11/05/2017
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Récit - "La plus vieille ville de la Manche Blanche" - Patrizio Pisistrati, le patrarche de la démocratie

"La plus vieille ville de la Manche Blanche"
Patrizio Pisistrati, le patriarche de la démocratie
Par Gina Di Grassi (2015)


"Nous, velsniens, pensons bien souvent que notre cité est au centre du monde fortunéen. Nous nous targuons d'avoir les plus beaux monuments, les institutions les plus accomplies, la population la plus riche et la plus éduquée. C'est faux: l'exemple d'Adria nous prouve déjà que certaines des cités de la Dodécapole n'ont rien à envier à la cité des velsniens par le prestige de leurs instituts éducatifs, en premier lieu. Mais même en dehors de cette affirmation, lorsqu'on a déjà vu la ville d'Apamée au loin depuis un navire s'y dirigeant, lorsqu"on a fréquenté les étals de ses marchés d'où débarquent tous les fruits du monde connu, lorsqu'on a assisté aux réunions du forum, où les débats sont aussi savamment construit par le commun des gens que par les plus grands orateurs de la cité velsnienne...tout cela remet totalement en cause nos croyances quant au fait que nos institutions sont les plus grandes et les plus belles. Et parmi ce peuple d'Apamée, il y avait là un homme qui gardait son peuple comme le berger garde ses brebis. Sauf que celui-là n'a pas besoin de bâton, ni même de diriger ses gens par la contrainte: Patrizio Pisistrati. "



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Je ne connais que peu d'hommes qui seraient capables de concourir face aux meilleurs rhéteurs de notre cité velsnienne, et pourtant j'eus entendu un discours de cet individu pour changer mon avis sur toutes les choses du monde, et Dame Fortune seule lui a donné ce don, à ce Pisistrati. Apamée est une cité qui ne laisse par le biais de ses institutions, que peu de place à l'accomplissement individuel et à au pouvoir personnel. Certes, nous, velsniens, avons chassé les tyrans qui essaient de se faire rois dans les temps anciens, et nous avons proclamé que tous parmi nous étaient des hommes et des femmes libres. Mais les citoyens d'Apamée ont poussé plus loin la réflexion de l'égalité des hommes, en décrétant par exemple que l'argent n'était pas un prérequis de l'excellence, ou même qu'une instance de représentation indirecte telle qu'un Sénat était nécessaire au fonctionnement d'une République. Ce que les velsniens ont consacré de leur temps à créer des gardes fous visant à instaurer le système le plus stable qui soit, et indifférent au changement, les apaméens l'ont investi, au contraire, dans l'adaptation constante des institutions à leurs citoyens. Il ne peut guère avoir pendant trop longtemps de figures de proues lorsque c'est le peuple tout entier qui est invité à des séances de votation collectives, qu'elles soit en distanciel sur le poste de son ordinateur après une campagne endiablée, que sur la place centrale de la cité, où le Forum accueille des citoyens tirés au sort dans chacun des quartiers de la ville, selon leur population. Ainsi, la cité est divisée en dix quartiers, lesquels cent citoyens sont sélectionnés au hasard du destin, et eux même viennent ensuite nommer leur gouvernement communal parmi les citoyens qu'ils estiment être les plus grands, les plus justes, les plus complets de leur corps civique.

Dans ce cadre, l'existence de Patrizio Pisistrati est une anomalie. Car ce vieil homme, malgré sa fortune modeste, malgré son grand âge, est systématiquement nommé parmi le gouvernement de la cité depuis près de quarante ans par ses concitoyens tirés au sort. Ainsi, quelque soit la configuration de ce tirage, quelque soit la chance avec laquelle Dame Fortune joue avec ces nominations, Pisistrati est une figure si mythique, si omniprésente, qu'il n'est même pas besoin qu'il ait les faveurs de la chance pour l'emporter. Les apaméens savent reconnaître les amoureux de leur cité lorsqu'ils les entendent parler, et jamais les discours en place publique du vieil homme n'ont rencontré salle vide. A leurs yeux, Pisistrati est l'apaméen parfait: un homme qui parle bien, fort et juste, qui sait englober les problèmes de la cité lorsqu'il les entend de la bouche de ses concitoyens, qui n'oublie aucune rancune ou frustration de ses pairs, éprit de culture classique comme de contes populaires et des dernières modes. Lorsque qu'une femme et ses enfants sont chassés de leur appartement par leurs impayés, Pisistrati est toujours le premier à parler pour eux, à demander l'augmentation des fonds de l'assistance publique. Lorsqu'un incendie se déclare, on dit de lui qu'il est le premier à se ruer hors de son lit pour se quérir de ses victimes. Pisistrati est un esprit juste dans un corps sain, le citoyen parfait. Et sa voix, en dehors de quelques contre-exemples, détermine souvent la direction que prendra la cité au sein de la Dodécapole. Pour comprendre l'amour de ce citoyen pour sa ville, il faut revenir à sa jeunesse et son enfance.

A bien des égards, j'oppose souvent le portrait de Pisistrati à celui du tyran de Volterra, car leur arrivée dans l'existence fut similaire, et leurs malheurs bien identiques. Pourtant, ces deux hommes ont choisi une voie profondément différente, car si Salvatore Lograno a usé de l'audace, de la férocité et de la terreur pour s'extirper de son milieu, Pisistrati a adopté très tôt, une posture exemplaire en tous points, et s'est fait le défenseur des hommes et femmes de sa propre condition. L'apaméen, lui, ne s'est jamais servi de ses égaux pour monter plus haut sur l'échelle, mais leur a simplement demandé, en échange de ses services, de l'aider à grimper. Et ils le firent, voyant à quel point leurs conditions pourraient s'élever, suivant l'adage que l'Homme répète souvent dans les assemblées citoyennes: "Ce qui rendre le faible fort renforce le puissant.". Ainsi, Pisistrati s'est toujours souvenu de son enfance, qu'il avait passé orphelin, élevé par l'assistance publique qui était à cette époque dans le dénuement de la cité: cette injustice, il s'en rappellerait alors toute sa vie, et n'aurait de cesse une fois devenu important parmi les hommes, de plaider pour le financement de cette institution. A ce titre, et honoré plus tard de son titre de défenseur des classes populaires, les histoires folkloriques au sujet de la jeunesse de Pisitrati sont légion, de la même manière que les enfants de Fortuna aiment à se raconter de jolies histoires, qu'importe qu'elles soient fausses à partir de l'instant qu'elles sonnent juste. En effet, il est des récits fort cocasses, dont je ne peux m'empêcher de révéler un pour l'exemple tant il dit quelque chose de l’opinion que l'on se fait du personnage.

On eu en effet dit de lui que sa mère, avant sa naissance eu rêvé d'elle comme portant un lion plutôt qu'un homme, en témoignage de la vigueur de l'enfant à naître. Cette histoire circule bien parmi le peuple malgré son caractère fantasque, mais aussi parce qu'elle a une autre signification qui lui fait partager cette histoire tant entre admirateurs qu'opposants de l'Homme. Une interprétation de cette anecdote, en effet, considère le lion comme symbole traditionnel de grandeur chez beaucoup de fortunéens, mais l'histoire peut aussi faire allusion à la taille inhabituelle du crâne de Pisistrati, qui est devenue une cible de moquerie de la part de ses contemporains, et l'origine du sobriquet de « tête d'oignon », que ses détracteurs lui attribuent avec une grande méchanceté, mais que ses partisans ont également adopté par réponse à cette fourberie, cette fois ci de manière bien plus affectueuse.

Sorti de sa jeunesse, Pisistrati n'est à la fin de son enfance, rien de l'Homme que nous connaissons aujourd'hui. En effet, si il est vif d'esprit au naturel, enjoué et volontaire, il n'est que des hommes et des femmes touchés par l'excellence de l'étude du droit d'Adria, ou de l'école de philosophie politique de Velsna qui peuvent faire pencher la complexe balances des pouvoirs d'Apamée. Ainsi, sans grand sou et travaillant de lui même afine de pourvoir à sa propre éducation, Pisistrati partit jeune de sa cité, tout comme le fit en parallèle un certain de Volterra. La différence entre les deux hommes étant que l'un passa ses années au loin de sa patrie pour parfaire son maniement des mots tandis que l'autre n'en devint par ses pérégrinations, que plus barbare, sanglant et violent. Patrizio Pisitrati alla et vint de par tout le monde fortunéen, rencontra les plus grands rhéteurs du monde civilisé, qui lui enseignèrent l'art de manœuvrer les hommes tant par les faits que par les émotions. On le vit ainsi dans les ruelles et les canaux de Velsna, être payé au lance pierres afin de désenvaser ses eaux le jour, pour être reçu aux cours des plus grands maîtres dans l'art oratoire le lendemain à l'école de philosophie politique. On le vit ensuite à Adria, où il enrichit son excellence des mots par l'usage des faits et des réalités du monde. Car les mots ne sont habiles que lorsqu'ils soulignent la réalité des sciences et des faits. On vit le jeune homme jusqu'à Fortuna, où il fréquenta l'entourage d'un sénateur fortunéen, le suivant comme son ombre au détour des couloirs du palais sous les eaux. Ainsi, il ne revint pas dans sa ville de naissance avant l'âge de ses 29 ans révolus. Au terme de son voyage, il était ainsi devenu un Homme plus juste, plus alerte et accompli, et plus utile à sa cité qu'il ne l'aurait été en restant dans sa condition d'origine, si misérable.

C'est dés son arrivée qu'il aspira à rentrer dans la vie politique d'Apamée, suivant la préparation qu'il s'était donné durant toute sa jeunesse. Il s'instaure à lui même une grande rigueur morale tout au long de sa vie, de même qu'ilil s'est efforcé de protéger sa vie privée, et a essayé de se présenter comme un modèle pour ses concitoyens. Né dans un milieu pauvre, Pisistrati avait désir de ne vivre guère moins simplement que lorsqu'il était infortuné, par principe, et pour trouver l'appui de l'ensemble du peuple d'Apamée, qui considère grandement ce geste. Malgré les nombreuses invitations d'admirateurs et de riches citoyens curieux de son talent oratoire, il n'a ainsi jamais fréquenté les banquets organisés par ces familles aristocratiques, préférant s'exprimer en place publique, qui est de loin la manière favorite qu'il a de converser avec le peuple. Dés lors il est élu une première fois au Gouvernement communal d'Apamée pour l'année 1986 en qualité de Maître de la Justice. Il va le rester systématiquement chaque année jusqu'à aujourd'hui. On pourrait dire qu'il eu acheté sa place pour rester aussi longtemps, mais c'est oublier qu'il n'y a rien à acheter lorsque les individus élisant les représentants sont tirés au sort.

Indubitablement, il nous faut un exemple pour prouver à mes lecteurs l'excellence rhétorique de cet homme, et cet instant, je puis le trouver dans le procès de son concitoyen Simon Di Resta, contre lequel il remplit son rôle d'avocat de l'accusation. En effet, durant les années 1990, la démocratie d'Apamée est aux prises avec ses propres démons, et il y a comme à Velsna, des tentations de transformer cette République de manière à avantager les grandes familles frustrées par le système de tirage au sort. Ainsi; en 1991, les responsables du parti démocratique dont Pisistrati fait partie, décident qu'il est grand temps d'en réduire le pouvoir des membres de cette aristocratie qui ne dit pas son nom, et qui lors des votes du Forum, tente à maointes reprise de corrompre le vote des citoyens tirés au sort. Le chef du parti aristocratique, en la personne de Di Resta est mis en accusation pour ces faits de grande gravité, et le chef du parti et mentor de Pisitrati, Bergonia, lui propose d'abandonner momentanément son poste pour prendre son rôle d'avocat et expert du droit. Cette manœuvre est un succès et les chefs du parti aristocratique dont on eu prouver les faits du corruption furent exilés. C'est cet instant qui cristallisa dans le cœur des citoyens, le respect qu'ils possédaient à l’égard de Pisistrati. Plus jamais jusqu'à nos jours l'intégrité de la Démocratie apaméenne ne fut remise en question, et fut mis en place une législation contrôlant davantage les revenus des citoyens tirés au sort. Il fut également proposé par Pisistrati de les rénumerer selon leurs fonctions afin d'éviter toute tentation d'appât du gain par des moyens dévoyés.

Sans cesse, cette histoire fut instruite en exemple afin d'illustrer l'excellence du comportement civique de Pisistrati, et est brandie par ses partisans dans la moindre des affaires de corruption d'élus. Ce dernier est rapidement vu comme un rempart formidable face aux aléas du monde changeant de la Manche Blanche, et plus encore de la géopolitique de la Dodécapole. En effet, ces dernières années ont été marquées par la peur et l'incertitude de la population d'Apamée face aux changements profonds que l'ensemble des cités fortunéennes de la Manche Blanche ont connu. Au premier rang de ces inquiétudes, la guerre civile velsnienne a suscité les préoccupations, plus particulièrement des commerçants et de la classe politique. Il y a en effet la peur que le "phénomène Scaela" ne donne des idées à certains citoyens ambitieux d'Apamée, et des membres revanchards du parti aristocratique. Et pire que tout, cette "maladie semble déjà s'être emparée de la cité voisine de Volterra, l'antique rivale d'Apamée. A sa tête, non pas un simple Homme comme Pisistrati, mais un "prince", qui a d'ores et déjà annoncé son intention de bouleverser les équilibres existants de ma Dodécapole en voulant en prendre la tête. Plus que jamais le peuple se tourne désormais vers son vieux patriarche et gardien des traditions politiques antiques de la ville.

Nous, velsniens, pensons bien souvent que notre cité est au centre du monde fortunéen. Nous nous targuons d'avoir les plus beaux monuments, les institutions les plus accomplies, la population la plus riche et la plus éduquée. C'est faux: l'exemple d'Adria nous prouve déjà que certaines des cités de la Dodécapole n'ont rien à envier à la cité des velsniens par le prestige de leurs instituts éducatifs, en premier lieu. Mais même en dehors de cette affirmation, lorsqu'on a déjà vu la ville d'Apamée au loin depuis un navire s'y dirigeant, lorsqu"on a fréquenté les étals de ses marchés d'où débarquent tous les fruits du monde connu, lorsqu'on a assisté aux réunions du forum, où les débats sont aussi savamment construit par le commun des gens que par les plus grands orateurs de la cité velsnienne...tout cela remet totalement en cause nos croyances quant au fait que nos institutions sont les plus grandes et les plus belles. Et parmi ce peuple d'Apamée, il y avait là un homme qui gardait son peuple comme le berger garde ses brebis. Sauf que celui-là n'a pas besoin de bâton, ni même de diriger ses gens par la contrainte: Patrizio Pisistrati

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