09/07/2016
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Monument historique

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Monument historique


La Némédie, pays de grande richesse historique et culturelle, recèle de nombreux monuments témoins de son passé prestigieux et de son peuple glorieux. Chaque région a son propre héritage et fait de la Némédie un véritable trésor architectural au patrimoine antique comme moderne. Voici une petite sélection de ces ornements architecturaux témoins de l’identité et de l’ardeur combatif de la Némédie.
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le Grand Temple d’Hélios

Au milieu de la cité Épidion, le Grand Temple d’Hélios, de par sa taille architecturale, sa puissance architecturale et son importance religieuse, c'est un monument emblématique de la Némédie. Sanctuaire du dieu Hélios, dieu solaire, il est à juste titre investi d’une dimension fortement symbolique, sanctuaire où se confondent la culture, l’histoire et l’art en une sorte d’harmonie sacrée. Son édification fut ordonnée, il faut le rappeler, au IIIe siècle avant l’unification du royaume, par Thalémôn Ier rois d'Epidion, l’un des premiers souverains némédiens révélant une aspiration à voir la Némédie unie autour d’un même dieu tutélaire et inspiré par une vision au matin où, au sommet des hauteurs d’Épidion, il priait le dieu Hélios, promesse d’unité et de prospérité. Les chantiers avaient commencé en -274, grâce à des architectes renommés d'Epidion, des tailleurs de pierre qui venaient des montagnes et des artistes errants. Le chantier évoluait lentement car l’œuvre était ambitieuse. Le temple sera achevé sous le fils de Thalémôn, Prytanis Ier, en l’an -237.'' Architecture et Symbolique, Le Grand Temple d’Hélios est un chef d’œuvre de némédien, mariant un classicisme harmonieux des lignes helléniques, à la force et à l’élévation verticales plus médiévales que l’on retrouvera plus tard dans l’architecture sacrée du pays.

La représentation extérieure du temple est dominée par des colonnes corinthiennes en provenance des carrières sacrées du mont Helikon, dont le nombre s’établit à vingt-quatre au total. Le gigantesque fronton triangulaire est orné de dehors par de monumentales sculptures du soleil naissant sur le char de la lumière, encadré par les Heures et les Vents et par, à l’intérieur, une mosaïque incrustée de feuilles d’or, renvoyant la lumière du soleil à toute heure du jour.
L’entrée est flanquée de deux statues colossales du dieu Hélios mesurant chacune plus de 12 mètres. La première, représentant le dieu en pleine jeunesse et flamboyant, et la seconde, plus sages et rayonnant, traduisent le rythme diurne inséparable de la personnalité du dieu du soleil.
À l’intérieur, la nef se déploie sous une immense coupole peinte des constellations du ciel et des scènes du mythe. Les fresques murales comblent le vide de l’histoire en explorant la mythique fondation de la Némédie, la descente du dieu Hélios parmi les hommes et les hauts faits mentionnables des premiers rois. Au sol, un pavement de mosaïque s’inspirant de l’horoscope solaire némédien est l’ornement privilégié de la principale salle du temple

Au cœur de ce sanctuaire, inaccessible en dehors des prêtres du culte solaire, se dresse un autel de pierre solaire noire surmonté d’un miroir d’or massif. Chaque solstice, à midi, un rayon de soleil concentré y est dirigé par un système complexe de lentilles et d’ouvertures, produisant un éclat intense interprété comme la « présence » du dieu.

Le Grand Temple n’est pas seulement un lieu de culte : il se veut aussi un centre de pouvoir politique et culturel. Là où les prêtres solaires interprètent les oracles du dieu, où se prêtent les serments les plus solennels, où viennent disputer les philosophes sur le cosmos.

Chaque année à l’équinoxe de printemps, une grande procession, la Fête de la Splendeur, part du Palais Royal et traverse les forums antiques jusqu’au temple. Où le roi en personne dépose une offrande de lumière, un disque d’or battu, symbolisant l’unité du royaume sous le regard d’Hélios.

Fondé en – 161 av. J.-C., le Grand Temple d’Hélios est encore en activité après deux mille ans. Il est restauré (souvent), embellit, et reste le haut-lieu de pèlerinage national attirant toujours fidèles, promeneurs, et érudits. Il est le symbole de la continuité de la Némédie, à sa source et sa volonté (de toujours) tendre encore vers la lumière.

Au milieu, sont à ciel ouvert les Jardins Solaires, espace sacré des rites, méditations et fêtes, mais aussi cadran du calendrier horticole où les surfaces sont affectées à une saison et entretenues au rythme du soleil ;
Devant l’entrée du temple, le Parvis des Saisons est pavé de dalles de pierre polie posées en mosaïque évoquant nous quatre saisons : pousses du printemps, récolte de l’été, vendanges de l’automne et sommeil de l’hiver ; aménagé à même de devenir un vaste cadran solaire où les ombres portées des colonnes marqueront sols et équinoxes.
Les oliviers sacrés, certains âgés de plusieurs siècles, taillés et entretenus précautionneusement aux alentours, livrent témoignage, silencieux, des prières d’hier et des secrets pris par le dieu solaire de même.. Un petit bois sacré, fermé de tout accès public, où le Feu Eternel d’Hélios est entretenu jour et nuit par un ancien ordre sacerdotal.

Dans les galeries latérales du temple s’ouvre le Trésor d’Hélios : salle voûtée richement décorée, dans laquelle se trouvent réunies les offrandes, les reliques, les artefacts, les dons diplomatiques amassés au fil du temps. Ce trésor a plusieurs fonctions :
Elles servent de lieu de rendez-vous pour prier ou chanter, comme au « petit matin de l’âge de bronze », mais également d’espace d’initiation aux mystères des dieux, comme l’indiquent les fresques découvertes ici.
Elles abritent les dépouilles d’éminents ancêtres : des membres de la famille royale, vénérés au-delà des limites du temporel et insérés dans un univers de légende, mais aussi d’ancêtres mythologiques aux origines desquels se sont liées les fables des temps préhistoriques.
Enfin, et surtout, ces galeries ont donné refuge aux rois mendiants et aux croyants lors d'invasion. Leurs restes sont désormais mêlés, comme ceux de l’ami des dieux Thalémôn Ier, avec les reliques des dieux présents dans le temple.

Sous le temple se déploie un ancien réseau de galeries dit les Cryptes du Crépuscule, accessibles uniquement aux grands prêtres et à certains membres triés sur le volet de la dynastie royale. Ces cryptes présentent divers usages :
Ce sont les lieux où sont conservées les urnes funéraires des premiers rois-sorciers dont les âmes sont censées protéger le sanctuaire.
Les murs en sont couverts de fresques funéraires montrant le passage du soleil dans le monde souterrain, avec Hélios guidant les âmes vers l’éternelle lumière.
D’après certains chercheurs, ces cryptes abriteraient également une bibliothèque secrète consacrée à des savoirs prohibés liés aux anciennes religions pré-solaires de la Némédie, conservés dans des sarcophages de pierre.

Le temple, lieu de toutes les fêtes, rituellement et en la couleur de l’été nommé, fête chaque année l’Ascension Solaire. Ce jour et ce temps, des processions animent depuis les quatre points cardinaux d’Epidion pour converger vers le temple où s’habillent de blanc et d’or la population qui chante des hymnes anciens, présente fleurs, miel, vin et pièces d’ambre à Hélios. Au sommet de la fête, les rayons du soleil entrelacent dans un orbe de cristal suspendu au plafond et dans la (lumineuse) lumière d’un éclat à la rencontre de l’autel noir, pour être un signe de la bénédiction d’une année mitigée au bien. Le temple sert aussi de médium philosophique. Il est le lieu du débat sur, hors de la triade bien commun/cosmos/temps/cycles de l’âme, en ses terrasses et en ses cloîtres, sages, prêtres et penseurs.
On trouve trouve aussi dans le complexe cultuel une école sacerdotale, où on enseigne la rhétorique, la cosmologie solaire, les langues anciennes, l’astronomie, la musique rituelle ainsi que la médecine sacrée aux enfants de familles nobles ou méritantes.


ville : Epidion
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Le Palais Royal d’Epidion


Implanté non loin du Grand Temple d’Hélios, se dresse le Palais Royal de Némédie, bastion hérité des ancêtres de la puissance royale et cœur vivant de la diplomatie vivante dans le pays, palace dominant la ville et pourtant assis sur un promontoire rocheux qui la dominerait comme sur un trône naturel, le palais semble veiller sur Epidion depuis des siècles, comme un père sur sa ville natale, ou comme une flamme qui ne s’éteint jamais.
La construction du Palais débuta, selon la tradition, en l’an 982, sur ordre du roi Agénor Ier qui souhaitait une résidence digne du royaume en voie d’unification. Le site choisi, ancienne citadelle fortifiée de l’époque des conflits entre cités, fut progressivement transformé en résidence royale, d’abord austère puis embellie avec les siècles. Outre le poids de l’histoire ayant vu plusieurs souverains ajouter leur propre empreinte sur les murs de la chambre, le palais s’érige aujourd’hui comme une synthèse vivante des styles architecturaux de la Némédie.
Ses corridors vibrent encore au bruit des pas des envoyés, des savants appelés sur le plan pour voir les archives ou des artisans en charge de l’entretien des mosaïques du plafond. Chaque pierre, chaque statue, chaque glyphe s’érige en témoignage : ce qu’on mesure en dialogue, ce qu’on a permis d’éviter grâce à la guerre, ce qu’on a pu faire naître avec une prophétie politique.

Si la structure de cette forteresse est encore renforcée par le style militaire d’antan dont elle conserve les murs crénelés en pierres sèches, ses déplacements rituels à l'intérieur de la ville et ses voûtes en salons longtemps accessibles par des galeries, les façades, renouvelées en période de paix au XVe siècle, adoptent une sobriété classique d’inspiration antique, simplement ornée de frontons triangulaires, de colonnes cannelées et de balustrades. Mais surtout, les ajouts du roi Andrikos I au XIII e siècle transforment ce palais en un véritable bijou, avec jardins suspendus, vitraux colorés orientés vers le soleil, théâtre intérieur réservé aux orateurs ou l’on sait accueillir tous les poètes et diplomates de passage.

Ce palaise est un complexe monumental, qui se déploie en ailes articulées au redor des différents cours intérieures, jardins à l'abri des regards, cloître, terrasse panoramique et passages à ciel ouvert : un visiteur curieux pourrait y rester la semaine entière sans jamais y revenir par le même chemin. Le Palais Royal à bien autre chose que le strict logement royal, même si a l’époque mis à la disposition du roi des appartements de la Mort, qui comme tout ce qui ici déconnecte et arrange les espaces, sont orientés à l’est, où la couronne reçoit, pour ses fastes discrets de son appartement jusqu’aux tapisseries antiques de ses salons. D’abord en tant que centre politique et diplomatique de la Némédie et lieu de passage de ses habitants.

Autre particularité, les Archives du Dialogue est une bibliothèque du fait diplomatique où tous les textes, promesses et courriers échangés depuis plus de cinq siècles entre la Némédie et le reste de nos divers et respectés interlocuteurs sont conservés.

Ou encore la Grande Salle des Ambassadeurs est une salle ronde dont les murs sont ornés des emblèmes des nations amis ou neutres où sont reçus les individus représentant ces nations étrangères pour y traiter des traités, des accords commerciaux, des ententes en matière culturelle

En conclusion, le Palais Royal d’Epidion, aujourd’hui habitat traditionnel de la monarchie némédienne, est bien plus qu’un simple logement de Roi. Ce bel édifice, associe architecture classique et architecture médiévale, implanté sur un promontoire rocheux, surplombant la ville, et servant d’observatoire pour le pays environnant. Le Palais incarne le pouvoir royal et couple destin diplomatique à vocation, servant de site d’accueil de toutes les délégations internationales. Sa remarquable dimension et son organisation traduisent autant la tradition historique de la Némédie que celle de sa vocation à demeurer une place influente sur la scène internationale. Chaque pièce du Palais marque la gloire historique du royaume, chaque grand salon dévolu à recevoir des ambassades étrangères, chaque salle agrandie, édifiée pour négociations entre puissances parvenues au rapport diplomatique.


ville : Epidion
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Les remparts d’Amphissia


C’est à l’extérieur de la capitale que se dressent les remparts gigantesque d’Amphissia, une prière de pierres fixes dans un grand silence ou, mieux, une oraison de pierres immobiles et majestueuses. Leurs teintes ocre, veinées de bruns, s’irradient sous l’éclat du soleil au zénith comme des métaux anciens qui se sont assoupis sous les ans. Murailles hautes de plus de vingt coudées, qui furent tout autant erigées avant la grande union de la Némédie qu’au temps où chaque ville se parait de fortifications autonomes, outrageusement jalouses de leurs frontières et toujours méfiantes l’une envers l’autre.
Les blocs de taille, à la hauteur de certains hommes, ou à la largeur d’un chariot entier, transportés depuis les carrières sacrées du mont Dysaron, à plusieurs journées d’errance, furent assemblés, semble-t-il, par des esclaves, des artisans, des prisonniers, mais également par des volontaires, pour la plupart soutenus par un ardent sentiment religieux, mais surtout municipal. Les noms de quelques anciens archontes et stratèges apparaissent, gravés dans certaines des pierres, sous l’arche d’anciennes alphabets, fragments d’un temps où Epidion était seule, menacée, libre.
Au niveau du sol, les dalles de la blanche et polie roche, où les pas impatients des hoplites martelaient le sol et résonnaient encore, sont à l’angle des murs. À certaines heures du soir, quand l’ombre habille les plaines, semblent encore audibles le froissement des cuirasses, ou le cri des guetteurs du bord des tours d’angle lançant la relève. Ces fortifications ne sont plus là pour garder en toute circonstance contre une armée étrangère, mais elles contiennent encore, certes, quelque chose : une mémoire. Une mémoire âpre, fière, intransigeante. Celle d’une Némédie guerrière, fratricide, mais sauvage.

La ville d'Epidion a surgi dans le vide des murailles, mais rien n’y est rebâti. On n’y construit rien. On n’y est pas ouvert. Les remparts sont sacrés, intouchables, comme la limite du temps et du présent. Les enfants rêvent là à cache-cache, les vieux au détour de leur rigidité, comme les poètes incorporels, par l’émotion d’un ne pas encore – d’un pas. Ils sont plus que les murs. Toute la chair minérale de l’âme némédienne.
Aujourd’hui encore, les murs d’Amphissia ne sont pas seulement des objets à voir ; ils sont des objets à ressentir. Leur présence pèse sur le réseau de ruelles qui les entoure, et l’extension de la ville, dans son développement, semblerait préférer s’incliner plutôt que de les heurter. Rien ne tente jamais de les traverser. Les projets d’urbanisme, leur proximité titubante, ne s’enroulent que dans le contournement pieux des sépultures royales.

Des habitants du quartier de Trisgon, tout proche, nous disent qu’à certaines nuits d’orage, les lointains tambours sonnent sourds dans la pluie. Ce seraient les anciens pas de marches militaires, donc, les vieilles pierres, gorgées d’un blanc ainsi fait au fil des siècles, refuseraient d’oublier. D’autres évoquent l’existence de couloirs intérieurs, de salles d’armes désaffectées, de tunnels de communications qui, de l’intérieur, serpenteraient aux quartiers aristocratiques de la ville, et l’énigme perdure malgré les « recherches professionnelles » conduites depuis le dernier demi-siècle pour tenter d’établir le récit d’une mémoire de quelque Moloch, d’un Maître des Marches. Mythe. Les traces des impacts laissés par les munitions sur certains murs de la citadelle, creusements dans la roche, rappellent la guerre opposant Epidion et Myrida. 81 jours d’assaillants sans succès. Et ce sont les cicatrices des résistants que les historiens aiment commenter le plus : la témoignent de leur endurance et de leur refus de céder.
Aujourd’hui, le consensus est fait entre historiens et architectes, mystiques, pour dire que les remparts ne défendent plus la ville. Ils défendent l’idée même d’une Némédie insoumise, forgée dans le mouvement d’un combat palpitant au cœur de ses origines.Et dans cette muraille muette, les Némédiens sentent bien, sans qu’on le leur enseignât : ici, une promesse résiste. Une continuité. Une invisible résistance mais solide. Comme si, en cas de danger, les remparts savaient toujours se réveiller.

L’avis des spécialistes est unanime : daté de - 517, cet auteur place le premier accroissement de la muraille d’Amphissia avant même les grandes guerres des cités, en l’occurrence celle du roi Anaxandros d’Epidion, souverain pieux et soucieux à en croire ses contemporains, car « son cœur était habité par les ombres de l’avenir ». Ainsi, assure le chroniqueur Lysidamos de Styrès, Anaxandros avait eu la vague intuition, après une série d’éclipses lunaires, que quelque chose de fâcheux se tramait et qu’il devait s’en inquiéter, chose que lui-même, sous son haut patronage, veillaient à faire dogmatiquement intervenir dans son rêve : un nuage de cendres engloutissant les collines, des torches à la main de statues renversées, batteur de tambour de guerre du temple de l’Harmonie, les portiques du temple se pliant à l’ordre des dieux en désignant une menace imminente contre l’ordre d’Epidion. Et, sous l’urgence de ce pressentiment, il ordonna le dressage d’un rempart monumental autour d'Epidion nommé Amphissia ; un rempart en basalte des montagnes, mais replié de bloc après bloc dans la limite d’un diptyque à trois dimensions bien agencées : le thermis des bâtisseurs avertis du maître Therion l’Ancien ; selon des règles quasi-religieuses et l’inavouable espoir si l’ensemble des colonnades dressées par de saintes mains en seraient adoubées comme préliminaires à l’action commune. Ce mur s’élevait sur quinze coudées de hauteur et huit de largeur, et dans le cours du temps, il se transforma en un silence emblématique de l’instinct royal d’Anaxandros Ier d'Epidion celui que l’on raillait de son vivant du sentiment de peur, à la gloire du roi qui, par ses soins, avait construit la première forteresse de la cité.

De nos jours, les remparts d’Amphissia, qui eut longtemps valeur de symbole du repli défensif, est devenue la principale attraction touristique de la Némédie. Chaque année, des voyageurs venus du monde affluent pour découvrir cette fortification antique, dont la puissance d’évocation semble désormais se comparer à celle des grandes remparts du monde antique. Faisant près de 23 kilomètres de long, elle ceint l’ancienne cité d’Epidion et les collines environnantes, s’adaptant avec majesté austère aux contours du relief. Du haut de ses tours d’angle encore debout, on contemple l’horizon perdu dans les oliveraies et les ruines des temples défunts.

Cependant, la majorité de ses parties n’est pas accessible. Certaines d’entre elles, en particulier dans le secteur oriental, sont interdites d’accès. Officieusement, il serait question de sections trop fragiles ou trop instables pour rendre la visite possible. Le flou cultivé par les autorités à ce sujet fait alimenter les rumeurs. À ce jour, aucune étude récente ne vient éclairer ce sujet, et les guides touristiques rendent souvent compte des « considérations techniques ». Certains historiens locaux, plus audacieux, font état d’anciens tunnels ou même de sanctuaires souterrains peut-être oubliés, ou encore de vestiges pré-civilisationnels. Mais encore une fois les sources sont rares, et le silence officiel de mise. Le mystère demeure entier, comme pour perpétuer un ultime écho du pressentiment d’Anaxandros Ier, murmuré à travers les siècles.

ville : Epidion
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le théâtre antique de Thermikon


Établi près du sommet d’une colline, dont l’horizon se découvre dans son océan de bleu sur la mer, le théâtre antique de Thermikon est sans conteste l’un des monuments les plus majestueux et les plus emblématiques de la culture némédienne, non plus un vestige de pierre hérité d’un autre temps, mais un lieu encore vibrant, vivant où l’âme du peuple némédien se laisse entendre dans la tragédie, la rhétorique, l’art dramatique.

Faisant sans doute partie des constructions civiques, destinées à la vie publique et culturelle, il a été élevé sous l’archontat de Damarès l’Ancien, dans la première partie du IVe siècle vers l’Unification. Thermikon, cité alors riche, fortifiée, active grâce à son port et au commerce d’olives et de marbre, voulait rivaliser avec les grandes cités du Sud, telles que Epidion ou Karystè. On fit alors appel aux plus brillants architectes du royaume, qui, saisis par la pente naturelle de la colline de Kallidemos, taillèrent dans le calcaire un gradin en hémicycle d’une précision stupéfiante. Creusé dans la roche, il peut contenir près de 9 000 spectateurs, selon ce schéma rigoureux : premiers rangs pour les notables, deuxièmes pour les citoyens libres, derniers pour les étrangers et les métèques ; ce que l’on sait être un schéma social affiché au sein d’une attention toute particulière pour l’acoustique : jeu savant d’inclinaison, résonance des assises, émission du son voix nue accompagnant sans effort l’orateur ou l’acteur porté par la scène en pierre (proskenion) jusqu’aux derniers gradins du haut. Encore aujourd’hui, les guides n’hésitent pas à faire tomber une pièce de bronze en son milieu pour prouver que le son même y trouve résonance des éclats clairs à plusieurs dizaines de mètres.

Le mur de scène, skéné, était orné de colonnes ioniques et de frises évoquant d’Ilion les exploits, les lamentations d’Électre, jouant à la fois le rôle de décor et d’outil scénique ; trappes, coulisses dissimulées, treuils à héléniens divins – les fameuses mēchanai theōn ! témoignent d’une grande inventivité technique.
C’est en ce lieu que certaines œuvres majeures du répertoire tragique némédien furent jouées pour la première fois : La Déchéance de Polyarès de Myrôn de Thermikon notamment, ou encore les fameuses Plaintes d’Antissa, toutes nées du renouveau du théâtre lyrique au IIIe siècle de notre ère.

Mais le théâtre de Thermikon n’est pas un lieu figé. À travers les siècles, il s’est renouvelé, s’est mis à jour. Pendant les grandes joutes oratoires lors des concours de l’Assemblée, les membres venaient écouter les débats des écoles philosophiques ; parfois la lumière du jour s’attardait sur la scène de bois, la plupart du temps du moins à la lumière des torches. Lors des fêtes de Démarcia il accueillait des drames rituels, des chœurs de femmes, des danses initiatiques, dans les périodes troublées c’était là qu’on lisait les proclamations royales, ou qu’on accueillait les délégations étrangères.
Au sein de la vie culturelle, le théâtre est toujours le point de ralliement : il a le mérite d’accueillir chaque été des concours oratoires et les Rencontres Thermiates, festival majeur de tragédie antique mais aussi de créations contemporaines inspirées de la mythologie némédienne. Assis sur ces gradins millénaires, tous les visiteurs, qu’ils soient simples curieux ou spectateurs déjà avertis, ressentent avec une forte intensité le souffle d’une mémoire en commun, la vibration d’une civilisation dont l’identité collective prenait au sérieux les mots, la beauté et la réflexion.

Le théâtre est bien plus qu’un édifice : il est l’école d’une citoyenneté, il est un sanctuaire du verbe, il est le creuset d’une âme némédienne. Son acoustique parfaite, sa situation dans le paysage, la noblesse de ses lignes et la grande portée de son rayonnement en font une œuvre absolue, à la fois architecturale, artistique et spirituelle.
L’édifice théâtral de Thermikon est une illustration aboutie de la sacralité némédienne. Son site n’était pas uniquement à destination des spectacles, il fut agencé comme un lieu de communion entre les humains, les dieux et l’univers. Son axe d’orientation, en direction de l’est, permet de voir le lever du soleil derrière la scène lors des représentations matinales des grandes fêtes religieuses dotant les pièces d’une envergure mystique sans pareil.

Les architectes de l’Antiquité avaient habilement intégré les proportions du bâti au sein d’un raisonnement mathématique tributaire des théories pythagoriciennes sur la beauté et l’harmonie. La parfaite symétrie entre l’auditorium et la scène, les marches des gradins en nombre et en dimensions identiques, la fluidité des circulations à l’intérieur des passages (vomitoria ou duxi), atteste d’une qualité d’exécution au même niveau que les plus grands amphithéâtres de l’Antiquité.
S’ajoutent ainsi les motifs sculpturaux qui ornent l’année : les sièges en marbre des premiers bancs de l’orchestre affichent encore les noms gravés des magistrats et des prêtres, et les niches latérales de l’orchestre contenaient autrefois les statues de Mnémosyne, de Démarcia et d’Eleuthéria, les trois divinités de la mémoire, de la justice civique et de la liberté d’expression.

Dans l’Antiquité némédienne, le théâtre n’était pas un simple divertissement. C’était un acte civique. Assister à une pièce de théâtre c’était partager une réflexion collective sur les passions humaines, les dilemmes moraux, les conflits entre devoir et sentiment. Les tragédies notamment avaient un rôle cathartique fondamental, selon les principes mis en place par les dramaturges de l’École de Karystè.
Les citoyens venaient à Thermikon non seulement pour s’émouvoir, mais pour débattre. Il était courant que les spectacles soient suivis par des prises de parole publiques, où philosophes, rhéteurs, stratèges et citoyens exposaient leurs idées. Le théâtre devenait ainsi agora de l’émotion, le lieu où se forgeait l’opinion, où l’on apprenait à être libre et responsable.
Au plus fort des tempêtes politiques, le théâtre était aussi un lieu de refuge, une tribune. Il a vu les exilés d’Omphalos après la guerre des Cités, le roi Lysandros IV lui-même a annoncé l’unification du royaume depuis son estrade.

Bien que le théâtre soit avant tout un haut lieu culturel, au cours du temps, il est également devenu un instrument subtil de rayonnement politique au cœur de la stratégie d’influence de l’Etat de Némédie. Au vu de sa charge symbolique et de son poids historique, cet espace est particulièrement prisé par les autorités royales ainsi que gouvernementales dans la mise en spectacle de la continuité historique et de l’unité du royaume ainsi que de la grandeur retrouvée du pays. En l’occurrence, on n’hésite pas à y faire entendre la voix royale, grâce à des discours, pourtant rares, mais toujours soigneusement maîtrisés, notamment lors des grandes dates de commémoration nationale, lors des grands traités diplomatiques, mais aussi lors des remises des prix culturels. Le choix de ce lieu n’est jamais anodin : ainsi, en parlant depuis Thermikon, c’est être en communion avec les racines de la Némédie, c’est dire aussi que l’autorité royale s’articule sur une profondeur historique dont elle est issue, qui repose sur la sagesse, la beauté et le service du peuple, qui est la marque de la tradition millénaire de l’autorité royale.

A l’instar d’autres lieux symboliques, le théâtre accueille régulièrement les grands meetings politiques, non seulement dans la logique partisane (la Némédie en est largement exempte), mais afin de rassembler des citoyens autour de nouvelles réformes, de débats de société ou de consultations publiques. C’est souvent ici que des ministres et hauts fonctionnaires présentent les grandes orientations avec une forme qui rappelle tout de même les anciennes assemblées des cités et conserve un pouvoir d’utopie. L’effet est saisissant. La solennité des lieux s’additionne à la puissance du verbe et donne aux discours une émotion presque sacrée.

Ainsi le lieu est-il le théâtre de la puissance douce némédienne. En y recevant des délégations étrangères, en y faisant jouer des pièces traduites dans les langues de ses nations amies, en y transformant la culture en langage diplomatique, la Némédie affirme en particulier son identité propre mais tout autant sa capacité à séduire, à inspirer une communauté autour de ses valeurs antiques mais aussi modernes.

Il n’est sans doute pas anodin que les caméras du royaume s’attachent à ce lieu lors de moments importants. Un pays où la culture est pouvoir, et où le pouvoir sait se faire culture.


ville : Thermikon
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Monastère de Xanthéon

Perché à la lisière d’un gouffre vertigineux, dans le silence grave des montagnes némédiennes, le Monastère de Xanthéon se dresse tel un phare à vocation historique et spirituelle au-dessus des vallées. Établi voilà plus d’un millénaire, par les premiers royaumes unifiés de la Némédie, le monastère incarne l’âme orthodoxe du pays et la mémoire sacrée de sa royauté.
Dès l’origine d’ailleurs, Xanthéon ne fut pas un simple lieu de prière, il fut le monastère des rois. Plusieurs souverains y vinrent en retraite spirituelle, parfois même pour y mourir en paix, loin du monde, là où furent bénies les couronnes, les sceptres, et les documents sacrés qui devaient être portés au palais royal. On raconte que certains rois, avant de monter sur le trône, y passaient quarante jours de jeûne et de silence.

La structure du monastère, tout en simplicité apparente à l’extérieur, apparaît à l’intérieur d’une richesse inestimable, notamment grâce aux fresques murales du réfectoire, de la chapelle principale et des cellules monastiques, parmi les premières et les plus raffinées de l’art orthodoxe, et récemment restaurées avec un soin extrême, représentant de la vie des saints némédiens et, parfois, des figures royales auréolées par l’histoire.

Ce lieu où le silence des pierres semble au dialogue de l’éternité est un lieu de pèlerinage aujourd’hui autant que titre symbolique national où viennent chaque année des milliers de fidèles, d’artistes, d’historiens et de curieux.

L’histoire du monastère de Xanthéon remonte à l’an -500, une époque de troubles dans les montagnes du centre de l’ac­tuelle Némédie. La cité d’Olythos, grande puissance du sud de l’époque classique, entamait à cette époque une grande guerre d’expansion, annexant par la guerre, les mariages, les campagnes religieuses de nombreuses vallées voisines. Dans le cadre de cette guerre d’expansion aux frontières olythéennes atteignant les crêtes orientales, naquit l’idée de fonder un sanctuaire monumental à la gloire de l’Orthodoxie primitive et de la grandeur spirituelle de la cité. Les auteurs anciens évoquent un archonte, Kleisôn d’Olythose, un roi pieux et tacticien, qu’aurait ordonné, après avoir selon la légende reçu une révélation céleste lui ordonnant de bâtir, « la maison de la lumière sur le rocher du silence.

Ainsi fut adopté le promontoire de Xanthéon, un éperon rocky difficile d’accès, en raison de sa vue impressionnante ; la construction s’étala sur plus de vingt ans, durant lesquels des artisans d’Olythose, des moines tailleurs de pierre venus des lointains confins du sud et des maîtres peintres sont mobilisés pour la réalisation de ce qui serait plus tard l’une des premières grandes fresques murales religieuses de l’Orthodoxie némédienne.

Xanthéon était alors le centre religieux d’expansion ayant pour but la fermeté de la foi dans des territoires nouvellement soumis à Olythose. Des intellectuels, des juristes, des moines copistes, ainsi que des diplomates se rendent là, pour signer des pactes sous le regard de Dieu.
Mais après la perte de la quasi totalité des territoire d’Olythos au IIIe siècle avant J.-C., durant les Guerres des cités, le monastère est brièvement abandonné. Il reprend lentement du service sous les premiers souverains du royaume némédien unifié, qui le considèrent comme un legs spirituel à préserver. Plusieurs campagnes de restauration sont entreprises sous les dynasties royales suivantes qui y ajoutent chapelles, cloîtres, mosaïques, ou salles scripturaires. Les manuscrits produits à Xanthéon entre le IXe et le XIIe siècle font maintenant partie des plus anciens conservés dans les archives patriarcales,
Aujourd’hui, l’ancien Xanthéon est davantage qu’un symbole. Il renferme des archives d’un millénaire, une école d’iconographie sacrée, une petite communauté monastique. On raconte que tout roi, juste avant le cérémoniel de son couronnement à Épidion, passe une nuit dans la cellule sud du monastère, en retrait de tout, pour « entendre le silence des rois ».

En effet, depuis des siècles, Xanthéon, à la fois temple de la foi et maison du savoir, n’est pas figé dans le temps révolu ; il est sans nul doute la forme la plus achevée de la convivialité, ou du moins, l’élan puissant pour la reconstituer. Aux yeux du peuple, il n’est pas un musée mais un monastère, à la fois lieu de prière et de travail, où tous, tant les moines que les ouvriers qui restaurent les fresques anciennes, contribuent à la continuité du lieu tout autant qu’à la beauté du patrimoine. Aux yeux du Roi de Némédie, il est devenu un lieu de soft power subtil au fil du temps, un cadre propice pour s’y retrouver avec des penseurs ou des représentants religieux comme dans un univers pacifié, où les pensées peuvent croître en toute liberté, où les mots peuvent redoréner l’âme. Loin d’être une nostalgie, il est un atout pour le présent, un lieu où, lors des fêtes majeures, ou à l’approche de grandes réformes, le Roi peut s’adresser à l’assemblée réunie sur la terrasse orientale, face au sanctuaire, dans un cérémonial où les mots ont un poids particulier. Ce rite de continuité dont se passe le pouvoir, on le suppose, de souverain en souverain, fait voir au peuple comme aux puissants nations que la monarchie némédienne est encore du monde de l’art et qu’elle se construit claudicant sur la possibilité de saisir en même temps l’histoire et la foi.

D’un point de vue artistique, Xanthéon est aujourd’hui considéré comme l’un des plus beaux exemples d’art sacré orthodoxe du continent. Certaines scènes bibliques, telle L’Ascension en Silence ou Le Festin des Justes, sont enseignées dans les académiques d’art sacrés de l’Afarée comme en Eurysie. Le soin apporté à la finesse des visages, à la douceur des ombres, à la lumière naturelle qui glisse dans les coupoles de pierre : tout concourt à dresser, dans un même élan la simplicité d’un monde vertigineux.

L’ensemble du site, désormais inscrit au patrimoine spirituel national, reste également un haut lieu de recherche iconographique. Une petite école d’iconographes, incluse à l’université théologique d’Epidion y prépare chaque année une poignée d’élèves à l’ancien art de la peinture sur bois et de l’enluminure liturgique.

Le monastère de Xanthéon incarne ainsi l’union de la prière, de la mémoire et du pouvoir, dans une harmonie que peu de lieux savent garder. Suspendu entre cieux et roches, il ne regarde pas seulement en arrière : il inspire encore le présent et trace, en silence, les traits du futur némédien.

Le monastère de Xanthéon ne se définit pas seulement comme un chef d’œuvre architectural ou spirituel, mais est plongé dans un cadre naturel exceptionnel, participant à sa majesté. Accroché à flanc de falaise, il surplombe une montagne que l’on nomme Monts d’Illyra, un ancien massif sacré impliquant une exégèse démythologisée tant il a longtemps dominé les âmes, les esprits, les corps, les cœurs de la Némédie, à la frontière des régions du sud, défensive, protectrice des cavaliers de la guerre ardentes et épiques des temps passés.

Sculptées par la tempête éternelle, par l’eau, par le temps, des forêts denses de pins argentés et de cyprès tortueux, des hêtres millénaire drapent le vert sombre allant vers le bleu et l’argent d’une mer devenue terre, s’opposant au calcaire pur des parois. Au printemps, des fleurs alpines aux couleurs violettes, roses, jaunes et blanches, dont certaines sont endémiques, finissent de recouvrir des versants abrupts, vallées et rochers, offrant au promeneur une vision d’un réalisme, ou de sirénades, peu humaine et palpable assurément. Il était encore dit qu’on y voyait des présages parmi les errances du vent et des lumières traversant l’air au travers des arbres entre les lumières furtives caressant la peau et le regard admiratif de cet héritage.Toute l’immensité s’ouvre aux yeux depuis la cour supérieure du monastère. Les jours lointains apparaissant à l’horizon, lointains sont cette hauteur des collines d’Olythos, et plus bas encore ce fil d’argent d’un fleuve millénaire glissant vers les basses terres. Cuvée d’un coucher de soleil frappé d’hiver sur ces sommets recouverts de neige, l’immense lumière baignant d’or le monastère, vision iréelle, est nommée par les moines « l’heure de la présence ».

Les montagnes sont habitables autant que belles, égayées de légendes. Les anciens rois, témoins des visions et des réponses qu’elles donneraient, viennent souvent ici seuls ou précités de quelques sages. Des grottes sacrées offrent parfois dans la face la plus altitudinale des abris furieux et aussi d’antiques peintures rupestres, parfois de légendaires représentations d’animaux puissants perchés haut dans les falaises du Patari.

Les paysages environnants ont toujours bénéficié d’une attention scrupuleuse. Une zone naturelle, désormais protégée, entoure sur plusieurs kilomètres le monastère, interdisant toute construction moderne, tout en préservant une certaine rusticité des chemins d’accès. On y parcourt le chemin en silence, souvent à flanc de ravin. C’est cette lente ascension, tantôt douloureuse, tantôt majestueuse, qui remet en question l’arrivée à Xanthéon, comme le bel éloignement terrestre qu’on aurait traversé au détour des tronçons du chemin vers un lieu de la céleste hauteur, à l’abri du temps.

Au cours des siècles écoulés, Xanthéon est devenu l’une des références fondamentales du calendrier liturgique en Némédie. L’événement le plus emblématique demeure cependant la Montée de la Lumière, célébrée chaque année à l’issue du Carême. Cette procession nocturne est l’occasion pour les pèlerins de gravir en silence la route de pierre qui mène au monastère, torches à la main, afin d’y parvenir au lever du jour, quand surgit le soleil au-dessus des montagnes desquelles s’élèvent les chants des moines chantant l’Akathiste, avec puissance dans la résonance d’un espace naturel qui est à chaque fois l’élément prodigue du lieu. Peut-être s’agit-elle d’une première expérience spirituelle, fondatrice pour beaucoup, y compris les laïcs et les non-pratiquants. D’autres occasions liturgiques plus moins solennelles viennent ponctuer le calendrier telles que la Semaine Sainte durant laquelle sont reconstituées les grandes scènes de la Passion, dans la cour du monastère, ou la Fête de Saint Eleutherios, moine thaumaturge du IXe siècle, à l’origine des dons de guérison, et également vénéré également à Xanthéon.
Le monastère propose également des retraites spirituelles accessibles à tous, en particulier durant les Semaines du Silence au cœur de l’hiver, tradition pratiquée avec sérieux par les artistes ou les intellectuels némédiens qui viennent s’absenter pour se consacrer à la contemplation, une manière de retrouver l’inspiration ou de surmonter une épreuve personnelle ; certains en ressortent transformés, d’autres y retournent chaque année comme à un rendez-vous sacré.

Par sa fonction dans le calendrier sacré, le dispositif Xanthéon ne joue pas seulement un rôle cultuel, mais il symboliquement concentre la nation, rappelant à chaque citoyen la force de l’articulation foi, histoire et terre némédienne.

lieux : Dans les montagnes centrales au bord d'une falaise
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Pellisos


Pellisos compte parmi les sites historiques les plus touchants du pays. Abandonnée après le Grand Tremblement de terre du XIVe siècle, la ville fut ensevelie en partie sous les éboulis dispersant autour de soi les stigmates d’un passé brutalement interrompu. Pellisos se dresse, aujourd’hui, comme le lieu sacré du marbre brisé et de la pierre gravée, un écho congelé des heures glorieuses du pays némédien.

Le visiteur découvre dans les vestiges des thermes publics, aux bassins effondrés, l’ingénieuse maîtrise hydraulique des bâtisseurs ancêtraux. Des mosaïques polychromes, préservées par les couches de terre et de cendre, jaillissent lentement, grâce aux campagnes de fouilles renouvelées, pour révéler des scènes mythologiques, des processions royales et des motifs floraux délicats.
Le marbre blanc des colonnades effondrées, les morceaux de statues aux visages sereins ou déformés, racontent les heures douloureuses d’une ville pieuse et riante, dont la mémoire se prolonge dans les chants des archéologues et les carnets des historiens. Chaque printemps, la ville respire à nouveau : Pellisos redevient ce qui est du domaine sacré du patrimoine national pour les étudiants, les chercheurs, les curieux convergeant en son sein.

Avant le cataclysme, la ville de Pellisos affichait une prospérité enviable dans toute la région occidentale de la Némédie. Sa richesse provenait de ses vignes en terrasses, de ses artisans célèbres et de ses thermes alimentés par une chaude source naturelle. Les marchés grouillaient d’activités, les hymnes résonnaient dans les temples dédiés aux divins Phaïnon et Thesara, et les rues pavées, abritant des portiques, prenaient vie grâce aux marchands, aux sages et aux enfants s’amusant entre les colonnes blanches.
Les habitations, bâties en pierre calcaire et ornées de fresques multicolores, se disposaient en damier harmonieux autour de l’agora centrale, lieu de débat des affaires publiques à l’ombre des platanes. La citadelle dominait la ville, avec son temple dédié au roi héroïsé Pelion II, patron des arts et de l’agriculture. Pellisos était une ville, mais aussi le modèle de la puissance occidentale, un fleuron culturel et spirituel.

Or donc, au mois de juin de l’an 1327, selon des chroniques monastiques retrouvées, ça trembla le matin. Au mieux, apparié à ce tremblement, s’agissant d’évaluer le tremblement de terre, a des historiens contemporains, propose une amplitude analogue à une augmentation de l’échelle de 7,4 c’est-à-dire. Le sol se fendit, se perdit ou se tourna en quartiers agrandis, et des ruines se produisirent en quelque fraction de seconde. Se poursuivant du chemin à cause de la rupture des conduites et des lampes à huile, la flamme brûla tout ce qu’en temps normal, pour le reste, la secousse ne fit déjà pas.
Les fresques se brisèrent ; les collones furent brisées si facilement que celle à beau être une rose.Les gens de culte, s’étant mis à l’aube pour prier, encore au lendemain, s’achèveront le soir même sous la coupole. En tous, d'après les historiens il y aurait eu 7 000 morts pour un village de 10 000 habitant.

De nos jours, les ruines sont restées immobiles, et le silence témoigne de cette tragédie. Les archéologues ont retrouvé quelques corps pétrifiés alors qu’ils s’efforçaient de fuir : une mère tenant son enfant sous une voûte écroulée, un prêtre à genoux, affaissé près de l’autel. Ces vestiges sont autant de récits muets, qui murmuraient au visiteur l’histoire d’une cité glorieuse fauchée en un instant, et d’un peuple dont la mémoire survit dans les pierres et les os.

Aujourd'hui, Pellisos n’est plus seulement le lieu d’un souvenir ou d’un deuil : c’est devenu un laboratoire à ciel ouvert pour l’archéologie et l’histoire de la Némédie. Chaque été, sous la chaleur sèche du vent d’Halios, des universitaires nationaux et étrangers s’installent sur les flancs de l’ancienne cité pour poursuivre les fouilles, qui dévoilent peu à peu un urbanisme complexe, une maîtrise hydraulique développée, des objets du quotidien prestigieusement conservés.
Parmi les dernières découvertes figure un ensemble de tablettes de pierre gravées dans le dialecte pellisien montrant les lois du pays et les rites funéraires, ainsi qu’un petit amphithéâtre sculpté à flanc de colline jusqu’alors inconnu. Certaines mosaïques, délicatement décapées, montrent des scènes de chasse ou des scènes mythologiques oubliées, en particulier un combat entre deux divinités locales relevant d’un culte éteint.

L'important effort de conservation des vestiges, soutenu par le ministère némédien, a permis la création d’un petit musée en contrebas dans l’ancien village de bergers abritant la communauté qui s’était établie à proximité des ruines, après la fin d’utilisation de la ville. Ce musée présente aujourd’hui des bijoux, des poteries, des monnaies, des fragments de stèles, tous minutieusement restaurés.
Le site commence à attirer un public toujours plus large : passionnés d’histoire, pèlerins en quête de silence ou simples curieux s’y pressent sur les sentiers larges, où l’on marche entre les fondations mises à jour des maisons. Des plates-formes en bois ont été installées pour surplomber sans les abîmer les vestiges, et chaque printemps, une reconstitution est opérée, avec lectures de textes antiques, chants et danses, programmes de spectacles ou d’expositions temporaires à l’occasion des Journées du Patrimoine Némédien.

Mais Pellisos est surtout un lieu de méditation. Il règne ici un calme étrange, un murmure que pas même le vent ne trouble. De nombreux visiteurs laissent le temps de les foudroyer poser une main sur les vieilles jaspes et offrent un symbole : une fleur séchée ou un galet peint. Comme pour saluer la grandeur d’un temps révolu, ou se rappeler ainsi que toute civilisation, si admirable soit-elle, peut un jour être rendue à la poussière.

Lieu : Ancien village de Pellisos
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La Route des Rois


La Route des Rois, qui représente l’un des plus anciens vestiges monumentaux de la Némédie, est une voie sacrée de près de 92 kilomètres qui relie la capitale Epidion aux anciennes cités royales de Kymion, Héraïa et Thalartos dans l’actuelle region d’Epidion. Entièrement pavée en dalles de basalte noire et de calcaire clair, elle a été construite, comme l’a montré son étude historique, entre le Ve siecle, dans l’intention de symboliser l’unité du royaume et d’affirmer la puissance divine de ses souverains.

Tout au long de son parcours, la Route est agrémentée de statues colossales de rois némédiens, régulières tous les 1,5 km mètres, taillées dans des blocs de marbre local et mesurant de 6 à 10 mètres, représentant les souverains dans une posture particulière et majestueuse des différentes versions: avec sceptre royal, en armes ou bras ouverts, faisant face aux dévots. En tout, 187 statues sont recensées, bien que les textes antiques fassent allusion à l’origine à un chiffre symbolique, 200, censées représenter “les 200 années de lumière”.
Au fil du temps, nombre d’entre elles ont été ruinées par les séisme ou le vol, d’autres ne montrant plus qu’un torse ou un visage endommagé par l’abrasion. Seules quelques-unes ont miraculeusement survécu, conservant leur orfèvrerie dans la couronne, dans les plis du manteau royal ou dans les inscriptions gravées dans la base.

La Route des Rois, autrefois empruntée par les cortèges royaux, les pèlerinages religieux ou les armées en campagne, était en outre un axe stratégique d’échange entre les principales cités. À présent, une portion importante de la voie a été rétablie et fait l’objet d’un classement au patrimoine national. Les travaux entrepris récemment ont permis de rouvrir de nouveaux tronçons enfouis, permettant de découvrir des bornes milliaires, de petites chapelles votives ou encore des fresques murales à certains carrefours.

Chaque année, à l’automne, est organisée une marche symbolique, le « Pas des Anciens » à l’initiative des citoyens et des visiteurs, qui empruntent à pied une partie de la route à la mémoire de leurs premiers souverains némédiens, le nombreux silence des statues érigées entre les collines sèches et les champs d’oliviers, confère à ce lieu une ambiance singulière, entre la monumentalité d’un passé éternel et la précarité d’un temps qui passe.

Établie au commencement du Ve siècle sur ordre du roi Alkamenos III surnommé Faiseur d’Unité en pleine émergence de la Némédie des cités, qui cherchait un pouvoir central unique et fort, la Route des Rois vit sillonner sur quarante ans tout le royaume des milliers d’ouvriers, d’esclaves, de sculpteurs et d’ingénieurs pour sa construction, achevée sous le règne saisi de son petit-fils Eurymachos II.

La route monumentale n’était pas seulement une prouesse logistique ou figurative, elle était la colonne vertébrale du royaume, un axe de circulation entre les grandes villes et la capitale Epidion, qui facilitait les campagnes militaires, mais aussi les cessions commerciales, tout autant que les visites diplomatiques, les processions religieuses et les circulations de la cour royale, en paix comme en guerre.

La Route des Rois, au plan symbolique, était censée assurer la continuité dynastique, à tout nouveau roi d’y faire ériger sa statue, sur le lieu le plus proche d’un exploit glorieux de son règne : certaines, de même sont parfois associées à de petits temples ou des stèles commémoratives sur lesquelles sont gravés les hauts faits de son constructeur.
Le pavage soigné, les systèmes de drainage, les bornes milliaires, et les aires de repos témoignent de la sophistication du réseau routier némédien à l’apogée de sa gloire. Les caravaniers mettaient cinq à six jours pour parcourir les 92 kilomètres séparant Epidion de Thalartos, assurant des haltes de service tous les 15 à 20 kilomètres, relai qui comprend à la fois aubergistes, fontainiers et, parfois, petits sanctuaires dédiés aux dieux protecteurs des voyageurs.

En dépit des secteurs aujourd’hui disparus ou recouverts, la Route des Rois demeure l’un des plus puissants témoignages de l’ancienne prospérité de la Némédie, ainsi qu’un symbole vivant de la solidarité du royaume autour d’une dynastie millénaire.

Longtemps, la Route des Rois fut un cadre de nombreuses manifestations historiques riches en signification : les cortèges victorioe, les ambassades étrangères, les obsèques de rois, mais aussi les guerres et les exils. Les pavés patinés par les fers des chevaux et des rouets portent, dit-on, l’écho des pas des légions et des cérémonies sacrées.
Elle attire désormais des chercheurs, des artisans, des restaurateurs, du monde entier : des chantiers de restauration engagés depuis 2009 ont permis de relever trois statues abattues et mieux défendre certaines portions menacées par l’érosion ou la végétation.

Les zones rurales qu’elle traverse ont vu s’établir des communautés d’artisans, d’agriculteurs et d’hôteliers prospères durant des siècles grâce à un trafic continu. Ces villages, parfois en partie abandonnés aujourd’hui, gardent encore des traces de leur passé : des fragments de mosaïque de relais, des sous-bassements de dépôts marchands, des inscriptions dédicatoires…
La Route des Rois n’est donc pas seulement un axe historique ; mais un véritable panthéon à ciel ouvert, une archiviste monumentale de l’histoire némédienne gravée dans la pierre. Elle reste encore, aujourd’hui, un chemin de mémoire que empruntent chaque année des milliers de pèlerins, de marcheurs et de curieux de l’histoire.
Lieu : Route mesurant près de 92 kilomètres se situant dans la région d'Epidon
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l’Arc de Naucratis


À Naucratis, ancienne et puissante cité némédienne tant, se dresse au milieu de la ville l’Arc de Naucratis, monument à la fois sobre et imposant, érigé entre -390 et -370 pour célébrer la fin de la Guerre de Cinquante Ans, conflit indécis et douloureux, qui opposa Naucratis et Argéos.
À cette époque, la Némédie n’existait pas. Le territoire était en effet morcelé en cités-États autonomes, souvent en guerre les unes avec les autres. Naucratis et Argéos étaient les deux grandes puissances du centre-Ouest, dont le conflit engagé vers le milieu du siècle précédent plongea la région dans une insupportable instabilité. Une guerre sans fin, avec des sièges à rallonge, des alliances intermittentes, des pertes humaines pour les deux parties.

La paix enfin signée, après l’avoir finalement voulu, et alors qu’ils étaient sur le point de mourir d’épuisement, Le roi de Naucratis ordonnèrent à d’édifier l’Arc de Naucratis, non pour se glorifier d’une victoire incertaine, mais pour signifier la fin d’un cycle de fratricides.
D’une hauteur de 30 mètres et d’une largeur de 40 mètres, l’arc fut édifié à l’aide de pierre calcaire locale, ornée de fresques sculptées illustrant les douleurs suscitées par la guerre, tandis que l’on aperçoit en arrière-plan des villes embrasées, des mères en pleurs,… et tout ceci montre, sinon peint, les premiers accords de paix entre les souverains des deux cités.

Au sommet de l’arche, la statue colossale d’Alkeia, figure mythologisée de la reconquête de la force, est représentée tenant dans chaque main les blasons de Naucratis et d’Argéos, unis par une couronne de laurier.

C’est aujourd’hui l’Arc de l’Unité qui, dans le quartier historique de Naucratis, au centre du plus grand rond-point de Némédie, se trouve à la charnière des trois grandes artères de la ville : l’Avenue de l’Alliance, la Route de l’Ancienne Concorde, le Boulevard des Cités. Engorgée de 120 000 véhicules qui l’empruntent chaque jour, la Place des Douze est devenue un véritable carrefour, l’un des lieux les plus passants au pays.
Le monument est protégé par une large esplanade circulaire revêtue de marbre noir et blanc, ainsi qu’un bassin d’eau claire dans lequel se reflète l’arc au crépuscule. Des hautes scènes en bronze stylisées, bordées de lampadaires diffusant une lumière dorée la nuit, éclairent depuis le rond-point les bas-reliefs du monument avec soin. Au moyen d’un souterrain de passages piétons et de tramways modernes, qui traverse les filières de circulation, le monument est accessible aux visiteurs.

À chaque commencement de mois de décembre, chacun des représentants des douze régions vient à la capitale pour déposer conjointement des couronnes au pied de l’Arc, où la nation célèbre une cérémonie d’unité nationale. Le monument est également le point de départ des événements de grande envergure que sont les défilés militaires, les compétitions sportives et les marches mémorielles.

À quelques pas de là, se trouve le Musée de Naucratis qui occupe un ancien palais naucratien réhabilité, qui expose notamment les documents, armes, boucliers, cartes et objets archéologiques retrouvés sur les champs de bataille de la Guerre de Cinquante Ans.

À l’ombre de l’Arc de Naucratis, le quartier de Naucratis a été totalement réinventé dans les années 2000 pour en faire un pôle civique et culturel. À ce jour, le quartier présente des édifices officiels et les sièges d’institutions culturelles.
Un amphithéâtre de plein air, taillé dans une légère pente naturelle à l’ouest de la place, accueille chaque jours des spectacles de théâtre et des concerts, dont ceux inspirés par les récits épiques des guerres opposant Naucratis à Argéos. Ce dispositif culturel, référencé comme Tholos d’Élitea d’après une légendaire prêtresse tombée durant le siège de Naucratis, peut accueillir jusqu’à 8000 spectateurs.
Le rond point est également réputé pour son agitation permanente. Durée de jour, lieu de transit animé, avec ses tramways rapides, ses autobus électriques et une grande piste cyclable circulaire qui fait le tour de l’esplanade. Durée de nuit, l’arc est illuminé de l’intérieur par un dispositif lumineux à variation douce qui doit projeter un éclat doré qui varie selon les saisons et les jours.

Des dizaines d’artistes de rue, musiciens, peintres ou narrateurs de contes traditionnels s’y retrouvent chaque semaine pour retravailler les anciens récits de leur manière. Une librairie à ciel ouvert, dénommée “Le Marbre et la Flamme”, installe ses impératifs sous les arcades des bâtimiments.

Auprès des Némédiens, l’Arc de Naucratis est une référence nationale comme beaucoup d'autre monument, mais c’est aussi une réalité matérielle qui fait lien entre des cités concurrentes hier, des citoyens d’aujourd’hui. L’arc figure sur des billets de banque, dans des manuels scolaires, des jeux éducatifs pour enfants... Il est le monument de visite obligatoire pour toutes les écoles de Naucratis et il est remis à chaque élève, pour sa première visite, un livret, en souvenir des héros des guerres.
Ce monument est ce que certains nomment souvent la « mémoire debout » : une histoire forte, imposante, claire, visible là, dans le tumulte du monde présent.

Ville : Naucratis
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l’Église Saint Derkernos


Construit sur une légère éminence surplombant la mer d’Éphedra, l’Église Saint Derkernos est un édifices religieux très anciens encore en activité de la région némédienne, sans compter qu’il fut édifié, en 1200, par Kelédrion, le maître d’œuvre de l’architecture némédienne : la conception de cette église a donc été déterminée par le contexte de menaces perpétuelles qui pesaient sur Éphedra.

À l’époque, Éphedra était un port stratégique pour le monde némédien sans qu’il n’ait pu éviter les multiples incursions maritimes qui l’affectaient continuellement. Plus qu’un lieu de culte, l’église était pensée comme un refuge, mais aussi comme un poste d’observation. L’église est dotée d’un clocher octogonal de plus de 30 mètres construit dans le but de signaler à la ville la proximité de l’ennemi. Les fondations massives et la crypte intramuros de l’église témoignent encore aujourd’hui de cette double vocation défensive et sacrée.

Avec le temps et les siècles, on a détruit les remparts, alors l’Église Saint Derkernos devient seulement religieuse et patrimoniale, haut lieu de pèlerinage, notamment les jours de la mer, où l’on rend grâce au saint des pêcheurs et des marins.
Maintenant l’endroit s’illustre par ses fresques murales d’origine, sauvées par miracle, son dôme bleu cobalt qu’on voit de la mer, ses chants liturgiques montés chaque matin avec la respiration du vent salin. L’église est inscrite au titre des monuments sacrés nationaux, elle fait la fierté d’Éphedra comme de toute la Némédie.

L’intérieur de l’Église Saint Derkernos, dépouillé et solennel, s’offre au recueillement, illuminé de façon douce par la lumière filtrée à travers les vitraux aux teintes marines, ajoutés au XIVe siècle, qui évoquent les épisodes légendaires de la vie de Saint Derkernos : ses prêches sur les quais d’Éphedra, la tempête apaisée d’un signe de croix, la guérison d’un navigateur intime aveuglé par le sel.
L’autel principal, en marbre d’albâtre local, est posé sur un soubassement de pierre volcanique, faisant mémoire du lien entre la terre et la mer, que le saint veneré a porté au long de sa vie, Mosaïque de nacre de la “Couronne de la paix”, emblème ancien de la protection divine des peuples des côtes némédiennes ; le chœur qui le précède immédiat.

Cependant, ce qui attire davantage l’intérêt des visiteurs, c’est la situation même de l’église, et plus spécialement sa chapelle souterraine creusée dans le roc de la colline sur laquelle l’église est érigée ; cette chapelle elle-même est accessible par un petit escalier en vis où sourd une source souterraine que les anciens qualifiaient de bénite et que, même encore de nos jours, quelques gouttes puisées par les marins ou par le passant en quête d’une bénédiction pour voyager sans tempête contribuent à faire grandir.
Autour de l’église, la place Saint Derkernos s’est progressivement transformée en un petit quartier pittoresque, mêlant hôtels, artisans, anciennes librairies, où les pèlerins rencontrent les touristes. Aux grandes marées d’automne, l’eau monte presque jusqu’aux marches du parvis, comme si autrefois la mer elle-même semblait venir prier.

Au fil des âges, l’église Saint Derkernos s’est désormais couverte du drap moelleux de récits mystiques et de traditions populaires très ancrées dans l’esprit des habitants d’Éphedra. L’une des plus notables est celle des Veilleurs de la Brume, une petite communauté monastique qui, dès le XVe siècle, s’installe dans une annexe latérale du bâtiment afin d’accomplir des prières nocturnes lors des nuits d’ensoleillement. On dit que leurs chants, à peine audibles dans le silence, guidaient les navires perdus vers le port, leur évitant ainsi de se fracasser sur les terribles récifs du cap d’Asterion.
L’architecture du lieu n’a guère été modifiée au fil du temps, tandis que l’esprit originel demeure intact et que, toutefois, au XVIIe siècle, une tour-clocher a été ajoutée du côté sud, la Flèche du Pèlerin, il faut également dire que c’était là la première chose qui était aperçue au large par les navigateurs longeant la côte. Aujourd’hui, encore, pour les pêcheurs du pays, elle demeure un repère sur l’itinéraire vers le port, sa silhouette se découpant prestigieusement au fond de l’azur des couchers de soleil némédiens.

À l’intérieur de la sacristie se tient un petit musée, où l’on peut voir des objets sacrés et historiques : les instruments liturgiques en cuivre ciselé, les lettres de capitaines qui ont remercié le clergé reconnu pour ses miracles en mer, et surtout, le fameux Tapis d’Écume, la relique brodée après que les femmes d’Éphedra eurent cru la flottille perdue de toute espérance de salut, après que la flotte entière d’un port fut sauvée d’un ouragan.
Et chaque année, lors des fêtes de la Saint Derkernos au mois de septembre, la grande procession de la fête maritime s’avance jusqu’à la mer baignant le rivage, où les fidèles déposent des couronnes de fleurs dans l’eau comme leur mémoire a déjà plongé les disparus, alors que la cloche centenaire retentit et résonne dans toute la baie et puisent la source de son élan, un témoignage émouvant de la foi, mais aussi de l’intense culture commune et populaire, traditionnelle à n’en pas douter, reconnaissante et reconnaissante envers ce monument devenu l’âme vivante de la côte némédienne.

Kelédrion, l’architecte inventeur de l’Église Saint Derkernos. Né à la fin du XIIe siècle dans une modeste famille d’Éphedra (où son père était tailleur de pierre), il apprend dès son plus jeune âge les mathématiques et la philosophie et s’investit dans l’art sacré au sein des monastères de Myrida, avant de revenir dans sa ville natale, animé d’un seul vœu : construire un sanctuaire qui ne fléchisse ni devant le temps, ni devant les marées.

On raconte que, au moment d’une tempête, à l’abri sur la falaise, alors qu’il s’extasie sur le spectacle grandiose de la mer fouettant les rochers selon les lois de la nature, il apperçut la silhouette du saint protecteur des marins, Derkernos, surgir à la faveur des éclairs et lui avoir soufflé ces mots: « Là où la pierre et le sel s’unissent, construis ma maison. » C’est précisément là, sur ce surplomb naturel qui surplombe la mer et bordé de cyprès, qu’il posa les premières pierres en 1200.

L’église, imaginée par Kelédrion, est bâtie selon une symbolique très particulière. Les colonnes intérieures, grêles et élancées, rappellent les mats des navires ; la voûte en bois sculpté, teintée d’un bleu nuit, évoque la coque renversée, comme si chaque fidèle entrait dans le ventre du bateau spirituel. Les décorateurs entrés en œuvre sont les meilleurs sculpteurs d’Epidion et les mosaïstes de Korion, chargés de faire en sorte que chaque motif ait un sens, dauphins, ancres, étoiles marines et signes plus ésotériques alliant la cosmologie orthodoxe locale et les influences mystiques.
Kelédrion ne se rendit jamais compte que son œuvre était achevée ; il mourut en 1229, à soixante-neuf ans, dans une petite cellule adjacente à l’église. On raconte qu’il passa ses derniers instants à admirer le vitrail principal, celui de saint Derkernos pilotant une barque sous un ciel orageux, qu’il considérait comme la plus belle image de sa foi.

D’ailleurs, actuellement, la pierre sur laquelle il repose est précisément celle qui constitue le pavé central de la nef, et c’est une simple dalle, un fin marbre noir, qui le signale en ces termes : « Ici repose Kelédrion, qui vit dans la pierre ce que d’autres cherchent dans le ciel. »
Ville : Ephedra
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Le volcan Kallégon


À une quinzaine de kilomètres des joyaux de la vibrante ville de Myrida s’élève une silhouette titanesque, auréolée de vapeurs et de mystères : le volcan Kallégon, l’un des plus vieux reliefs de Némédie, vieux de plusieurs millions d’années. Le géant de feu et de pierre, qui a connu sa dernière éruption majeure en 1967, est toujours en activité, mais sous surveillance. Les nuages de vapeur blanche qui s’échappent encore régulièrement de son cratère témoignent même de la vie qui se traîne encore en son fonds.

Bien que Myrida ne soit pas si éloignée que cela de Kallégon, les 15 km qui les séparent, dans le cadre des mesures modernes de sécurité et de la normalité, sont plutôt modérément risqués pour les populations. Un réseau de capteurs sismiques, associé à un programme d’alerte préventive, pourrait rendre possible, si besoin, une évacuation rapide, des simulations de ce type étant organisées régulièrement avec la population locale. Mais pour les Némédiens, le Kallégon n’est pas juste un volcan : il est plus, un presque vivant, le témoin paisible de l’histoire géologique et humaine de la région, qu’on respecte à l’égal de ce qu’on en craint. Bien que certains y voient un volcan endormi, le Kallégon est connu pour ses réveils spectaculaires. Selon les Chroniques antiques, au moins 9 éruptions majeures ont eu lieu depuis l’établissement des premiers villages autour de Myrida. L’une des plus significatives a été celle de l’an 374 av. l’Unification, appelée dans les textes anciens la Nuit de Cendres, où le ciel s’est couvert de sang et une pluie de cendres est tombée sur des collines. Rékalos, petit village à peine distancié de 8 kilomètres du volcan à l’époque, est pourtant enseveli sur l’instant par une coulée pyroclastique ses ruines avaient d’ailleurs été retrouvées par les archéologues.

Les hommes des siècles suivants, bien que menacés, n'ont jamais quitté les alentours du Kallégon. Au contraire, ils l’ont sanctifié, en implantant sur ses flancs des autels et des bornes votives, suppliants parfois sa clémence. En 932, lors d’une éruption, une langue de lave descend lentement vers la vallée de Koréa, mais s’arrête, par miracle, à quelques centaines de mètres des habitations. Ce "miracle" a renforcé les croyances.

La dernière éruption volcanique majeure, celle de 1987, est la plus observée et étudiée au plan scientifique. Sa durée de près de 4 jours et le rejet de colonnes de cendre atteignant 10 000 m de hauteur (ce qui à interrompu le trafic aérien pendant 12 jours), mais surtout la coulée de lave qui n'a fait aucun mort de par une évacuation rapide, mais plusieurs hectares de cultures détruites, ont fait l’objet d’une observation directe par des équipes de volcanologues némédiens et étrangers, qui depuis la catastrophe n’ont jamais cessé d'observer l’activité du Kallégon dont finalement la chambre magmatique resurgit parfois au gré des échos des tremblements séismiques.

A l’heure présente, les flancs du volcan portent la marque des âges : anciens cratères, tunnels de lave figée, couches de basalte patinées par le temps. Les établissements scolaires de Myrida organisent régulièrement des sorties pédagogiques sur les sentiers autorisés, permettant aux plus jeunes générations de marcher, sinon sur les pas des anciens, tout au moins sur les travers et les chemins de la petite nature lors des randonnées, mais aussi de découvrir la beauté, mais également la puissance du Kallégon. Un musée local lui a même été consacré où, reliques, photographies des éruptions et anciens instruments de mesures témoignent de l’histoire du volcan dans un récit permanent digne d’un conte géologique.

Outre cet autre grondement tellurique, depuis des siècles et des siècles le Kallégon est devenu une source d’inspiration aussi artistique que spirituelle pour la Némédie. Car, dans les fresques anciennes retrouvées des cryptes de Myrida, on le représente comme un immense serpent dormant dans les entrailles de la terre, dont les colères marqueraient l’inadéquation des mondes visibles et invisibles. Cette figure du serpent s’est retrouvée dans le culte sous le nom symbolique de Thérakis, invoquée encore aujourd’hui dans certaines liturgies locales, par exemple pour la procession annuelle de la Sainte-Protection, au cours de laquelle les habitants montent une partie du volcan portant d’énormes bannières peintes d’un mélange de braises et de feuillages.

Artistiquement également : plusieurs poètes némédiens des premiers temps médiévaux évoquent le Kallégon à la fois comme une bouche de l’Enfer ou, à l’opposé, comme une forge divine. Le poète Lydion d’Ekpatha, au XIIIe siècle en témoigne encore dans son Chant des Cendres :
"Le ciel buvait les hurlements des dieux / Et la montagne, noire mère, enfantait la lumière brûlante".
Les maîtres verriers de la région, fascinés par les roches volcaniques, ont établi une sorte de tradition au sujet du verre teinté au moyen des cendres du volcan, dont on se sert encore aujourd’hui pour certaines rosaces de nos églises, telle celle de l’Église Saint Derkernos à Ephedra.

Le Kallégon dans toute sa puissance monumentale semble vouloir imposer sa propre loi au temps. En effet, son origine est tellement enfouie dans la préhistoire de laquelle point de datation possible que les géologues, d’après les couches de basalte et les ponces fossilisées, lui donnent une existence de plusieurs millions d’années… sans pouvoir, cependant, en indiquer l’antériorité. D’où vient ce flou temporel, quasi mystique, qui contribue à rendre énigmatique cette montagne de feu.

Chaque jour, des équipes d’archéologues et de volcano- logues némédiens escaladent ses hauteurs, percent ses flancs, prélèvent des échantillons, analysent la lave fossilisée pour tenter de faire parler la roche. Certaines formations géologiques paraissant si anciennes qu’elles seraient antérieures à toute trace humaine dans le secteur, ne font que confirmer l’opinion qui fait du Kallégon l’un des tout premiers volcans formés sur le sol actuel de la Némédie.

Dans une cavité profonde récemment explorée, des outils rudimentaires en pierre vitrifiée ont été découverts, ainsi que très certainement façonnés par des peuples préhistoriques installés sur les contreforts du volcan bien avant notre ère. Les techniques n’en sont pas encore connues ; en revanche, le mélange de pierre et de lave semble prouver que déjà cette pratique tissait des liens anciens, même peut-être rituels, avec le Kallégon.

Les historiens s’attachent également à percer les secrets du volcan. Dans les archives d’Ephedra et de Myrida sont conservés des manuscrits fragmentaires qui évoquent un « trône de feu » ou une « couronne de cendres » : il se peut qu’un ancien système de royauté ou de culte s’en soit emparé. Le mystère reste entier, et les institutions universitaires némédiennes parient sur une grande collaboration pour déchiffrer ces récits ésotériques, parfois peuplés de mythes et d’observations météorologiques sciemment altérées par les âges.
Il semble que le Kallégon représente ainsi bien plus qu’un simple phénomène naturel : c’est une mémoire, une énigme de plusieurs mille ans, une montagne qui reste éveillée, qui, à l’era presque antiseptique, se tait désormais, mais qui, dans sa colère solide, attend que les hommes à jamais candidement sachent le secret de son histoire.

Au fil des âges, le Kallégon est devenu, dans le paysage némédien, l’objet d’un puissant imaginaire aussi bien par les craintes, motifs récurrents du récit des éruptions, que par la fascination qu’il a pu susciter. Si les dernières éruptions en date remontent à quelques décennies seulement, les chroniques anciennes évoquent des « siècles de feu » pendant lesquels le volcan aurait déversé sa fureur sur les paysages alentour, marqués par les déformations du relief et la destruction de hameaux, avant de donner naissance à des terres fertiles au détour des générations, konnues plus tard des premières cultures. Les historiens s’accordent à dire que les anciennes familles de Myrida descendent de communautés nomades suivant un rythme des éruptions pour s’installer sur des terres neuves, fertilisées par les cendres. Le Kallégon est ainsi tant un danger qu’une chance ; soumettant les cultures à la destruction, il assurait au temps d’après leur abondance.

À l’époque médiévale de la Némédie, ce sont des ermites et des moines qui viennent s’établir dans les cavités basaltiques creusées dans le flanc du volcan. Ils pensaient que le Kallégon était la bouche d’un dieu ancien, punisseur des hommes trop orgueilleux et réchauffeur des justes. Ces ermitages troglodytes existent encore, que viennent visiter certains pèlerins espérant entendre la voix de la montagne dans les craquements de ses pierres et les émanations souterraines.

Aujourd’hui, bien équipés d’installations de surveillance modernes, le Kallégon reste imprévisible. Sa faible mais régulière activité sismique maintient en alerte tous ceux qui sont responsables de la sécurité des populations locales. Les 15 kilomètres qui le séparent de Myrida sont bien suffisants pour assurer une sécurité relative mais en Némédie, nul n’ignore que le feu est toujours à portée de main.

Lieu : À une quinzaine de kilomètres de Myrida
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Mekétie



C’est à quelques km au sud d’Helike, de la grande ville portuaire et historique de la Némédie, que s’épanouit le pittoresque village de Mekétie, juché de façon vertigineuse sur une falaise calcaire qui domine la mer. Comme un nid d’aigle à flanc de montagne, ses maisons blanches à toits d’argile rouge semblent flotter au-dessus du vide et certaines sont bâties à même le précipice, à plus de 25 mètres de la mer. Le tour du village, qui se faufile à travers les murets de pierre sèche fleurie de lauriers-roses et de vignes grimpantes se fait à pied ou à dos de mule, les véhicules étant rares. L’air marin mêlé au thym sauvage, au bruit du vent qui siffle entre les maisons, emplit la scène. La place de l’Oléastre, où un olivier millénaire, considéré comme un ancien esprit protecteur trône au centre, constitue le cœur battant du village. Il est entouré d’une petite église aux fresques érodées, de tavernes familiales et d’un atelier de poterie, qui perpétuent un artisanat némédien ancestral.

À partir de la place de l’Oléastre perchée sur le rocher, s’offre à l’œil une sorte d’escalier creusé dans le rocher qui descend en lacets jusqu’à une plate-forme dans l’espace, le Repos des Marins. C’est là que, depuis plusieurs siècles, accostent les barques des pêcheurs de Mekétie au retour de leur journée en mer. Une petite flottille de barques traditionnelles aux flancs peints de bleu foncé et de blanc se balance doucement au fil des vagues, et l’endroit tout entier mugit dans une sorte de gravité expiatoire; dans le creux d’une niche, la falaise abrite, en effet, une statuette. Mekétie, en effet, en été, tous les soirs, s’illumine de lampions accrochés aux balcons et aux branches des arbres, et les habitants se rassemblent autour du partage d’un repas sur la place. Des airs ancestraux, parfois en dialecte local, y sont chantés et des poèmes y sont déclamés, de mêmes que des morceaux de luth ou de tambour. Malgré sa petite taille et son isolement géographique marqué, le village conserve un indéniable esprit de communauté soutenu par la rudesse de son implantation.

De sa part, après un temps indéterminé, Mekétie devient un sombre refuge pour les âmes cherchant silence, lumière, authenticité. Depuis environ une vingtaine d’années, une poignée d’artistes, penseurs, artisans d’Helike, de Thyrénéa ou d’Ephedra viennent s’aventurer dans certaines maisons abandonnées, retapées au naturelle, à la chaux et au bois, leur présence n’a pas troublé ce fragile équilibre ancien, s’attache plutôt à se fondre dans le rythme lent de ce village, une silhouette se dessine sur un des plus hauts sommets au lever du jour, une autre, penchée sur un vases ou un plat dans la taverne durant la sieste, une troisième, enfin, fouillant parmi l’entraide entre les aïeux et les jeunes dans le processus des vendanges, dans le vide des coteaux escarpés.

Un vieil enfant du pays, Yara Menexia, vieille potière à la voix rocailleuse, est maintenant polymorphe. Elle demeure même installée dans l’atelier au coin sud de la place où elle transmet aux enfants l’art de façonner la terre selon des savoirs transmis depuis des générations de mères en filles depuis l’Antiquité. L’empreinte qu’on prête à son savoir ancien, proche du sacré, lui confèrerait un génie aux capacités jadis gardées secrètes : elle serait en mesure, dit-on, de « lire les marées » dans la pâte obtenue à l’aube en fouillant dans la texture de l’argile extraite du banc le matin. Les amphores de ses mains, sans motif ni forme autre que celle des objets d’anciens dieux aux visages stylisés sur les marmites à cuire de sa constellation de potier, se répandent jusqu’aux capitaux les plus éloignés de la ville.

C’est grâce aux puissantes vagues qui, siècle après siècle, sont venues frapper avec une patience minérale la falaise de Mekétie qu’est lentement sculpté en bas de promontoire une série de grottes marines naturelles. Ces cavités, que l’on appelle localement les Voûtes de Nerion, en référence à un dieu marin oublié, n’étaient alors connues que des pêcheurs et de quelques enfants hardis. Mais, depuis peu, elles ont pris la forme d’un passage quasi initiatique pour les visiteurs de passage ou pour les curieux d’Helike venus explorer les mystères géologiques et mythiques de la région. La seule manière d’y accéder se révèle la marée basse, la petite rampe taillée dans le roc à l’extrémité du Repos des Marins. Il y attend quelques barques à fond plat pour le transport, à son tour évitant la mer agitée pour gagner, aux plus hardis, la falaise elle-même. On avance alors dans le silence de l’eau, entre des parois ruisselantes, parfois haute de plusieurs mètres, où l’écho mixte du clapotis de l’eau sombre s’invite entre les murs de la troublante grotte bleue. Les plafonds miroitants de concrétions brillantes, ce que les guides locaux appellent des feux du soir qui, certains soirs d’orage, apparaîtraient au « ventre » humide de la grotte, comme si la grotte s’illuminait intérieurement, manifestation de la colère ou de la bénédiction des esprits marins.

Parmi ces cavités, celle que l’on nomme "la Salle des Voix" est pourvue d’une acoustique si exotique qu’un murmure y produit un écho dans toutes les directions. On y chante parfois, comme il arrive aussi que l’on lise des poèmes, éclairés par des lanternes suspendues aux stalactites. C’est lieu presque sacré, où l’on vient également faire des offrandes en de petites niches naturelles où a été placée, entre des quelques coquillages et bouts de fil et poterie miniature, une échelle, comme un appel, une délation qui dissuade, comme un élan, vers un invisible à l’adresse d’une communion discrète que le village de Mekétie, fidèle à l’antique force qui le lie à la mer et à la pierre, s’évertue à maintenir.

Mekétie, à la différence d’une ville née d’une volonté, serait plutôt, selon la rumeur vagabonde, née d’un besoin presque organique. Les chroniques fragmentaires redécouvertes dans les archives et le folklore rapportent que le village se serait constitué non d’un plan d’urbanisme, mais d’un rassemblement instinctif de familles fuyant, à l’époque, les grandes invasions des cités. En quête d’un abri sûr, on ne sait trop par quel chemin, les premières familles se seraient finalement retrouvées abritées dans la falaise de Mekétie, en pleine tempête. Le relief escarpé, l’accès difficile et la vue sur la mer gagnaient à être mis à leur profit, à se transformer en abri naturel, et quasi imprenable. La construction du village s’est réalisée par strates successives, tels les cercles concentriques d’un arbre. Au tout début, les habitations étaient creusées dans la paroi calcaire : à l’intérieur de la roche le vent, l’humidité, et les attaques foudroyantes de l’ennemi n’avaient plus de pouvoir. Les murs étaient renforcés à l’aide de mortier d’argile associé à de la cendre volcanique, technique héritée des artisans de l’Ancienne Phaidonia, alors que les toits, plus tard, étaient couverts de tuiles rouges acheminées par bateau depuis Helike.

Tout au long de son histoire et des techniques de construction, l’espace s’est construit par la survie et la connaissance du terrain : maisons empilées, adossées, imbriquées dans un entrelacs de ruelles étroites et d’escaliers. Pas de droit à Mekétie, mais un foisonnement d’adaptations, d’angles, de seuils, de terrasses cultivées au-dessus du vide. Chaque pierre, chaque poutre a été portée par mule ou à bras d’homme, parfois hissée au moyen de poulies primaires. Ses habitants disent encore que " le village est dressé à la sueur du vent ", pour fixer l’effort de son élévation, lent, silencieux et presque imperceptible.

La pavimentation des voies ne fut entreprise que plus tard, à partir du XIXe siècle, avec des pierres extraites du flan de la falaise, et seulement en 1891 la première école némédienne fut ouverte, grâce à un enseignant itinérant, natif de Thyrénéa qui avait eu un coup de cœur pour le site, et qui bien sûr repose lui aussi dans un petit cimetière marin, à l’extrémité ouest au-dessus du bourg, où des tombes souvent anonymes accueillent coquillages blancs et galets peints sur le muret ou au niveau du revêtement de terre battue du chemin.
Aussi Mekétie ne s’est pas construite par ambition, mais par nécessité , par patience et par mémoire. Elle est le produit d’une géographie rude, d’un isolement fécond, d’une continuité humaine modeste et poétique. Chaque pierre raconte un effort, chaque ruelle un secret, chaque balcon le long de son précipice, un choix de vie.

Mais tout ce lent miracle multiplié entre ciel et mer repose aujourd’hui sur une sourde inquiétude. Les géologues, mais aussi les anciens eux-mêmes, murmurent depuis plusieurs décennies que la falaise, rongée par la mer et les infiltrations d’eau douce, est affaiblie. Les grandes pluies hivernales, de plus en plus violentes ces dernières années, creusent des sillons dans le calcaire. Par endroits, la roche sonne creux ou, plus inquiétant, certaines bâtisses les plus avancées semblent flotter dans le vide défiant ainsi le bon sens dans une habitude ancienne. En 2014, le gouvernement de Némédie a démarré une série de travaux de consolidation après des études alarmantes d’une commission d’ingénieurs et géomorphologues. Pour que l’harmonie visuelle du village ne soit pas perturbée, de très solides tirants d’acier noyés dans le roc ont été discrètement ancrés sous les maisons les plus faibles. Des injections de coulis de chaux ont été effectuées dans les failles invisibles. L’eau de ruissellement passe par des rigoles anciennes restaurées à l’identique, et l’accès à certaines parties du sentier surplombant à certains jours de grand vent s’est clairement restreint.

À ce jour, les travaux sont enfin, et enfin terminés. Après 2 ans de chantier discret, mené avec respect de l’esthétique traditionnelle du village et des habitants, Mekétie repose désormais sur des fondations plus solides. Les falaises ont été renforcées, les structures les plus menacées sécurisées, et les systèmes de drainage de l’eau retravaillés avec une minutie presque artisanale, afin de préserver l’harmonie ancienne de ces lieux. Les artisans locaux, secondés par des ingénieurs spécialisés, ont souvent œuvré de nuit, à la lumière des torches, pour ne pas interrompre la paisible vie villageoise et, aussi, pour préserver la magie des saisons.

Néanmoins, cette sauvegarde a eu un coût, et c’est un coût élevé, dont on ne parle que dans des murmures sur la place de l’Oléastre, entre deux verres d’anisette ou dans l’ombre des tavernes. Certains murmurent que la Némédie aurait fait un geste exceptionnel pour Mekétie en ce temps de restrictions, tandis qu’un mécène discret aurait couvert une partie non négligeable des coûts pour le village, et d’autres que les autorités d’Helike auraient agi pour que ce chantier s’engage, en soulignant la valeur patrimoniale et symbolique du village. Quoi qu’il en soit, voici que Mekétie est toujours là. Dressée entre ciel et mer, il semblerait qu’elle ait été rendue à elle-même, rehaussée sans être trahie. Le soir, alors que le vent descend des hauteurs et engendre un frisson chez les oliviers, les anciens vont jusqu’à soutenir que la falaise a repris son souffle. Les enfants, qui courent sur le pavage neuf, sous les lampions, qui brillent encore en été, ne savent peut-être pas encore que leur village a été sauvé. Mais leurs pas semblent peser plus fort que précédemment. Et c’est cela qui suffit.

Au petit matin, lorsque le soleil vient effleurer les tuiles encore rosies de brume, Mekétie s’éveille dans un silence où on entend le chant des hirondelles et les cloches au loin. Les gens reprennent tout simplement leur vie comme ils remettent le vieil habit qui leur va bien, un peu rêche, un peu rompu, mais qu’on ne saurait remplacer. Le pain sort de la boulangerie à l’aube. Le café du bar, dans lequel les chaises dépareillées semblent rire au passant, propose encore de tremper le pain dans l’huile d’olive avec un peu de citron. Rien n’a changé et pourtant tout est revenu à sa place.

Village : Mekétie
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Montagne de Koryphéas



Élevant au-dessus des plaines de la Némédie, la Montagne de Koryphéas, avec une altitude de 5 031 mètres. Son nom provient du terme ancien Koryphaios, traduit par « celui qui mène le chœur », qui devient alors une métaphore désignant sa position privilégiée par rapport à l’horizon némédien, telle une voix forte guidant les peuples des hauteurs. Elle est à la fois un site mémoriel national et un lieu légendaire, puisque c’est là que se déroulèrent de nombreuses batailles importantes de l’histoire némédienne. En effet, son relief escarpé, ses bassins montagneux et ses crêtes naturelles en faisaient un bastion stratégique, notamment afin de contrôler les routes du sud et les corridors d’accès vers le sud.

D’ores et déjà dans le contexte des guerres communautaires, la montagne de Koryphéas était un formidable bastion naturel, c’est là en -410 que les armées de Thyrène bloquèrent l’avancée myrrénienne au cours de l’embuscade de la Nuit des Aigles ; c’est là encore en -312 que les troupes d’Epidion assiégées par la cité de Helike purent tenir trois mois grâce aux cavernes de Koryphéas.

Mais c’est surtout dans le cadre de l’Unification Royale qu’elle entre véritablement dans l’Histoire. En l’an 223, soit trois ans avant le référendum de Halegion, s’y déroule une grande bataille symbolique entre partisans de l’unité et défenseurs du modèle fédéral. Le futur roi Halegion, pourtant en infériorité numérique, y réalise une manœuvre audacieuse en empruntant le sentier escarpé qui nous est connu aujourd’hui comme le Chemin du Serment, permettant à ses forces d’arriver par-derrière à l’ennemi. La victoire obtenue est décisive dans la légitimation du projet royal.

La haute montagne de Koryphéas se révèle être non seulement un site de conflits, mais avant tout un lieu saint, d’une grande sainteté, que l’on vénère depuis la nuit des temps. Les Anciens y installaient la demeure du dieu Ourménios, gardien des territoires et des souverainetés, pour le prendre comme protecteur. À son sommet, il existe encore les ruines de l’inachevé Temple de l’Aube Inaltérable, bâtiment de pierre blanche, qui ne sera jamais achevé en 620 av. J.-C., où les prêtres devaient allumer chaque année à chaque solstice d’hiver un feu sacré. Année après année, dans le mois de Theoménis, est périodiquement célébré un rituel, une procession de jeunes Némédiens franchissant le Chemin du Serment pour signifier leur engagement pour la paix, l’unité, le sacrifice.

Établie dans le cadre du patrimoine culturel de la Némédie, la Montagne de Koryphéas est un endroit protégé, au niveau national, et fait l’objet de diverses fouilles archéologiques. Les sentiers historiques sont bien entretenus, avec des narrateurs parlant aux visiteurs des récits héroïques et mythiques qui entrent dans et sortent des versants. Koryphéas c’est plus qu’une montagne, c’est le cœur battant d’une histoire mouvementée, d’un sanctuaire dédié au courage, à la mémoire et à la transcendance.

Le sommet, souvent encapuchonné sous des nuées, est difficile d’accès pour le promeneur qui est accueilli par les ruines du Temple du Devoir du Soleil Eternel dont les colonnes mutilées semblent déambulent dans le tourbillon brumeux du ciel. Le brasier ancien solsticial reste marqué au fond du cercle central par les cendres de l’âtre dont l’éclatatting lumière est à jamais figé par la mémoire des Anciens dans le ciel pour percer chaque la nuit d’un jour nouveau.

Il semble que chaque génération soit appelée à redécouvrir Koryphéas. Non comme une antiquité poussiéreuse, mais comme un miroir tendu à tous ceux qui osent encore rêver de la grandeur de leur pays. Là où jadis les hommes se battirent ou prêtèrent le serment, les jeunes Némédiens viennent désormais gravir les pierres pour se mesurer au souffle de l’histoire. Le vent qui y souffle porterait encore les chants des guerriers, les voix des prêtres, les promesses murmure des rois. Koryphéas est immuable dans un monde qui change. Elle demeure indéracinable comme l’aube que désormais elle doit accueillir, grisaille de pierre et d’ombre, gardienne d’un peuple qui, dans les adversités comme dans les aubes de paix, n’a jamais cessé d’envisager son ciel.

Sur le flanc à l’orient de Koryphéas, où le soleil perce la brume en premier, les ethnobotanistes némédiens ont reconnu depuis longtemps une flore endémique, médicinale et symbolique : le lykríon d’altitude, plante rare et à pétales bleutés, ferme abri ne croît que dans* la pénombre et la chaleur du gîte des roches saintes. On raconte que les prêtres d’Ourménios savaient, jadis, faire des onguents pour les souverains malades, et que l’odeur de la fleur fraîche favorise la méditation profonde. Aujourd’hui encore, chaque année, des moines d’Ephedra montent sur les pentes herbeuses pour en ramasser une poignée dans la plus stricte des incompréhensibles silences, dès le premier jour de la noblesse rebelle du mois de Thélion.

En cas de nuits dégagées, Koryphéas se prête également à des fonctions d’observatoire. Le petit plateau des Senteurs, à 4200m, est doté d’un modeste télescope communautaire utilisé à la fois par des astronomes amateurs, mais aussi par des enfants, étudiants ou scolaires localement encadrés. Vers ce ciel d’altitude, l’éclat des étoiles semble plus proche, plus dense certains anciens, ici, sont même persuadés que les constellations y apparaîtraient mieux dessinées, comme si le ciel cherchait à s’entretenir avec la terre-mère. Un tourisme culturel qui s’affiche respectueux, a enfin permis l’intégration des communautés riveraines à l’entretien et à la valorisation du massif des Écrins. De petits artisans de la pierre restaurent les chemins et gravent les bornes anciennes des trajets cérémoniels, des herboristes d’herbe de montagne certifient leur savoir lors de petites haltes ou médiations pédagogiques et des jeunes du pays sont devenus guides d’étapes en ayant été formés pendant plusieurs saisons dans le respect des rites.

Ce télescope communautaire, érigé sur le plateau des Senteurs à 4200 mètres d’altitude, porte le doux nom de Kléidôn (oracle céleste), ancien terme dont la signification évoque la divination céleste. Sa coupole de pierre, robuste, semi-enterrée dans la roche pour mieux résister aux vents de la haute altitude, fait appel à un style architectural d’une grande sobriété, alliant la tradition des plans des observatoires antiques et la fonctionnalité moderne. Il a été construit en 1983.

Koryphéas, loin de consister en une élévation géographique, a ainsi acquis la nature d’un sommet intérieur. Elle fait partie de la Némédie, mais aussi de chaque individu. Montagne des rois et des poètes, des astronomes et des pèlerins, des botanistes et des bâtisseurs, elle continue à tisser avec le temps un réseau vivant entre les pierres, les étoiles et les hommes.
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