Posté le : 24 mars 2025 à 07:35:27
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Combien de Vladimirs faut-il pour réussir une négociation ? En tout cas, la réponse, espérait-on, était supérieure à 1 et inférieure à 3. Voilà une drôle de mathématique à laquelle on allait s’adonner aujourd’hui.
Pavel Dmitrievich Voronin arriva par avion avec, officiellement, son assistant, Vladimir Rurikovich. La délégation comptait aussi quelques secrétaires et traducteurs, un petit service attitré à la tâche de pousser à la réussite de cette entrevue. Il fallait dire que Voronin était devenu plus sceptique depuis la rencontre avec le Saint Empire de Karty dont on pouvait résumer le résultat par « pas pire que craint, pas mieux qu’espéré ».
Vladimir Rurikovich, lui, avait été poussé par Voronin à quitter le pays. De toute façon, la tsarine vivait ses derniers jours sur Terre et allait très certainement périr dans le mois. L’ambiance était donc encore plus lugubre que d’habitude à Lunograd. L’hiver n’aidait pas à rendre la capitale agréable, car il manquait encore dans beaucoup d’édifices publics des chauffages digne de ce nom. Et puis, la tsarine était si obsédée par tout contrôler qu’elle se refusait à la moindre des actes de bon sens, comme doucement mais sûrement filer les rennes au prince héritier.
C’est alors qu’eut lieu la rencontre officielle, celle qui permet aux journalistes de faire plein de jolies photos adressées à la presse des deux pays. On serrait les mains, on souriait, bon, sauf Vladimir Rurikovich, dont le sourire était si doux qu’on débattait aisément s’il eut lieu ou pas. Toutefois, cela rendrait la presse contente et une presse heureuse est une presse qui ne cherche pas à pourrir la vie à ceux qui administrent et gouvernent un pays.
Voronin, par son statut d’être plus âgé et aussi celui qui allait devoir remplir toute la paperasse, prit en premier la parole, car l’ainesse et le respect des anciens l’emporte sur le rang et les titres.
« Nous sommes très honorés par être accueilli dans votre très beau pays. La tsarine, malgré sa maladie, vous fait savoir ses plus cordiales salutations. »
Vladimir réussit à ne pas lever un sourcil de surprise. Sa tante envoyer des salutations cordiales ? Il la verrait plus aisément danser la tektonik en tutu rose sur la Place des Saints de Lunograd que d’utiliser le terme « cordial ». Cette femme était aussi chaleureuse que le vent des montagnes de l’Est, à savoir suffisant pour geler tous ce qu’on ne veut pas voir geler. Toutefois, Voronin faisait bien de mentir ainsi. Cette maudite femme aigrie était toujours la tsarine, même si elle s’apprêtait à bientôt rencontrer son créateur, ou plutôt le locataire d’en bas vue ses qualités humaines. Au moins elle n’aura pas froid, pensa Vladimir avant de dire, une fois embarqué dans les véhicules de marque.
« L’architecture de votre cité est magnifique, même extraordinaire. Dites-moi, avez-vous des architectes qui maitrisent la construction de ce type d’édifice ou est-ce que tout cela est de l’héritage ancestral ? »
Voronin le regarda. Qu’est-ce que le tsarévitch avait en tête ?