09/07/2016
18:35:21
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[RP Interne] Activités intérieures en Translavya

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Le rêve s'efface :

Le rêve loduarien s'est effondré en Translavya. Mais il reste un espoir, non ? Non ?


C'est une fois de plus en coulisses que le destin de la Translavya allait se jouer. La tension à Anslav était intense depuis la mort du secrétaire Lorenzo. Bien que comme dans tout le monde socialiste, il avait aussi ses ennemis et ses détracteurs qui traînèrent un peu partout à la suite de sa mort, la population avait été globalement respectueuse envers la figure de proue loduarienne, bien que l'avis de la population était partagée quant à son rôle dans l'histoire : libérateur du prolétariat et de la misère infligée par les scientistes pour certains, dictateur impérialiste pour d'autres. Il n'était pas facile d'avoir un consensus clair sur la question de ce personnage. Néanmoins, à en croire les sondages et les résultats électoraux, beaucoup de Translaves avaient acceptés l'idée d'une société eurycommuniste telle que les Loduariens l'avaient souhaités pour eux, le peuple soumis à son maître occidental avait tenté d'embrasser la même vision idéologique que celui qui l'avait libéré (ou envahi, selon le point de vue). La propagande loduarienne avait visiblement fait des miracles et pour ainsi dire, la situation le permettait amplement : la prise des territoires méridionaux de l'ancienne RSF par la coalition onédienne et la mise en place d'un régime capitaliste et libéral à travers la République Translavique avait permis aux propagandistes étatiques et loduariens de convaincre la population de la nécessité de l'eurycommunisme comme contre-modèle à l'invasion libérale onédienne. Une gigantesque opération d'inversion accusatoire qui avait visé à faire oublier aux Translaves qui les avaient envahis en premier lieu. Cela avait bien servi à enraciner le régime dans le nord du pays mais désormais, celui-ci devait faire face à un gros problème, peut-être le problème le plus grave depuis la naissance du régime en 2014 : la disparition de son modèle, de son allié, de son protecteur politique et militaire. C'est simple : la Loduarie ne s'est pas simplement affaiblie et n'a pas simplement entamé un déclin lent et progressif, au point d'abandonner le théâtre des opérations en Eurysie de l'Est ; elle s'est tout bonnement effondrée, démontrant au monde l'inefficacité de son modèle politique sur son propre territoire. La DCT allait-elle être la suivante ? Serait-elle le prochain régime eurycommuniste à tomber ? La Loduarie était une puissance militaire, politique et économique importante sur la scène internationale mais cette impression de grandeur était finalement factice : la Loduarie n'était qu'un géant aux pieds d'argile. Mais la Translavie ? Elle n'a rien d'un géant mais tout d'une fondation en argile. La question était même double : même en imaginant par l'heureux des hasards que l'eurycommunisme fonctionne en DCT, il subsiste le problème du voisinage. C'est simple, la DCT a perdu son principal protecteur et sa force militaire actuelle ne lui permettrait guère de résister longtemps à une offensive onédienne. Bien sûr, la situation militaire n'est pas désespérée : l'armée sudiste dispose certes d'un léger avantage numérique mais l'Armée Populaire de Translavya écrase de tout son poids les troupes sudistes par leur supériorité matérielle du fait des approvisionnements loduariens d'antan qui permettent à la DCT de conserver une avance matérielle modeste sur son adversaire sudiste malgré la faiblesse de son économie et de son complexe militaro-industriel. Néanmoins, si on tient compte désormais que l'OND (ou au moins une partie d'entre elle) intervienne en faveur de la RT ou arme celle-ci, la DCT ne fera guère le poids longtemps.

Erik VonEcker, le secrétaire général, savait pertinemment que sa situation était fortement délicate. Sur son bureau, c'était presque trois piles de dossiers avec la mention "URGENCE" inscrite dessus qui lui faisait face et chaque fois qu'il entrait dans son maudit bureau, il ne pouvait que suer à grosses gouttes à l'idée de découvrir quelles horreurs, quelles ignominies, quelles manigances allaient-ils découvrir à travers ces dossiers. Il lisait quasiment en diagonale la plupart des paragraphes, cherchant à aller à l'essentiel, il savait qu'il avait un délai relativement court pour agir. La situation économique ? Déplorable. La situation militaire ? Médiocre. La situation politique ? Inquiétante. La situation à l'international ? Désespérée. Partout, il était en mauvaise posture. Entre une économie ayant encore du mal à redémarrer, les inefficiences bureaucratiques qui s'accumulent, la montée en puissance de l'économie de la RT (devenue la première puissance eurysienne en matière de PIB/habitant, au-dessus même de Velsna), la faiblesse évidente du complexe militaro-industriel, le manque d'innovation dans le tissu productif, l'armée en désordre à la suite du départ des instructeurs et des conseillers loduariens, le manque de réforme et d'organisation des forces armées ; rien que la situation domestique faisait peine à voir mais Erik VonEcker devait maintenant faire face aux conséquences de ses choix sur la scène politique : le CCA est furieux. Entre un PET dont la popularité chute jour après jours du fait de ses propres divisions internes, entre la montée en puissance des communalistes et des husakistes face à la perte de crédibilité des eurycommunistes et surtout le renforcement de la base électorale des sociaux-démocrates qui, fort du modèle de la RT, gagne en popularité. La tentation de l'union se fait de plus en plus tentante jour après jour pour ces sociaux-démocrates qui voient dans l'existence même de la DCT une insulte au peuple translave lui-même : le pays aurait plus à gagner en s'unissant dans un accord de compromis qu'en s'entêtant dans un modèle eurycommuniste dont le principal flambeau a prouvé son échec flagrant. Bien sûr, les sociaux-démocrates sont bien les seuls à penser ainsi : ni les communalistes, ni les husakistes et encore moins les eurycommunistes ne veulent entendre parler de cette réunification pour le moment, ce n'est ni le moment, ni le lieu. La situation géopolitique avait cependant de quoi faire oublier tous les problèmes du monde à VonEcker : la Loduarie a disparu, la RT gagne en puissance, l'OND n'a plus de garde-fou qui mobilise la majorité de ses forces militaires et politiques et surtout, la DCT a perdu son principal, pour ne pas dire son unique, allié. VonEcker sait aussi cependant une chose : la DCT ne peut survivre seule et bien que ça lui fasse mal de l'admettre, il sait que s'il souhaite que le modèle eurycommuniste survive malgré lui en DCT, il lui faut trouver un protecteur, un autre allié.

Soudain, un homme entra dans le bureau du Secrétaire général, visiblement un militaire vu son uniforme. VonEcker soupira de soulagement. Certes, il ne pouvait plus faire réellement confiance au PET, miné par les divisions internes omniprésentes, mais il pouvait faire confiance aux militaires : radicaux mais pragmatiques pour la plupart et souvent eurycommunistes jusqu'à l'os. Le militaire se présenta :

"Camarade Secrétaire, je me présente : général-major Honza Gorny, je suis en charge du renseignement militaire.
- Enchanté, camarade général. Je crois avoir vu votre nom défiler sur certains de mes dossiers.
- C'est exact, camarade Secrétaire.
Le Secrétaire fit signe au général de s'asseoir, ce qu'il fit promptement.
- Eh bien, camarade général, puis-je connaître l'objet de votre visite ?
- Je crois que nous savons tous les deux pourquoi je suis ici, camarade Secrétaire. Vous le savez tout comme moi que la situation actuelle est dramatique. Nos ennemis gagnent en puissance chaque jour alors que nous stagnons et nos alliés loduariens ne peuvent plus assurer notre protection.
- Certes mais que voulez-vous faire dans ce cas, camarade général ? Nous avons les moyens de nous défendre contre la RT mais pas contre leurs alliés onédiens. Le seul moyen pour notre nation de survivre serait de trouver quelqu'un d'autre...un autre-
- Un autre protecteur.
- Exact. Je crois que vous avez compris la situation dans laquelle le pays se trouve.
Le Secrétaire enleva ses lunettes et regarda le général d'un air vif, l'invitant par son regard à lui parler avec franchise Camarade général, j'ai toujours apprécié le soutien de l'armée lors des moments de crise, ce sont des hommes comme vous qui nous ont débarrassés de la vermine scientiste. Vous connaissez la situation autant que moi. J'ai besoin de vos précieux conseils.
Le général Gorny prit un instant pour réfléchir avant de regarder à son tour le secrétaire.
- La situation est dramatique mais pas désespérée si vous voulez mon avis.
- Développez.
- Certes, la Loduarie a disparu mais ce n'est pas le seul pays socialiste sur Terre. Cependant, il faut avouer que nos choix sont...limités. Si on s'en tient à des alliés idéologiquement alignés sur l'eurycommunisme loduarien, le seul allié eurysien auquel on aurait droit serait l'Illirée.
- Ce n'est pas une option souhaitable.
- C'est vrai : leur nation est militairement faible, ils sont éloignés et il me semble que nous n'entretenons pas de relations régulières avec eux. En bref, vous l'aurez compris, camarade Secrétaire, ce n'est pas chez nos alliés "naturels" que nous devrions nous tourner. Mais vers les libertaires.
- Je me doutais que vous arriveriez à cette conclusion.
- Vous y êtes arrivé aussi ?
- Oui mais j'avais besoin que quelqu'un d'autre me le fasse entendre.
- C'est un choix cornélien mais compréhensible auquel on fait face : les libertaires seraient d'accord à l'idée de nous protéger, je n'en doute pas mais disons que ce ne sera pas sans conséquences.
- Je ne vois que deux choix qui s'offrent à nous : l'Estalie et le Grand Kah.
- Et c'est là où les ennuis commencent. Le Grand Kah est un choix souhaitable, bien que risqué : le risque d'ingérence communaliste est réel et surtout, bien que j'ai entendu qu'ils aient déployés des hommes en Estalie, c'est une force symbolique. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de la politique militaire kah-tanaise mais leur capacité de projection jusqu'à notre pays peut être...difficile en cas d'intervention onédienne.
- En somme, l'option kah-tanaise est une voie d'incertitude, nous n'avons aucune garantie que leur éloignement ne soit pas un problème et puis je crains que cela ne provoque l'entrisme de leur part. De l'autre, on a l'Estalie.
- J'y viens justement : les Estaliens ont tout intérêt à nous défendre. On est un partenaire économique important pour eux, on est leur principale voie d'accès à la mer pour leur commerce et entre nous, on doit certainement être une des seules nations à leur être amicale dans la région. Depuis la Kartvélie, qui fait confiance aux Estaliens ?
- Pas grand-monde, je suppose. Le problème, camarade général, c'est qu'accepter la protection des Estaliens, malgré leur proximité et leur souhait réel de nous défendre, c'est faire entrer le loup dans la bergerie.
- J'en suis conscient, camarade secrétaire, en tant que chef du renseignement militaire. Bien que je n'ai pas formellement de preuves, je crois comprendre que les Estaliens influencent déjà fortement notre politique interne avec leurs propres services de renseignements. Cependant, il y a quelque chose qui m'interpelle à leur sujet : est-ce qu'accepter leur protection militaire et politique changera leur attitude envers nous ?
- C'est une idée intéressante, développez ?
- Je crois que si les Estaliens veulent à tout prix nous influencer, c'est surtout pour des intérêts économiques en premier lieu, je ne crois pas les Estaliens suffisamment bêtes pour nous poignarder dans le dos. Si nous acceptons de les laisser nous protéger, ils auront ce qu'ils veulent : un moyen de protéger eux-mêmes leurs intérêts économiques chez nous. Je crois que l'attitude ambivalente estalienne réside davantage dans la protection de leurs intérêts qu'une quête salvatrice idéologique à notre encontre.
"

VonEcker tergiverse en écoutant le général. Il ne sait pas si ce que le militaire en face de lui dit vrai, si son analyse est effectivement correcte ou si elle est biaisée par quelque chose de plus profond. Néanmoins, le raisonnement se tient et puis avait-il véritablement le choix ? Il savait la DCT incapable de résister aux opérations du SRR dans tous les cas : plus le temps avance, plus les tentacules de la méduse estalienne s'étendaient dans la société translave pour en saisir le contrôle. C'est un désir de contrôle, certes, mais ce désir n'est pas sans justifications tout de même. Le secrétaire se remémore de la Conférence d'Anslav, il y a deux ans, et essaie de connecter le raisonnement de son général avec l'attitude de la délégation estalienne durant la conférence. Il se souvient de cette altercation entre le général Francis, en charge des troupes loduariennes en Translavya, et l'ambassadeur estalien Milov Vidik. Les Estaliens n'avaient pas très bien pris ce coup d'arrêt des Loduariens et en y réfléchissant, VonEcker se demande si la pomme de la discorde n'a pas été consumée ce jour-là : VonEcker connaissait désormais la sensation d'être dépendant de quelqu'un pour quelque chose qui lui appartient. Il savait que les Estaliens n'avaient pas investis en Translavya par gaité de cœur mais aussi pour des objectifs économiques et commerciaux concrets. Une diplomatie froide et pragmatique de fait, auquel il n'avait rien personnellement mais qui l'avait prit au piège. Maintenant, il semble comprendre le raisonnement du général : dire non aux Estaliens, c'est faire signe au SRR de les renverser définitivement. Si VonEcker veut conserver l'eurycommunisme en DCT, il doit contenter les demandes du camp husakiste en premier lieu car bien qu'il se méfie par expérience des communalistes, l'Anarchisme Renouvelé est une variable...inconnue. Une anomalie dont il ne connaît ni le comportement, ni la direction empruntée et croyez-moi, l'Homme a peur ce qu'il ne connaît pas. Les husakistes lui procurent personnellement plus de peur que les communalistes, dont les méthodes sont aujourd'hui bien connues. Cette peur allait-il le forcer à céder ? Certainement.

"Camarade général...Il se leva d'un air solennelBien que j'ai des réticences à ce que je vais vous dire, je pense que le risque en vaut la chandelle.
- Que voulez-vous dire ?
- Je vais contacter Vidik dans les plus brefs délais.
- On dirait que vous avez décidé de vous tourner vers Mistohir.
- Je dois obtenir des garanties de l'Estalie. Vous l'avez dit vous-même : ils cherchent à protéger leurs intérêts. Je leur donnerais une telle protection, tant qu'ils protègeront notre patrie.
- Je ne peux dire si je suis d'accord ou non avec votre décision, camarade secrétaire, je ne suis pas un politique. J'espère seulement que vous savez ce que vous faites.
"

Le général prit alors congé, laissant VonEcker seul, assis à son bureau, scrutant le téléphone fixe. Dans cet instant de silence, qui semblait durer une éternité, l'hésitation planait en lui. Cette hésitation fut brutalement arrêtée par un bruit à l'extérieur. Un son inaudible, d'une multitude de voix différentes, qui semblaient venir de l'extérieur. "Merde, une autre manifestation", les manifestations depuis la mort de Lorenzo à Anslav étaient devenues étrangement fréquentes. Les dires du général se confirmaient petit à petit : ces manifestations étaient husakistes pour la plupart, organisées par la FDA bien souvent et bien que VonEcker n'y prêta guère attention au départ, leur nombre avait singulièrement grossi en moins de deux mois. Tout le PET était en panique et immobilisé et le Secrétaire n'avait ni la volonté, ni la force de réprimer la manifestation par la force, de peur de mettre le feu aux poudres. Il devait temporiser. C'est décidé : je vais appeler ce foutu Estalien, en espérant qu'il ne me cuisine pas trop.
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Tic-Tac Tic-Tac :

Alors, camarades, comme ça, on revient vers nous ?
Anslav,
Dans la nuit du 18 au 19 Juin 2016,
Ambassade de la Fédération des Peuples Estaliens en Démocratie Communiste de Translavya.


La soirée était étonnamment calme à Anslav aujourd'hui. La capitale de la DCT était secouée depuis près de deux mois maintenant par des vagues de manifestations issues des rangs communalistes et husakistes qui demandaient du changement. Un changement de régime, un changement de politique, un changement tout court. Loin d'être sourd à ces revendications, le Secrétaire savait aussi à quel point ces dites revendications étaient difficiles à concéder. Tout d'abord, il savait pertinemment qu'accepter les demandes des manifestations ferait office de trahison au sein du PET. Bien que les grands discours imposent une solidarité inconditionnelle entre toutes les branches idéologiques de la gauche socialiste en DCT, aussi différentes soient-elles, la réalité est bien moins rose que le discours officiel laisse transparaître. Dans les faits, si la façade officielle présente un bloc socialiste uni au sein du Comité Central des Administrés entre le PET, le CCT et la FDA (les trois gros partis du CCA), la réalité est que chaque parti a tendance à se tirer dans les pattes chacun avec les autres pour faire avancer ses pions. Le factionnalisme gagne du terrain jour après jour et les mauvaises nouvelles politiques s'accumulent. En effet, bien que le CCT et la FDA soient en théorie en opposition l'un contre l'autre et se font mutuellement la course aux petits chevaux pour acquérir de nouveaux partisans dans chaque coopérative, chaque entreprise et chaque université du pays, il semble depuis début Juin que les deux partis se soient implicitement alliés pour faire tomber le PET. Les raisons de cette alliance stratégique libertaire étaient évidentes : le PET était le gros parti de la DCT, celui qui avait le plus profondément enraciné ses tentacules autour de l'appareil bureaucratique et qui détenait le soutien des forces armées et de l'administration. C'était donc le parti ennemi numéro un à faire tomber, c'était l'establishment aux yeux des libertaires et que l'establishment soit eurycommuniste ou pas, les libertaires ont la fâcheuse habitude de s'y opposer et de le faire tomber. Autrefois, bien que la FDA et la CCT avaient tendance à lui mettre des bâtons dans les roues en politique, il savait que ces broutilles politiques n'inquièteraient jamais l'enracinement eurycommuniste autour de l'appareil étatique, tout simplement parce qu'il savait pertinemment qu'en cas de Coup d'Etat, de violences civiles ou de blocages politiques, la Loduarie et ses services de renseignements auraient pu le soutenir pour régler le problème. Or, VonEcker le savait et les libertaires le savaient aussi, la garantie loduarienne avait expirée, plus rien ne protégeait désormais les eurycommunistes de la chute alors que leur popularité chutait dans les sondages. Il fallait réagir car le Secrétaire ne savait pas si demain, en se levant, il serait en capacité de tenir face aux libertaires qui commencent progressivement à retourner la société civile contre le PET.

Mais comment pouvait-il réagir ? Négocier directement avec les partis de l'opposition ? Il aurait pu, mais il aurait été discrédité par le PET. C'est la mort politique assurée, la division interne du PET ne le permettait plus. Il fallait autre chose. VonEcker devait se poser les bonnes questions : qui tirait les ficelles de ce mouvement ? Qui était le marionnettiste ? Le CCT ? La FDA ? Ou quelqu'un d'autre ? La discussion qu'il avait pu avoir avec Gorny lui avait ouvert les yeux : les Estaliens. C'est eux qui tiraient les ficelles, il en avait la certitude, bien qu'il manquait de preuves pour l'attester. La réputation de ces vipères d'Eurysie Centrale les précédaient visiblement, et les desservaient peut-être, mais il devait admettre que la situation lui donnait un léger goût de déjà-vu. Comment la Kartvélie est-elle devenue husakiste déjà ? C'en était assez pour lui. Il devait négocier avec l'Estalie en premier lieu, tenter de calmer l'Hydre Anarchiste d'Eurysie, au moins temporairement, afin de ressaisir le contrôle. Il avait donc sommairement appelé l'ambassadeur estalien, Milov Vidik, afin de lui demander de se réunir à l'ambassade. VonEcker savait qu'en faisant ça, il aurait non seulement la légitimité politique de le faire (évitant ainsi un discrédit politique au sein de son parti, il ne faisait que discuter avec un pays étranger) et il avait l'intime conviction que toutes les manigances libertaires, que ce soit des communalistes ou des husakistes, devaient le mener à passer à la table des négociations, inévitablement. Il entra ainsi dans l'ambassade et après une brève vérification de la sécurité, il fut amené dans le bureau de l'ambassadeur. Milov se leva de sa chaise avec un grand sourire :

"Camarade Secrétaire, content de vous voir ! Je vous en prie, asseyez-vous ! L'ambassadeur prit sur son bureau ce qui semblait une bouteille de Whisky, il remplit un verre. Un verre ?
- Non merci, je ne bois pas.
- Comme vous voudrez.
"


L'atmosphère était lourde, intense mais le Secrétaire translave savait pertinemment qu'il était en terrain hostile, que la négociation était déséquilibrée. Il n'avait pas le pouvoir de faire pencher la balance en sa faveur, il devait concéder. Cependant, il devait offrir le moins possible, il était hors de question de devenir un pantin estalien, bien entendu. Mais il devait donner juste assez pour contenter l'appétit des vipères estaliennes. C'était un curieux et délicat jeu d'équilibre qui allait se jouer dorénavant.

"Vous savez pourquoi je suis là, monsieur l'ambassadeur.
- Oh, je crois que j'ai ma petite idée.
- La situation de notre nation est difficile, vous le savez bien : la crise politique bloque le gouvernement, la situation économique stagne et la perte de la Loduarie est une catastrophe sur le plan géopolitique.
- J'en ai bien conscience, camarade. Mais je suppose que vous avez analysé et re-analysé la situation un bon millier de fois. Et je suppose aussi que votre analyse vous a conduit ici. Alors soyez sincère.
- La DCT est en mauvaise posture et elle ne peut combattre seule. Il me faut un allié fiable et solide. Un allié sur lequel on peut compter en tout temps. La Loduarie jouait ce rôle, il y a peu, mais sa disparition m'oblige à reconsidérer notre politique internationale.
- Faute de la puissance loduarienne, vous essayez donc de trouver un substitut chez l'Estalie.
- Dis comme ça, ce n'est pas très flatteur mais oui, c'est exact.
"

L'ambassadeur estalien but son verre avec tranquillité avant de le poser sur la table et se pencher vers celle-ci. Si la posture de l'ambassadeur était jusqu'à là nonchalante dans le meilleur des cas, il devenait soudainement plus intimidant aux yeux du secrétaire. Une odeur se dégageait de cet homme, une odeur de cynisme presque assumé, qu'il pouvait percevoir dans le regard désormais froid et calculateur de son homologue.

"Allons à l'essentiel, monsieur VonEcker. L'Estalie se porte garante de la flamme révolutionnaire, dans la limite de ses moyens actuels limités mais grandissants, au moins en Eurysie. Vous êtes évidemment nos frères d'armes et notre nation ne voit la politique locale que dans une logique de confrontation, pour l'instant indirecte, avec le néolibéralisme délibéré de nos adversaires onédiens. Alors si la DCT le demande, oui, Mistohir se portera à votre secours.
- Je vous remerci-
- Je n'ai pas fini, monsieur le Secrétaire. Sachez néanmoins que l'Estalie ne peut intervenir ou forcer son armé et sa population à accepter une protection envers vous sans que cela ne nous soient pas bénéfiques aussi. Nous défendons la Révolution...mais pour que celle-ci triomphe, elle doit en avoir les moyens.
"

Bordel, voilà pourquoi il n'aimait pas discuter avec les Estaliens : ces libertaires avaient le Malin en eux, ils étaient en capacité de vous porter de grands discours idéalistes sur la protection d'un pseudo-idéal révolutionnaire avant d'emboîter le pas avec un pragmatisme politique et économique froid comme l'acier et dur comme du granite. C'était typiquement le double-discours husakiste qu'il détestait pardessus tout, dont la FDA en faisait déjà la démonstration à domicile, souvent avec amateurisme. Il n'était pas rare que les députés de la FDA tentent de copier maladroitement la rhétorique estalienne, utilisant parfois des expressions issues de folkore culturel estalien directement, ne cachant guère leur inspiration aux yeux du CCA. Sauf qu'entre l'amateurisme des députés de la FDA et les Estaliens eux-mêmes, l'écart était immense...non pas seulement immense, il était abyssal.

"Monsieur l'ambassadeur, je suppose que vous demandez des garanties. Je suis prêt à les entendre, si c'est ce que vous voulez.
- Cela me semble assez simple, monsieur le secrétaire et je vais pas y aller par quatre chemins. L'Estalie s'est satisfaite jusqu'ici des accords que nous avons signés il y a deux ans à la Conférence d'Anslav. Mistohir l'a signé car elle croyait sincèrement en votre reconstruction et en votre programme. L'intention de mon gouvernement était simple : avoir un allié solide en Eurysie de l'Est. Vous comprenez bien qu'avec une région dominée par les fascistes, les libéraux, les réactionnaires et les monarchistes en tout genre, l'Estalie se sent "légèrement" menacée sur son flanc oriental.
- C'est compréhensible...
- Ravi que vous compreniez aussi vite. Là où je veux en venir, monsieur le Secrétaire, c'est que vous avez déçu l'Estalie. Votre politique n'a pas été concluante, malgré les investissements estaliens, malgré vos promesses, malgré les tentatives maladroites de Lyonnars de nous rassurer. Je vais être honnête, Mistohir a été très déçue de la tournure des événements. La République Transalvique est devenue une des nations les plus riches d'Eurysie, est devenue un modèle de réussite économique et sociale, un "phare de la liberté" dans cet endroit sombre du continent eurysien et vous, vous vous êtes contenté de tourner en ridicule notre camp par des méthodes économiques inefficaces. La Démocratie Communiste de Translavya est un échec aux yeux de la communauté internationale, une tentative maladroite de l'impérialisme loduarien de montrer qu'elle peut reconstruire ce qu'elle a détruit.
- Et vous, avec la Kartvélie ?
- Ne changez pas de sujet, monsieur le Secrétaire.
"

VonEcker tenta bien de contre-attaquer avec la Kartvélie mais il savait que c'était vain. Il était en train de se prendre un savon de la part de l'ambassadeur et en un sens, c'était mérité : les chiffres parlaient à sa place. Oui, la DCT avait échoué face à la RT et son existence tenait de la perfusion des Loduariens. Leur disparition et le besoin désormais évident de la DCT de trouver un nouveau protecteur met en évidence cette réalité : celle que la DCT est destinée à être guidée par autrui, faute d'être autonome dans sa politique. Cependant, le Translave pensait que le jugement de Milov était trop sévère, trop dur : l'ambassadeur n'était pas là pour voir les difficultés politiques lors de l'organisation de la reconstruction, il n'a pas su quelle difficulté c'était de devoir compter sur la politique internationale loduarienne pour agir à l'étranger, il ne savait pas comment ses réformes avaient pu échouer (parfois avec le concours de ses amis husakistes !). Oui, la DCT avait échoué, mais la conjoncture explique beaucoup de choses.

"Voilà ce qui va se passer dorénavant, monsieur le Secrétaire. L'Estalie ne souhaite pas vous assujettir. Nous ne sommes pas la Loduarie et je ne suis certainement pas Lorenzo. Cependant, vous devez comprendre que nous allons devoir prendre en charge certains...domaines pour assurer que vous soyez un allié digne de ce nom et non un boulet. Les mères estaliennes pleurent déjà leurs enfants dans le Saïdan, il faudra plus que la "camaraderie révolutionnaire" pour leur demander d'envoyer leurs fils en DCT si ça venait à mal tourner.
- Que voulez-vous ?
- Nous allons renégocier l'accord de la Conférence d'Anslav en ce qui concerne les clauses liant l'Estalie à votre Etat. Je souhaite que vous procédiez à la mise en place d'une nouvelle Commission qui devra se charger de la restructuration économique. De plus, il sera nécessaire que pour assurer la sécurité de notre accord sur le chemin de fer entre Anslav et Fransoviac, la SCP-DCT prenne le contrôle du tronçon sur votre sol.
- Vous me demandez de privatiser le chemin de fer ?
- Privatiser ? Bien sûr que non. La SCP-DCT l'exploite et le construit seul déjà. Non, ce que nous voulons, c'est que la SCP-DCT obtienne des garanties légales sur ce chemin de fer, notamment en ce qui concerne la sécurité.
- Soyez plus clair.
- La SCP-DCT devra être autorisée à disposer de ses propres forces de sécurité pour assurer la protection du chemin de fer.
- Vous rigolez ?! Cela reviendrait à autoriser des paramilitaires chez nous !
- Des paramilitaires qui vous aideraient, vous et votre gouvernement, à ne pas sombrer en cas de...renversement intérieur...ou d'invasion étrangère.
"

L'ambassadeur avait visiblement tout calculé mais VonEcker savait pertinemment que cette hydre qu'il avait en face de lui, cette vipère, ce poulpe aux tentacules acérées, sous-entendait quelque chose de plus fort. Un renversement intérieur ? Peut-être que l'ambassadeur faisait référence à la FDA et la CCT ? Il est vrai que les manifestations et les demandes populaires étaient connues de tous mais cela n'allait pas renverser le régime, pas vrai ? Ou alors, l'ambassadeur sous-entend quelque chose de plus profond...comme une implication du SRR. Si c'était le cas, c'était clairement une menace de Coup d'Etat. Le Secrétaire avait compris : les Estaliens le tenaient en otage, ils avaient tout prévu, y compris qu'il viendrait ici, qu'il négocierait. Mais qu'avaient-ils prévus s'il refusait ? Il ne préférait pas faire l'expérience. Il soupira et se ressaisit, essayant de se calmer.

"Très bien, je...je ferais le nécessaire.
- Je vois que nous nous comprenons parfaitement, monsieur le Secrétaire, ça me plaît. Bien, passons à l'aspect militaire maintenant.
- Militaire ? Comment ça ?
- Eh bien vous souhaitez notre protection militaire, pas vrai ?
- Vous n'allez pas faire débarquer chez nous toute une armée, tout de même.
- Et pourquoi pas ?
- Parce que vous allez embraser la région !
"

L'ambassadeur prit un air renfrogné, visiblement peu satisfait de la réponse du secrétaire. VonEcker devait se montrer inflexible quant à lui. Oui, il avait besoin de la protection estalienne, d'un traité de défense mutuelle, certainement. Mais pas d'une présence militaire directe. Il savait déjà que la présence militaire loduarienne irritait les Onédiens, il ne pouvait risquer la provocation en acceptant des Estaliens sur son sol. Que ferait l'OND ? Que ferait la Polkême ? Il est évident que si les Estaliens posaient le pied en DCT, ce serait une escalade militaire dans lequel la victoire serait difficile à assurer. Il ne devait pas céder, la sécurité nationale en dépendait.

"Expliquez-vous, monsieur le Secrétaire.
- Ecoutez, je comprends que vous vouliez une base militaire en DCT et je comprends tout à fait que la défense du pays serait plus simple avec une force estalienne déjà présente sur notre sol mais je vous assure que vous allez provoquer une escalade militaire. Je ne doute pas des capacités de l'Armée Rouge : vous avez une force terrestre redoutable, je n'en doute pas, et vous pourriez envahir la RT et la Polkême en quelques heures individuellement. Mais l'OND réagirait automatiquement.
- Cet argument, vous le tenez des Loduariens.
- Et il se tient ! Ecoutez, que vous vous méfiez des Loduariens est une chose mais leur raisonnement était loin d'être dénué de bon sens : nous n'avons pas besoin d'une escalade militaire. Je vous en prie, si vous voulez vraiment nous aider, optez pour autre chose.
"

L'ambassadeur entra dans un lourd silence. Un silence qui durait plusieurs siècles aux yeux du secrétaire translave. Un silence qui en disait long : stupéfaction d'avoir été contredit par un homme qu'il croyait à sa merci, crédulité devant le raisonnement logique du secrétaire, reconsidération de sa position initiale. Il finit par se reprendre, espérant que ce moment de vulnérabilité ne soit pas perceptible aux yeux du Translave :

"Très bien. Dans ce cas, que dites-vous d'un partenariat ?
- Quel genre de partenariat ?
- Voilà ce que je vous propose : l'Estalie se charge d'envoyer des instructeurs en DCT pour entraîner vos forces et réformer ces dernières, une Commission sera mise en place pour restructurer votre industrie de la défense avec le soutien des entreprises de la défense estaliennes et vous aurez également la possibilité d'envoyer vos troupes en Estalie pour mener des entraînements conjoints avec nos troupes afin d'améliorer la coordination entre nos forces en cas de conflit. Je pense que si la protection directe de l'Armée Rouge n'est pas possible, nous devons favoriser votre autonomie. C'est un plan d'étude qui me semble déjà en développement en Kaulthie.
- J'en ai entendu parler. J'ai entendu dire que les Kaulthes en étaient satisfaits.
- Exact. Alors ? Qu'en dites-vous ?
"

C'était un piège. Oui, évidemment, tout ce que cet homme proposait étaient des pièges ! Tous ! Il savait qu'en acceptant, il mettrait peut-être l'Armée Populaire de Translavya sous tutelle. Mais il n'avait pas vraiment le choix : son armée avait un équipement correct mais son industrie de la défense était incapable de suivre et l'entraînement et l'organisation des troupes s'étaient effondrés avec le départ des instructeurs et officiers loduariens. Les cadres loduariens partis, la professionnalisation des forces armées était en danger, ni plus ni moins. Il fallait des remplaçants. Certes, les Estaliens avaient moins d'expérience militaire, en tout cas à première vue (bien que les combats au Saïdan et les travaux en Kaulthie démontraient la forte capacité d'adaptabilité et de résilience des militaires estaliens, encore un coup de leur flexibilité constante) mais ils étaient proches, disponibles et surtout en capacité de réformer sévèrement l'APT en peu de temps. Ils avaient pu le faire chez eux, en Kartvélie et en Kaulthie. Pourquoi la DCT ferait exception ? VonEcker devait accepter à contrecœur à ce qui ressemblait fortement à une mise sous tutelle militaire mais il préférait ça à un Coup d'Etat ou à une invasion onédienne.

"Très bien. Vous avez ma parole.
- Je sais que la parole a une valeur d'or dans votre culture. Nous, les Estaliens, préférons les accords écrits. Un de mes associés vous enverra les détails prochainement. Débrouillez-vous pour le faire passer à votre gouvernement.

Le Secrétaire se leva, espérant en avoir fini mais se retourna soudainement vers l'ambassadeur, oubliant un détail.
- Ah et concernant la situation politique.
- Je règle le problème dans la semaine, camarade.
"

Le regard souriant et triomphant de l'ambassadeur fit froid dans le dos au secrétaire. Ses peurs étaient fondées : ils tiraient effectivement les ficelles dans l'ombre, il en avait maintenant la certitude. Et il n'avait aucun moyen d'agir contre cette hydre qui avait infecté son propre pays. Il a fait rentrer le loup dans la bergerie.

"Au revoir, camarade."
VonEcker souffla de soulagement en sortant de l'ambassade. Il avait trouvé un accord avec l'Estalie, un accord qui lui permettrait de maintenir les eurycommunistes au pouvoir et de mettre probablement un terme aux opérations subversives du SRR qui pourrissent la politique locale de l'intérieur comme la peste. Bien qu'il ne faisait nullement confiance aux Estaliens, il savait tout de même que ces derniers avaient un minimum de bon sens : à moins d'être marginal, le PET ne sera jamais renversé par le SRR lui-même. Maintenant, la partie la plus ardue s'annonce maintenant que la vipère a été endormie : il faut convaincre le peuple.
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