08/07/2016
01:09:30
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Le commencement d'une longue histoire


Acte 1


Le soleil se lève sur la zone la plus méconnue de Transernikse. L’île Kuruko est un royaume dirigé par Ramhu XVIII. Arrivé au pouvoir en 1967 à seulement 28 ans, il impose, comme son père, un régime particulièrement souple et prompt aux avancées sociales et économiques du XXᵉ puis du XXIᵉ siècle. C’est notamment pour sa politique très alignée sur celle de la Fédération de Stérus que le royaume est souvent mis à part dans les négociations et délibérations qui concernent l’ensemble de l’Union.

Durant la période de grande crise et l’arrêt des relations diplomatiques entre Stérus et Transernikse, le père de Ramhu était très souvent invité par les différents consuls à venir se prélasser au palais d’été pour les vacances et visites. Chose qui était profondément rejetée par les membres du Conseil de l’Union.

Ainsi, en cette belle matinée, Ana-Tai se lève calmement pour rejoindre son job étudiant au bar à cocktails de la plage des Sables Blancs, l’une des plus belles plages du pays. En cette période de l’année, les touristes ne sont pas les plus nombreux ; pour autant, c’est quand même le début de la saison et donc le début de l’arrivée massive des touristes. En raison du relatif isolement de l’île, la grande majorité des touristes sont souvent des Sterusiens, plus précisément des Barbéens et des Catlomiens. Mais en réalité, beaucoup d’autres riches habitants de Transernikse, venant du Nazum ou d’Afarée, aiment venir se prélasser sur les différents yachts qui se trouvent au large de l’île sur de magnifiques eaux bleu turquoise.

Lorsque Ana-Tai arrive à son bar, le ciel est déjà totalement bleu, le soleil est intense mais pas encore assez pour créer une sensation de chaleur trop intense. Les vents venus de la mer permettent également de rafraîchir les touristes tout en faisant virevolter les cheveux de chaque personne. Ana-Tai voit un premier client arriver vers elle. Il semble être du coin, il s’exprime parfaitement bien en Homaïen et semble même avoir un léger accent de la capitale Tamiho. Pourtant, Tamiho se trouve de l’autre côté de l’île, un endroit bien plus touristique et propice à la détente que cette région plus exposée aux vents. La présence du client rend perplexe Ana-Tai, qui décide alors directement de questionner l’individu.

Elle commence par lui demander s’il habite ici ou s’il est en vacances. Pendant ce temps, elle prend soin de soigneusement préparer le cocktail que lui a demandé le client. Comme à son habitude, elle lui sourit et fait de son mieux pour que son client ait l’impression d’être en face d’une personne amicale et sincère. Mais l’homme, lui, est plus renfermé ; il ne répond qu’à peine à ses questions et lui informe qu’en réalité, il est là pour travailler. Encore plus perturbée, Ana-Tai se dit alors qu’il fait sûrement partie de l’équipe de promoteurs immobiliers qui vient chercher des hôtels à racheter et à moderniser dans le coin.

Alors, voulant faire une petite blague et essayant de détendre l’atmosphère, Ana-Tai se permet une remarque :

— Dites, vous ne me virez pas, hein, si vous achetez le domaine ?

S’attendant simplement à ce que l’homme esquisse un sourire et renchérisse par une phrase légère, Ana-Tai le regarde. Mais rien ne vient. L’homme se contente de regarder autour de lui presque machinalement, comme si c’était là son seul et unique but. Après quelques secondes, Ana-Tai lui sert alors un bon cocktail à l’ananas et à la banane. L’homme se saisit alors du verre et offre à Ana-Tai les trois pièces qui lui sont dues. Il ne les lui donne pas, il les lui jette nonchalamment avant de se retourner vers la mer pour déguster son mélange.

Ana-Tai se dit que ce n’est sûrement qu’un touriste impoli et irrespectueux de plus et qu’il faut passer outre. Elle se retourne alors pour continuer de préparer les verres et les multiples bouteilles qui seront utilisées dans la journée. C’est quelque chose qu’elle déteste en réalité : ce métier, ou même simplement ces verres. Elle ne fait ça que parce qu’elle a besoin d’argent pour aider ses parents et essayer de financer ses études. Mais soyons clairs, sa présence ici est pour elle bien plus un fardeau qu’une réelle opportunité.

En continuant de s’occuper des verres, elle découvre par l’intermédiaire du miroir que l’homme a totalement disparu. D’abord, elle sursaute. Un frisson de peur traverse l’entièreté de son corps. Où est passé l’homme ? Comment a-t-il pu partir aussi vite et sans faire de bruit ? La jeune femme regarde partout sur la plage autour d’elle, mais personne n’est présent. Même sur le sable, il n’y a presque aucune trace de pas, si ce n’est quelques renfoncements irréguliers qui donnent l’impression que l’homme aurait volontairement falsifié ses traces.

Ana-Tai ressent alors un sentiment d’insécurité qu’elle n’avait jamais éprouvé auparavant. Cet homme était déjà, de base, particulièrement inquiétant rien que par sa façon de se comporter. Alors avec cet événement en plus...

Durant un court instant, Ana-Tai hésite à saisir le téléphone du mini-bar pour contacter la réception et leur donner toutes les informations. Mais au moment de saisir le téléphone, elle se dit que, finalement, cette inquiétude est totalement ridicule et que la réception risque de ne pas la prendre au sérieux, voire de juger qu’elle cherche à perturber son propre travail. D’autant que si son patron apprend qu’elle commence à se méfier des clients ou, pire, qu’elle les fait fuir, celui-ci risque de ne pas apprécier du tout et de lui infliger des sanctions.Elle repose alors le téléphone, remet son tablier en place, prend une profonde respiration et se persuade que ce n’est que le fruit de son imagination. Puis, comme auparavant, elle continue de ranger les verres et de sortir les bouteilles.Certaines d’entre elles sont particulièrement poussiéreuses. C’est même particulièrement bizarre que les bouteilles du jour soient si sales et peu entretenues. Ana-Tai n’a pas pour habitude de se poser autant de questions en à peine une heure de travail. Mais pour autant, là encore, les choses sont particulièrement troublantes. D’habitude, les bouteilles ne sont pas comme ça, elles ne sont même pas de la même marque et ne contiennent pas toutes les mêmes alcools.

Comment se fait-il qu’une vieille bouteille comme celle-ci soit ici ?

Ana-Tai décide de sortir l’ensemble des bouteilles l’une après l’autre. Une fois toutes les bouteilles retirées, elle découvre que sous le bac principal, un autre compartiment est caché. Il ne semble pas particulièrement profond, mais au moins assez pour y plonger une main jusqu’au poignet.La jeune femme retire le couvercle et reste médusée face à ce qui se présente à elle.Une M16 parfaitement bien montée, accompagnée de trois chargeurs et de boîtes de munitions.Ana-Tai est loin d’être une experte en armes de guerre, mais son père était militaire et elle sait reconnaître une M16 quand elle en voit une. Hésitant d’abord avec un Colt M4, elle décide d’examiner l’arme sous tous ses angles et se demande comment elle a bien pu arriver jusqu’ici.

Mais à peine quelques secondes après, un objet froid et métallique se pose sur sa nuque. Une voix, la même que celle de l’homme de tout à l’heure, lui dit, avec une froideur extrême, de lâcher cette arme et de se lever sans faire un seul bruit. Ana-Tai est tétanisée. Elle se pose mille questions à la fois. Comment l’homme a-t-il pu revenir aussi vite ? Était-il vraiment parti ou, au contraire, était-il resté là tout du long ? Il regarde la jeune femme avec incompréhension et a sûrement vu qu’elle s’apprêtait à appeler la réception. Peut-être que si elle l’avait fait, l’homme l’aurait attaquée, voire pire, tuée. En fin de compte, elle se dit que son ange gardien a bien su la protéger en lui conseillant de ne pas utiliser ce téléphone.

Elle décide de lever les bras en l’air tout doucement, toujours tétanisée par la peur, tout en lâchant l’arme peu à peu en se relevant. L’homme la pousse sur la côte, mais la maintient en joue à bout portant. Il saisit l’arme et l’examine. Ana n’a qu’une envie : partir en courant pendant qu’il a le dos tourné. Mais la plage est trop grande. Il n’aurait qu’à tirer pour l’abattre avant qu’elle ne puisse rejoindre le moindre accès. Et c’est justement là qu’une réflexion lui vient : Il y a sûrement des gens sur la plage, des gens qui ont vu ce qui s’est passé ou qui vont voir. Elle regarde, mais personne à l’horizon, ni dans un sens ni dans l’autre. Elle reste là, debout, à attendre face à un homme armé qui baisse la garde et examine une arme de guerre. L’homme se retourne vers la jeune fille et pousse un soupir. Il lève son arme dans sa direction, la charge et s’apprête à tirer. Ana-Tai, terrifiée, se met au sol et hurle en le suppliant de l’épargner.

L’homme ne change pas l’expression de son visage. Il se contente de la regarder et d’attendre, l’arme pointée sur elle. Puis, soudain, un bruit assourdissant d’explosion se fait entendre au loin. Au même moment, des coups de feu d’armes automatiques retentissent, suivis d’autres explosions. Il est même possible d’entendre des cris et des alarmes se déclencher. Ana-Tai comprend alors plus ou moins ce qui se passe, mais préfère se dire que c’est autre chose. Son intuition lui dit évidemment qu’il s’agit d’une attaque terroriste de grande ampleur. Mais si c’est le cas, elle sera parmi les victimes. Elle se dit que cela peut aussi être un coup d’État, et que dans ce cas, elle aurait plus de chances de s’en sortir. Ou encore, le mieux pour elle serait une prise d’otages : au moins, ils seraient obligés de les maintenir en vie le temps des négociations, ce qui lui laisserait le temps de trouver un moyen de s’échapper.

Mais à peine quelques secondes après la fin de ces réflexions, Ana-Tai est rappelée à la réalité par un coup de feu, cette fois tout proche. Elle ne réalise pas immédiatement ce qui vient de se passer. Mais en levant la tête, elle voit une femme, cinq mètres plus loin, allongée sur le sol dans une mare de sang. L’homme vient de l’abattre à vue, simplement parce qu’elle passait par là pour fuir les explosions et les coups de feu. L’homme se retourne vers Ana, qui est totalement sous le choc. Il l’attrape par le bras, la fait sortir du bar et la jette sur le sable. Il la regarde, recharge son arme et la dirige vers le crâne d’Ana-Tai.

Totalement choquée, elle hurle des prières et supplie son bourreau de la laisser en vie. L’homme sourit et tue Ana-Tai d’une balle placée pile entre les deux yeux. Il prend ensuite sa M16, recharge son arme comme si rien ne s’était passé et essuie les quelques gouttes de sang qui avaient atteint sa peau.

Comme s’il venait simplement de réaliser une tâche lambda, il se permet tout de même de s’agenouiller face à la femme et de refermer ses yeux, restés ouverts. L’homme qui vient de commettre l’impensable est totalement inconnu du grand public. Son nom de code, Calixte, est tatoué sur son cou. Initialement, ce n’était pas pour cela qu’il avait fait tatouer ce nom, mais avec le temps, ce surnom lui a été attribué.

Avec son arme à la main, Calixte retourne dans le bar à cocktails. Sous d’autres cartons pas encore déballés, il sort un sac contenant un gilet pare-balles et une tenue de combat. Il y voit également d’autres types d’armes : grenades, explosifs et un couteau. Il décide de laisser les explosifs ici, jugeant qu’ils ne feraient que l’encombrer. Une fois prêt, il communique via son talkie-walkie pour informer ses équipiers qu’il est opérationnel et qu’il commence sa mission.

En réalité, ce n’est pas un attentat qui est en train de se jouer, pas pour lui. Ici commence la révolution, du moins c’est ce qu’il laisse paraître en criant dans sa radio :

— La liberté commence aujourd’hui !

Il remonte alors la plage et aperçoit ce qu’il reste de l’hôtel : un amas de ruines et des corps jonchant le sol dans une marée de sang. Les coéquipiers de Calixte arrivent et lui demandent alors ce qu’il faut faire à présent.Calixte est l’équivalent d’un officier. C’est lui qui donne les ordres, lui qui applique la volonté de ses supérieurs sur le terrain. Il informe que la cible a été éliminée et qu’il faut à présent prendre les véhicules et attaquer la capitale.Il apprend au passage que, sur l’ensemble de l’île, partout, les autres escadrons de la mort se sont mis en marche et se hâtent de s’emparer du territoire. Mais il apprend également qu’un groupe militaire de la base stérusienne est actuellement en train de sécuriser l’entrée de la capitale et résiste aux troupes rebelles. L’armée transk est presque défaite, sauf également au niveau de la capitale, où ils combattent aux côtés des Stérusiens.
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Marche sur la capitale


acte II


Calixte est à bord d’une jeep de type Willys, ils sont à bord d’un convoi de plusieurs centaines d’hommes. Ils ne portent aucun emblème, aucun étendard ni même symbole reconnaissable. Ce sont des hordes d’hommes habillés en soldats, tout de noir vêtus. Ils sont pour la plupart armés de M16 et équipés de casques et de gilets pare-balles. Par endroits, c’est même totalement inattendu qu’un groupe rebelle soit autant armé et opérationnel pour mener des opérations d’une telle ampleur avec de tels moyens, et que personne n’ait jamais pu être au courant. Calixte, lui, sait plus ou moins qui sont les organisateurs de ce grand projet. Il ne connaît aucune des personnes qui prennent les grosses décisions, car celles-ci sont largement mises à l’écart du reste des hommes. Il avait simplement pu échanger avec une femme et un homme au téléphone satellite à plusieurs reprises. Mais il avait compris que ces deux personnes se trouvaient depuis toujours déjà en Transernikse et étaient des natifs du pays, au vu de leur absence d’accent. Ces deux personnes appartenaient à ce qu’on appelle « le groupe d’en haut », ce sont les coordinateurs, et tous les ordres viennent d’eux.

Alors que Calixte était à bord de la jeep en direction de la capitale Tamiho, il reçut un appel satellite de la coordinatrice. D’abord, il trouva ça bizarre : il était persuadé que le gouvernement aurait coupé tout moyen de communication dans les zones tombées et qu’il serait impossible d’entrer en contact. La coordinatrice lui dit alors qu’il ne faut pas se diriger de suite vers la capitale, le risque étant trop grand avec les forces stérusiennes. Si Sterus venait à déplacer de plus puissantes forces militaires dans la zone, ce serait une catastrophe pour le groupe armé. L’important reste de contrôler l’essentiel de l’île en allant déloger les représentants à la fois des forces de l’ordre, mais également des forces militaires qui sont chez elles.

Calixte reçoit l’ordre de se rendre à Bahoa, c’est une ville de quelques 20 000 habitants à près de 10 km de la capitale. Prendre cette ville sera un premier atout pour les forces rebelles, car ça permettra de couper l’accès principal à la capitale. Couper l’accès principal pour entrer dans la ville permet aussi de couper l’accès principal pour en sortir, et donc pour organiser une riposte. Calixte reçoit l’information selon laquelle 4 autres escadrons devraient les rejoindre pour la prise de Bahoa. La coordinatrice dit qu’il y aura peut-être entre 500 et 1 000 soldats positionnés dans la ville pour la défendre. Calixte sait que c’est un déploiement d’urgence et que ça a forcément fragilisé d’autres zones comme, forcément, la capitale. De manière générale, c’est près de 3 500 soldats qui sont stationnés en permanence sur l’île. Ça en fait une des zones les plus militarisées du pays. Cette politique de forte présence militaire est notamment due aux pressions des gouvernements stérusiens qui ont énormément d’intérêts dans cette région.

Il y avait fort à parier d’ailleurs que cette action de mobilisation des forces rebelles avait été déclenchée aujourd’hui justement à cause de la conjoncture actuelle de la politique aleucienne. Les forces rebelles, sachant la Fédération de Sterus bien trop occupée à la possibilité d’un conflit armé entre la Westalia et la Lermandie, savaient que Barba n’irait pas jusqu’à mobiliser davantage de personnel dans la région. Barba disposait d’un port d’attache, oui, mais le pays était loin d’avoir encore déplacé réellement des escadrons jusqu’ici. Seuls les quelques 5 000 soldats stérusiens de la base de l’armée de terre de « CAEUS » à proximité de Tamiho. C’étaient ces 5 000 soldats qui allaient assurer, avec le reste des forces transk, la protection de la capitale et tenter d’inverser le rapport de force avec les rebelles. Pour le moment, personne ne savait vraiment combien de temps les rebelles avaient avant de voir arriver des blindés et des navires de guerre stérusiens. Ceux-ci espéraient grandement que les négociations à Teyla échouent. Si les négociations échouaient, alors la Fédération devrait lancer son opération contre les côtes de ses ennemis, ce qui serait extrêmement coûteux en temps et en moyens. Ainsi, les rebelles savaient que plus la Fédération avait de problèmes de son côté, plus ils auraient les mains libres. Pendant un temps, la coordinatrice avait révélé à Calixte la possibilité de mener une opération spéciale directement sur le territoire stérusien sous couvert d’une fausse bannière. Le but aurait été de se faire passer pour un pays qui a déjà des différends avec la Fédération en s’attaquant directement à des civils ou à des institutions. De cette manière, la Fédération aurait immédiatement mobilisé ses forces militaires et organisé la riposte. Mais elle aurait mobilisé ses forces contre l’État faussement coupable. Ce fut une vraie possibilité, envisagée pendant longtemps mais qui n’aboutit pas en raison des trop gros risques que cela représentait. Depuis les dernières attaques terroristes orchestrées dans le pays il y a de cela quelques années, la situation avait largement changé. Sous Cameus Bondamet, le simple fait de posséder une arme était considéré comme une allégeance au terrorisme. Sous Pandoro, les lois de répression en la matière s’étaient légèrement assouplies, mais surtout à des fins électorales plutôt qu’à des fins réellement libérales.

Du côté Transk, la situation devenait de plus en plus chaotique. Gerundio est un officier de l’armée transk depuis 5 ans. Il a réussi l’examen d’entrée dans l’école nationale des officiers juste après sa licence. À seulement 27 ans, c’est l’un des officiers les plus jeunes du pays. Il était positionné avec ses troupes ce matin-là dans les environs de Mahui, ville du nord de l’île qui abrite l’une des seules bases militaires.

Lorsqu’il se réveilla ce matin-là, tout était tranquille, la pression était à son plus bas, et il se leva tranquillement pour aller prendre son petit-déjeuner. Sa journée devait être rythmée de quelques entraînements physiques et d’une patrouille en fin de matinée au niveau du centre de la ville. Il se leva et salua notamment Haïdi, soldat transk originaire des provinces afaréennes. Les deux s’étaient liés d’amitié durant leurs années de service et durant leurs premières activités en tant que militaires. Haïdi avait la mission aujourd’hui de seconder Gerundio, notamment lors de la patrouille. Mais le hasard du destin voulut que quelques dizaines de minutes avant le départ, Gerundio soit convoqué par sa hiérarchie. Il crut d’abord qu’il se ferait sûrement remonter les bretelles pour X ou Y connerie qu’aurait pu faire l’un de ses soldats. Mais lorsqu’il entra, les chefs étaient pour le moins particulièrement détendus. Le maréchal était présent, c’était le plus haut gradé de l’île. Le seul maréchal de l’île par ailleurs, c’était à lui que revenaient toutes les décisions militaires. Il était accompagné du général de Kuruko Nord et même du général de Kuruko Sud. Les trois hommes étaient assis devant lui. Ils lui demandèrent de s’asseoir pour qu’une discussion commence. Ce fut d’abord le maréchal qui s’exprima :

« Soldat, votre passé et vos réussites aux différents examens vous honorent. Si un homme devait représenter le savoir-faire militaire transk, je mettrais ma main à couper que nous vous choisirions. Vous êtes intelligent, jeune, bel homme, et semblez ne pas être dénué du sens de l’honneur et de la loyauté. »

Gerundio se mit au garde-à-vous.

« Je vous remercie, Maréchal. »

« Allons, détendez-vous officier Gerundio, l’heure est davantage au dialogue et aux échanges qu’à des considérations hiérarchiques. Nous avons une nouvelle pour vous, une nouvelle qui devrait vous enchanter particulièrement. Comme vous le savez, le poste de général du Nord de Kuruko va bientôt être vacant. Notre cher général Fabrizio ayant aspiré à intégrer l’état-major. Et il s’avère que nous avions pensé à vous. »

« Cette offre me remplit d’honneur, général, mais je n’ai pas le grade suffisant pour y prétendre. Et sauf votre respect, on m’avait affirmé que ce serait le colonel Peria qui serait promu à ce poste. Respectant cet homme comme je respecte un frère d’armes, je ne peux me permettre de lui faire une déconvenue comme celle-ci. »

« Peria est mort, Gerundio. Il s’est suicidé hier soir dans sa chambre à coucher. C’était sanglant, il s’est ouvert les veines avec son canif. C’est triste, je le conçois, mais l’heure n’est pas aux larmes ni à la pleurnicherie. Soldat Gerundio, cette offre n’est à vrai dire pas réellement une proposition. Vous serez promu général dans quelques jours à la suite du départ de notre cher Fabrizio. Gerundio, vous restez au camp aujourd’hui, nous avons des choses à voir avec vous. Fabrizio pense qu’il peut être intéressant, pour profiter au mieux de vos hommes avant de partir définitivement, de rejoindre l’escadron qui partira en patrouille cet après-midi. Voilà une bonne manière de trouver des compromis, n’est-ce pas ? »

Quelques minutes plus tard, Gerundio quitta le bureau et se rendit de nouveau dans sa chambre à coucher. Il avait eu l’autorisation d’aller prendre quelques heures de repos avant de revenir pour suivre les nouvelles instructions de son nouveau poste. Juste avant, il partit voir Haïdi pour l’avertir de la nouvelle. Haïdi était un homme particulièrement adorable aux yeux des autres, d’une bienveillance inégalable. Il ne put que se réjouir pour son ami Gerundio. Gerundio lui promit de le faire nommer à un plus haut rang pour qu’ils puissent continuer à travailler tous les deux ensemble.

Après ce petit moment, le futur général se rendit dans sa chambre à coucher pour se reposer. Il était particulièrement encore assommé par cette nouvelle aussi importante qu’inattendue. C’était assez compliqué pour un homme comme lui de se dire qu’il allait atteindre un si haut rang en si peu de temps et à un si jeune âge. C’était vraiment une énigme pour lui : comment pouvaient-ils le choisir, lui ? Il y avait sûrement des dizaines d’autres personnes qui seraient tout à fait adaptées à ce poste. Mais qu’importe. Il se posa calmement sur son nouveau fauteuil et alluma la télé. À côté, sur la petite table basse en bois qu’il avait héritée de son père, une photo de sa compagne et de sa fille était posée. Ça faisait presque 3 mois qu’il ne les avait pas vues. Sa femme vivait sur l’île Shinobi avec sa fille. Toutes deux étaient originaires de Kuruko, mais comme pour chaque Transk, dès que l’opportunité se présentait, il fallait y aller. C’était d’ailleurs un des avantages quand on devenait militaire transk. Cette politique fut décidée en 1983 par le gouvernement de l’Union : chaque soldat pouvait envoyer sa famille sur l’île Shinobi où elle serait logée par l’État. Mais dès que vous quittez l’armée, vous perdez ce droit et devez retourner chez vous. L’île Shinobi est connue pour être le seul endroit réellement développé de Transernikse. C’était une véritable chance pour les familles qui avaient le droit d’y aller — et surtout les moyens. Car seuls les riches pouvaient y avoir accès. Un billet d’avion pour Shinobi, ou même le prix des prestations sur place, était 30 à 50 fois plus élevé que dans le reste du pays.

Alors il regarda cette photo, il regarda Lacaha, sa fille de 5 ans et demi, Hisla, sa femme, et Bobi, le chien de la famille. Il n’avait qu’une hâte : pouvoir rentrer et, grâce à son titre de général, pouvoir rapatrier sa famille ici et leur offrir une vie meilleure. Car le grade de général ouvre la voie aux meilleurs avantages de l’armée : maison de fonction, salaire 6 à 7 fois supérieur à celui d’un autre officier, voiture de fonction, et réductions sur l’ensemble des prestations de l’État. Devant la mini télé des années 70 qui se trouve en face de lui, Gerundio finit par peu à peu tomber dans les bras de Morphée, comme si le poids du monde qu’il portait sur les épaules avait fini par peu à peu se dissiper et laisser place à quelque chose de doux et de réconfortant.

À peine quelques heures plus tard, Gerundio se réveille. Ce n’est pas un réveil habituel d’après une sieste : il entend une alarme qui résonne à fond dans son appartement. Encore légèrement endormi, il ne se rend pas compte tout de suite d’où provient cette alarme et de sa raison. Mais il lui faut quelques secondes pour se rendre compte que cette alarme, qu’il n’avait jamais entendue en dehors des exercices, est sûrement la pire alerte qu’il est possible d’entendre. Cette alarme ne sonne que dans un seul cas : « une attaque armée d’ampleur sur l’ensemble du territoire ». Ce n’est ni juste une attaque terroriste, ce n’est pas un gang qui fait une opération, non, c’est une armée qui marche sur Kuruko.
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