14/09/2016
23:43:42
Index du forum Continents Nazum Fujiwa

POLITIQUE I Vie Politique

Voir fiche pays Voir sur la carte
12
Vie Politique
8645
Le Retour au Shintô

25 Janvier 2016

Grands Prêtres



C’est dans une mise en scène empreinte de solennité et de tradition sacrée qu’un événement d’une importance exceptionnelle est annoncé par le Shogun Ishida Shimura, en personne. En cette fin de janvier, presque un mois après le début de la nouvelle année, le Conseil Shogunal, par l’intermédiaire de son porte-parole, révèle que le Shogun effectuera une visite officielle dans la métropole de Miyako, capitale de la province éponyme située sur l’île de Wano. Si une telle visite, au cœur d’une cité intérieure du pays, pourrait sembler anodine, elle revêt ici un caractère singulier et impérieux. Le Shogun Ishida Shimura prévoit en effet de se rendre au sanctuaire shintô de Naushika, le plus grand et le plus sacré du pays, un lieu emblématique de l’Histoire nationale. Ce sanctuaire occupe une place centrale dans la spiritualité fujiwane, car il est dédié aux deux déesses primordiales: Akitsuhime (耀姫), déesse du Soleil, et Tsukimiko (月御子), déesse de la Lune.

Cet événement marquant prendra la forme d’une grande prière collective, prétexte à la convocation d’un rite de bénédiction nationale, organisé pour symboliser le renouveau spirituel de cette nouvelle année 2016. Ce geste hautement significatif s’inscrit dans la continuité des idéaux politiques portés par Ishida Shimura et son parti, le Kodo, dont le principal cheval de bataille demeure la revitalisation spirituelle et culturelle du Fujiwa. Miyako, dont l’effervescence économique et la vitalité culturelle sont indéniables, se distingue également par son caractère traditionnel. Elle est perçue comme la seule grande métropole ayant su préserver son essence fujiwane, résistant aux dérives de l’industrialisation et aux influences des mœurs contemporaines qui ont transformé d’autres cités. Aussi, cette visite symbolique, combinée au message solennel du Conseil Shogunal, ne manque pas de susciter l’intérêt des médias comme de la population, tous encouragés, implicitement ou explicitement, à participer à cette cérémonie. Celle-ci sera retransmise à l’échelle nationale grâce aux divers canaux de diffusion.

La scénographie, enfin, se déploie avec une magnificence remarquable. Une immense estrade a été érigée dans la cour principale du sanctuaire de Naushika, entourant l’autel central. Des centaines de lanternes illuminent la scène, tandis que des bannières ornées des sceaux traditionnels fujiwans et des étendards représentant les Kamis majeurs flottent dans l’air hivernal. Pour l’occasion, Ishida Shimura abandonne son costume contemporain habituel, adopté par la majorité des figures politiques de son temps, au profit d’un vêtement cérémoniel ancestral : un somptueux montsuki 紋付, élégamment orné du sceau familial. Les plus grands prêtres shintô du pays, tous conviés, se présentent vêtus de leurs robes blanches aux motifs impériaux, tandis que les servantes du sanctuaire, les miko, arborent avec grâce leurs hakama rouges, symbole de la pureté et de la tradition.

L’annonce, prononcée par une figure d’autorité telle que le Conseil Shogunal, avait pour ambition de jouer savamment sur les registres symbolique et politique afin de légitimer cette initiative. Bien que la séparation entre l’État et la religion ait été instaurée depuis 1962, la symbolique de cet événement prouve aujourd’hui la volonté du Fujiwa de replacer le sacré sous le contrôle de l’autorité publique, transformant ainsi la religion en un outil d’expression politique et sociétale. Une autre dimension notable de cette symbolique résidait dans la présence de l’Empereur Oden et de son épouse, l’Impératrice Consort Toki. Tous deux étaient présents au sanctuaire de Naushika, bien qu’ils aient maintenu une distance physique avec le shogun Ishida Shimura. L’Empereur, visiblement porté par le contexte solennel, a souligné avec simplicité son souhait de participer à un événement fédérateur comme celui-ci.

Une fois le public scrupuleusement choisi et les protagonistes réunis, il ne restait plus qu’à instaurer le sacré. Le rituel shintoïste débuta dans une atmosphère solennelle, transcendant les clivages religieux et politiques. Le grand prêtre du sanctuaire, Onashi, un vieillard expérimenté qui officie à Naushika depuis maintenant 30 ans, ouvrit la cérémonie par une purification rituelle à l’aide d’un ōnusa (un bâton en bois orné de bandes de papier). En balayant l’air devant le shogun, placé au centre de l’autel et face à la foule, le grand prêtre dissipait symboliquement toutes les énergies négatives.

Vint ensuite un chœur sacré, qui entonna une courte mélodie kagura, destinée à invoquer les Kamis résidant dans et autour du sanctuaire, et à ouvrir un espace sacré de communication avec ces forces divines. Dès cet instant, l’espace et le temps semblaient se lier aux Kamis, esprits et divinités, marquant ainsi le début officiel de la prière collective. Le Shogun Ishida Shimura se retourna alors pour s’avancer vers l’autel central, suivi de cinq grands prêtres soigneusement sélectionnés pour cet instant. Le shogun procéda au dépôt d’une offrande rituelle: une branche de sakaki, un arbre sacré au Fujiwa, soigneusement cultivé dans l’enceinte de tous les sanctuaires shintô du pays.

Le grand prêtre Onashi récita ensuite un norito, une prière traditionnelle, invoquant la prospérité, l’harmonie nationale, et la paix dans l’âme de chaque Fujiwans. À ce moment-là, l’assemblée tout entière inclina la tête avant de taper deux fois dans ses mains, selon la tradition, pour ensuite joindre ses mains dans une prière silencieuse. Aucun bruit ne venait troubler l’instant, si ce n’est le souffle du vent agitant délicatement les carillons suspendus. Le silence était si dense que l’on aurait pu croire, l’espace d’un moment, que la planète elle-même cessait de tourner.

Alors que le rituel touche doucement à sa conclusion, le Shogun s’avance lentement vers l’autel. En rompant avec le cadre purement spirituel de la cérémonie pour prendre la parole, il amorce une transition lourde de sens, un basculement du sacré vers le politique.

« Peuple du Fujiwa, au moment où nous offrons, avec humilité, nos prières sincères aux Kamis et sollicitons leur bénédiction sur notre terre, je ressens profondément leur guidance. Durant ce rituel, une vérité s’est révélée plus claire que jamais. Notre nation a besoin de renouer un lien indéfectible avec ses racines, avec ses traditions et avec les Kamis eux-mêmes. À cet instant précis, je me tiens devant vous non seulement comme votre Shogun, mais comme un humble serviteur de cette terre sacrée que nous partageons.

Après des années de réflexion et de consultation avec les grands prêtres, les gardiens de nos traditions, j’ai pris une décision importante. Il est temps d’annoncer une initiative déterminante pour raviver notre esprit collectif. Aujourd’hui, sous le regard protecteur des Kamis, je proclame la création officielle du Conseil Suprême Shinto, un organe sacré qui veillera non sur le pouvoir temporel, mais sur l’âme de notre nation. Le ciel du Fujiwa s’assombrit. Nous devons le protéger de toute perfidie et corruption. À ceux qui osent salir l’héritage impérial, puissent les Dieux vous frapper sans pitié ! Mais à ceux qui luttent avec loyauté, en dévoués gardiens des traditions… Moi, Ishida Shimura, je vous salue humblement. »


L’effet fut spectaculaire. La foule, silencieuse jusqu’alors, retint son souffle. Cette annonce, prononcée par l’exécutif suprême en personne, cristallisait désormais officiellement ce que beaucoup redoutaient, ou espéraient. Le Fujiwa renouait avec le spirituel, brisant un demi-siècle de séparation entre l’État et la religion. Avec la création du Conseil Suprême Shinto, le Shogun inaugurait une nouvelle ère où le shintoïsme n’allait plus se limiter à quelques festivités familiales ou locales, mais retrouverait une place centrale dans la vie nationale. Cette initiative semblait promettre une réponse spirituelle aux excès du temps moderne. La frénésie du profit, la course effrénée à la richesse ostentatoire, et l’industrialisation qui, peu à peu, avait vidé la société fujiwane de son essence profonde, de son lien sacré avec la nature et les traditions.

Pour donner davantage de poids symbolique à son geste et graver cet instant dans l’imaginaire collectif, on apporta au Shogun Ishida Shimura un décret solennel. Ce document, prêt à être signé de sa main, officialisait la création du Conseil Suprême Shinto. Une fois paraphé, le décret fut remis en grande pompe aux grands prêtres présents, comme une offrande en soi. Le précieux parchemin serait ultérieurement exposé dans le sanctuaire de Naushika, devenu ainsi témoin de cette déclaration historique.

À peine l’acte remis, un grondement lointain emplit la cour du sanctuaire. Les tambours taiko résonnaient dans un battement profond et envoûtant. Des danseurs et danseuses de kagura émergèrent alors, leurs mouvements gracieux et codifiés hypnotisant la foule, transformant l’instant en une fresque vivante, à la fois théâtrale et mystique. Ce crescendo d’émotions semblait transcender les limites du sanctuaire pour atteindre chaque esprit, même à travers les écrans des spectateurs suivant la cérémonie à distance. Dans un geste empreint de symbolisme, la foule fut ensuite invitée à déposer de petites offrandes autour d’un grand *torii* dressé spécialement pour l’occasion. Cet acte collectif, humble et sincère, ancrerait la déclaration du Shogun dans le quotidien de chacun.

Ce moment de communion fut d’une intensité rare. L’adhésion collective paraissait spontanée, presque universelle. Une légitimité perdue depuis des décennies semblait avoir retrouvé sa place dans les cœurs, et le peuple donnait l’impression d’avoir redécouvert son âme à travers ces gestes simples mais puissants. Les Kamis semblaient danser avec les Fujiwans. Cela se sentait, cela se savait, chacun en était convaincu.
7371
Nationalisme Débridé

07 Février 2016

TV



Vu sur la chaîne de télévision Jōshiki TV (dont le nom signifie littéralement Télévision du Bon Sens en fujiwan), un député du parti shogunal Kōdō, M. Keta, s’est exprimé sur un plateau lors d’un débat consacré aux questions sécuritaires du Fujiwa. Diffusée sur Jōshiki TV, une chaîne propriété du milliardaire et industriel Okada Asō, figure incontournable du paysage nationaliste, l’émission se distingue par un ton provocateur et un style direct, souvent agressif, destiné à galvaniser l’audience. Programmée à une heure stratégique – celle de la pause déjeuner, à 13h – l’émission a offert à M. Keta l’occasion de s’exprimer avec véhémence sur le dossier de Macao, cette enclave de l’Empire listonien située à la frontière du Fujiwa.

Lors de son intervention, le député Keta a pris un ton particulièrement virulent. « Macao, c’est un ramassis de colons chrétiens. Pourquoi ne les avons-nous toujours pas chassés de nos terres sacrées? Six millions d’habitants coincés sur 15 000 km²... Sincèrement, les forcer à partir leur offrirait même une vie meilleure ailleurs. Là-bas, ils ne servent à rien. La Listonie doit déguerpir son sale cul du Nazum ! »

Il y a encore quelques années, ce type de sortie aurait suscité un scandale national. Aujourd’hui, cependant, ce genre de diatribe est devenu presque banal dans le paysage politico-médiatique du Fujiwa. De la part de Jōshiki TV, la surprise est d’autant plus limitée: son audience, tant sur écran que sur internet, est habituée à des plateaux bruyants et à des invités aux propos véhéments.

Ce changement marque toutefois un basculement notable. Alors que, dans le passé, la Haute Autorité de l’Audiovisuel (HAA) aurait tenté de réguler de telles dérives ou de calmer les ardeurs de ces nouvelles chaînes à tendance nationaliste – chaînes qui, bien souvent, font leur fonds de commerce de discours haineux contre les étrangers, avec une insistance particulière sur les Listoniens de Macao et les Kah-Tanais –, cette époque semble aujourd’hui révolue. L’autorité publique de la HAA paraît désormais passivement spectatrice de ce déferlement médiatique, paralysée sous l’influence d’une administration shogunale qui semble favoriser ce genre de spectacles télévisés. Le paysage médiatique du Fujiwa est effectivement devenu un marché sauvage où les grandes fortunes jouent un rôle central. Alors que presse et télévision peinent à rester rentables, ce sont désormais les puissants investisseurs fujiwans qui se ruent sur le contrôle de ces outils de communication, conscients du pouvoir qu’ils confèrent dans les sphères politiques et sociales. Nombre d’entre eux s’engagent dans une concurrence féroce pour acquérir les parts ou carrément le contrôle des journaux et magazines les plus prestigieux du pays. Toutefois, malgré ce bouleversement, l’État conserve sous sa propriété le géant Kawara-ban, le premier groupe de diffusion multimédia du territoire. Ce dernier continue de dominer le paysage national, mais s’impose également à l’international, notamment dans des pays comme le Negara Strana, où il a récemment obtenu l’autorisation de diffuser ses contenus.

En évoquant les riches influents du Fujiwa, on peut citer le clan Seiryū, qui refait surface sur la scène publique. Cette famille, étroitement liée au clan Shimura, celui du shogun, est connue pour son influence majeure dans le domaine de l’agroalimentaire. Les Seiryū se sont imposés comme le géant nourrissant une grande partie des familles grâce à des produits transformés et vendus à bas prix. Dernièrement, le clan a élargi son empire en s’appropriant le journal Hoothoot, principal diffuseur d’informations locales dans la province de Johto. Sous leur direction, le ton du quotidien reste marqué par une certaine idéologie et se place souvent en écho au discours officiel.

Récemment, le gouverneur de Johto, Mori Tamasine, s’est exprimé dans ses pages, employant une rhétorique nationaliste et abrupte sur des sujets sensibles. « On devrait supprimer le Jinse en tant que langue reconnue. On avait dit que nous devions devenir un seul peuple uni. Les Jinséens de Moon? On a arrêté d'en parler, et ce n’est pas pour rien. Il n’y a pas de résistance là-bas, il n’y en a jamais eu. Restons entre Fujiwans, descendants des grandes déesses Akitsuhime et Tsukimiko. Les autres ont voulu croire à autre chose, mais « autre chose » n’a aucun sens. Ils sont perdus. L’unité nationale et le shintoïsme national, voilà une politique émergente ici à Johto, et je vous garantis qu’elle fonctionne. Le peuple est heureux. » Ce type de déclaration reflète une tendance grandissante à Johto, où les discours favorisant une vision centralisatrice et traditionaliste prennent de l'ampleur. Sous l’influence des Seiryū et de leur orientation idéologique, le Hoothoot tend à devenir le porte-parole de ces discours au sein de la province.

Lorsqu’il s’agit d’évoquer d’autres voisins, en particulier le Jashuria, nation historiquement proche du Fujiwa dans de nombreux domaines, les avis au sein de la sphère politique fujiwane tendent à diverger, notamment sur la vision unificatrice commune. Le législateur Keta s’est récemment exprimé à ce sujet lors d’un entretien sur la chaîne Jōshiki TV. « Le Jashuria est un partenaire fiable. Nous avons une politique de libre-échange avec eux, et ce n’est pas un détail anodin. On l’oublie souvent, mais dans nos supermarchés, dans nos commerces, partout, on trouve des produits fujiwans et des produits jashuriens. Leur culture n’est pas envahissante ; ils n’ont pas une idéologie contraire à nos valeurs ou à nos traditions. Ce sont des gens respectueux. À l’inverse, écoutez simplement une chanson de pop kah-tanaise, vous entendrez immédiatement leurs insultes à notre encontre. »

Cependant, d’autres voix se montrent plus nuancées, à l’image de la législatrice Madame Saeko, qui adopte une position plus mesurée. « Je reconnais que le Jashuria est l’un des partenaires les plus fiables du Fujiwa. Cependant, j’éprouve des réserves quant à leur manière de percevoir notre gestion du Nazum. Si nous partageons une exigence commune autour du pacifisme, je m’interroge sur leur rôle face aux actions du Kah dans notre sphère d’influence. En réalité, nos sphères d’influence respectives – celle du Jashuria et celle du Fujiwa – sont largement imbriquées ; en ce sens, nous devons composer avec eux. Mais le problème, c’est qu’ils sont bien souvent des mercantiles. Ils ne bougent pas le petit doigt à moins qu’un indicateur économique, une flèche rouge, ne pointe vers le bas. Alors que nous, au Fujiwa, nous agissons en tenant compte d’une vision civilisatrice, portée par des idéaux d’identité et de survie collective. Avec eux, le doute reste permis… »

Un autre candidat à une relation privilégiée avec le Fujiwa est incontestablement le Grand Ling. Si les échanges demeurent encore peu formels et discrets, il n'en reste pas moins un allié de poids, partageant avec le Fujiwa une vision commune sur les questions de sécurité et sur le rôle stratégique du Nazum dans le paysage international. Ce rapprochement se distingue par une ambition mutuelle, portée par des intérêts convergents sur plusieurs enjeux clés pour la stabilité régionale. En particulier, leur opposition commune à toute forme de déstabilisation idéologique ou d’ingérence étrangère au sein du Nazum semble jeter les bases d’un dialogue constructif et prometteur. Le ministre des Affaires étrangères, Suzuki, a personnellement engagé des discussions régulières avec Liang Takeshi, figure éminente et stratège du Grand Ling, consolidant peu à peu un terrain d’entente. Bien que les détails de ces échanges restent soigneusement tenus à l’écart du regard public, certains analystes suggèrent la possibilité d’un partenariat bilatéral plus structuré dans un avenir proche, incluant des initiatives diplomatiques et stratégiques de grande envergure.

À la frontière avec Macao, des mouvements ont déjà été signalés, bien qu’aucune source officielle ne les confirme. Des experts civils rattachés au clan Seiryū auraient été envoyés dans la région sous prétexte d’études agricoles et de protection environnementale, accompagnés par des dispositifs de sécurité inhabituels. Il ne s’agit peut-être que de gestes isolés, mais pour certains observateurs attentifs, l’ombre d’une réorganisation dans la province – voire d’une action plus décisive – semble se dessiner en silence.
3423
Les Exercices de l’Empire

lol



Palais du Pin Noir, Sokshō / 30 Avril 2016, 21h35

La pièce sentait le bois ancien, le silence, et quelque chose d’encore plus lourd — peut-être la mémoire. Le Shogun n’avait pas bougé depuis l’aube. Assis au bout de la longue table d’if noirci, il regardait un point invisible devant lui, mains croisées, dos parfaitement droit. On aurait dit une statue vivante, taillée dans l’exercice du pouvoir. Le mur derrière lui était nu. Pas d’étendard. Pas d’icône. Rien, sinon cette lumière basse tombant d’un lustre de fer forgé, aussi sobre que l’époque l’exigeait. Autour de la table, cinq silhouettes. Ministres. Généraux. Sages. Ils attendaient.

C’est Sakazuki qui parla le premier. La voix tranchante, les mots comme des rapports de tirs.

— Les forces ont terminé les manœuvres à Honkumo. Mobilisation complète en soixante-douze heures. Liaisons interarmes validées. Aucun incident de commandement. Aucun.

Il ne détaillait pas. Il constatait. Comme on dresse l’état d’un champ avant l’orage. Le Shogun ne répondit pas. Pas tout de suite. Il pivota légèrement, lentement, vers l’autre général. Kizaru, bras croisés, l’air vaguement distrait. Il jouait avec une bague ancienne, qu’il faisait tourner sur son pouce.

— L’exer-ciiice… il était biiien propre, hmm… trop propre… Les hooommes… ils s’ennuient, héhé… Trois semaaaines sans frayeur… sans adrééénaline… Ça fiiinit par user la discipliiine… ou bien réveeeiller des queeestions… qu’on préfééérait voir dormiiir, hmm…

Un silence. Le genre de silence qui descend doucement dans les poumons, et les resserre. Oda Natsuki releva les yeux. Son kimono de fonction ne masquait pas l’acier de sa voix.

— Le peuple ressent cette tension. Il l’approuve, mais il ne la comprend pas. Et ce qu’on ne comprend pas finit toujours par inquiéter. Shogun-sama… un geste symbolique. Pas violent. Juste… visible.

Yoshii Suzuki, lui, prit la parole sans élan, presque à contresens. Sa voix ne montait pas. Elle s’insinuait.

— L’inaction apparente nous sert. Chaque jour de silence listonien est une reconnaissance muette. Nous les exposons sans les toucher. S’ils parlent, ils perdent. S’ils se taisent, ils s’enlisent.

Il tourna une page de son carnet.

— Nous les humilions sans les affronter. C’est une guerre sans blessés. Pour l’instant.

Le Shogun ferma les yeux un bref instant. Un battement. Puis il parla, doucement, comme s’il répondait à un souvenir ancien.

— La guerre ne commence pas avec le sang. Elle commence quand l’oubli devient stratégie. Et nous… nous avons été oubliés.

Il ouvrit les yeux.

— Ce que nous faisons… ce n’est pas provoquer. C’est rappeler.

Du fond de la salle, une voix s’éleva. Tamura. Économiste du régime, figure grise du pouvoir. Il parlait peu. Mais toujours à contre-courant.

— Et si nous ne rappelions pas qu’aux autres? L’exercice a redonné un rythme à notre appareil. Les préfets en parlent. Les marchés spéculent. La peur est un moteur. Et certains se remettent à construire des armes. C’est peut-être moins un message… qu’un tournant.

Personne ne le contredit. Parce que c’était vrai. Le Shogun resta immobile. Puis il parla, comme on lit un ordre déjà écrit depuis longtemps.

— Nous continuerons. En cadence. Kizaru, des survols discrets, chaque semaine. Sakazuki, des rotations visibles. Pas de discours. Pas de menace. Juste… une présence.

Il se leva. Le geste fut lent, mesuré. Il n’avait pas besoin de frapper du poing. Pas besoin de hurler. Il imposait par l’économie même de ses mouvements. Puis, avant de sortir, il ajouta.

— Le Fujiwa n’est pas en guerre. Il est en mémoire.

Et il quitta la salle. Ils restèrent là, un instant, figés. Aucun mot. Juste les bruits discrets des respirations, des papiers que l’on range, des pensées qui se réorganisent. Kizaru souffla, sans s’adresser à personne.

— La mémoire… ooooh… C’est ce qui reviiient, hmm… …quand on croyait… aaaaavoir tourné la paaaage…

Suzuki referma lentement son carnet. Il ne souriait pas.
Haut de page