avons tout de même réussi à effectuer une mesure. La vitesse d’éjection des gaz mesurée s’élève à 2 292 m/s. Avec cette vitesse, nous avons pu calculer le débit de gaz, qui s’élève à 450 m³ chaque seconde. Ce puits, à lui seul, produit environ 39 millions de m³ par jour, soit quasiment le double de la production actuelle de Rasken.


Pendant que le PDG d’Apex Energy répondait à sa question, la journaliste notait ce qu’elle entendait dans son carnet de notes. Tout se passait bien jusqu’au moment où Oskar aborda le débit, ce qui fit buguer la journaliste, la laissant immobile pendant une seconde. Le temps que la journaliste reprenne ses esprits, le PDG avait fini d’aborder la question du débit et s’apprêtait à continuer avec la composition du gaz, mais il fut interrompu juste avant par la journaliste.


Fiona Wachtel (XXXX) – Vous affirmez que cet unique puits produit quasiment deux fois plus de gaz que toute la production Raskenoise ? Comment cela est-il possible alors que, sur l’ensemble des gisements Raskenois, il y a des centaines de puits ?

Oskar Brötzmann – Même si cela est impressionnant, il y a en fait de nombreuses explications. Premièrement, la pression. La pression dans ce puits est incomparable à celle que l’on trouve dans les autres gisements Raskenois. Le record de pression enregistré dans les gisements Raskenois fut de 1400 bars dans le gisement offshore Heliosphere, mais ce chiffre fut enregistré au tout début de l’exploitation du gisement ; elle se situe maintenant entre 1070 et 1100 bars. Cette différence de pression fait que le gaz sort beaucoup plus vite du puits de Keryl-1 que de nos autres gisements.

Mais l’explication principale est que le gaz de Keryl-1 sort de manière totalement libre, contrairement à Heliosphere, par exemple, où le débit est bridé de manière intentionnelle à 7,5 millions de m³ par jour. Si la production d’Heliosphere n’était pas bridée, elle atteindrait certainement environ 15 millions de m³ par jour actuellement.

Fiona Wachtel (XXXX) – Vous dites que le débit des gisements d’Apex est bridé ? Pourquoi avoir fait cela alors que le pays importe une part croissante de son gaz ? Débrider la production des gisements Raskenois permettrait de réduire les importations.

Oskar Brötzmann – Premièrement, aujourd’hui, ce ne sont pas tous les gisements qui sont bridés, mais uniquement Heliosphere, étant donné que les autres gisements ont déjà passé leur pic de production et que leur production baisse année après année. Concernant votre questionnement, il est légitime, et je vais essayer d’y répondre rapidement, car ce n’est pas le sujet de cette conférence de presse.

Oui, nous aurions pu ne pas brider la production d’Heliosphere pour produire davantage. Mais si nous n’avions pas bridé la production en 2002, celle-ci serait monté, monté, monté, peut-être jusqu’à 25, 30, 35 millions de m³ par jour. Cependant, le pic aurait été atteint avant les années 2010, et la production aurait fortement décliné depuis. Le fait de brider la production à 7,5 millions de m³ par jour en 2002 nous assure une production stable pendant une durée plus longue. Certes, elle est plus faible, mais stable. En gardant cette production constante, Heliosphere peut continuer à produire à ce rythme jusqu’en 2023 avant de commencer à décliner. Mais revenons maintenant au sujet de cette conférence, je vous prie.

Fiona Wachtel (XXXX) – D’accord, je vois. Pouvez-vous alors maintenant nous parler de la composition du gaz ?

Oskar Brötzmann – D’après nos équipes qui ont réalisé les relevés, la composition du gaz sortant est la suivante : 92 % de méthane, 5 % d’autres gaz carbonés (butane, propane, éthane, etc.), 0,8 % d’hélium, 0,2 % de CO2, et, le plus important, 2 % de sulfure d’hydrogène, qui, à cause de la flamme, se transforme en dioxyde de soufre. La flamme, en elle-même, ne nous inquiète pas plus que ça. Bien que très impressionnante, il s’agit d’un phénomène local. En revanche, le dioxyde de soufre est dangereux pour l’homme si les concentrations atteignent un certain seuil. Comme vous avez pu le voir dans l’annonce du gouvernement, à faible dose, il provoque une irritation des voies respiratoires et peut causer la mort à forte concentration. De plus, la grande vitesse d’éjection fait qu’il se disperse sur de grandes distances. Je tiens cependant à vous rassurer : le débit de dioxyde de soufre, bien qu’élevé à 2200 tonnes par jour, ne devrait jamais atteindre un seuil de danger au-delà de 50 km. Tout au plus, vous pourriez sentir une odeur d’œuf pourri dans l’air.

Fiona Wachtel (XXXX) – J’aurais donc une autre question. Toutes les personnes ici présentes ont eu l’occasion de constater la luminosité. Quelle est donc la puissance dégagée par la flamme, et jusqu’à quelle distance peut-on voir sa luminosité ?

Oskar Brötzmann – Nous ne savons pas exactement comment se déroule la combustion du gaz au sein de la flamme, si elle est complète ou incomplète. Nous ne pouvons donc vous donner que des estimations. Premièrement, si le gaz qui sort brûle parfaitement, il génère une puissance thermique de 16 322 MW, soit l’équivalent d’environ 10 réacteurs nucléaires Raskenois de 1600 MW ou de 9 centrales à gaz modèle Superphénix. Cependant, comme nous ne savons pas exactement comment le gaz se comporte dans la flamme et s’il brûle parfaitement ou non, nous estimons que la puissance réelle se situe quelque part entre 70 % et 85 % de cette valeur maximale, soit entre 11 425 et 13 874 MW, ce qui reste évidemment gigantesque.

Pour ce qui est de sa luminosité, il est important de comprendre que si la flamme a une puissance thermique de 12 000 MW, il ne s'agit pas d'une "lampe" de 12 000 MW. En réalité, une flamme comme celle-là ne rayonne qu’un petit pourcentage de sa puissance sous forme de lumière visible. Les flammes industrielles du même type rayonnent typiquement 4 à 6 % de leur puissance dans le spectre visible. Cela signifie que la puissance lumineuse se situe "seulement" entre 571 et 694 MW, ce qui reste énorme, j’en conviens.

D’après nos calculs, la lumière de la flamme peut, sous certaines conditions de réflexion atmosphérique extrêmes, rester perceptible jusqu’à environ 550 km, même si, à cette distance, il est très facile de la confondre avec celle d’une étoile. Bien entendu, cela n’est valable qu’en pleine nuit avec un ciel sombre, sans pleine lune et un ciel parfaitement dégagé. À 500 km, la lumière de la flamme atteint environ 0,12 à 0,15 lux, tandis qu’une nuit de pleine lune affiche une luminosité de 0,6 lux. Ainsi, comme je l’ai mentionné, si ce n’est pas une nuit noire, il vous sera difficile de voir la lumière, voire impossible à partir d’une certaine distance.

Si vous le souhaitez, nous pourrons vous transmettre un document concernant la luminosité de la flamme à la fin de la conférence. Celui-ci s’appuie sur nos calculs ainsi que sur les observations que nous avons pu réaliser.

Inna Ostapivna (XXXX) – Bonjour, je me présente, je suis Inna Ostapivna ….


À cause du stress, juste après qu’Inna eut commencé à parler, elle fit tomber son micro au sol, laissant un blanc dans toute la salle de conférence.


Inna Ostapivna (XXXX) – Excusez-moi, c’est mon premier jour, je suis un peu stressée. Je travaille pour le journal XXXX. Ma question portera sur la suite des événements : avez-vous déjà élaboré un plan pour refermer ce puits, et si rien n’est fait ou que les tentatives échouent, pendant combien de temps ce blowout pourrait-il durer ?

Oskar Brötzmann – Bien, si cela ne vous dérange pas, je vais commencer par répondre à votre deuxième question. Avant toute chose, pour savoir combien de temps cette éruption pourrait durer si nous ne parvenons pas à refermer le puits, il faut estimer les réserves du gisement. Nos spécialistes avaient évalué le gisement à environ 280 à 300 milliards de m³, cependant, cette estimation avait été faite en se basant sur une pression conventionnelle pour un gisement de gaz, c’est-à-dire 1400 à 1500 bars. Avec une pression de 2400 bars, nous avons révisé cette estimation pour atteindre entre 480 et 520 milliards de m³.

Dans l’industrie pétrolière et gazière, il est bien connu que, généralement (ce n’est pas toujours le cas, mais c’est très fréquent), la production d’un gisement commence à diminuer de manière significative à partir du moment où la moitié des réserves a été extraite. Cela signifie que, comme première approximation, l’éruption de Keryl-1 pourrait maintenir la même intensité pendant 6410 jours, soit un peu plus de 17,5 ans. Après cela, l’éruption continuerait sûrement pendant 30, 40, voire 50 ans ou plus, mais en baissant en intensité jour après jour, année après année, jusqu’à ce que finalement l’intégralité du gaz de Keryl-1 soit brûlée.

Bien entendu, nous n’allons pas attendre que tout le gaz brûle, que ce soit pour des raisons écologiques ou économiques. Je vais laisser Mme Krieger vous expliquer comment nous allons procéder pour mettre un terme à cette éruption de puits.

Anna-Lisa Krieger – Merci, Monsieur Brötzmann. Bien, même si je pense que vous savez qui je suis, je vais tout de même me représenter. Je m’appelle Anna-Lisa Krieger, et je suis la PDG de Kiesling OilRig Group.

Premièrement, je vais parler des solutions que nous avons d’ores et déjà écartées. Si certains d’entre vous ont déjà couvert médiatiquement des éruptions de puits d’hydrocarbures, vous savez sûrement qu’un moyen courant d’éteindre une flamme est de la souffler avec des explosifs. Nous avons écarté cette option, car ce blowout est tellement massif que la quantité d’explosifs nécessaire pour éteindre la flamme est tout simplement colossale. Nous avons calculé qu’il faudrait faire exploser simultanément 53 tonnes d’équivalent TNT pour éteindre complètement la flamme, ce qui pulvériserait la plateforme, nous empêchant ensuite d’intervenir sur le puits. Éteindre la flamme, c’est bien, mais refermer le puits, c’est encore mieux. En effet, le souffle de l’explosion éteindrait l’incendie, mais le débit de gaz resterait inchangé.

Ensuite, il y a la méthode consistant à injecter des boues lourdes. Cette méthode consiste, en temps normal, à injecter un fluide très dense dans le puits pour contrebalancer la pression des fluides. Cependant, avec une pression de 2400 bars, celle-ci est tellement énorme qu’il nous faudrait un fluide d’une densité exceptionnelle, que nous n’avons pas. De plus, les pompes utilisées pour injecter les boues ne sont pas conçues pour gérer un fluide d’une telle densité.

Il existe bien sûr d’autres méthodes pour refermer un puits en éruption. Par exemple, on aurait pu essayer d’envoyer des gravats directement sur le puits pour tenter de l’ensevelir. Mais, au vu de la vitesse des gaz, ces gravats auraient été éjectés instantanément.

Je vais maintenant passer à la solution que nous avons choisie. Les plateformes de classe Keryl sont conçues pour forer à de très grandes profondeurs. Pour le dire autrement, 12 000 mètres, c’est une formalité. Plus la profondeur augmente, plus les incertitudes croissent, comme la possibilité de tomber sur un gisement dépassant largement la pression attendue. C’est pourquoi elles sont équipées de ce que l’on appelle des puits de dérivation, qui, comme leur nom l’indique, servent à dériver le flux de gaz du puits principal vers un autre endroit. Cependant, sur Keryl-1, ces puits de dérivation n’ont pas été installés, car nous avions jugé que la profondeur et le taux d’incertitude ne nécessitaient pas leur installation.

Notre plan d’action sera donc le suivant : premièrement, pendant 4 à 6 semaines, nos équipes auront pour tâche d’installer un échafaudage sous la plateforme, au niveau du bloc où l’on raccorde les puits de dérivation. Une fois l’échafaudage installé, il faudra mettre en place quatre pipelines qui auront pour mission de dériver une partie du flux de gaz. Une fois les pipelines installés, nous activerons les vannes pour ouvrir les puits de dérivation, puis nous enflammerons également le gaz sortant de ces derniers.

Inna Ostapivna (XXXX) – Excusez-moi de vous couper la parole, mais pourquoi enflammer le gaz des puits de dérivation ?

Anna-Lisa Krieger – Nous allons faire cela pour la simple raison que le gaz brut représente un danger plus important que le CO2. Imaginez des poches de gaz se déplaçant aléatoirement, pouvant s’enflammer ou exploser à tout moment. (Aussi, le méthane a un pouvoir de réchauffement 28 fois plus élevé que le CO2, mais vu que le changement climatique n’existe pas, je préfère le mentionner entre parenthèses.)

Inna Inna Ostapivna (XXXX) – D’accord, merci. Une fois que le flux de gaz est en partie dérivé, qu’allez-vous faire ?

Anna-Lisa Krieger – Avec les puits de dérivation, nous espérons pouvoir faire chuter la pression dans le puits principal à des niveaux plus acceptables, typiquement entre 800 et 1000 bars. Cela nous permettra de fermer la troisième annulaire présente sur la colonne principale. Étant donné que sa limite est de 1500 bars, elle sera en capacité de refermer le puits principal. Ensuite, il nous faudra installer un arbre de Noël sur la tête de puits. Pour faire simple, un arbre de Noël est un ensemble de vannes, robinets, bobines et pièces d’ajustement permettant de réguler le débit d’un puits. Cependant, en raison de la pression, nous ne pourrons pas installer un arbre de Noël standard. Rassurez-vous, étant donné que, d’année en année, les compagnies pétrolières forent de plus en plus profondément, nous avons développé, depuis maintenant cinq ans, un arbre de Noël ultra-haute pression capable d’encaisser jusqu’à 3000 bars. Il se trouve que celui-ci est entré en phase de tests finaux le mois dernier. À l’origine, il devait être placé sur des plateformes Keryl forant à plus de 15 000 mètres, mais nous allons devoir l’utiliser pour Keryl-1.

Une fois cet arbre de Noël UHP (Ultra Haute Pression) installé, nous allons devoir rouvrir l’annulaire. Si vous vous demandez pourquoi, attendez un instant avant de poser vos questions, je vais l’expliquer.

En raison de la pression, nous ne pouvons pas refermer complètement les puits de dérivation. Nous pouvons les ouvrir, mais nous ne pouvons pas les refermer entièrement. Les 2400 bars d’origine sont répartis entre les quatre puits de dérivation, soit environ 600 bars par puits. Plus nous essayons de les refermer, plus la pression augmente, rendant leur fermeture encore plus difficile. C’est pourquoi nous allons rouvrir le puits principal pour offrir au gaz un autre chemin par lequel passer. Cela nous permettra de refermer complètement les puits de dérivation. Une fois que cela sera fait, il sera possible de fermer le puits principal définitivement. Nous estimons pouvoir refermer complètement le puits d’ici deux à trois mois si tout se passe bien, et jusqu’à six mois si nous rencontrons des problèmes.

Inna Ostapivna (XXXX) – Je vois. Par exemple, qu’arriverait-il si les dérivations ne fonctionnent pas ou si, sous la pression, les pipelines censés dériver le gaz explosent ou subissent d’autres dommages ?

Anna-Lisa Krieger – Si les deux premières dérivations ne fonctionnent pas ou explosent, comme vous dites, alors nous réessayons avec les dérivations 5 à 8. Si elles ne fonctionnent pas non plus, nous essayons avec les dérivations 9 et 12.

Inna Ostapivna (XXXX) – N’aviez-vous pas dit tout à l’heure que les plateformes Keryl n’avaient que quatres pipelines de dérivation ?

Anna-Lisa Krieger – Oui et non. En réalité, elles en ont plus que quatre, mais en cas d’accident, nous n’utilisons que quatre pipelines en même temps. Les dérivations 5 à 12 sont prévues en cas d’échec des quatre premières. Les blocs sur lesquels sont raccordées les dérivations sont situés à des hauteurs différentes, ce qui permet, si les deux premières dérivations ne fonctionnent pas et que le bloc numéro un est compromis, de faire baisser la pression en ouvrant les dérivations 5 à 8. Cela permettrait alors de refermer les dérivations 1 à 4.

Inna Ostapivna (XXXX) – D’accord, je vois. Je vous remercie d’avoir répondu à mes questions. Je ne vais pas prendre plus de temps et vais laisser la place à une autre personne.

Pierre-Antoine Weidner (XXXX) – Bonjour, ma question sera rapide et portera sur les émissions de CO2 de cette éruption de puits.

Oskar Brötzmann – Actuellement, Keryl-1 rejette 38,8 millions de mètres cubes de gaz chaque jour. Cela équivaut à environ 75 000 tonnes de CO2 chaque jour, soit 27,3 millions de tonnes par an. Cependant, comme je l’ai mentionné plus haut, nous estimons que la combustion est parfaite à 70-85 %. Ainsi, les émissions réelles de CO2 se situeraient plutôt entre 52 300 et 63 500 tonnes par jour, soit entre 19,1 millions et 23,2 millions de tonnes par an.


Après cela, la conférence dura pendant encore une demi-heure sur des sujet de moindre importance avant de se conclure par la dernière question.


Jens Thielemann (XXXX) – Bonjour, je m’appelle Jens Thielemann et je travaille pour le journal XXXX. Ma question portera sur les mesures que vous allez prendre afin qu’un tel accident ne se reproduise plus.

Oskar Brötzmann – Les mesures que nous allons prendre ? C’est très simple. Au-delà de 10 000 mètres, nous ne ferons plus aucun compromis. Nous utiliserons systématiquement le meilleur matériel à notre disposition, tout en restant raisonnables, bien entendu, c’est-à-dire que nous n’allons pas utiliser un équipement capable de résister à 4000 bars si la pression maximale est de 3000 bars. Tout à l’heure, je vous ai parlé de la pression lithostatique, qui correspond à la pression maximale dans un gisement. Les équipements que nous utiliserons devront en permanence être capables d’encaisser cette pression. Peu importe si cela coûte plus cher et rend le puits légèrement moins rentable, la sécurité des foreurs est prioritaire. Aussi, je tient à rassurer nos partenaire internationaux, aucun accident de ce type ne peut se produire dans les projet sur lesquelles Apex est engagé. Il y a cependant une exception, le projet d’exploitation d’hydrocarbure au Wanmiri, ceci se situe à grande profondeur au-delà de 10 000 mètres ainsi, comme nous n’avons pas les annulaires et les shear rams adapté, nous annonçons nous désengager de ce projet.

Jens Thielemann (XXXX) – Je vois, je vous remercie.

Oskar Brötzmann – Bien, la conférence est terminée. Je vous remercie à tous d’avoir été présents. Nos équipes vous distribueront, si vous le souhaitez, le document sur la luminosité de la flamme.



Document sur la luminosité de la flamme
Distance : 10 kmXXXXXXLux estimé : 310 à 376 lux
XXXXXXApparence :
  • Le ciel est extrêmement lumineux à proximité, comparable à une soirée sous des projecteurs puissants.
  • Une forte lueur orange-jaune est visible, causée par la combustion du méthane et des hydrocarbures. Cette lumière illumine la région environnante, y compris les navires se trouvant dans cette zone.
  • Le ciel nocturne serait pratiquement obscurci par la lumière de la flamme, empêchant l’observation des étoiles.


  • Distance : 50 kmXXXXXXLux estimé : 12 à 15 lux
    XXXXXXApparence :
  • La flamme est visible comme une source intense de lumière, mais moins éblouissante qu’à 10 km.
  • Le ciel autour de la flamme apparaît encore éclairé dans une teinte orange, et une lueur pourrait s’étendre sur l’horizon, éclairant indirectement les nuages ou les particules atmosphériques en suspension.
  • Les étoiles sont difficiles à voir dans la direction de la flamme, bien qu’elles restent visibles ailleurs dans le ciel.[/indent]

  • Distance : 100 kmXXXXXXLux estimé : 3,1 à 3,8 lux
    XXXXXXApparence :
  • La flamme ressemble à un point lumineux intense à l’horizon, avec une lueur diffuse qui illumine légèrement le ciel environnant.
  • Le ciel est comparable à six fois la luminosité d’une nuit de pleine lune en termes de luminosité. Les étoiles les plus faibles resteraient masquées par la diffusion lumineuse.
  • Si des nuages sont présents, ils peuvent refléter la lumière de la flamme, ajoutant à la lueur visible.


  • Distance : 200 kmXXXXXXLux estimé : 0,78 à 0,96 lux
    XXXXXXApparence :
  • La flamme est visible comme une petite tache lumineuse à l’horizon. La lumière diffuse est bien moins perceptible.
  • Le ciel reste majoritairement sombre, bien que la flamme poduise une faible lueur autour de l’horizon.
  • Les étoiles sont visibles, sauf dans une direction proche de la flamme où une légère pollution lumineuse persiste.


  • Distance : 300 kmXXXXXXLux estimé : 0,35 à 0,43 lux
    XXXXXXApparence :
  • La flamme ressemble à une étoile brillante à l’horizon, bien qu’elle n’ait pas l’éclat scintillant des étoiles.
  • La lumière diffusée est presque imperceptible, à moins que des particules ou des nuages en suspension dans l’atmosphère amplifient la réflexion.
  • Le ciel apparaît globalement sombre, et les étoiles seraient facilement visibles dans toutes les directions.


  • Distance : 400 kmXXXXXXLux estimé : 0,19 à 0,24 lux
    XXXXXXApparence :
  • La flamme est encore visible comme un petit point lumineux, mais elle commence à devenir moins distincte et se confond presque avec des étoiles très brillantes.
  • L’effet sur le ciel environnant serait négligeable, sauf en cas de forte diffusion lumineuse par des particules atmosphériques ou des nuages.


  • Distance : 500 kmXXXXXXLux estimé : 0,12 à 0,15 lux
    XXXXXXApparence :
  • La flamme est visible comme une source très faible, comparable à une étoile moyenne en termes d’intensité lumineuse.
  • [*] Le ciel est complètement noir en dehors de la petite lueur ponctuelle de la flamme. Les étoiles resteraient totalement dominantes.
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    Conférence de Presse du 12 mars 2016 pour informer des avancement de la fermeture du puits Keryl-1 en éruption depuis le 8 janvier 2016


    Suite à la première conférence de presse s’étant tenu le 12 janvier, les équipes de Kiesling OilRig Groupe (KORG) et d’Apex s’était mis au travaille comme il l’avait exposé durant la première conférence de presse

    Participants principaux
    Oskar Brötzmann PDG d’Apex Energy
    Anna-Lisa Krieger PDG de Kiesling OilRig Groupe


    Oskar Brötzmann – Bonjour à tous et merci d’être venus à cette conférence de presse, celle-ci fait suite à la première s’étant tenue le 12 janvier. L’objectif de cette conférence est de vous tenir informés sur les avancements et les difficultés que nous avons rencontrées dans nos opérations afin de refermer le puits de Keryl-1.

    Bien, même si je pense que vous êtes globalement au courant de ce qu’il s’est passé, je vais tout de même faire un petit résumé. Keryl-1 est une plateforme d’exploration et de production d’hydrocarbures en Ultra Deep Offshore (UDO), conçue pour opérer à très grande profondeur. Celle-ci fut utilisée pour la première fois sur le dôme numéro deux du prospect baptisé Courtial, à une profondeur de 12 500 mètres, et ne rencontra aucune difficulté. Ce dôme numéro deux s’étant révélé décevant, le forage du dôme numéro trois débuta, se trouvant lui à une profondeur légèrement inférieure au précédent, autour de 12 000 mètres. La profondeur étant plus faible, le niveau de risque estimé pour ce forage était faible. Cependant, tout au long des opérations, de nombreux problèmes se sont enchaînés. Je citerai notamment la dureté de la roche, beaucoup plus importante que prévu, nous forçant à utiliser près de 9 forets en diamant, soit plus de deux fois plus que la normale pour un puits de ce gabarit. Vient enfin le 8 janvier, jour où le trépan atteignit enfin le dôme après quasiment un an de forage. Malheureusement, il fut révélé que ce dôme n’était pas normal mais sur-pressurisé. La pression interne du gisement fut évaluée à 2400 bars, soit bien au-delà de ce que nous attendions, et même bien au-delà du maximum enregistré sur les exploitations du reste du monde. En conséquence, le matériel utilisé sur cette plateforme, qui fut dimensionné pour une pression disons normale, ne résista pas, ce qui mena à l’éruption.

    Maintenant que le petit résumé est fini, je vais laisser la parole à ma collègue, qui va vous faire part des choses qui ont été réalisées ainsi que des difficultés que nous avons pu rencontrer.

    Anna-Lisa Krieger (Kiesling OilRig Group) – Merci monsieur Brötzmann. Pour commencer, les bonnes nouvelles. Comme je l’avais dit dans la précédente conférence, la première étape du plan afin de refermer le puits était d’installer un échafaudage en dessous de la plateforme. Cette étape s’est terminée le 19 février après 5 semaines de travail. Nous aurions normalement dû la finir une semaine plus tôt, aux alentours du 12 février, mais les mauvaises conditions météorologiques, notamment un vent très violent, ont contraint nos équipes à stopper le travail pour des raisons de sécurité pendant environ une semaine.


    Une fois l’échafaudage opérationnel, nous avons commencé à installer les quatre pipelines de dérivation et, au bout de 2 semaines, ils étaient totalement installés. Cependant, lors de l’inspection finale, un défaut de conception fut remarqué : en effet, une soudure d’environ 3 cm de longueur ne respectant pas nos normes fut mise en lumière. Il a donc été décidé de démonter entièrement le pipeline et de le remplacer par un autre, cette fois-ci conforme à nos attentes en matière de sécurité. Vous vous dites peut-être que 3 cm, c’est ridicule, mais quand on travaille à de telles pressions, le moindre millimètre compte. Ce défaut de conception nous a donc fait perdre environ 1 semaine, le dernier pipeline ayant été installé aujourd’hui même. Voilà donc ce qui a été fait ; maintenant, voici ce qu’il reste à faire.

    À partir de demain, donc le 13 mars, nous effectuerons les dernières vérifications sur les pipelines de dérivation, puis, si tous les voyants sont au vert, nous commencerons à les ouvrir le jour d’après, soit le 14, afin de rediriger le flux de gaz de la colonne principale pour en faire baisser la pression. Nous ouvrirons les pipelines un à un afin de contrôler précisément ce qu’il s’y passe pour ne pas avoir de surprise. Dans le même temps, nous enflammerons le gaz s’échappant de ces puits pour des raisons de sécurité. En théorie, l’ouverture d’un puits devrait prendre entre trois et quatre heures ; cependant, dans la pratique, il nous faudra environ une demi-journée par pipeline, soit 2 jours en tout, le dernier devant être ouvert le 16 mars.

    Ces quatre puits de dérivation vont faire baisser la pression dans la colonne principale aux alentours de 800/1000 bars, pression qui sera supportable pour la troisième annulaire, qui ne fut pas utilisée lors de l’éruption du 8 janvier. L’activation de cette annulaire permettra de refermer le puits principal et devrait prendre un jour tout au plus. Donc, d’ici le 17 mars, la flamme centrale devrait être éteinte.

    Une fois l’éruption du puits principal stoppée, nous serons en capacité de nous approcher de la colonne principale pour y installer un arbre de Noël UHP (Ultra Haute Pression) pouvant encaisser jusqu’à 3000 bars. Cette opération se passant à l’intérieur de la plateforme et donc à l’abri, il ne devrait pas y avoir de grandes difficultés. D’après nos estimations, il nous faudra 1 semaine afin d’installer l’arbre de Noël, soit une mise en service le 24 mars.

    À partir du moment où l’arbre de Noël est installé, il nous faudra le tester, mais une fois cela fait, la troisième annulaire que nous aurons fermée le 17 mars sera rouverte afin de laisser le gaz s’échapper par une autre sortie que les puits de dérivation, ce qui nous permettra par la suite de les refermer. Cette opération devrait prendre également un jour, donc le 25 mars.

    La troisième annulaire rouverte, nous commencerons progressivement à fermer les puits de dérivation un à un afin de rediriger la totalité du flux vers la colonne principale. Cette étape de fermeture sera beaucoup plus longue que celle d’ouverture, car cette fois-ci, la pression jouera contre nous en essayant de garder le passage ouvert. On estime qu’une à deux semaines seront nécessaires afin de refermer complètement les puits de dérivation, soit le premier avril ou le huit.

    Enfin, quand ceux-ci seront totalement fermés, nous pourrons fermer l’arbre de Noël pour refermer définitivement le puits et donc dire adieu à l’éruption de Keryl-1. Si tout se passe bien, l’éruption devrait être maîtrisée au maximum le dix avril.

    Voilà donc ce que nous avons fait et ce qu’il reste à faire, nous pouvons maintenant passer aux questions.

    Khadija Touré (journaliste économique pour Al-Urwâ al-Wûthqâ) – Bonjour, je suis Khadija Touré et je suis journaliste économique pour Al-Urwâ al-Wûthqâ. Ma question portera sur votre image. En d’autres termes, que pensez-vous des répercussions de cet incident sur l'image et la crédibilité d'Apex en tant que potentiel sous-traitant pour des pays producteurs d’hydrocarbures ?

    Oskar Brötzmann (Apex Energy) – Oskar Brötzmann (Apex Energy) – Il est indéniable que cet accident a eu un impact sur l’image que renvoie Apex à l’international, et que si nous avions pu nous passer de cette éruption, nous l’aurions fait. Cependant, il faut bien comprendre une chose : quand on opère à ces profondeurs, les incertitudes sont très grandes car on commence à peine à les atteindre, nos connaissances sont donc limitées, à contrario des gisements moins profonds qui sont maintenant très bien connus. Mais ce n’est pas parce que l’on sait très peu de choses sur cet environnement que l’on doit se dédouaner de toute responsabilité. Des choix ont été faits, choix qui se sont révélés ne pas être les bons. De plus, il faut aussi comprendre que Keryl-1 n’est pas le premier forage qu’Apex fait à cette profondeur. En plus de Keryl-1, 5 autres forages ont été effectués aux alentours de 12 km de profondeur, et sur ces 5-là, pas une seule fois nous n’avons rencontré la même situation que sur Keryl-1. Ainsi, de notre point de vue, ce forage ne représentait pas plus de difficulté que les précédents. Cela ne veut pas pour autant dire que nous avons sous-estimé ce puits, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Mais bien qu’exceptionnelle, cette situation nous a tout de même poussés à revoir nos modèles pour que cet accident ne se reproduise plus.

    Alors oui, il y a un impact. Il serait irresponsable de le nier. Mais j’espère aussi que la rigueur, la réactivité et la transparence dont nous faisons preuve depuis le début de cette crise seront également vues par nos partenaires internationaux. La confiance ne se gagne pas seulement en période de calme, mais surtout dans la façon dont on affronte les tempêtes.

    Mohammed Dawsul (SARGHAT) – Bonjour, je suis Mohammed Dawsul et je suis journaliste pour le journal azuréen SARGHAT, ma question portera sur l’aspect environnemental de l’accident. Quelles actions vont-elles être mises en place pour compenser les dégâts environnementaux de l'explosion à Rasken ?

    Oskar Brötzmann (Apex Energy) – Bien, avant de répondre à votre question, il faut bien identifier de quels dégâts environnementaux on parle. Comme il ne s’agit pas d’un accident pétrolier, il n’y a pas de marée noire, donc l’impact direct sur la vie en général autour de la plateforme est très limité. Il y a globalement deux impacts concrets sur l’environnement : premièrement, il y a le CO₂. D’après nos estimations, si l’éruption s’arrête comme prévu le 10 avril, les émissions devraient être de l’ordre de 7 millions de tonnes. Cela peut paraître beaucoup, mais à titre d’exemple, les émissions mondiales sont plutôt de l’ordre de la dizaine de milliards de tonnes chaque année. Mais ce n’est pas parce que cela représente peu qu’il faut le négliger ; cette éruption reste un accident majeur de ce début de siècle.

    Pour répondre à votre question sur la manière dont nous allons compenser les dégâts environnementaux, il se trouve que nos installations de production d’électricité au gaz naturel situées à Rasken sont parmi les plus propres au monde. En effet, elles intègrent depuis 2015/2016 une technologie appelée CSC, pour Capture et Séquestration du Carbone. Cette technologie permet de capturer les émissions de CO₂ avant qu'elles ne soient relâchées dans l’atmosphère, réduisant ainsi les émissions à un niveau quasi nul. À ce stade, vous vous demandez sans doute en quoi cela permet de compenser les dégâts environnementaux. J’y viens. Dans le cadre de sa politique de réduction des émissions de CO₂, le gouvernement raskenois nous a confié le développement de l’industrie du biogaz, c’est-à-dire du méthane produit à partir de déchets alimentaires, par exemple. À partir de 2022, nous avons commencé à brûler une part croissante de biogaz dans nos installations de production électrique. Or, si l’on brûle du biogaz tout en capturant les émissions, on obtient ce que l’on appelle des émissions négatives, car cela permet de retirer du CO₂ de l’atmosphère. Ainsi, dès 2023, les émissions de cet accident seront compensées. Ensuite, ce seront les émissions de CO₂ de l’entreprise que l’on ne peut pas réduire qui seront compensées.

    Pour ce qui est du deuxième impact, il s’agit du dioxyde de soufre. En tout, on estime que 200 000 tonnes seront émises. Heureusement, le vent dans la zone a la particularité de souffler fréquemment vers le large, ainsi, les populations humaines ne seront que très peu impactées. En revanche, ce soufre qui s’élève dans l’atmosphère va finir par retomber sous forme de pluie acide dans la mer. Ces pluies acides devraient légèrement modifier à la baisse le pH de l’eau sur les premiers mètres, ce qui pourrait causer quelques dégâts à la vie marine. Pour répondre à votre question, on ne peut pas agir directement pour compenser cet impact. En revanche, ce que nous allons faire, c’est mettre en place une surveillance à long terme de la chimie de l’eau et de la biodiversité marine dans la zone pour suivre l’évolution. Mais en dehors de ça, on ne peut pas faire grand-chose, on ne peut pas retirer le soufre de l’eau. Le problème, ce n’est pas l’argent, mais l’efficacité : la concentration en soufre dans l’eau est très faible et ne va faire que diminuer à cause de la dilution. Ainsi, il faudrait pomper des milliards et milliards de m³ d’eau pour espérer le retirer.

    Renata Guadalupe (El Imparcial) – Bonjour, je suis Renata Guadalupe du journal alguaréno El Imparcial et j’aurais une série de questions à vous poser. Premièrement, l'accident est-il en mesure d'affecter le calendrier d'amélioration des infrastructures de Kiesling OilRig Group ?

    Anna-Lisa Krieger (Kiesling OilRig Group) – Merci pour votre question. Pour répondre simplement : non, l’accident de Keryl-1 n’aura pas d’impact sur le calendrier d’amélioration de nos infrastructures actuelles. La réponse longue est que Keryl-1 est unique en son genre, car il s’agit de la première tentative de forage à des profondeurs supérieures à 11 000 mètres ; ainsi, il n’existe pas encore d’autre plateforme de ce type. Cependant, grâce au retour d’expérience de cet accident, des modifications seront apportées sur les futures plateformes de classe Keryl qui seront mises en chantier.

    Concernant les infrastructures existantes, cet accident ne remet rien en cause, car aucun autre gisement que nous exploitons, que ce soit sur le territoire national ou à l’international, ne présente de caractéristiques similaires. Par exemple, aucun gisement que nous exploitons ne dépasse les 7 000 mètres de profondeur, contre 12 000 pour Keryl-1 ; les pressions en jeu sont donc bien moindres. De plus, il faut bien comprendre une chose : c’est au moment du forage que les risques sont les plus importants. Une fois le puits foré et stabilisé, les risques d’incidents majeurs sont considérablement réduits, comme l’expérience l’a montré jusqu’ici.

    Pour résumer, le reste du parc continue son amélioration selon le calendrier prévu, sans être impacté par les particularités très spécifiques de Keryl-1.

    Renata Guadalupe (El Imparcial) – Je vois, ma deuxième question est en fait plus une continuation de la première : est-ce que Kiesling OilRig Group a les moyens de fiabiliser son matériel pour les extractions futures ?

    Anna-Lisa Krieger (Kiesling OilRig Group) – Oui, nous avons les moyens de fiabiliser notre matériel, et c’est déjà ce que nous faisons avec l’arbre de Noël ultra haute pression pouvant résister à 3000 bars que nous allons installer sur Keryl-1. Dans l’absolu, il n’y a pas de limite physique à l’augmentation de la fiabilité du matériel, on peut tout à fait imaginer du matériel résistant à 5000 bars. La limite, ce sont les moyens qu’on est prêt à mettre en œuvre pour développer ce matériel. Si nous avons développé cet arbre de Noël résistant à 3000 bars, c’est parce qu’on sait qu’à 12 000 mètres de profondeur, il reste des ressources en hydrocarbures exploitables. Au-delà de cette profondeur, nous ne sommes encore sûrs de rien. S’il est prouvé que des ressources exploitables peuvent se trouver à, par exemple, 15 000 mètres de profondeur, alors il y aura des développements à travers le monde pour concevoir du matériel résistant à cette profondeur.

    Renata Guadalupe (El Imparcial) – Très bien, ma troisième question portera plus sur le volet économique. Avec les cours gaziers, doit-on craindre une fluctuation à cause de cet accident ?

    Oskar Brötzmann (Apex Energy) – En théorie non, mais dans la pratique, les marchés sont imprévisibles. Si je vous réponds non, c’est parce que, comme ma collègue l’a dit, Keryl-1 est unique en son genre. Ainsi, un autre accident semblable n’est pas possible. Mais au-delà de ça, la plateforme était une plateforme d’exploration, et non de production. Le gaz contenu dans le dôme numéro trois de Courtial n’était pas encore extrait commercialement, aucun contrat ne dépendait de lui. Par ailleurs, le marché mondial du gaz est aujourd’hui très diversifié et relativement stable en volume.

    En revanche, ce type d’accident peut avoir des effets indirects, notamment sur la perception du risque dans l’industrie offshore à très grande profondeur, et sur les coûts futurs d’exploration, en raison de normes de sécurité renforcées. Cependant, ces effets indirects seraient, d’une part, limités dans le temps, et surtout localisés. N’allez pas imaginer que le cours du gaz va exploser à cause de cet accident.

    Matteo Kittel (Le Patriote) – Bonjour, je m’appelle Matteo Kittel et je travaille pour le journal Le Patriote. Ma question portera sur l’avenir de Keryl-1. Est-ce que le puits sera scellé et donc qu’il n’y aura pas d’exploitation commerciale du gaz, ou bien est-ce l’inverse et vous réfléchissez déjà à la mise en production de la plateforme ?

    Oskar Brötzmann (Apex Energy) – Non, ce puits ne sera pas scellé et sera effectivement mis en production. Nous ne pouvons pas nous passer de cette ressource à un moment où Rasken a désespérément besoin d’énergie. Actuellement, nous ne subvenons qu’à environ 18 % de notre consommation. Le dôme numéro 3 de Courtial contient près de 500 milliards de m³, ce qui multiplie les réserves de gaz raskenoises par 1,5, les faisant passer de 1000 milliards de m³ à 1500. Pour répondre à votre question : oui, nous réfléchissons déjà à sa mise en production. Comme pour les autres gisements, nous allons adopter une approche à long terme. Un fait bien connu de l’industrie des hydrocarbures est que, de manière générale, la production commence à baisser une fois que la moitié des réserves est consommée, soit 250 milliards de m³. Pour le dôme 3 de Courtial, nous avons décidé que la production ne devait pas baisser avant 30 ans. Pour cela, nous allons adopter une production journalière de l’ordre de 23 millions de m³. Cette production supplémentaire, si elle avait lieu aujourd’hui, augmenterait notre indépendance en gaz naturel à environ 40 %. Cependant, cette production ne devrait commencer qu’en 2017 pour atteindre son rythme de croisière en 2019. La mise en production simultanée du gaz du plateau de Crystal et du gaz de charbon devrait provoquer une envolée de la production. En 2022, avec la montée en puissance de Keryl-1, du plateau de Crystal et du gaz de charbon, nous estimons pouvoir atteindre un taux d’indépendance énergétique sur le gaz de 89 %. Cependant, ce taux sera amené à redescendre légèrement ou à stagner, non pas à cause d’une baisse de la production — bien au contraire, celle-ci devrait continuer à augmenter pour s’établir au maximum à 126 millions en 2031, mais parce que, dans le même temps, la consommation de gaz devrait augmenter plus vite que la production.

    Matteo Kittel (Le Patriote) – D’accord, très bien. J’aurais également une autre question. Si je me souviens bien, lors de la précédente conférence de presse, vous aviez mentionné le fait que le prospect Courtial avait six dômes et que le dernier à avoir été foré était le numéro trois. Ma question est donc : est-ce que vous comptez forer également les trois derniers dômes ?

    Oskar Brötzmann (Apex Energy) – Oui, nous allons bien effectuer des forages dans les trois derniers dômes. Comme mentionné, il avait été estimé que si tous les dômes étaient connectés les uns aux autres, Courtial aurait des réserves de quasiment 4500 milliards de m³. Ainsi, d’autres forages seront effectués afin de mettre en lumière de possibles autres ressources de ce prospect. Il est cependant également possible que l’on ne trouve rien, comme pour les dômes numéro un et deux, qui ne contenaient que du CO₂. De plus, un accident comme sur Keryl-1 sera maintenant beaucoup moins probable, car nous avons un retour d’expérience, et le matériel utilisé est maintenant renforcé et apte à faire face aux mêmes conditions que sur Keryl-1. Pour ce qui est du calendrier, aucun forage n’est prévu avant 2019, le temps de construire une deuxième plateforme de classe Keryl (donc Keryl-2), en prenant en compte le retour d’expérience de Keryl-1.
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