Posté le : 10 avr. 2025 à 22:46:35
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Le bruit sourd et presque solennel du bois massif de la grande porte se referma derrière la délégation némédienne. Le silence qui suivit n’était pas pesant, mais mesuré, c’était le Saint Empire. De l’air pesait du cuir, de la cire ancienne et des étoffes nobles. Le Tsar, au centre du long ovale de la table, observait sans un mot. À sa droite, la Grande Ambassadrice Irina Meldeva ne dévoilait rien de son visage avenant et fermé. À sa gauche, le directeur de l’Ordre Oruzhiya, en uniforme noir impeccablement taillé, se maintenait en silence clairement stoïque, du genre des hommes rompus aux négociations dures. Les yeux de l’un et des autres semblaient attendre un mot. Philippos Adrastos n’échappait pas au poids du moment.
Il s’installa, ajusta les pans de sa veste, puis se pencha légèrement en avant, les paumes posées avec maîtrise sur la table. Il ne parlait pas, mais avec l’économie d’esprit et la grave tranquillité de celui qui sait l’importance de ses mots.
Philippos Adrastos
"Majesté, Grande Ambassadrice, Messieurs. Je vous prie de tout d’abord acceptiez mes salutations sincères de Sa Majesté le Roi Andronikos IV et de l’Assemblée des Cités de la Némédie. Nous savons l’honneur qu’est pour nous, pour la Némédie, d’être accueillis ici, au cœur du Kremlin, et nous n’y voyons ni un simple geste diplomatique, ni même un rituel futile, mais un signe de considération que nous nous devons de rendre avec loyauté."
Il marqua une brève pause, et balaya l’assemblée du regard.
"Si nous avons souhaité cette rencontre c’est parce que la Némédie se trouve aujourd’hui à un moment-clef de son histoire. Nous avons su préserver notre indépendance, notre tradition et notre unité, alors même que le monde que nous habitons tend à la fragmentation ou à l’assujettissement. Pour continuer à garantir ce statut, il nous faut renforcer nos propres fondements. Cela doit commencer par des alliances, non pas dictées par les nécessités du moment, mais fondées sur des intérêts durables, communs, et donc respectueux de chaque souveraineté."
Il se pencha légèrement, tout en gardant un ton strict.
"Le Karty est pour nous une puissance avec laquelle il y a des ressemblances : un amour de l’ordre, un culte du devoir, cette idée que l’autorité est garante du peuple, et qu’il faut se tenir droit dans le monde mobile. Nous ne venons pas quêter une faveur. Nous venons nouer un lien."
Il adopta un accent plus direct, sans renoncer toutefois à la politesse.
"En clair, c’est plusieurs choses. Premièrement, nous souhaitons ouvrir un canal permanent de dialogue diplomatique. Pas seulement une ambassade de façade, mais une délégation capable de traiter en continu avec vos services. Deuxièmement, nous avons un intérêt stratégique à acquérir des systèmes d’armements produits par vos industries. Non pas pour faire la guerre, mais pour nous défendre : il est de notre devoir de préserver nos frontières, nos citoyens, notre mode de vie. Votre industrie militaire suscite le respect, non pas pour sa propagande, mais pour ses capacités éprouvées. Troisièmement, et par conséquent, nous aimerions poser un cadre de coopération plus militaire, de coordination technologique, et de signature de traité d’entre nos deux pays."
Il prit encore un temps pour lui avant d’ajouter, plus bas
"Nous sommes conscients que notre arrivée soudaine peut semer le trouble. Mais je préfère d’emblée être franc avec vous : nous ne sommes pas là pour jouer la comédie. La Némédie ne simule pas l’amitié, elle la produit — ou ne s’en préoccupe pas."