09/07/2016
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[RP] Le musc et le lustre

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Le musc et le lustre

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Une salle de réunion austère, à l’ambiance tamisée. Ainsi se rencontrent et se consultent les agents du Grand-Duc en Transblêmie. L’esthétique angoissante participe de l’imprégnation des idées du régime : le Grand-Duché est une totalité, son emprise s’étend partout où les yeux se portent. Impossible de lui échapper, il est dans l'architecture, dans la décoration intérieure, les visages y sont dissimulés par le voile et les voix déformées par les vocodeurs. L'humain lui même, dans toute sa richesse de forme et de nuances, devient un pantomime. Certaines disent même que les forêts impénétrables, ces régions sauvages qu'hantent les loups et les démons, ces chemins escarpés de montagne le sont à dessein et que le temps est l’outil privilégié des paysagistes ducaux. La nature comme puzzle. La nature comme muraille. Rien n’échappe au grand complot de Blême et son emprise paraît sans limite.

Le musc est un parfum sécrété par de petits animaux juvéniles. Il provient d’une glande située au niveau du sexe de certaines espèces de chevreuil habitants de l’Eurysie orientale et du Nazum. Prisé pour la confection de fragrances et parfois de drogues, on lui prête des effets aphrodisiaques ainsi que le pouvoir de rendre leur virilité aux impuissants. Le lustre, quant à lui, est l’état difficilement définissable, généralement associé à la beauté ou au prestige, donné à un objet en le polissant ou en le couvrant de matière comme de l’eau ou du verni. Dans les deux cas, le musc et le lustre ont la particularité de participer, de manière assez subtile, à la perception que nous avons d’une chose. Lorsqu'ils sont appliqués avec parcimonie ils ne sont pas directement sensibles pour l'être humain qui se laisse alors imprégner d'odeurs et d'impressions. Leur présence n'est pas grossière, comme l'est une couche de peinture ou de verni, ou un parfum entêtant, mais ils participent à altérer notre regard, sans que nous nous en rendions compte. Ils ont ainsi pour effet d’éveiller les sens et de nous rendre disponibles à des aspects qui sans cela passeraient sous les radars de notre perception.

Le musc et le lustre étaient le nom donné par la Transblêmie à son principal organe de coordination des complots extérieurs. Dès lors que quelque chose de mystérieux se passait quelque part, il fallait supposer que le musc et le lustre étaient derrière cela. A la différence de services secrets plus classiques, le lustre et le musc assumaient une posture spectaculairement chaotique vis-à-vis de leurs cibles, sur lesquelles ils cherchaient à exercer une influence quasiment surnaturelle. Là où d’autres agences tablaient sur la rationalité des individus, tentaient des approches à la régulières basées sur des échanges de bons procédés : débauchage, chantage, marchandage, le musc et le lustre ne ciblaient que des individus présupposés faibles d’esprit et les brisaient méthodiquement de façon à pouvoir ensuite les retourner à leur avantage. La folie était l’arme de la Transblêmie. Par des moyens détournés et souvent inenvisageables pour des services secrets classiques, le Grand-Duché parvenait sur le long terme à faire douter certaines personnes de la réalité qui les entourait et se faisant, les plongeait dans un tel état de détresse que lorsqu’un agent Transblême se présentait à elles, il ne lui fallait généralement pas insister beaucoup pour leur faire accepter à peu près n’importe quoi.

Un cas d’école, médiatisé parce qu’il avait échoué, avait été l’opération visant l’historien Lucian Baboescu, originaire de Pal ponantaise, immigré en Antérinie et reconnu pour ses travaux sur l’histoire du peuple blême. Parce qu’il documentait avec un peu trop de précision les grandes dynamiques régionales sur le pourtour de la mer Blême il avait été ciblé par le lustre et le musc afin de discréditer la scientificité de ses travaux. Deux agents dépêchés en Antérinie avaient repéré sa demeure, noté ses habitudes et, une fois bien renseignés, avaient commencé à augmenter progressivement la dose de somnifère que prenait chaque soir Lucian Baboescu pour dormir. Se faisant, le professeur n’était pas réveillé par les micro-modifications opérées chez lui, déplacement d’objets, puis de meubles, disparition de certains papiers, cachage de clefs, inversion du contenus de ses placards… Lucian Baboescu expliqua que ces détails étaient si mineurs qu’il incrimina évidement d’abord sa mémoire, sans jamais soupçonner une intervention extérieure. Il est en effet assez peu rationnel, sinon pour les gens les plus paranoïaques, de faire l’hypothèse qu’un groupe d’individus au service d’une puissance étrangère cherchaient volontairement à vous faire douter de votre propre raison. Avec le temps, les modifications s’étaient intensifiées : déplacement de cloisons, inversion compète de la disposition des pièces, changement d’étage de sa propre chambre à coucher pendant son sommeil… Lucian Baboescu expliqua avoir sincèrement cru être devenu fou. Il déménagea à deux reprises, consulta un psy puis un psychiatre, fut médicamenté, sédaté pour l'aider à calmer ses angoisses, mais sans que les phénomènes ne cessent. Épuisé par ce harcèlement contre sa raison, il en était à envisager de réclamer son propre internement dans une clinique lorsqu’il découvrit accroché à un clou un morceau d’étoffe noire, laissée par inadvertance par un agent Transblême au cour des travaux nocturnes chez lui.

Contactée, la police accepta de le prendre en filature et découvrit, après quelques jours à surveiller sa maison, que celle-ci était bel et bien régulièrement déménagée par des agents du Grand-Duc. Ceux-ci furent arrêtés mais avalèrent des capsules de cyanure avant de révéler les tenants et aboutissants de leur mission. Le fait divers fit grand bruit : la complexité du complot mis à jour en plein cœur d’un pays occidental était de nature à glacer le sang, et l’on rouvrit un certain nombre de dossiers concernant des ennemis de la Transblêmie qui avaient mis fin à leurs jours, ayant sombré dans la folie. Le très documenté Syndrome de Peur Transblême se retrouva pris au cœur d’un débat médical complexe, où les psychologues professionnels du sujet s’interrogèrent pour savoir dans quelle mesure l’apparition d’un SPT était spontanée, ou pouvait être provoquée volontairement par une action transblême. Plusieurs cas de patients furent examinés à la loupe et pour certains, de forts soupçons d’ingérence dans leur psyché pèsent sur le Grand-Duché.

Ce soudain coup de projecteur sur le lustre et le musc ne permit qu’assez marginalement au contre-espionnage de s’armer contre lui. Les Transblêmes semblaient accepter l’idée d’agir sur le long termes, comptant sur des agents dormants de longue date, ou faisant faire leurs basses besognes par des marginaux rendus fous, des cultistes adorateurs du Grand-Duc ou de jeunes adolescents vulnérables radicalisés sur le net. Si certaines opérations avortaient, on ne mettait presque jamais la main sur les agents directement, ces-derniers opérant dans des espaces dématérialisés avec le support d’équipes de hackers étonnement compétentes pour un pays supposé arriéré. La grande présence de la Transblêmie en ligne, les creepypasta, légendes urbaines, blogs de fan et sites d’enquêteurs amateurs produisait un bruit constant qui ne facilitait pas le travail des enquêteurs et il était particulièrement malaisé de distinguer les véritables agents Transblêmes de la petite foule qui, pour s’amuser ou véritablement prise de délire, se faisait passer pour eux. Pays notoirement pauvre et peu développé, le Grand-Duché consacrait une énergie insoupçonnée à développer son influence, au nom de prophéties millénaristes assez cryptiques. Ses montagnes secrètes avaient plongé le Grand-Duché dans le brouillard et l’on ne concevait ce qui s’y déroulait qu’à travers des spéculations enfiévrées de fan, ou de temps en temps, la mise au jour d’une conspiration si absurdement complexe que personne n’y aurait raisonnablement cru si la police ou des journalistes courageux (et très audacieux) n’avait pas décidé d'enquêter sur le sujet.

Contrairement à l’hypothèse totalitaire bien trop souvent erroné, le musc et le lustre ne fonctionnaient pas de manière centralisée et n’obéissaient somme toute à aucun ordre. Il y avait eu, dans le temps, un Grand Inquisiteur spécialement chargé de les piloter, mais après les purges exercées par Mihai Cojocaru au sein de l’administration personne n’avait repris le flambeau et depuis les choses tournaient à vide. Cependant, elles tournaient tout de même, et disposaient encore d’un budget quasi illimité, dans la mesure des moyens d’un pays aussi pauvre que l’était le Grand-Duché. Ce-dernier savait que sa force reposait sur sa capacité de frapper l’étranger aussi cela représentait un paquet de fric. Par ailleurs, le lustre et le musc pouvaient compter sur l’extravagance de leurs plans, les rendant improbables aux yeux du contre-espionnage et donc bien souvent insoupçonnés. Leur existence, cependant, demeurait faiblement tapageuse. La stratégie transblême s’était construite sur sa capacité à faire grand bruit de temps en temps, passant de fait pour plus bourrins qu’ils ne l’étaient réellement, et, retranchés dans leurs montagnes, agir en dessous des radars le reste du temps. Ces dernières années en particulier avaient été consacrées à renforcer leur implantation dans en Eurysie de l’est et à développer leur force de frappe. L’observatoire inquiet de Blême, institution polk chargée historiquement de contrer les manœuvres d’ingérence en Pal ponantaise, avait eu raison d’alerter les Vol Drek de l’activité transblême mais il demeurait en l’état difficile d’agir concrètement contre eux, d’autant qu’on n’avait toujours aucune idée de ce qui était manigancé. Quelques militaires Polk avaient bien formulé des hypothèses, et quelques contacts timides avec le Royaume de Teyla cherchaient à y voir plus clair dans le bordel de signaux contradictoires envoyés par le Grand-Duché, mais tout cela ne menait guère loin et les Polk avaient toujours été assez faiblement dotés en matière de contre-espionnage. Ce n’était tout simplement pas dans leur paysage intellectuel et donc absent de leur appareil de défense. La société polk était résiliente dans sa structure davantage que dans les institutions chargées de la protéger. De fait, elle faisait une cible privilégiée pour le lustre et le musc, et la Transblêmie ne s’y était jamais trompé.
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