13/08/2016
22:38:42
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Avion, gaz et législation : AZUR - SYLVA

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Le Bourg des Mahoganys vu du ciel.
Vu du ciel du Bourg des Mahoganys

Le ciel était clément pendant cette saison des pluies et laissait une petite accalmie pour la délégation de l'Azur. Il avait plu une semaine continue et les nuages s'étaient dégagés seulement la veille de l'arrivée de l'avion afaréen. Il faisait en conséquence chaud, très chaud, dès lors que l'on marchait sur les chemins pavés des trottoirs : l'humidité s'était emmagasinée et générait un sauna naturel sous le soleil chaud de Sylva. S'il ne devait pas faire plus chaud qu'en Azur, c'était par contre une chaleur moite à laquelle n'étaient peut-être pas préparés les invités. Ne prenant pas le risque de laisser ces derniers subir l'inconfort, ils furent immédiatement invités à l'ambassade des Mahoganys pour des discussions préliminaires. C'était avant tout un accueil agrémenté de discussions informelles visant à laisser la délégation récupérer du voyage : temps de trajet, décalage horaire et dépaysement ne les auraient pas mis dans les meilleures conditions qui soient pour parler de sujets aussi sérieux.

Si les rues étaient bouillantes selon les standards eurysiens, l'intérieur était très frais (tiède, pour un eurysien) grâce à une bonne aération et des brasseurs d'air qui ventilaient agréablement dans un à peine perceptible ronronnement. Pas de climatiseurs en Sylva, on tournait aux traditionnelles pales de ventilateurs et c'était largement suffisant grâce aux sévères normes thermiques et tropicales exigées aux constructeurs immobiliers. C'est également ce qui faisait la célébrité du bois et de la pierre, dont l'inertie thermique assurait un refroidissement en journée et une isolation avec la chaleur extérieure. Était présent à ces discussions l'ensemble des homologues sylvois auxquels auront affaires les azuréens : la ministre des Affaires étrangères Matilde Boisderose, la directrice du Secteur Aéronautique Sylvois Chloé Boisderose, la directrice du Pôle Pétrolier Sylvie Sablier, le représentant du Pôle Nucléaire Nicolas Lerouge, et quelques autres conseillers sur des points divers, notamment législatifs et écologiques. Était pareillement présente la Présidente Bernadette Vougier qui avait pu se libérer et insisté pour être présente à l'une des rares rencontres avec l'Azur.

Cette première soirée de discussion permit d'aborder quelques questions culturelles et de faire une présentation au bord d'un bon repas avec un repas typiquement sylvois : en entrée des acras de morue et boudin blanc, koubouyon de poisson ou matété de crabe avec gratin de patates douces en repas, et Caca Bœuf en dessert (qui ne comptait aucun produit bovin contrairement à ce que laissait entendre le nom). Le repas n'avait été que très modestement arrosé de rhum, par considération pour la fatigue déjà prononcée des azuréens après plus de dix heures d'avions (et parce que, toutes formes de paternalisme à part, on les voulait en forme pour le lendemain). Après une dernière discussion entre le duel à l'épée entre Nathalie Sablier et Julia Despalmiers, la soirée prit fin et chacun fut libre de se reposer. S'il était difficile de tenir passé dix heures du soir pour les afaréens, le sommeil fut très rapide à trouver et le réveil aisé (ils pouvaient même avoir l'impression d'une très grasse matinée en se réveillant à six heures). Pouvaient enfin commencer les choses sérieuses.

La journée suivante commença en force sans attendre plus que nécessaire, avec la rencontre qui débuta officiellement à neuve heure tapante. Dans une pièce très coquette avec une grande table circulaire finement ouvragée au centre, commença l'échange avec une prise de parole de Matilde Boisderose :

« Que la paix soit avec vous, Excellence, c'est une joie que vous ayez accepté notre invitation. Nous avons fait notre possible pour rendre le plus agréable que possible ce déplacement et espérons que nos attentions auront visées juste. Le Duché de Sylva est très volontaire à aboutir ces échanges et établir des rapprochements plus approfondis.
Nous avons une liste élargie de points à aborder que l'on pourrait résumer en trois grands axes : l'appel d'offre Rafale et l'ensemble des partenariats militaro-industriels qui pourraient en ressortir, puis les questions économies avec les ententes et collaborations parallèles possibles, et enfin les questions législatives sur le droit de la mer et des écosystèmes dans une volonté d'établissement de normes internationales pour prévenir les mésententes. Est-ce que ces excellences ont une préférence sur le premier point à aborder ? »

Un interprète se chargeait de traduire les mots de la Duchesse, avec fidélité dans leur sens comme leur ton, le tout avec une prononciation impeccable bien qu'un accent était perceptible. Et pour cause : il venait tout droit du Faravan et, bien que parlant de naissance le Farsi, il avait appris l'Azuréen en Azur.
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Serdar Berdimuhamedow

Amir Bey ir-il-Usdeli officiait en tant que ministre intérimaire des Affaires étrangères, en remplacement de Jamal al-Dîn al-Afaghani, qui siégeait au Congrès de la Nahda dont il convoitait l'investiture au vizirat. Usdeli, conseiller et haut diplomate, avait une longue expérience des rencontres diplomatiques. Peut-être son intérim serait-il reconverti en mandat officiel lorsque le prochain gouvernement serait désigné. Il l'espérait. Réaliser à Sylva une belle avancée diplomatique conforterait ses chances. En approchant de la côte tropicale environnée de vapeurs, le plénipotentiaire contempla les ramifications du Bourg-des-Mahoganys qui s'enracinait dans le vert sombre de la forêt et des champs de plantes géantes. Les routes, lacets de bitume et de ciment figés dans le paysage, desservaient les silos immenses des brûleries de tabac reconvertis en centres commerciaux. Les toitures reflétaient les couleurs ocres de l'architecture méridionale. Les roues de l'avion heurtèrent le bitume de la piste, qui cuisait sous le soleil. La délégation s'engouffra dans l'extérieur chauffé comme à la cocotte-minute. Les drapeaux sylvois, projetant le soleil mordoré qui était leur emblème, ceinturaient un comité d'accueil. Usdeli serra la main des officiels sylvois qui étaient venus l'accueillir, offrant d'un sourire un petit mot créole, posant sa main sur le coeur pour saluer les Boisderose et Sablier. Glissant dans de longues voitures noires, le manège habituel des réceptions diplomatiques se poursuivrait dans l'un des bâtiments à l'élégante architecture sylvoise, entre les ventilateurs et le parfum entêtant des laques qu'exhale l'intérieur boisé des constructions équatoriales. Le représentant azuréen s'autorisa pudiquement une larme de rhum par-dessus le repas savoureux, croquant et épicé qui avait été servi dans les assiettes de porcelaine et les couverts d'argent. L'après-midi était réservé aux discussions concrètes.
« Merci, Excellences, pour l'excellent accueil qui nous a été réservé. Je ne doute pas qu'il s'adresse moins à nos personnes que symboliquement, à l'ensemble du Califat constitutionnel. En ce sens, je me dois véritablement de me réjouir au nom de mon pays pour la tenue de ces discussions, dont le cadre est sans défaut, et des plus agréables. Aussi, je tâcherai de répondre aussi précisément et utilement que possible à l'impératif de coopération qui est le nôtre aujourd'hui. »

« Vous mentionnez trois points à l'ordre du jour de cette réunion, ces points étant les suivants ; le dossier de l'appel d'offre pour du matériel de sécurité aérienne d'abord, des aspects économiques ensuite, et le volet maritime enfin, qui est, comme vous l'avez rappelé judicieusement, un enjeu important pour nous. En ce sens, j'avancerai mon propos dans l'ordre que vous avez proposé. »

« J'en viens donc d'abord à l'appel d'offre du Ministère de la Guerre dit Rafale, portant acquisition d'armements aériens tels que des chasseurs, des bombardiers-chasseurs, des appareils de surveillance radar et des missiles air-sol, qui ont vocation à renforcer les frontières continentales de l'Azur contre les incursions aériennes et pour la défense anti-aérienne. Les détails techniques de la commande du Califat étant déjà portés à votre connaissance, je n'y reviens pas. Permettez-moi aussi de réserver cet entretien à l'appréciation de la Commission militaire qui sera décisionnaire en la matière ; en cela je ne pourrais me porter garant auprès d'aucun fournisseur éventuel de la faisabilité du contrat de vente sans l'aval de cette Commission, qui sera rendu public au mois de septembre. Les discussions à ce sujet ne peuvent être que putatives, j'espère que vous le comprenez bien. En ce sens, afin de faciliter la compréhension de la Commission, je puis déjà entamer le dialogue bilatéral entre nous pour que les industries sylvoises apportent des renseignements complémentaires, notamment sur le coût de certains équipements stratégiques comme l'AWACS et l'avion de guerre électronique, que les membres de la Commission ont souhaité interroger. La proposition du Duché du Sylva en la matière semble très supérieure au prix de marché pratiqué par la plupart des constructeurs internationaux. La Commission souhaite connaître les possibilités de réduction de ce prix, réductions qui pourraient rendre l'offre sylvoise plus attractive encore. Par ailleurs, d'un point de vue plus général, la Commission souhaite mieux comprendre les modalités d'un éventuel contrat avec les industries sylvoises membres du consortium DémocraTec. Ce dispositif implique-t-il qu'un ou plusieurs pays tiers, membres de l'Organisation des Nations Démocratiques par exemple, seraient inclus au processus de production et de vente ? Quelles en seraient les conséquences sur les modalités d'usage de ces armements ? Et de fait, s'agirait-il d'un contrat bilatéral entre l'Azur et le Duché de Sylva, ou bien d'un contrat entre l'Azur et l'OND ? Ces précisions seraient nécessaires pour que la Commission puisse apprécier plus justement l'offre sylvoise, car l'analyse inclus non seulement un regard sur les coûts et les performances technologiques des avions, mais aussi sur la nature diplomatique des liens qui unissent l'Azur à ses fournisseurs. »

« Sur le second plan, vous avez évoqué la possibilité de rechercher des coopérations économiques et commerciales, ce qui enchante le Diwan. De fait, des partenariats économiques seraient à trouver entre nos pays. La qualité des industries de pointe du Duché de Sylva, notamment en matière d'électronique, intéresse le marché azuréen en pleine expansion ; en ce sens, il apparaît opportun de travailler sur un accord spécifique à ce secteur industriel, ainsi qu'à d'autres, en prévoyant par exemple un accord de libre-échange promouvant des tarifs de douane préférentiels. L'Azur, qui produit certains minerais stratégiques, pourrait aussi se positionner comme fournisseur du Duché de Sylva. J'attire cependant votre attention sur le fait qu'en l'absence de cadre international cohérent et stable en matière de protection des principes de bases du commerce, et notamment la protection de la propriété technologique et intellectuelle, il serait souhaitable qu'un partenariat économique éventuel soit assorti d'un accord de reconnaissance mutuelle des brevets technologiques, comme l'Azur en possède déjà avec ses précieux partenaires de Jashuria et d'Icamie par exemple. Dans la foulée, il peut sembler pertinent que l'Azur et Sylva, qui instaureraient une coopération au niveau tant économique que réglementaire, confirment cette coopération par un accord judiciaire facilitant les extraditions. Comme vous le savez, l'économie et le commerce ont besoin d'un cadre réglementaire clair et stable pour prospérer. »

« En parlant de cadre clair et stable, j'en viens au troisième point qui concerne le volet maritime. Comme vous le savez peut-être, l'Azur est en effet impliqué avec une série de partenaires divers, brassant entre autres le Mandrarika, l'Alguarena, Karty, le Burujoa ou encore la Poëtoscovie, pour poser des principes de droit maritime. Les accords qui lient l'Azur à ses partenaires se veulent universels, et en ce sens un dialogue fécond réunit l'Azur et votre voisin, le Grand Kah, pour faciliter l'émergence d'un droit international de la mer via une Convention internationale qui poserait, à travers une Charte offerte à la signature de tous les Etats, les principes du droit de la mer tels qu'ils existent déjà à travers les accords de coopération maritime jusqu'ici élaborés en bilatéral. En ce sens c'est bien dans cette optique d'une généralisation à terme des principes du droit maritime que l'Azur souhaite proposer au Duché de Sylva un accord de coopération sur ce volet. Ces points sont en réalité simples ; (1) reconnaissance d'une zone maritime souveraine légitime pour les Etats à l'intérieur d'une distance de 300 kilomètres à la côte, dont le tracé doit être fixé de façon équitable, et adossé à une carte faisant référence ; (2) reconnaissance de la libre navigation des navires civils dans les eaux internationales et à l'intérieur des eaux territoriales, sans restriction autre qu'exceptionnelle possible ; (3) coopération entre les Etats pour harmoniser les pratiques d'exploitation de l'océan, notamment en matière halieutique et écologique, de façon à les rendre équitables et durables. Je me permets donc de vous soumettre une première proposition en ce sens. »

Proposition d'accord de coopération maritime
Article 1.1 : du principe de la zone maritime souveraine
Les Etats partie au présent accord reconnaissent mutuellement leurs droits souverains réciproques sur leur zone maritime souveraine, définie comme le segment de territoire maritime situé entre le prolongement de leurs frontières terrestres et la ligne parallèle à la façade maritime établie à trois cents kilomètres (300 km) du continent. Au cas où des litiges persisteraient, la ligne de démarcation entre les zones souveraines d’Etats litigieux devra être fixée par une commission internationale composée des pays concernés et d’un pays médiateur, sur la base de la continuité géographique, politique et historique des territoires souverains.

Article 1.2 : du droit applicable
Les deux parties du présent accord considèrent que la zone maritime souveraine fait partie intégrante du territoire et que le droit qui s’y applique est le droit national du pays souverain. Les seules restrictions aux activités conformes à ce droit dans cette zone ne peuvent être admises que par le présent accord.

Article 2 : de la liberté de navigation
Article 2.1 : du principe de libre circulation
Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les eaux considérées comme souveraines de l’autre partie. Cette liberté de circulation ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles motivées par une décision de justice.

Article 2.2 : du principe de libre ancrage
Les navires civils portant pavillon de l’un des Etats parties à l’accord ont la totale liberté de circuler dans les ports de l’autre partie et de s’y amarrer sans considération de durée, dans le respect de la règlementation maritime locale. Cette liberté d’ancrage ne peut être restreinte que pour des raisons exceptionnelles liées à une décision des autorités sanitaires afin de mettre en place une quarantaine contre les épidémies.

Article 2.3 : de la lutte contre la contrebande
Dans le cadre de la lutte contre la contrebande, les dispositions de l’article précédent peuvent être suspendues pour un contrôle par la garde maritime motivé par une décision de justice. Cette décision de justice doit être communiquée au préalable aux autorités judiciaires de l’autre partie, au cas où le navire arraisonné serait enregistré dans ce pays.

Article 2.4 : de la circulation des navires de guerre
La circulation des navires de guerre est autorisée dans le Golfe du Diambée sauf dans la zone maritime souveraine de chaque partie, sauf autorisation préalable. Avant de pénétrer dans la zone souveraine de l’autre Etat, un navire de guerre doit s’assurer que cet accès ne lui est pas défendu.

Article 3 : de la pêche

Article 3.1 : des licences de pêche
Les parties conviennent d’autoriser les navires de pêche de l’autre partie à circuler dans les eaux qu’ils considèrent relever de leur souveraineté. Seuls sont autorisés à se livrer à la pêche halieutique les navires disposant d’une licence octroyée par le ministère de la mer de l’Etat souverain.

Article 3.2 : des licences de pêche
Une licence de pêche est octroyée individuellement pour chaque navire et précise le tonnage maximum prélevable dans les eaux souveraines du pays émetteur, pour chaque espèce de poisson. Ce tonnage maximum doit être défini en lien avec l’autre pays selon les dispositions des articles suivants.

Article 3.3 : de la gestion des ressources halieutiques
Afin d’éviter la surexploitation de la ressource halieutique préjudiciable à l’ensemble des populations côtières quelles que soient les frontières qui les séparent, les Etats parties au présent accord s’engagent à coopérer pour se transmettre l’ensemble des données océanographiques afin de suivre l’évolution des bancs de poisson, la qualité chimique des eaux, et l’état général de la faune et de la flore sous-marine.

Article 4 : de la conservation des écosystèmes marins

Article 4.1 : de la coopération entre instituts d’océanographies
Les autorités scientifiques dédiées au suivi des écosystèmes marins des deux pays s’engagent à collaborer et à transmettre leurs découvertes et données sans conditions.

Article 4.2 : de l’exploitation des ressources géologiques sous-marines
Etant constaté que les forages pétroliers, gaziers, et les autres activités d’extraction des ressources géologiques sous-marines engendrent des dégâts irréversibles sur la biodiversité et préjudiciables aux populations humaines riveraines, celles-ci ne devraient être entreprises par un pays qu’après consultation de l’autre Etat partie au présent accord, qui est en droit d’exiger des compensations visant à atteindre un impact écologique global neutre. Cette disposition s’applique également à la zone maritime souveraine.

Article 4.3 : de la prospection marine
Chaque partie devrait informer l’autre partie si elle entreprend des recherches pour la prospection pétrolière, gazière ou d’autres ressources marines. Cette disposition s’applique également à la zone maritime souveraine.

Article 5 : de l’application de l’accord
Le présent accord entre en fonction à partir de la signature par les deux parties. Il pourra être révisé par concertation commune. La non-application d’un des articles de l’accord par l’une des parties rend l’ensemble de l’accord caduc. Il appartient seulement aux autorités judiciaires de caractériser un non-respect d’une des clauses de l’accord. Les parties formulent ensemble le souhait que le présent accord soit respecté ou révisé s’il y a lieu de le faire, dans un esprit de coopération bienveillante et de considération pour les intérêts mutuels de l’autre partie.


« Enfin, il est deux points supplémentaires sur lesquels je souhaiterais m'exprimer au nom de l'Azur à l'occasion de cet échange, en complément des trois précédents que vous avez indiqué. Ces points portent d'abord à la question de la demande officielle du Califat constitutionnel d'Azur d'accéder au statut d'observateur de l'Organisation des Nations Démocratiques, qui a été soumise le 5 décembre 2014 au Secrétariat Général de l'organisation. Dans la mesure où le Duché de Sylva est la première nation membre de l'OND tenant un sommet bilatéral avec le Diwan, il me semble opportun de solliciter vos Excellences, qui pourraient par exemple relayer cette demande afin qu'une réponse puisse être apportée au Califat. En ce sens, je rappelle l'engagement irréfutable de l'Azur pour un monde plus juste et plus paisible, qui s'est traduit par un engagement inédit et désintéressé pour une résolution du conflit gondolais par exemple ; cet engagement signale une convergence de vues entre l'OND et l'Azur, et me semble de nature à déminer tout argument sceptique qui considérerait la requête azuréenne comme déplacée. Ainsi, c'est bien dans une démarche sincère visant à établir des ponts entre les nations, pour favoriser la paix mondiale et la préservation de nos intérêts mutuels que cette demande a été formulée. Son Altesse le Khalife place de hauts espoirs dans une prompte réponse de la respectable Organisation en ce sens. »

« Le cinquième et dernier point que je souhaiterais aborder ici tient en une simple interrogation que mon ministère formule à l'égard du Duché de Sylva, qui a annoncé le déploiement de sa flotte militaire au large de l'Antegrad. Le Diwan a été surpris par cette annonce, Sylva n'étant pas connu comme un pays concerné par la très encombrante question du litige antégro-ouwanlindais. Ainsi, des précisions seraient les bienvenues pour que mon gouvernement puisse apprécier à sa juste valeur le déploiement militaire dont il est question sur notre continent. Vous n'ignorez pas sans doute la sensibilité de cette question à l'heure où la Clovanie pratique, dans la région même, un déploiement similaire qui n'est que le cache-sexe d'une opération militaire scandaleuse. Loin de prétendre régenter les allées et venues en Afarée, l'Azur cherche simplement à éviter autant que possible les actions unilatérales précipitées dans son voisinage. Dans la mesure où la force sylvoise est déployée comme gage de pacification des rapports extrêmement préoccupants entre l'Ouwanlinda et l'Antegrad, peut-être serait-il opportun qu'elle soit agréée et incluse à un processus d'intermédiation, que l'Azur et Sylva pourraient conduire ensemble avec d'autres partenaires, afin d'éviter tout embrasement régional. »

« Excellences, je vous remercie pour votre écoute et cet accueil, et je me tiens à votre disposition pour préciser certains éléments de ma pensée qui demeureraient flous dans votre compréhension. De même, je souhaite connaître la position du Duché de Sylva sur les éléments que nous avons abordé. »
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L'ensemble de la délégation sylvoise écouta avec attention l'interlocuteur de l'Azur, chacune des représentantes prenant des notes sur un petit carnet au grè des traductions de l'interprète. Les sujets étaient volumineux et les expertes devaient adopter quelques réflexes pour suivre le rythme et assurer la qualité des échanges. Une fois achevés les points avancés par Amir Bey ir-il-Usdeli, c'est d'abord Chloé Boisderose, directrice du SAS, qui répondit :

"Nous comprenons parfaitement les implications des discussions que nous entamons concernant le projet Rafale, encore à un stade de décision précoce. Quant aux coûts, particulièrement des éléments stratégiques que sont les avions radars et avions de guerre électronique, nous comprenons tout à fait votre surprise. Comprenez que ce sont des appareils de très haute technologie mobilisant une gigantesque quantité de moyens et de temps pour leur production. Que ce soit en quantité d'ingénieurs qualifiés, d'instruments de pointe, de matériaux rares ou encore d'amortissement de conception, on parle d'appareils démesurés dans leurs coûts. Il en était de même sur la question des missiles de croisière. Si ce sont des équipements individuellement plus accessibles à nos usines, les volumes demandés ont un impact significatif sur les coûts.

Pour ce qui est des prix du marché, la politique de Sylva et de ses partenaires dans le cadre de DémocraTec diffère en effet de ce que l'on retrouve à l'internationale. Il faut bien prendre conscience que les prix observés auprès des fournisseurs mondiaux sont d'un caractère assez récent, de moins de trois années. Une baisse a été observée avec l'apparition de fournisseurs "low cost" comme le Miridian et Rasken, au début isolé, puis généralisée. DémocraTec a pour politique de ne pas suivre entièrement cette dynamique, et je dis bien entièrement puisque nous avons tout de même réduit d'un quart par rapport à nos standards les prix proposés. Il s'agit là de questions de rentabilité et d'objectif avec une recherche d'équilibre entre les besoins. Et à l'heure actuelle, l'OND a eu, de par les menaces extérieures planant sur elle, un besoin plus urgent en matériel qu'en fonds financiers. C'est pour cette raison que nos prix sont si élevées : nos entreprises sont déjà très demandées par nos armées nationales, là où d'autres nations comme l'Alguarena ou le Grand Kah qui ont emboité ces politiques de prix connaissent une urgence moindre et un capital militaire déjà bien établi (bien que la dynamique semble s'inverser sur les deux points concernant l'Alguarena).
Les prix que nous proposons conservent toutefois une certaine marge de manœuvre pour les négociations, mais comprendrez-vous que ce sont là des compromis que nous ferons malgré le caractère impatient d'autres clients fidèles, et qu'ils devront être justifiés à certains égards.

Pour ce qui est de DémocraTec en elle-même, c'est un consortium entre les complexes militaro-industriels de l'ensemble des membres de l'OND, visant à rationaliser la production via une répartition des tâches optimales selon les savoir-faire et moyens requis. Cette mutualisation des moyens de production et des échanges militaires permet qui plus est d'assurer un volume de production incomparable, avec les délais intrinsèques. Chaque membre dispose d'une relative autonomie pour prendre des commandes au nom de DémocraTec, et soyez assuré que nous avons déjà sondé nos partenaires et reçu de leur part un retour volontaire et enthousiaste face à cet appel d'offre."

C'est Matilde Boisderose qui reprit la discussion :

"Je me permets d'aborder dès maintenant le quatrième point, puisque nous parlons de l'OND et des rapports diplomatiques entre elle et l'Azur. La demande de l'Azur a bien été reçu et discuté, de manière assez favorable. Mais nous sommes venus à la conclusion que devaient être formalisés certaines ententes internes à l'OND, concernant notamment les critères d'intégration des États observateurs et de la dynamique dans laquelle ils s'intègreraient à l'OND. Nous n'avons autrement strictement aucun doute sur la convergence idéologique et politique sur les plans internationaux et sur les questions de la paix et stabilité, entre l'Azur et OND. Mais, nous attachons une importance capitale à ce que les choses soient faites bien et dans le bon ordre.
C'est pourquoi, si je peux informellement vous garantir que la demande de l'Azur est à un degré d'acceptation élevé au sein de l'OND, nous devons d'abord faire prêt de huit membres s'entendre sur la formalisation des critères d'acceptation.

Ce point-ci étant clarifié, je vais pouvoir reprendre les sujets de discussion dans l'ordre. Sur la question des échanges économiques, vous avancez des arguments très justes auxquels j'ai certains éléments à avancer.
Sur la question électronique déjà, le Duché est intégré dans un réseau industriel avec l'ensemble des membres de l'OND, en cours de formalisation. Il est important de préciser que, par électronique, nous parlons là de la production de micropuces de haute qualité et précision nécessaires aux instruments les plus performants, en informatique, astronautique, outillage industriel et cætera. La production de ces puces nécessite un ensemble d'étapes propres avec leurs savoir-faire et matériels induits, ce ne sont pas des industries qui s'improvisent et il faudrait une quantité de moyens démesurés pour maitriser l'ensemble de ces filières. Dans le cas de Sylva, nous avons particulièrement une expertise dans la conception des micropuces et la production des feuilles de silicium sur lesquelles sont faites les microgravures. Des enquêtes menées, c'est avant tout l'étape de contrôle qualité et emballage qui pèche dans l'OND. Si l'Azur venait à démontrer les ressources nécessaires dans ce secteur, un partenariat de grande ampleur avec Sylva, et plus généralement l'OND, dans la mise en place d'un consortium internationale de production de micropuces est tout à fait envisageable.

Quant à l'approvisionnement de terres rares, c'est là l'ensemble de l'OND, et Sylva en particulier, qui serait intéressé. Ce domaine est géré en Sylva par la Bourse Minière de Sylva, abrégé BMS, qui se charge de la mise en relation des fournisseurs et clients. Vos industries dans le domaine sauront être accueillis comme il se doit, bien que nous puissions déjà dans cette rencontre mettre en place des accords préférentiels.

Ces accords préférentiels incluraient également les accords de libre échange et tarifs douaniers avantageux. Le Duché est favorable à ce point, avec toutefois une condition : nous appliquons une politique très dirigiste et protectionniste de notre économie dès qu'il est question de secteurs stratégiques. Puisque le secteur minier est peu développé en Sylva et n'a pas vocation à l'être plus que ça, faute de gisements exploitables sans conséquences atrocement délétères pour nos espaces naturels, les importations minières se voient naturellement impactée de très faibles taxes douanières, parfois presque inexistantes. Mais si nous parlons de secteurs que Sylva considère comme stratégique et tient à développer de manière souveraine, tel que c'est le cas sur la conception de micropuces et production des wafers, nous ne pourrons dans ce cas-là tolérer une concurrence étrangère sans aucun contrôle.
Nous pouvons déjà, si vous le souhaiter, évoquer les secteurs qui seront impactés ou non par des taxes douanières. Je peux déjà vous informer que tout ce qui concerne le secteur de l'énergie (ou plutôt les produits transformés, et non pas les matières premières), de l'aéronautique, des étapes citées de la production de micropuces, mais également d'un ensemble d'éléments électriques incluant les diélectriques, émetteurs-récepteurs et autres, font partie des éléments avec des taxes douanières élevées en Sylva.
En revanche, l'ensemble des éléments qui ne constitue pas un secteur stratégique, soit parce que le secteur n'est pas très développé en Sylva, soit parce qu'il ne s'agit pas d'un élément nécessaire à la souveraineté, sont très libéralisés avec des taxes douanières moindres. Citons l'ensemble des produits alimentaires qui ne sont pas produits en Sylva, une bonne partie des biens de consommation, l'électroménager assemblé ou encore l'automobile par exemple.

Concernant les questions des brevets, et plus généralement d'un (non) cadre international cohérent, nous ne pouvons que plussoyer vos constats et propositions en solution. Nous sommes conséquemment ouverts sans délais à l'établissement d'une juridiction mutuellement reconnu sur ces questions, de manière à éviter les voles de technologies et autres conséquences d'un marché entièrement libéralisé sans le moindre contrôle étatique. La chose serait même très favorable à Sylva, grande exportatrice de licences électroniques incluant des plans et architectures de micropuces.

Sur le volet maritime maintenant, je me dois d'honnêtement relever un point : si nous comprenons la démarche, nous pouvons difficilement reconnaitre la pertinence et la légitimité d'une reconnaissance mutuelle entre nos ZEE. La chose concerne avant tout le voisinage et, si formaliser ce genre d'entente contribuerait à y donner du poids et établir un standard à internationaliser, il est difficile de donner du crédit à une reconnaissance sylvoise de la ZEE de l'Azur. Nos pêcheurs ne vont pas jusque-là, nos plateformes pétrolières non plus, et réciproquement. Ce n'est pas tant entre nous même, mais avec nos voisins qu'il faut nous entendre sur la question, puisque ce sont eux qui sont concernés. Si des pêcheurs Caribenos se retrouvent lésés par l'établissement d'une ZEE sylvoise, quelle valeur aura la reconnaissance de l'Azur dans une affaire qui ne les concerne pas ?
C'est pourquoi le Duché ne peut pas s'engager à directement reconnaitre les ZEE selon les critères définis, mais vous rejoindre pour militer en faveur de l'établissement de normes internationales mutuellement entendues entre voisins concernés. Le Duché approuvera des ZEE discutées et reconnues par le voisinage uniquement, et l'a toujours fait, même quand cela lui a valu des incidents diplomatiques fort surprenants.
Maintenant, concernant les questions écologiques que vous évoquez..."

Matilde eut un petit geste de reconnaissance, joignant ses mains en se penchant un peu en avant de se redresser sur sa posture normale.

"Vous ne pouvez pas envisager à quel point ce sujet nous tient à cœur et comment nous sommes volontaires d'y donner du poids à l'internationale. Que ce soit sur la pêche avec un suivi de l'état des environnements marins, ou encore sur les questions d'exploitation minières, gazières ou pétrolières, il s'agit d'un sujet fondamentalement important et allant bien au-delà des simples notions de propriétés nationales. Si l'Azur n'a, comme dit, pas spécifiquement de crédit à reconnaitre une ZEE sylvoise sans l'accord de nos voisins, vous auriez toute la légitimité de pointer une pratique d'exploitation marine délétère avec des conséquences directes et néfastes pour le reste du continent. Nous accordons une grande considération à ces questions écologiques qui vont au-delà des frontières et se basent sur des impacts bien concrets.

C'est pourquoi, concernant le traité que vous proposez, je peux déjà vous dire que tout ce qui est relatif aux articles 3.3 et 4 sera approuvé. Au sujet du reste, nous ne pouvons pas nous engager à l'appliquer simplement après une concertation avec l'Azur, mais nous pouvons nous entendre pour :
– Reconnaitre une ZEE et les législations induites indiquées dans les articles 1, 2 et 3, entendue mutuellement entre nations voisines.
– Nous entendre auprès de nos voisins pour définir des ZEE équitables selon les critères et réglementations proposées dans ces accords, de manière à donner du poids à l'internationalisation de ce cadre et à donner un crédit à une reconnaissance de l'Azur de ces ZEE définies selon un cadre sain et coopératif."

Elle fit une petite pause pour boire un verre d'eau de coco, l'interprète faisant de même. Elle prit ensuite le temps d'échanger quelques éléments avec des conseillères à ses côtés sur la question de l'intervention sylvoise en Antegrad avant de reprendre la parole en direction du représentant de l'Azur :

"Ce sont là des interrogations très pertinentes, légitimes même. Il s'agit d'une affaire dans laquelle Sylva a été contrainte de réagir avec diligence et un caractère quelque peu intrusif pour les nations de l'Afarée. Nous en convenons et en sommes très conscient, la sphère politique sylvoise s'étant interrogée là-dessus également. L'affaire a commencé avec l'invasion du Gondo menée par l'Ouwanlinda, un acte douteux dont on peut remettre en question le caractère constructif de l'intervention. Le gouvernement gondolais avait alors envoyé un appel à l'aide à l'OND pour appliquer un embargo sur l'Ouwanlinda et éviter une réitération de ces écarts et des affres intrinsèques. Le professionnalisme de l'armée ouwanlindaise n'est pas des plus reconnus et on peut se douter des sévices appliqués aux populations gondolaises. Ne souhaitant pas immédiatement nous ingérer dans les affaires de l'Afarée sans entente bilatérale avec les concernés, nous avions pris contact avec le FCAN, organisme reconnu pour sa crédibilité et apte à traiter avec une certaine légitimité cette affaire. Or, la réponse a suffisamment tardé pour que l'Ouwanlinda ait le temps de s'approvisionner de missiles balistiques (nous doutons qu'ils aient les filières nécessaires pour les produire seuls).

Si le Duché en lui-même n'est pas directement impliqué, ses partenariats avec l'Antegrad et son alliance avec Makola et Owembo, deux territoires faisant partie de l'Empire du Nord, a motivé une intervention visant à stabiliser la situation pour éviter un débordement de conflit avec le voisinage. Il était en l'état difficile de voir l'Antegrad ne pas se lancer dans une guerre ouverte avec l'Ouwanlinda, ne serait ce que pour permettre au successeur du défunt dirigeant de s'affirmer avec un coup de gloire. Cela aurait été la porte ouverte aux ingérences et guerres de proxy, avec un accroissement de la misère sur place. C'est pourquoi nous avons avec un tel empressement initié ce blocus, pour interrompre toutes escalades, et que cette opération se limite audit blocus sans aucune interventions sur le sol de l'Afarée.

Concernant vos observations sur la douteuse apparence de cette manœuvre en vue du conflit en cours au Gondo dans lequel sont impliqués la Clovanie et le Grand Kah, en faisant un véritable théâtre de guerre par proxy : nous ne pouvons que vous donner raison et soutenir vos propositions. Le Duché n'a pas vocation à rester durablement, uniquement le temps qu'un gouvernement anterien soit constitué et apte à reprendre les discussions avec l'Ouwanlinda, discussions qui devront être acceptée par le dirigeant Ateh, quelque peu connu pour son caractère belliqueux et déraisonnable. Autant dire que serait immédiatement approuvée cette intégration à une entente commune avec l'Azur et d'autres nations aféréennes pour entamer un processus de paix. Nous sommes par ailleurs curieux de savoir si l'Azur dispose déjà d'axes de négociations, ou de partenaires afaréens disposés à l'appuyer dans ses négociations avec le successeur anterien et l'Ouwanlinda ?"
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