11/05/2017
22:45:06
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[Teyla-Estalie] Ad bellum pacemque parati

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Ad bellum pacemque parati !

Lieu


Le Royaume de Teyla était changé, il n'était plus le même depuis la chute de la Loduarie Communiste. C'était une longue histoire qui se terminait à peine, comme la braise d'un feu de cheminée. Quand on y regardait de plus près, le Royaume de Teyla semblait avoir une capacité assez inexplicable à survivre aux grands de ce monde ou encore aux nations qui lui sont hostiles. La Loduarie Communiste ne venait que renforcer ce sentiment après que ce sentiment naquit après la disparition du Pharois. Cette disparition avait marqué les esprits et, du jour au lendemain, le Royaume de Teyla n'était plus menacé par une potentielle attaque de la Flotte pharoise, s'il le fut un jour. La Loduarie Communiste et son effondrement avaient créé le même sentiment au sein des institutions teylaises. Mais ce qui fut nouveau, c'est que ce sentiment de tranquillité naquit dans la population teylaise et se répandait comme une traînée d'essence allumée.

Non pas du jour au lendemain, mais en l'espace de quelques jours, le Gouvernement de la Loduarie Communiste, repris par la femme de Lorenzo après la mort de ce dernier, s'était effondré suite à un enchaînement de mauvaises décisions. Plusieurs groupes firent sécession, entraînant la Loduarie Communiste dans une lente, mais sûre agonie. Dès la mort de Lorenzo, les Teylais avaient fêté avec joie la chute de cet homme, non pas la chute, mais la mort. Ils avaient fêté dans les rues de tout le pays la mort de cet homme qui, selon eux, était à l'origine de la mort de deux Teylais, Marie et Corentin. Il était à l'origine de tous les maux du Royaume de Teyla sur la scène internationale. Nul Teylais habitant à la frontière teylo-loduarienne ne dormait sereinement. La crainte d'un bombardement suite à une colère de Lorenzo ou une traversée de la frontière, se transformant en invasion armée, était dans tous les esprits de ces habitants. Depuis deux mille onze, la Loduarie Communiste avait redessiné, de la mauvaise façon, le paysage politique du Royaume de Teyla.

Les autorités loduariennes avaient légitimé, plus que nécessaire, la création de l'Organisation des Nations Démocratiques auprès des partis politiques, mais aussi de la population. Nul, outre une minorité, ne remettait en cause la présence du Royaume de Teyla dans cette organisation et ceux qui avaient l'audace de le faire ne recevaient que très peu d'attention de la part de l'opinion publique. Elle remerciait, au contraire, cette organisation et ses membres qui n'ont pas hésité à déployer des troupes au Royaume de Teyla en nombre pour assurer la défense du Royaume contre toute potentielle attaque envers le Royaume. L'interception des avions loduariens en direction de Valinor démontrait que l'équilibre des forces avait changé, mais que malgré cela la Loduarie continuait à s'enfoncer dans une politique agressive, aux dépens des intérêts de la Loduarie Communiste.

Alors oui, quand Lorenzo, le plus haut représentant du système loduarien, mourut, les Teylais fêtèrent cet événement avec un grand enthousiasme. On avait manifesté dans les rues la joie, chanté la mort du dictateur et brûlé des effigies en carton de cet homme. Du côté de la frontière, les citoyens s'amusaient à narguer les troupes loduariennes, bien que tenus à distance par la Police Royale. Du côté du gouvernement, on se tut. Aucun hommage, aucun regret, mais aucune joie ne fut démontrée. Seul un communiqué ouvrant la voie à la diplomatie avec la nouvelle administration fut fait et publié au nom du Gouvernement de Sa Majesté. Mais outre cela, on était conscient du côté du Premier ministre que l'État teylais devait rester neutre, pour que cette voie diplomatique soit réellement possible. À l'époque, on ne savait pas encore qui allait reprendre le pays, mais on estimait très probable qu'un proche de Lorenzo reprenne le pays et l'hypothèse fut la bonne.

Bien que les renseignements s'étaient préparés à une chute du régime et du pays, cette dernière n'était pas prévue avant une année. Alors quand les premiers éléments, plus que probants, démontrant une chute du régime dans les quarante-huit heures, eurent remonté aux oreilles d'Angel Rojas, il ne pouvait y croire et aucun membre du gouvernement n'y crut. On n'était pas avare de compliments sur la Loduarie au Royaume de Teyla. Toutefois, on savait la résilience du régime et du pays entier, alors même qu'il vivait ses pires heures. On pensait assez facilement, au sein du Gouvernement, que les quarante-huit heures allaient devenir soixante-douze heures, puis une semaine et ainsi de suite. Ce n'était pas l'esprit qui régnait dans les renseignements. Pour ces derniers, la Loduarie Communiste vivait ses dernières heures. Ce n'est qu'après vingt heures et voyant les situations de pillages, de sécession se multiplier, bien que la situation dans la capitale soit relativement calme, qu'Angel Rojas comprit la gravité de la situation.

C'est en pleine nuit, à deux heures du matin, que le Premier ministre réunit le cabinet entier et Sa Majesté, pour savoir que faire. En outre, le renseignement avait fait des recommandations, ils ne faisaient plus que cela, on aurait pu croire. Ce qui est bien avec les recommandations, pensèrent tous les Gouvernements successivement, c'était qu'on n'était pas obligé de les suivre. Ces recommandations ne prenaient pas en compte l'attrait et le gain électoral que pouvait bénéficier le parti au pouvoir, elles ne prenaient pas en compte la volonté propre du gouvernement et du Parlement. Cela n'était que des recommandations après tout. L'ambiance à deux heures du matin n'était pas la meilleure de toutes. Le silence était de mise, on pouvait entendre les cliquetis de la prise de notes des différents officiels présents dans la pièce, alors que les hauts gradés du renseignement et militaire se relayaient pour présenter les options au chef du gouvernement.

- La situation est floue, mais nous savons que l'effondrement va en s'accélérant, Votre Excellence, raconta avec un ton empreint de gravité un éminent haut gradé de la Direction Extérieure du Renseignement Royal à l'Assemblée, attentive et parfois apeurée.

S'il avait bien un homme qui priait pour la fin de la Loduarie Communiste secrète, c'était bien le Premier ministre. Ses débuts de mandats étaient partis par l'assassinat reconnu par les autorités loduariennes, de Marie et Corentin, deux Teylais qui étaient en territoire loduarien lors du crime. Cet événement avait marqué Angel Rojas qui n'était pas prêt psychologiquement à une telle violence dans la diplomatie entre deux nations. Il savait qu'il aurait à muscler son jeu en tant que Premier ministre, mais pas à ce point. Cet événement avait enclenché des crises d'angoisse chez l'homme à chaque crise avec la Loduarie Communiste. C'est l'une des raisons qui expliquait l'envie du Gouvernement de Sa Majesté de maintenir un dialogue constant avec la Loduarie, malgré les nombreux affronts et insultes envoyés à la diplomatie teylaise. Alors si la Loduarie disparaissait, il allait mieux dormir lors des prochaines nuits. Mais ce jour-là, il n'avait guère le temps de penser à ces nuits de sommeil. Il revenait à la charge du Gouvernement de Sa Majesté de s'assurer que le pouvoir en place n'agisse pas de manière agressive envers une nation voisine pour tourner les regards, de s'assurer que les stocks d'armes ne circulent pas partout en Eurysie, de s'assurer de la protection des ressortissants teylais qui restaient là-bas malgré le rappel. Ils étaient vingt-deux, selon Pierre Lore. Une situation gérable, selon les divers officiels qui prenaient la parole à tour de rôle.

Nombre de décisions avaient été prises à la Résidence Faure autour du Premier ministre. Bien qu'il n'avait pas un pouvoir très important, le Premier ministre, étant un régime parlementaire, c'est pour ces moments-là que le Premier ministre avait une aura supérieure parmi la population, mais aussi toutes les sphères de la société teylaise. Il était entouré de tout l'appareil d'État teylais, les dossiers, les feuilles s'étalaient sur les tables, la table centrale. Les conseillers se succédaient, apportant chacun leur expertise. Mais au final, le dernier qui tranchait, qui prenait les décisions, n'était ni plus ni moins qu'Angel Rojas. Il était le chef du gouvernement du Royaume de Teyla et cela lui donnait cette prérogative en situation de crise. Il avait la légitimité du peuple.

Quant à ce peuple, revenons à lui. Il avait été soulagé par la disparition de la Loduarie Communiste et cela allait avoir nombre de conséquences politiques, alors que les élections arrivaient dans moins d'un an. Il semblait, selon les sondages d'opinion, qu'il se montrait méfiant à tout dialogue avec des nations communistes ou ayant apporté un soutien au pays suite à la mort de Lorenzo, sans pourtant être fermé à ce dialogue. Toutefois, cela était une généralité qui ne décrivait pas la complexité de la pensée des Teylais. L'extrême-droite continuait à vouloir maltraiter les Loduariens habitant déjà sur le territoire ou ayant fui très récemment la Loduarie Communiste. Le Royaume de Teyla devait refuser ces migrants, car c'étaient tous des espions. Ces discours accrochaient avant tout dans les zones frontalières à la Loduarie Communiste. Ici, à Manticore, pratiquement personne ne croyait à de tels discours.

Par ailleurs, la capitale du Royaume de Teyla, Manticore, vivait par endroits une vitalité rarement vue. L'aéroport principal de la ville était envahi de voitures officielles, de gardes du corps, de politiques nationaux venus opérer le basculement politique qu'avait entraîné la chute de la Loduarie Communiste. La rencontre qui allait suivre entre l'Estalie et le Royaume de Teyla était prévue bien avant cette chute, mais à l'égard des événements en Loduarie Communiste, elle prenait une nouvelle dimension. Tout se tut sur cette dimension, mais tout le monde savait. Le Royaume de Teyla avait peur que le sort de la Kartvélie soit appliqué à la République Translavique, ce qui entraînerait une nouvelle rivalité dont voulait bien se passer le Royaume de Teyla. Certes, cette rivalité n'était pas aussi menaçante qu'avec la Loduarie. L'Estalie ne pouvait pas atteindre aussi facilement le territoire teylais, mais le Gouvernement du Royaume de Teyla et la population voulaient souffler. Or, avec la disparition de la Loduarie Communiste, non seulement le Royaume de Teyla avait le temps de souffler, mais plus encore de détourner son regard sur des sujets qu'il estimait secondaires ou non importants. Parmi ces sujets-là, il y avait le risque de guerre en Eurysie de l'Est suite à l'impérialisme de l'Estalie.

Alors Pierre Lore et Angel Rojas attendaient patiemment sur le tarmac de l'aéroport, avec une foule de hauts personnages teylais. Il y avait, bien entendu, la garde royale prête à dégainer les sabres devant leur visage à l'arrivée de la délégation, mais contrairement aux nations démocratiques, aux partenaires du Royaume de Teyla, il n'y avait pas Sa Majesté présente. Et il n'y aurait pas la célèbre déclaration : "Votre présence sur le sol teylais vous place au champ de l'honneur du Royaume de Teyla." On n'envahit pas un pays impunément et, outre cela, l'Estalie était-elle neutre envers le Royaume de Teyla et la République Translavique ? Une situation qui n'était pas encore totalement claire. L'Estalie avait tout de même droit à la garde d'honneur et à la présence de nombreuses personnalités. Angel Rojas accueillit la délégation étrangère sur un ton cordial.

-Vos Excellences, je suis honoré de pouvoir accueillir au Royaume de Teyla. Nous avons tant de choses à discuter, Vos Excellences, mais avant cela, nous avons du temps, devant-nous !
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Nous voilà dans le Repère du Malin, restez vigilants.


Heureusement, le vol depuis Mistohir s'était passé sans encombres, ça avait de quoi rassurer la Commissaire aux Relations Extérieures. Depuis l'interception du convoi loduarien au sud de Teyla il y a plusieurs mois de cela, une blague récurrente en Estalie était de dire que les cieux ouest-eurysiens étaient aussi sûrs que les grottes réactionnaires du Saïdan. Heureusement pour Kristianya Volkiava, ces blagues de mauvais goût n'avaient aucun fondement réel et l'avion de ligne officiel du gouvernement fédéral avait pu atteindre l'aéroport international de Manticore sans encombres quelconques. Or, ce qui taraudait la Commissaire était bien plus profond que la prise en compte de simples rumeurs de son pays natal. La situation géopolitique avait évolué à toute vitesse et avait placé l'Estalie dans une position diplomatique dans laquelle la Commissaire estimait que son pays n'était pas prêt. Avait-elle accepté cette rencontre pour cette raison ? Pour temporiser. Elle se souvient vaguement qu'elle avait catégoriquement refusé des négociations avec Karty il y a plus d'un an, pourquoi n'a-t-elle pu se résoudre à rompre toute idée de négociation avec les Teylais ?

Alors qu'elle se torturait l'esprit avec une situation dont elle avait l'impression que tous les acteurs autour d'elle l'a dépassait, son homologue s'assit en face d'elle alors que le commandant de bord annonce que l'aéronef arrivera sur piste dans moins de quinze minutes. Kristianya scruta son collègue en face d'elle : un certain Velislav Vinograd. Sa nomination par le Congrès International des Travailleurs pour l'accompagner en tant que second à la délégation l'avait laissé perplexe, surtout que sa nomination était douteuse à bien des égards. C'est un délégué du Comité de Défense Internationale, un des clubs radicaux du BAR, mais ce qui trouble le plus la Commissaire reste la façon dont sa nomination a été effectuée. En effet, lorsque la Commission aux Relations Extérieures avait annoncé qu'une rencontre avait été planifiée avec Teyla, la nomination d'un second à la délégation estalienne s'était dans un premier temps apparenté à une dispute parlementaire intense, chaque club voulait que son représentant accompagne la Commissaire pour faire valoir son point de vue ou pour juguler une hypothétique radicalité de la Commissaire, ou au contraire pour la forcer à ne pas être trop molle avec les Teylais. C'était un paradoxe bien étrange auquel la Commissaire était habituée désormais : elle n'était pas assez radicale pour les radicaux et pas assez modérée pour les modérés, un vrai enfer à équilibrer. Cependant, ce qui lui avait semblait étrange, c'est lorsque le Comité de Défense Internationale nomma Velislav Vinograd, un illustre inconnu, et que dans une scène quasi-lunaire, le choix du Comité de Défense Internationale fut suivie par la majorité husakiste, pourtant elle-même divisée entre radicaux, modérés et conformistes. Elle regardait ce Velislav avec une méfiance dissimulée : ce délégué, elle n'en a jamais entendu parler de toute sa carrière politique et elle craignait le pire. Son instinct l'a poussait à se méfier et pour cause, au moment d'embarquer à Mistohir, elle ne put s'empêcher de constater un tatouage au niveau du cou du jeune homme : un tatouage au cou, c'était devenu la mode chez les éléments les plus radicaux du GI, les forces spéciales du SRR. Est-ce que le SRR lui avait collé un mouchard en tant que second pour la surveiller ? Plus les jours passent, plus elle voit ce service de renseignements comme une gêne plus qu'une aide précieuse.

Elle soupira d'exaspération. Même si le SRR lui avait collé un de ses agents en tant que second, elle devait composer avec de toute manière et puis faire bonne figure auprès de cet homme, qu'il soit des services du renseignement ou non, lui donne une opportunité de montrer patte blanche et de calmer les ardeurs révolutionnaires du service. Velislav engagea la conversation :

"Vous m'avez l'air nerveuse, Commissaire.
- Rien ne vous échappe, Velislav.
- L'idée même de rencontrer ce que nous sommes censés combattre peut être dérangeante, je reconnais. Cependant, il me semble avoir compris comment votre stratégie diplomatique fonctionne.
- Ah oui ? Vous m'en voyez ravie.
- Une politique internationale pragmatique, qui sert les intérêts de la Fédération d'abord. Sachez que si c'est votre ligne, je l'a respecte et j'essaierais de m'y conformer durant l'entrevue.
- Je vous remercie, Velislav. Nous ne sommes pas du même club mais je reconnais bien là une certaine lucidité de votre part.
"

De toute évidence, Velislav semblait jouer le jeu, son rôle n'était visiblement pas de lui mettre des bâtons dans les roues durant la rencontre à première vue mais elle était sûre que le moindre mot qu'elle emploierait auprès des Teylais sera analysé et décortiqué par son homologue. L'avion commença sa descente finale sur la piste d'atterrissage tandis que Velislav regardait sa montre, ils étaient piles à l'heure pour une fois.

"Vous savez, madame la Commissaire, les Teylais s'attendent à ce que nous soyons conciliants à leur égard. Je n'ai pas la prétention de vous dire ce que vous avez à faire mais comme vous l'avez dit, notre politique se doit d'être pragmatique. En somme, nous devons conserver nos intérêts économiques et politiques intacts.
- Les Teylais sont habitués à traiter avec les Loduariens lorsqu'il s'agit de communistes, on doit s'attendre à ce qu'ils aient ce biais également à notre égard. Nous devons leur montrer que nous ne sommes pas la Loduarie, afin que les négociations se déroulent correctement.
- Je pense tout de même qu'il subsiste un air de méfiance entre eux et nous.
- Vous m'en direz tant. En moins de deux ans, le SRR a rayé deux régimes de la carte. Il y a de quoi se méfier.
"

L'aéronef se posa alors sur la piste et finit par s'arrêter devant la délégation teylaise qui allait les accueillir. Il était enfin l'heure de rencontrer leurs homologues teylais : ce serait la première rencontre entre l'Estalie et un des Etats membres de l'OND, l'heure au Nouvel Ordre eurysien d'émerger et au nouveau jeu géopolitique du continent de se mettre en place progressivement et bien que les Teylais considèrent ces affaires comme strictement cantonnées à l'Eurysie orientale, ils en oublieraient presque que le regard de Mistohir ne se limite plus aux steppes et aux montagnes de leurs terres natales mais s'étend de jour en jour bien plus loin, vers l'ouest. La Commissaire fut quelque peu surprise par la levée de sabres de la garde d'honneur : il est vrai que rares sont les nations est-eurysiennes qui mobilisaient leur garde d'honneur pour ce type d'accueil. Feignant un regard impassible mais cordial malgré tout, la Commissaire s'avança devant le Premier Ministre Angel Rojas pour échanger une poignée de mains cordiale.

"Enchanté d'enfin vous rencontrer, monsieur le Premier Ministre. Je suis Kristianya Volkiava, Commissaire aux Relations Extérieures de la Fédération des Peuples Estaliens, en charge de la diplomatie estalienne à l'international et je vous présente Velislav Vinograd, mon second pour cette délégation.
- Ravi de vous rencontrer, messieurs. En tant que délégué, je représente avant tout le Congrès International des Travailleurs, je suis les yeux et les oreilles de notre appareil législatif pour cette entrevue.
- Nous avons effectivement beaucoup de choses à aborder, M.Rojas. Entre l'organisation convenue de cette rencontre et aujourd'hui, nombre d'événements géopolitiques ont bouleversés le continent eurysien, des événements qui nous concernent tous les deux, j'espère que nous serons en mesure de pouvoir en discuter calmement et librement.
"
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Ad bellum pacemque parati !

Lieu


Angel Rojas sourit, mais lorsque Velislav Vinograd insinua être un espion ou un semblant de commissaire politique du pouvoir central surveillant les actes des diplomates, Angel Rojas ne sourit plus que de façade à ses interlocuteurs étrangers. Fidèle à lui-même, Pierre Lore resta les mains jointes derrière son dos et écouta les paroles des étrangers sans émettre un jugement facial, bien qu'il jugea fortement les informations que donnaient les étrangers à la diplomatie teylaise. En outre, la présence des Estaliens sur le sol teylais offrait beaucoup d'informations à la diplomatie teylaise, ce qui satisfaisait le ministère des Affaires Étrangères et son administrateur Pierre Lore. Le Gouvernement de Sa Majesté était convaincu qu'on pouvait parler avec les Estaliens et la présence des Estaliens était en accord avec l'analyse du gouvernement, sauf si c'était une présence de façade, mais Pierre Lore n'y croyait pas, sans toutefois écarter que l'Estalie n'allait pas forcément écouter éternellement les accords qui allaient peut-être être conclus le jour de la rencontre diplomatique.

Le Royaume de Teyla voulait s'assurer que l'Estalie n'était pas la Loduarie Communiste concernant la diplomatie et que des accords pouvaient être trouvés. Si tel était le cas, alors un poids allait être enlevé sur les épaules du Premier ministre et de son Gouvernement. L'Assemblée nationale et notamment l'opposition poussaient pour que le Gouvernement assure la sécurité de la République Translavique, or le Gouvernement voulait réduire le déploiement teylais là-bas au regard du coût financier et que l'armée teylaise n'était pas extensible indéfiniment. Avoir des signes positifs venant de l'Estalie, cet État impérialiste comme le montraient ses deux conquêtes récentes de nations, était un impératif pour réduire le déploiement teylais. Toutefois, la ministre des Armées et de la Défense Nationale Lucie Jaunette estimait que même en cas de signe positif de l'Estalie, cela serait une lourde erreur pour le Royaume de Teyla, malgré les dons d'armements déjà réalisés et prévus à l'avenir.

Angel Rojas se concentra sur les mots de Velislav Vinograd et il vit le tatouage dans le cou de cet homme. Il ne dira rien, mais il fit un sourire plus grand, presque en montrant les dents à son interlocuteur. Mais il se retint à temps de le faire. Que voulait dire ce tatouage ? Il ne le savait pas et visiblement les renseignements teylais ne le savaient pas, sinon ils en auraient parlé dans une note de renseignement au briefing de la rencontre diplomatique. Une information intéressante, mais qui ne lui servait à rien à part à la méfiance. Il n'oublierait pas d'en parler à la Direction Extérieure du Renseignement Royale après la rencontre diplomatique. À la remarque de Kristianya Volkiava sur les événements passés avant cette rencontre, Angel Rojas leva les yeux au ciel, montrant son accord, mais aussi son désarroi face à la rapidité des événements.

- Je suis d'accord avec vous, Votre Excellence, répondit Angel Rojas d'un ton sec, mais cordial. Nos services de renseignements avaient anticipé la chute de la Loduarie Communiste, mais pas aussi rapidement. Au pire, la chute du pays devait avoir lieu dans cinq ans, les premiers signes sérieux et pouvant poser des problèmes de sécurité nationale devaient apparaître il y a un an. La vie a ce côté brutal saisissant par moment et nous rappelle sans prendre de gant que nous ne sommes que des êtres mortels.

- Nous n'oublions pas que derrière la chute de la Loduarie Communiste, ce sont des millions de femmes et d'hommes qui se retrouvent dans une situation chaotique, dit Pierre Lore, analysant la situation froidement et rappelant l'humanisme dans la politique diplomatique teylaise qu'il conduit depuis deux ans et demi maintenant. Par ailleurs, je suis Pierre Lore, ministre des Affaires Étrangères du Royaume de Teyla, c'est avec moi que la Fédération des Peuples d'Estalie a échangé par missive diplomatique. Je vous invite à monter dans le convoi, dit-il en montrant des mains des berlines noires.

Les deux délégations montèrent dans des berlines différentes. La diplomatie teylaise estima que les Estaliens voudraient être tranquilles pour la suite du voyage les amenant dans un endroit bien connu de Pierre Lore. Angel Rojas et Pierre Lore avaient apprécié être seuls lors du trajet à l'aéroport au lieu de rencontre avec le Saint Empire de Menkelt. Ils avaient fortement apprécié ce geste, un geste que la diplomatie teylaise répéta en cet instant avec une autre délégation. De toute façon, Pierre Lore voyait les Estaliens comme des solitaires, alors les laisser seuls entre eux durant le temps du trajet allait de soi. Angel Rojas dit à Pierre Lore d'un air interrogateur et songeur :

- Pierre, tu as vu sur le cou de l'homme ?

- Je ne sais pas de quoi tu me parles, je dois avouer Angel.

- L'homme avait un tatouage, mais il ne semblait pas être un de ces tatouages que les jeunes se font pour paraître beaux ou parce qu'ils ont trouvé le papillon trop mignon. Il doit y avoir une signification derrière que ni moi ni les renseignements n'avons.

- Surement un symbole d'une unité Estalienne à laquelle doit appartenir ce type ? Franchement, il ressemble plus à un soldat qu'autre chose si on me demande, et je ne voyais pas les Estaliens envoyer un observateur militaire dans la rencontre. Ils parlent à l'une des meilleures armées d'Eurysie et ils ont sûrement des vues sur toute l'Eurysie de l'Est et la Démocratie Communiste de Translavya. S'ils veulent envahir le pays, ça m'étonnerait pas qu'ils envoient un type de l'armée pour s'assurer que la diplomatie estalienne comprenne bien ce qu'on dit sur le militaire.

Le convoi traversa la capitale à une vitesse convenable. Les Estaliens purent apercevoir que Manticore, la capitale du Royaume de Teyla, avait terminé sa transformation et sa reconstruction suite à la croissance obtenue en deux mille onze. Les hauts immeubles d'acier ou de verre avaient fini leur modernisation et s’élevaient fièrement vers le ciel, avec parfois de la végétation tout du long des façades, faisant poser dans le débat public la question du coût d'entretien de ces bâtiments. Mais les Manticoriens étaient passionnés par la verdure, Manticore n'était pas la capitale avec le plus de parcs en Eurysie pour rien. Le quartier d'affaires flambant neuf brillait au loin de mille feux. Manticore était la capitale du contraste architectural assurément. Les bâtiments haussmanniens côtoyaient à chaque instant des gratte-ciels. La densité de population de Manticore était l'une des plus élevées d'Eurysie, mais là encore les Manticoriens avaient innové afin que la vie ne soit pas contraignante à cause de cette densité de population.

Dans le lancement de Manticore 2030, voulant faire de Manticore une ville intelligente afin d'améliorer le cadre de vie et de travail, la ville allait subir dans quelques mois le début d'une transformation inédite dans l'histoire de la capitale. La technologie allait être introduite petit à petit dans la capitale. La chaussée ne serait plus de béton, on allait y introduire des LEDs afin de permettre de changer le type de voie, selon l'heure de la journée, sans refaire la chaussée. Les feux de signalisation allaient devenir adaptatifs, capables de répondre en temps réel aux flux de véhicules, de piétons ou même aux conditions météorologiques. Des capteurs dissimulés dans le mobilier urbain réguleraient la consommation énergétique, ajusteraient l’éclairage selon la fréquentation des rues.

L'État teylais allait être transformé en profondeur pour que cette transformation ne se transforme pas en observation des citoyens teylais. Une loi déposée au Parlement et soutenue par le Gouvernement de Sa Majesté transposait plusieurs limites, actait d'une agence nationale censée surveiller chaque action du projet pour s'assurer que l'action ne se faisait pas au détriment des droits humains, de la démocratie, et de la liberté. Elle aurait un pouvoir contraignant et pouvait refuser qu'une action, construction et autre soit réalisée. Si le Gouvernement de Sa Majesté avançait vers cette direction, c'était pour donner les moyens au Royaume de Teyla de transformer son économie en une industrie de pointe et de haute technologie et de construire un modèle industriel sur les nouvelles technologies. Toujours fidèle à la science, les élites teylaises voyaient une nécessité de transformer l'économie teylaise en une économie sur les domaines qu'on croyait d'avenir pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

L'arrivée à la Résidence Faure, lieu de travail et de résidence du Premier ministre, se passa normalement. Une haie d'honneur de gardes royaux à l'entrée attendit les délégations et le convoi. De leurs mains gantées, les gardes royaux mirent leurs sabres devant leurs visages, reflétant le soleil sur la pointe métallique des armes, à l'arrivée des délégations. Les graviers blancs crissaient doucement sous les pneus du convoi officiel tandis que les portières s’ouvraient avec la précision d’un cérémonial minutieusement réglé. La Résidence Faure était une bâtisse aux allures futuristes, mais pas dystopique. Après quelques échanges d'amiabilité, les deux délégations entrèrent dans la Résidence Faure et l'une de ses salles, à savoir le Salon Doré. La pièce était une pièce à l'allure ancienne, mais dont les meubles avaient cet aspect moderne et ancien. Ces meubles avaient été faits par des artisans teylais auxquels on avait demandé de respecter l'allure extérieure de la résidence tout en respectant 'l'histoire' de la monarchie et du Royaume.

Au centre de la pièce trônait une table en bois, entourée de fauteuils confortables en cuir et à l'allure moderne, tout comme la table en bois noir. La table était dressée pour recevoir une négociation et une discussion entre deux délégations. Des verres d'eau, des verres pour accueillir d'autres boissons, des stylos, des feuilles, des places pré-définies. C'était bien une rencontre diplomatique teylaise pour que tout soit millimétré et pensé par les diplomates et le Gouvernement de Sa Majesté. À droite, il se trouvait un buffet à volonté pour les convives et une table faite pour accueillir les personnes souhaitant manger. Seul l'absence d'alcool était notable dans le buffet à volonté et autour de la table. On savait les Teylais être pointilleux sur les politiques hygiénistes, cela semblait le cas dans les rencontres diplomatiques, à moins que...

- Si vous voulez de l'alcool, vous le pouvez demander à la cuisine, Vos Excellences, déclara cordialement Angel Rojas en entrant dans la pièce.

Il se servit immédiatement un café pour lui et Pierre Lore et proposa aux invités ce qu'ils voulaient. Après ce geste d'amiabilité, tous s'assirent autour de la table.

- Bien, commença Pierre Lore. Nous pouvons dire que la rencontre est officiellement ouverte. Vous êtes les invités du Royaume de Teyla, voulez-vous commencer par un sujet particulier ? Dit-il en regardant les deux Estaliens.


Jet de perception vu avec Brown : 98.
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Pris entre deux feux.


Après leurs brèves salutations avec leurs compères teylais, les deux Estaliens entrèrent dans la voiture qui leur avait été assignée. Pour la Commissaire, cela l'a dépaysait quelque peu de savoir que le trajet se faisait de manière aussi impersonnelle. Elle savait bien qu'elle n'avait pas affaire à une nation amicale, très loin de là, mais c'était le genre de gestes qui lui faisait regretter la diplomatie kah-tanaise de temps en temps. Velislav était resté impassible quant à l'attitude des Teylais, visiblement peu impressionné et scrutant autant la réaction des dignitaires teylais que de sa propre supérieure hiérarchique, du moins supérieure en théorie. Dans les faits, si les deux étaient en Estalie, ils se seraient certainement copieusement insultés dans l'hémicycle du Congrès. Cependant, en territoire étranger, le comportement des Estaliens différait de leurs habitudes agaçantes sur leur sol natal. Si on se prenait souvent à s'exprimer ouvertement en Estalie, quitte à se foutre sur la gueule, et qu'on s'autorisait volontairement à se diviser entre Estaliens, à l'étranger, le réflexe communautaire prenait instinctivement le dessus. Cela allait bien au-delà du besoin d'appartenance que chaque être humain ressent car les Estaliens ne ressentaient pas seulement le besoin d'appartenir à un groupe social qui leur était familier, ils ne faisaient pas que s'accrocher à leur propre peuple par familiarité, c'était un réflexe de nature morale. Fiers d'eux-mêmes, persuadés de leurs différences flagrantes avec le monde qui les entourent et convaincus que leur place se situe au-dessus du jeu de pouvoir des peuples et des nations, l'instinct oblige les Estaliens, même profondément divisés, à s'unir en terrain étranger. Pendant des siècles, ils sont considérés l'autre côté des frontières comme un monde sauvage, en proie aux guerres, aux maladies et aux famines dont les Estaliens ne veulent connaître ni d'Adam ni d'Eve. Pourtant, voilà que l'anarchisme a tout changé, que le sceau isolationniste s'est rompu et que les Estaliens s'amusent maintenant à répandre l'hydre husakiste aux quatre coins de la planète, telle une bête relâchée après avoir accumulé des siècles de pulsions conquérantes refoulées par mépris. Ou plutôt...une forme de condescendance, profondément morale et quasi-paternaliste. C'est ce qui expliquait que naturellement, malgré leurs profondes divisions chez eux, Volkiava et Velislav s'échangeaient des regards qui tenait davantage de la camaraderie que de la suspicion ou de la haine. Bien que les deux étaient husakistes, Volkiava était une modérée avant tout et bien qu'elle ait dû suivre le mouvement quand la Kartvélie s'est effondrée sous les coups d'épées idéologiques incessants du SRR, la Révolution Brune n'était pas son initiative. Ce n'était pas non plus sa volonté, elle aurait cru davantage à ce que les husakistes prennent le pouvoir par la voie électorale, ce qui aurait permis d'éviter que les trois quarts du pays ne tombe entre les mains de seigneurs de guerre locaux et que le pays soit plongée dans une large misère, sans oublier la non-existence de ce conflit insensé au Saïdan. Mais voilà, le SRR avait des résultats rapides, bien qu'imparfaits. "On discute avec nos alliés et on écrase nos ennemis. Vous faites la première partie, on s'occupe de l'autre" lui avait-on insinué au début de sa fonction en 2014. Autant dire qu'avoir accepté une entrevue avec Teyla, un ennemi idéologique "naturel" de l'Estalie, ça avait fait grincé des dents le SRR, raison pour laquelle elle avait maintenant Velislav au cul au lieu d'un délégué quelconque du Congrès.

Velislav regarda par la fenêtre la ville de Manticore qui s'étendait au loin. La Commissaire lui emboîta le pas et put constater ce que les Teylais avaient aménagés dans le cadre de leur plan, Manticore 2030. Elle prit un air mitigé, à la fois admirative de ce progrès technologique et peut-être un peu dubitative car là où les Estaliens commençaient à peine à envisager l'aménagement urbain du futur, les Teylais l'appliquaient.

"Ils innovent. Ils sont en avance même. Autant, Manticore est une belle ville, autant cela m'effraie de voir comment cette ville se transforme à une telle vitesse.
- Sur certains points, la ville ressemble à Mistohir.
- Oui et non. Le gouvernement royal avait mené son projet de réaménagement de la capitale dans les années 1990's pour en faire la vitrine de l'Estalie libérale. Je suppose que Manticore faisait partie des sources d'inspiration du projet.
- Si vous voulez mon avis, Fransoviac ressemble davantage à Manticore que Mistohir qui a eu la décence de conserver la plupart de ses bâtiments historiques.
- Fransoviac était une ville de bourgeois, une ville de banquiers...donc oui, d'une certaine manière. En tout cas, l'avancée technologique dans le domaine urbain qu'ils mènent me fait beaucoup penser à ce projet des ultravisionnaristes...hm...
- Nova Odissa ?
- Oui, exact. Cependant, le projet est né il y a...quoi...trois mois ? Eux, ils ont l'air d'avoir pris beaucoup plus d'avance encore.
- On les rattrapera.
- C'est ce que j'espère aussi.
"

La discussion restait banale au possible et c'était tout à fait normal, évidemment. Cette voiture n'était pas la leur, c'était une voiture teylaise avec un chauffeur teylais. Contrairement à l'espace très sécurisé et rassurant de l'avion gouvernemental qui les avaient menés jusqu'ici, cette voiture faisait office de piège à paroles. Qui sait ? Peut-être que les Teylais ont posés un micro ou deux dans le véhicule ? Lorsque les rencontres s'effectuent à l'étranger, en dehors de concertations classiques et sans intérêt, même l'usage du moyen-estalien restait restreinte. Bien que ce dialecte était très peu connu et parlé seulement par une faible minorité de la population estalienne (et donc de fait, très peu pratiquée même dans le monde diplomatique en contact avec les Estaliens), on était jamais à l'abri d'une traduction postérieure. Les deux délégués savaient ce qu'ils avaient à dire et à faire, pas besoin de se concerter, ils ont eu tout le temps avant leur départ.

Le garde teylais ouvrit la porte, invitant les Estaliens à sortir pour accompagner la délégation teylaise à l'intérieur de la Résidence Faure. La Commissaire prit un air un peu surpris en regardant la bâtisse, son aspect moderniste contrastait drastiquement avec le Questan, le siège de la Commission aux Relations Extérieures. Honnêtement, elle aurait cru davantage à une maison d'architecte qu'à une résidence d'un dirigeant ou un haut fonctionnaire d'Etat tel que le Premier Ministre. C'était une forme de paradoxe étrange : le Questan était un palais, un vestige de cette noblesse déchue par la Révolution mais aussi symbole marquant d'un des conflits les plus traumatiques de l'histoire estalienne. La Révolution n'avait pas rompu avec le passé monarchiste de l'Estalie, du moins sur le plan symbolique. Etrange paradoxe pour des libertaires et Teyla, monarchie constitutionnelle, encore attachée à sa figure monarchique, semblait aller au-delà de sa tradition monarchique pour embraser une version plus moderne. Etait-ce le libéralisme qui avait posé ses marques sur le passé ? Pas mal de questions et aucune ombre d'une réponse quelconque en vue. Les Estaliens entrèrent dans le bâtiment. Au moins, ils ont eu l'air satisfaits en voyant la salle où devait se dérouler l'entrevue : la préparation et la justesse des Teylais était tout à leur honneur. On contait à la Commissaire que la délégation partie au Drovolski avait été accueillie avec moins...d'enthousiasme. Volkiava appréciait donc au moins que les Teylais aient considérés la rencontre comme importante et aient décidés de la préparer avec sérieux et discipline.

Une fois installés, les deux Estaliens refusèrent la proposition d'alcool. Aussi bête que cela puisse paraître, les Estaliens n'étaient pas spécialement buveurs. Amateurs de vin (l'Estalie orientale produisait massivement du vin depuis le Moyen-Age), ils étaient néanmoins relativement modérés sur le sujet statistiquement. Rien à voir avec les ivrognes qui leur servent de voisins. Tiens, ça vient peut-être de là, leur domination, qui sait ? Après que Velislav se soit lui-même servi une tasse de thé sur la table, la Commissaire débuta l'ouverture officielle de l'entrevue :

"Effectivement, je souhaite aborder avec vous en priorité un sujet qui me semble particulièrement important pour cette rencontre et qui sera, je pense, déterminant dans les relations à venir entre Manticore et Mistohir d'ici les prochaines années : je parle ici du cas de l'Eurysie de l'Est et de la situation actuelle en Translavya.

Bien que la disparition de la Loduarie soit un sujet tout aussi important et qu'il présente de nombreuses conséquences pour le continent eurysien, le cas translave est particulier. Comme vous devez vous en douter, l'Estalie considère la région comme un espace à sécuriser et stabiliser, du fait de la proximité d'un certain nombre de régimes assez peu amicaux dans la région. Le problème découle du fait qu'en plus d'être une région particulièrement instable, l'Estalie y trouve un certain nombre d'intérêts sur le plan économique principalement. C'est simple, vous devez être au courant qu'il existe un chemin de fer qui relie l'Estalie à la DCT et qui permet notamment aux coopératives exportatrices estaliennes d'avoir un accès au port d'Oklanov. C'est une zone stratégique pour nous et comme toute zone stratégique, elle doit être défendue. Nous ne sommes pas particulièrement friands de la tactique d'opposition que les Loduariens ont adoptés dans la région, la DCT a agi pendant trop longtemps comme un pion loduarien et le Secrétaire Lorenzo a longtemps considéré notre aide économique comme de l'entrisme, ce qui explique pourquoi nous avons jusqu'à là décidé de rester patients dans cette région du monde.

Or, les événements récents au Pravoslavnyy, ce revirement quasi-autocratique au Slaviensk et la présence de forces onédiennes en République Translavique sont, de très loin, des raisons suffisantes pour la Fédération de s'inquiéter et de ne plus rester dans une posture passive. Bien entendu, nous ne vous incombons pas la faute ou la responsabilité de cette instabilité mais j'ose espérer que le Royaume de Teyla est toute aussi préoccupée de la stabilité régionale. L'idée serait donc de faciliter la stabilité régionale en évitant que cette région du monde ne devienne un terrain d'affrontements entre nos deux blocs ; en bref, que nous nous mettions d'accord sur des limites communes à respecter.
"
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Ad bellum pacemque parati !

Lieu


Angel Rojas sourit intérieurement pendant la prise de parole de la Commissaire de la Fédération des Peuples d'Estalie. Il avait parié dix pétales avec Pierre Lore que les représentants Estaliens allaient parler en premier du cas de la République Translavique et de la Démocratie Communiste de Translavya. Il rigola beaucoup moins quand la Commissaire parla d'une région que l'Estalie considère comme à sécuriser. Le Royaume de Teyla voyait où venait en venir la diplomatie Estalienne. La construction d'un cadre sécuritaire permettant la sécurité de la Fédération des Peuples de l'Estalie, comme l'a fait le Royaume de Teyla en Eurysie de l'Ouest et du nord. Et d'une certaine manière, le Royaume de Teyla le faisait en Eurysie centrale qui, via sa présence, assurait la paix entre l'Hotsaline et l'Empire Raskenois. Une paix sans doute fragile, Teyla n'était pas dupe, mais qui faisait le jeu du Royaume de Teyla. En ayant une force de projection aussi importante à l'étranger, il envoyait un message sur ses capacités militaires aux nations étrangères.

Mais est-ce la volonté de la Fédération de vouloir sécuriser la région d'Eurysie de l'Est, très certainement, bien que cela pouvait n'être qu'une excuse. Mais quelles solutions avaient l'Estalie pour cela ? Au regard du passé récent de cette nation, Pierre Lore et Angel Rojas savaient ce que pouvait signifier cette expression dans la bouche d'un Estalien. Néanmoins, ce n'est pas pour autant que le Gouvernement de Sa Majesté ne partage pas les constats de la Commissaire. Bien au contraire, le Royaume de Teyla n'est que trop conscient des faiblesses des nations de l'Eurysie de l'Est. Le Royaume de Teyla en avait fait l'expérience avec Slavienks au sommet de Rusulka et les préparations dudit sommet. Chaque jour passant en Eurysie de l'Est laissait la capacité aux régimes fascistes et/ou réactionnaires de se renforcer. Par malheur pour le Gouvernement de Sa Majesté, ils étaient nombreux ces états qui n'allaient pas dans le sens idéologique du Royaume de Teyla et pire que cela semblaient être une insulte à la pensée humaine.

Cette rencontre à travers ce sujet avait quelque chose d'ironique. Le Royaume de Teyla allait parler de la République Translavique et la Fédération des Peuples d'Estalie allait parler de la Démocratie Communiste de Translavya. En réalité, les deux nations allaient parler 'à la place de' tout en se défendant de le faire et qu'ils respectent la souveraineté nationale de chacune des nations sur cette planète. Pierre Lore trouva cette situation ironique, amusante d'un certain côté quand Angel Rojas trouva ces formes, bien que nécessaire, d'une tristesse absolue. Certes, le Royaume de Teyla n'avait pas le contrôle sur le gouvernement de la République Translavique mais ce dernier était bien content de pouvoir compter les membres de l'Organisation des Nations Démocratiques pour protéger la République des possibles menaces régionales.

- Le Gouvernement de Sa Majesté comprend tout à fait vos inquiétudes, commença Angel Rojas sur un ton cordial. Vous nous demandez si nous partageons vos inquiétudes. En tant que puissance eurysienne et ayant des intérêts dans la stratégie et aussi une nation alliée avec la République Translavique, le Royaume de Teyla partage vos inquiétudes bien entendu. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous avons observé avec horreur les horreurs qu'a commises le Tsar du Grand Tsarat de Pravoslavnyy envers les minorités aussi bien sexuelles que religieuses. Ce que vous décrivez, à savoir un mouvement de masse de la réaction en Eurysie de l'Est, nous l'observons tout comme vous et bien entendu la réaction n'est jamais une bonne chose. Notamment d'un point de vue sécuritaire, de la stabilité et de la paix.

Le Royaume de Teyla connaît peu de leaders réactionnaires et nationalistes n'ayant pas une vision belliqueuse, expansionniste. De surcroît, la Démocratie Communiste de Translavya n'arrange rien à la situation. Cette nation, sous l'égide de la Loduarie Communiste, n'a eu de cesse que de répéter une rivalité en Eurysie de l'Ouest qui était néfaste pour toutes les nations. Que cela soit le Royaume de Teyla, la Loduarie Communiste et des nations neutres. La Loduarie Communiste a joué avec le feu plus d'une fois et nous étions par moment pas loin d'une guerre totale. Nous avons toujours privilégié la diplomatie des armes avec la Loduarie Communiste. Parce que nous avions conscience que si la dynamique de la guerre s'enclenchait alors ce n'était pas seulement un échange de tir le temps d'une soirée qui allait arriver, mais bien une guerre totale sur le continent Eurysien et peut-être même au-delà.

Angel Rojas était confiant dans son propos, mais se garda bien de dire que le Royaume de Teyla n'est pas allé à la guerre parce qu'il était lui-même terrifié au sens strict du terme vis-à-vis d'une confrontation militaire avec la Loduarie Communiste. Mais avec la disparition de la Loduarie Communiste, ce sentiment s'était dissipé petit à petit et Angel Rojas retrouvait, sûrement trop rapidement, son ardeur d'avant.

Pour arriver à cette paix, le Royaume de Teyla a fait énormément de concessions. Bien que nous croyions toujours à la diplomatie, le Royaume de Teyla n'a pas apprécié de voir une livraison d'armes loduarienne pour la Démocratie Communiste de Translavya. Vous serez d'accord, je le sais, avec le Gouvernement de Sa Majesté qui voit dans cet acte tout sauf un acte d'apaisement des tensions, d'un geste en faveur de la paix ou que sais-je. C'est tout l'inverse qui était montré. Ainsi, je le dis avec fermeté, mais avec conviction. Au moindre signe d'hostilité de la Démocratie Communiste de Translavya, au moindre signe d'une vision loduarienne de la diplomatie et des relations internationales, à savoir l'utilisation de la force militaire, le Royaume de Teyla se réserve le droit de prendre les dispositions nécessaires pour que le règne de la terreur cesse sur la scène internationale. Nous ne ferons pas les mêmes erreurs qu'avec la Loduarie Communiste une deuxième fois.

Toutefois, nous savons que les efforts doivent être consentis de la part de tous les acteurs. C'est pourquoi le Royaume de Teyla modifiera sa présence militaire au sein de la République Translavique dans les semaines, les mois à venir. En outre, la présence du Royaume de Teyla sera réduite assez grandement et le Royaume de Teyla restera uniquement dans une optique de soutien militaire à la République Translavique. Le Royaume de Teyla souhaite coopérer pour éviter que cette région devienne un affrontement entre deux blocs puissants. Mais il revient à la Démocratie Communiste de Translavya de se montrer raisonnable dorénavant, mais il revient aussi à des régimes nationalistes et issus de la réaction de ne pas regarder au-delà de chez soi. Il est évident qu'au regard des intérêts de la Fédération des Peuples d'Estalie et du Royaume de Teyla dans la région qu'en cas de conflits régionaux nos deux nations seront obligées d'œuvrer diplomatiquement pour l'arrêt des combats et nous pouvons même imaginer une coopération diplomatique pour ce faire par la création de mécanisme commun par exemple.

Outre ce sujet de la Démocratie Communiste de Translavique dont nous avions à cœur d'aborder, nous sommes d'accord que les parties doivent se limiter d'elles-mêmes sans que cela remette en cause leur souveraineté nationale et ce que nous appelons leur cadre sécuritaire. Sans nous montrer hautain, le Royaume de Teyla avec son allié régional la République Translavique avons un avantage économique et militaire dans la région, bien que nous soyons conscients de la nécessité de limite pour assurer la paix et faciliter la stabilité régionale comme vous le dites, nous voulons que les efforts soient partagés de manière égale. Si ce que vous proposez va dans ce sens, le Royaume de Teyla n'aura aucune raison de refuser. Nous ne pouvons nous prononcer à la place de la République Translavique, vous vous doutez bien. Et même si nous trouvons les éléments présentés inégaux, non pertinents, nous sommes ouverts à la discussion. Le Royaume de Teyla se trouvera toujours du côté de la paix.


À quelles limites communes pensez-vous, Votre Excellence ? Demande Angel Rojas, avant de laisser la parole à la délégation Estalienne.
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Mieux vaut une amère vérité qu'un doux mensonge.


La Commissaire écouta attentivement les dires du Premier Ministre Rojas et comme à son habitude à chaque entrevue diplomatique qu'elle effectuait, elle prenait soigneusement des notes. Bien qu'elle se méfiait de son propre délégué en second, elle n'hésitait pas à faire glisser le bloc-notes qu'elle entretenait vers Velislav afin que celui-ci puisse comprendre lui aussi les points relevés et si possible compléter lui-même ses propres notes. Les Teylais devaient sûrement avoir l'impression d'avoir deux élèves assis sur les bancs de la fac juste en face d'eux car à part la Commissaire qui était en capacité de noter et de suivre du regard son interlocuteur en même temps, Velislav n'adressa pas un seul regard au Premier Ministre, se contentant de relever la tête à la fin de son explication. Kristianya Volkiava regarda ses notes et soupira légèrement. De soulagement ? Peut-être. Très bien, les Teylais semblaient effectivement prompts à négocier et bien qu'elle n'était pas à l'abri d'un accord inacceptable qui mettrait uniquement Manticore dans un rapport de force bien plus avantageux, elle savait que la coopération était pour le moment le meilleur moyen pour l'Estalie de ne pas envenimer une région déjà très chargée. Elle se souvint brièvement, avant de prendre son vol pour Manticore, de l'appel qu'elle a reçu de Milov Vidik, l'ambassadeur estalien en DCT. L'ambassadeur lui avait bien expliqué que la DCT était en plein tournant politique, sûrement en faveur de l'Estalie compte tenu du faible nombre choix d'alliés que la DCT pouvait obtenir en si peu de temps. Ce tournant politique, disait-il, pouvait basculer dans un camp comme dans l'autre. Autant les eurycommunistes les plus modérés du PET, alliés aux partis libertaires, avaient de bonnes chances de succès politiques, autant la ligne dure du PET, adeptes des méthodes loduariennes, ne laisseraient pas la faction modérée l'emporter si facilement et le soutien de l'APT à la faction loduariste n'était pas pour arranger les affaires ni de l'ambassadeur et sûrement pas du SRR qui était peu enthousiaste à l'idée de toucher ne serait-ce qu'un cheveu aux capacités militaires de la DCT.

Il fallait donc éviter l'emballement de la situation intérieure et présenter un compromis à l'extérieur, une manière d'apaiser la situation translave héritée de l'invasion de 2013. Il était néanmoins évident qu'un compromis ne se ferait pas sans concessions. La Commissaire reprit donc :

"Je pense effectivement qu'une coopération est nécessaire dans le cadre régional de l'Eurysie de l'Est, compte tenu de notre préoccupation commune pour la sécurité et la stabilité régionale. A mon sens, l'espace est-eurysien qui nous concerne ici dans l'immédiat se divise en deux parties, l'espace translave et l'espace slavo-pravoslave. Evidemment, dans l'immédiat, nous devons principalement nous affaire à résoudre la question translave en priorité puisqu'elle constitue le point de litige le plus probable qui pourrait avoir lieu entre nos deux nations, de part nos intérêts économiques en DCT et de part votre présence militaire dans la République Translavique. Les limites à imposer me semblent assez claires ici : la menace principale pour la région est avant tout militaire. La présence onédienne en RT pourrait forcer certains éléments radicaux eurycommunistes à armer encore davantage le pays face à une invasion quasi-certaine de l'OND à son encontre. La DCT a pendant longtemps pu se reposer sur les garanties de protection de la Loduarie et c'est ce qui avait permis de maintenir la paix d'une certaine manière car la DCT ne pouvait se militariser ou disposer d'une quelconque initiative militaire sans l'aval de Lyonnars. Cette époque est révolue désormais, l'armée translave suit aujourd'hui ses propres objectifs stratégiques et la présence teylaise en RT n'est pas vraiment là pour la rassurer.

Si je comprends bien, néanmoins, le Royaume de Teyla souhaite diminuer son implication militaire en Translavie et c'est une intention louable. De notre côté, l'Estalie se porte certes garante de l'indépendance de la DCT mais elle ne compte en aucun cas imposer une quelconque présence militaire, bien qu'elle dispose à ce jour de moyens de projections relativement suffisants pour s'y déployer en quelques heures, et contrairement à certains pays alliés comme la Kartvélie ou la Kaulthie, l'Estalie ne compte en aucun cas mener une politique de renforcement militaire à travers l'Armée Populaire de Translavya. Ce que je vous propose est donc simple et tient sur deux choses. Premièrement, nous devons nous mettre d'accord sur un accord de non-ingérence militaire sur les deux Translavies, ce qui implique l'absence de toute force armée de nos deux nations sur le territoire de la RT et de la DCT. Deuxièmement, afin de palier au danger que cela impliquerait de laisser ces deux nations l'une contre l'autre, nous devrions mettre en place un accord commun de maintien de la paix dans la région. L'idée est simple : en l'absence de toute force armée, nos deux nations se mettraient d'accord pour disposer des observateurs à la frontière afin d'avertir de tout mouvement militaire hostile et ainsi prévenir nos gouvernements respectifs de tout risque de conflit inter-translave. En ce qui concerne les observateurs en eux-mêmes, je propose à ce que cette mission soit confiée à un organe civil conjoint, dont la désignation se fera d'un commun accord, afin d'éviter la militarisation de ces dits observateurs. Par la suite, nos deux nations devront s'accorder à éviter le conflit par une force d'interposition afin que les deux armées translaves ne s'affrontent pas. En définitive, cet accord devrait permettre, même en cas de prise de contrôle d'éléments radicaux ou belliqueux au nord comme au sud, d'assurer une paix relative entre les deux nations. Bien entendu, cet accord de non-ingérence devrait également encadrer strictement les transferts d'armement ou d'équipements militaires. J'ai cru comprendre votre opposition aux livraisons d'armes des Loduariens et je comprends votre consternation face à ce mouvement, l'Estalie ne compte absolument pas armer la DCT mais bien entendu, elle s'attend à ce que cette neutralité quant à l'exportation d'armes soit réciproque. L'exportation d'armes de la part de Teyla ou de l'Estalie à un des acteurs ne ferait qu'encourager davantage au conflit par l'accumulation de matériel de guerre et donc de capacités des deux armées respectives à envisager un conflit militaire. Or, nous recherchons exactement l'inverse. Je pense que pour la situation translave, un accord de ce type agit comme un compromis honorable comme moyen de désescalade militaire, autrefois provoquée par cette rivalité OND-Loduarie persistante et désormais complètement anachronique.

Ensuite, en ce qui concerne l'espace slavo-pravoslave (j'y inclurais également le Morakhan), cette région me semble toute aussi importante compte tenu de son caractère idéologique fortement marquée par les idées réactionnaires. Bien que j'ai cru comprendre que le Pravoslavnyy avait subi de fortes pressions de la part de la République de Velsna et qu'une révolution avait renversé le pouvoir théocratique en place qui avait purgé de fait les minorités sexuelles du territoire, il me semble pour autant que la région continue non seulement d'être instable et d'être un nid à problèmes. Je vais être claire mais Mistohir estime que cette région peut devenir à terme un nid à terroristes radicaux. La région a déjà un lourd passif avec le radicalisme de droite et j'en tiens pour preuve que le Morakhan, par exemple, accepte dans son système législatif un parti national-socialiste. Ajoutez à cela la diversité ethnique du Morakhan, l'instabilité politique de la plupart des pays et la politique réactionnaire de Slaviensk et vous obtenez une menace sur les arrières de l'Estalie. Bien que le Royaume de Teyla soit moins directement concernée par cette situation, en dehors de Slaviensk bien sûr, je pense là aussi que nous devrions nous mettre d'accord sur une sécurisation progressive de la région. Le Morakhan est stratégiquement positionné entre nous et la DCT et l'hébergement de national-socialistes sur son sol n'est pas un indicateur de très grande fiabilité. Nous n'avons évidemment aucun intérêt à intervenir directement dans les affaires de ces Etats mais nous pensons qu'il serait plus utile de réfléchir à une doctrine conjointe contre la réaction dans cette région, afin de la rendre plus stable et de ne pas forcer l'une de nos nations à une intervention disons...plus musclée. Nous ne prétendons pas définir seuls l'architecture de sécurité de cet espace régional mais nous estimons que la passivité aurait un coût bien plus important et pour tout le monde. Il vaut mieux prévenir les mouvements de type "Saïdan" que devoir en gérer les conséquences, disons...
"

La dernière remarque n'était pas infondée et laissait transparaître une des préoccupations majeures de l'Estalie après son expérience douloureuse de la Kartvélie : Mistohir ne veut pas d'un nouveau Saïdan et encore moins d'une nation est-eurysienne qui en serait l'exacte copie et l'acquiescement progressif de Velislav aux derniers mots de la Commissaire laissait entendre de surcroît que c'était une préoccupation qui n'avait rien de partisane et qui se voulait consensuelle dans la sphère politique estalienne, démonstration de l'importance de la stabilité régionale et surtout de la disparition (ou au moins du containment) des régimes autoritaires et réactionnaires régionaux.
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Pierre Lore et Angel Rojas prirent des notes alors que la commissaire et diplomate Estalienne parlait et déroulait son plan pour l'Eurysie de l'Est et plus spécialement pour les deux Translavya, et un plan large, plus global. Sans surprise, Pierre Lore était celui qui prit le plus de notes, contrairement à son supérieur hiérarchique. Contrairement aux Estaliens et alors qu'on aurait pu s'attendre à une relation plus saine chez les Teylais, il n'y avait pas de partage de notes entre les deux Teylais. Mais cela n'était pas dû à une relation tendue entre les deux hommes, une volonté de ne pas partager son travail avec l'autre. C'était une manière de respecter la façon de travailler de chacun. La prise de notes entre Pierre Lore et Angel Rojas était bien trop différente pour être partagée. Pour Pierre Lore, la prise de notes était cruciale. Elle permettait de juger des intentions réelles de son interlocuteur, de transposer une synthèse du discours de son interlocuteur pour analyser tout cela sur le moment mais aussi une fois la rencontre terminée, avec les services adéquats du Royaume de Teyla.

Pour Angel Rojas, la prise de notes était moins claire, moins assidue que celle de Pierre Lore. Il nota des mots clés, des dates et des noms, mais il n'alla pas plus loin à l'écrit. Les mots de son interlocuteur lui suffisaient sur le moment pour pouvoir être assimilés et donner une réponse. Tout comme Velislav, le ministre des Affaires Étrangères Teylais n'échangea aucun regard avec Velislav durant sa prise de parole, au contraire d'Angel Rojas qui parfois regarda droit dans les yeux la Commissaire, afin d'observer si elle était facilement déstabilisable. Il y avait très peu de chances que cela marche, notamment avec un homme avec ses côtés, qui avait un tatouage qui ne présageait rien de bon, si l'homme jugeait la rencontre comme un échec, mais soit, il fallait tenter.

Pierre Lore était plutôt ravi de la réponse Estalienne. Ce contentement ne tenait pas uniquement à la substance des propositions, qui satisfaisait les deux représentants teylais à la marge. La satisfaction était plus sur la philosophie, la doctrine diplomatique Estalienne, aujourd'hui à la Résidence Faure. Contrairement à la Loduarie, qui soit insultait les délégations étrangères, prônait que la force de vive voix ou alors faisait des actes clairement hostiles envers le Royaume de Teyla, l'Estalie était ouverte à la discussion et à la négociation. Angel Rojas était soulagé de cette philosophie qui espérait aller être confirmée tout du long de la rencontre diplomatique. La Commissaire semblait sincère quant à sa volonté de voir la région sécurisée et de ne pas voir un affrontement entre deux blocs subvenir. Angel Rojas finit par sourire, presque à dents découvertes, face à la situation. Les nations communistes ne se ressemblaient pas, et le Gouvernement de Sa Majesté avait raison de parler aux régimes communistes et communalistes. Le fait qu'il n'y ait pas de menace de guerre, de sous-entendu malsain ou encore de rappels constants de l'omniprésence de l'Estalie comparé au Royaume de Teyla dans la région d'Eurysie de l'Est conforta Angel Rojas dans son choix, et c'est cela qui le fit sourire.

Angel Rojas et Pierre Lore n'étaient pas dupes pour autant. Ils n'oublièrent pas la Kartvélie et les agressions toutes récentes de la Fédération des Peuples d'Estalie. Ainsi, l'Estalie, quand le rapport de force ne lui était pas favorable, établissait une discussion, une situation de dialogue et de négociation, au grand plaisir du Royaume de Teyla ici. C'était là une conclusion des plus banales, mais ayant des conséquences assez importantes. Ainsi, Rojas nota que le Royaume de Teyla et la République Translavique n'allaient jamais devoir être dépassés en puissance propre vis-à-vis de l'Estalie et de ses partenaires. Si tel était le cas, alors la position du Royaume de Teyla et de l'Organisation des Nations Démocratiques deviendrait précaire face à celle de la Fédération des Peuples et de ses partenaires. Toutefois, prendraient-ils le risque d'une guerre frontale ou d'une guerre hybride ? Angel Rojas pencha pour la deuxième option, quand Pierre Lore pencha pour la première.

Est-ce dans les intérêts du Gouvernement de Sa Majesté de faire des compromis alors qu'il était la force dominante vis-à-vis de l'Estalie ? Angel Rojas pensa que oui. En outre, il espérait que si la force possédant la domination changeait entre les deux nations, la Fédération des Peuples d'Estalie serait encline, tout comme le Royaume de Teyla l'aurait fait, à faire des concessions et ainsi ne pas déclencher une guerre soit frontale ou hybride. De plus, le Gouvernement de Sa Majesté espérait éviter l'arrivée de toute l'internationale communiste et communaliste en Démocratie Communiste de Translavya et éviter qu'une guerre entre deux blocs passe d'un peu probable à probable. Pierre Lore prit la parole en premier :

- Vos propositions témoignent de votre engagement sincère envers la paix régionale et la stabilité, dit-il sur un ton cordial. Permettez-moi de commencer ma réponse par la situation translave qui inquiète forcément nos deux nations. Cette région est effectivement le point de litige le plus probable entre nos nations, mais ce point de litige reste faible en intensité, j'en suis certain. Nous sommes ici pour ouvrir des discussions et négociations, qui pourront aboutir sur un cycle de négociations si nous l'estimons nécessaire. Certes, la discussion est nécessaire, mais elle démontre que nous ne sommes pas à un moment de tension tel que la discussion est impossible sans la présence d'un acteur extérieur. Je ne suis pas sûr qu'on puisse parler de tension, Votre Excellence.

Vous le savez très certainement, mais le Royaume de Teyla n'a aucun problème pour discuter avec des nations ayant des idéologies différentes, y compris les idéologies qu'on pourrait qualifier de gauche, gauche radicale, ultra-gauche. La seule exception pour le Gouvernement de Sa Majesté est pour les régimes fascistes. Notre libération, avec nos partenaires, du Hvítneslånd démontre que nous ne sommes pas près de discuter avec des régimes fascistes. Nous avons relevé avec surprise que certes la Loduarie Communiste s'est empressée d'oublier sa lutte contre le fascisme parce que nous sommes des nations libérales et qu'elle a décidé pour cela, suite à cette invasion, que nous étions la nouvelle menace mondiale, mais que la Fédération des Peuples n'a mené aucune critique publiquement et pour cela nous vous remercions et plus est reste en cohérence avec les propos que vous tenez sur l'Eurysie de l'Est et sur l'Espace slavo-pravoslave.


Pierre Lore croisa les mains sur la table, le regard direct.

Le déploiement du Royaume de Teyla en République Translavique s'est fait uniquement pour protéger cette nation suite à la menace que constituait aussi bien la Loduarie Communiste que la Démocratie Communiste de Translavya sous l'influence Loduarienne. La proposition de la Fédération des Peuples d'Estalie quant à une non-présence militaire de nos deux nations aussi bien en République Translavique qu'en Démocratie Communiste de Translavya est raisonnable. La course à l'armement se justifiait à l'époque de la Loduarie Communiste, dorénavant une course à l'armement dans cette région ne fait plus sens assurément. Ainsi, nous acceptons cette proposition, mais nous y mettons deux conditions. La première condition est une limite de temps. Vous n'êtes pas sans savoir que déplacer des troupes et démanteler une présence extérieure prend du temps. En outre, nous estimons qu'il faudra six mois au Royaume de Teyla pour se dégager entièrement de la République Translavique militairement. La deuxième condition est une exception pour la présence navale. La présence navale du Royaume de Teyla en République Translavique permet de maintenir une lutte anti-piraterie nécessaire à toute la région et de nombreuses cargaisons teylaises passent par cette région.

Vous avez vous-même signifié l'importance d'une ligne de chemin de fer pour la Fédération des Peuples allant de chez vous, en Démocratie Communiste de Translavya et d'un accès aux ports de la Démocratie Communiste de Translavya, si j'ai bien révisé les villes de cette nation,
dit-il en gloussant. Tout cela pour vous dire que si la Fédération des Peuples d'Estalie souhaite discuter d'un accord afin que la marine Teylaise et Translave protège vos navires marchands dans la région, nous n'y voyons aucune raison de ne pas vous le proposer et cette offre est valable aussi pour la Démocratie Communiste de Translavya.

La proposition de Pierre Lore visait deux buts. Tout d'abord, trouver une compensation à l'exception que demandait le Royaume de Teyla sur une présence maritime. Il ne doutait pas que l'Estalie allait accepter la contre-proposition, c'était un moindre mal, une non-présence terrestre et aérienne du Royaume de Teyla en République Translavique pour la Fédération des Peuples d'Estalie. Le second objectif était bien entendu une coopération avec l'Estalie sur des sujets, malgré les différences entre les régimes. Le Royaume de Teyla estimait qu'il pouvait parler à toutes les nations. Il avait recherché la même chose avec le Grand-Kah, avec réussite, avec la Loduarie Communiste, un échec.

- Concernant la seconde proposition, à savoir les observateurs, commença cette fois-ci Angel Rojas, nous n'y sommes pas clairement opposés, mais je ne peux décider à la place du Gouvernement de la République Translavique. Si vous voulez, le Royaume de Teyla transmettra la proposition. Toutefois, je peux vous assurer que la République Translavique refusera que les observateurs viennent de la Grande République de Velsna et du Second Empire constitutionnel de Slaviensk, ces deux nations ayant remis en cause l'indépendance de la République Translavique. Tout comme elle refusera, sans doute, tous observateurs de nationalité de nation ne reconnaissant pas la République Translavique comme une nation légitime, etc. Concernant la force d'interposition armée que vous décrivez, j'ai peur que vous estimiez les tensions plus fortes qu'elles ne le sont, Votre Excellence.

Si on va aussi loin tout de suite en acceptant une force d'interposition, alors que les tensions ne sont pas présentes, et que les deux nations ont émis leur accord quant à une reconnaissance mutuelle, alors nous n'aurons plus aucun levier diplomatique par lequel mettre la pression en cas d'augmentation des tensions, voire un conflit. Je comprends votre volonté, qui est la vôtre, mais nous devons nous réserver des leviers pour la suite, au cas où, Votre Excellence. Pour cette raison, le Gouvernement de Sa Majesté n'est pas totalement favorable à l'envoi d'observateurs sur la ligne. Mais nous y souscrivons tout de même, si cela peut calmer les ardeurs de chacun dans la région. Le principal, c'est que nous montrions une certaine paix, stabilité pour que nous soyons des acteurs cruciaux de la région. Je pense à la Grande République de Velsna, qui devient un acteur de plus en plus important dans la région.


Sans vous faire offense et préempter vos politiques et votre politique internationale, la Grande République de Velsna a tendance à s'immiscer dans des dossiers qui ne la concernent en rien et elle le fera en Eurysie de l'Est si elle l'estime nécessaire. De plus, contrairement au Royaume de Teyla qui suit ses intérêts mais respectera toujours ses traités, je crains que la Grande République de Velsna ne suive uniquement que ses intérêts, changeant de position en faveur du vent. Nous l'avons observé plusieurs fois. La présence d'une flotte Velsnienne au Drovolski devrait vous inquiéter, bien que nous reconnaissons certains bienfaits quant à la présence velsnienne dans la région.

Enfin, sur ce sujet, il manque notre réponse aux transferts d'armes. Sur le principe, j'ai plusieurs réserves. Tout d'abord, il est vrai que le Royaume de Teyla s'est opposé aux livraisons d'armes loduariennes. Mais le contexte était totalement différent. Nous sommes passés plusieurs fois à côté d'un conflit direct, avant cette livraison, entre la Loduarie et le Royaume de Teyla. La Loduarie Communiste avait pour volonté uniquement d'avoir les capacités d'ouvrir un second, voire troisième front avec Valinor à l'époque. Ainsi, c'était une manœuvre non pas défensive mais guerrière et belliqueuse mettant en danger toute une région, qui n'avait rien demandé. Le contexte actuel est différent. Peut-être qu'il existe encore des tensions, mais pour l'instant, c'est le calme plat et je suis certain qu'aussi bien le Gouvernement de la République Translavique que celui de la Démocratie Communiste de Translavya ne veulent pas d'un conflit. Je n'oublie pas que l'achat reste et doit rester autant que possible un choix venant de l'acheteur. Nous ne pouvons pas balayer la souveraineté nationale d'une telle nation, d'autant plus que nous n'oublions pas que la Démocratie Communiste de Translavya est dans l'Union Internationale du Communisme et du Socialisme. Certes, ce n'est pas une alliance militaire, mais je n'oublie pas l'internationalisme de cette organisation.


A contrario, la République Translavique n'est pas dans son équivalent démocratique et libéral, dirons-nous, Votre Excellence. Outre la dimension sur la souveraineté nationale, le plus grand membre de cette internationale, à savoir le Grand-Kah, ne serait pas soumis à une telle interdiction, quand cela sera le cas du plus grand membre de l'Organisation des Nations Démocratiques. Il y a une inégalité que nous ne pouvons que refuser ici.

Angel Rojas s'arrêta là. Il s'est exprimé sur les sujets les plus importants, démontrant son statut au sein du Gouvernement de Sa Majesté, mais aussi démontrant pourquoi il était ici présent. Certes, la rencontre avec une nation comme la puissance régionale qu'est l'Estalie était importante et sa présence était tout à fait justifiée. Elle l'était plus à ses yeux, au regard des sujets abordés. Le Royaume de Teyla savait que ces sujets allaient être abordés par les deux nations autour de la table et Angel Rojas s'était directement imposé comme l'un des acteurs teylais de la rencontre vis-à-vis de ses ministres et des diplomates. Il regarda Pierre Lore, lui signifiant qu'il prenait le relais. Alors Pierre Lore se racla la gorge et répondit sur un ton neutre mais avec une pointe de gravité :

- Enfin, sur l'espace que vous appelez slavo-pravoslave. Le Royaume de Teyla et le Gouvernement de Sa Majesté rejoignent vos analyses quant à cette région. Elle est un foyer d'instabilité et d'idées réactionnaires non abouties. Pour la plupart de ces nations, il est difficile de remonter au chemin idéologique ayant amené l'idée réactionnaire au pouvoir et très fortement dans les populations. Je peux vous assurer que, lorsqu'il s'agit de ces idéologies et du fascisme, le Royaume de Teyla est tout autant concerné que les nations régionalement présentes, y compris vis-à-vis de la Fédération des Peuples d'Estalie. Le Royaume de Teyla ne saurait reculer face à ces idéologies mortifères et dangereuses pour le genre humain, pour reprendre une expression qui vous plaira assurément.

Mais dans le même temps, si nous voulons lutter contre ces idéologies, nous devons nous assurer que des puissances étrangères venant d'autres continents ne s'immiscent pas pour éviter un "bordel" régional. Vous parlez d'actions conjointes pour définir un modèle sécuritaire régional. Cela est entendable, bien évidemment. Nous pouvons imaginer des opérations clandestines conjointes, non pas pour ramener ces nations aux communautés, mais à une démocratie saine et non hostile aussi bien au Royaume de Teyla qu'à la Fédération des Peuples d'Estalie. Ces opérations conjointes sont à discuter dans le détail, mais elles peuvent être efficaces. Nous l'avons vu et observé dans plusieurs pays.

Si cette idée ne vous plaît guère, et nous serions étonnés vu votre passif, nous pouvons imaginer un ensemble de pressions diplomatiques, ce qui est efficace selon le pays avec qui nous traitons. Mais dans le cas du Zagroyat de Morakhan, je doute que la pression diplomatique marchera. De plus, une pression diplomatique alertera les pays régionaux comme le Royaume de Polkême qui usera de diplomatie pour amoindrir notre influence. Si nous choisissons le choix de la clandestinité, qui nous semble plus pertinent, et que les opérations sont réussies, les nations régionales n'auront aucune raison de s'inquiéter et de changer leur approche diplomatique et militaire en conséquence.

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Il était difficile pour les Teylais de savoir comment la Commissaire allait accueillir leurs propositions. Même sur les points où les hauts dignitaires d'Etats teylais espéraient recevoir une réponse tout à fait positive, et espéraient en conséquence que l'approbation se lirait sur le visage des Estaliens, la Commissaire resta impassible. Là encore, le visage de la Commissaire était de marbre face aux réponses teylaises, non pas par désapprobation de leurs dires mais uniquement car elle entrait dans un sujet qui allait s'avérer fortement compliqué et qui allait très probablement agir comme un jeu de négociations adroit entre les deux délégations. Il était d'autant plus nécessaire pour la Commissaire de sembler imperturbable : bien qu'elle était certaine que la facilité de la confrontation était tentante pour beaucoup d'Estaliens avec quelconque nation libérale que ce soit, elle refusait ostensiblement de mettre un petit doigt dans cette logique d'affrontement et de confrontation géopolitique permanente, en tout cas pas sans une préparation assidue, une connaissance parfaite du terrain géopolitique et l'assurance de remporter un soi-disant rapport de force entre l'Estalie et quelconque nation que ce soit dans son voisinage. Volkiava n'avait pas protesté vigoureusement en Kartvélie, ni au Nordfolklande, car elle savait que l'Estalie avait un rapport de force très avantageux dans son camp. Le SRR avait beau avoir des méthodes brutales, elles marchaient, fondamentalement. Mais peut-être que la réussite de cette agence, devenue une ombre qui plane sur l'Eurysie et qui fait des échos dans les grandes capitales eurysiennes, entraînerait sa perte si elle était trop gourmande ? Hors de question : la chute du SRR, c'est la chute de l'Estalie. Il fallait donc contenir cette force du mieux qu'elle pouvait, en offrant une autre vitrine au monde, celle d'une Estalie qui peut être autre chose qu'une fédération anarchiste militarisée à outrance. Avant de répondre à ses homologues teylais, elle se tourna vers Velislav. Les Teylais ne furent que plus étonnés de ne pas comprendre un traître mot de ce qu'ils pouvaient bien se dire. Les deux Estaliens s'exprimaient en moyen-estalien, une fois de plus :

"Ils n'ont pas cédés sur le plan maritime, madame la Commissaire.
- On s'en fiche, seule la composante terrestre et aérienne nous intéressent. Je veux qu'Anslav ait au moins l'assurance de ne pas subir une invasion teylaise du jour au lendemain.
- Conserver une composante navale, c'est déjà en soit disposer d'une force de frappe. Il leur suffit de conserver leur marine dans la zone, inonder la République en armement et les laisser se battre en proxy. On se fait berner.
- Je pense pas que ce soit leur intention. Et puis c'est déjà une bonne concession.
- Leur concession ne va pas aussi loin qu'on le veut, madame la Commissaire. Il nous faut au moins des garanties. Surtout que s'ils continuent d'armer la République, rien ne nous empêche de ne pas armer la DCT en retour.
- Dans le pire des cas, on rendra coup pour coup...
"

La dernière phrase de la Commissaire arracha un léger sourire à Velislav. Au moins, même dans une approche coopérative envers des ennemis idéologiques, elle reste lucide. Elle n'est pas bercée naïvement par l'idée que les adversaires de l'Estalie soient honnêtes dès lors qu'ils se mettent à la table des négociations, l'Estalie rendra compte de toute relation ou accord qui lui semble inégal par nature et s'assurera irrémédiablement de corriger le tir en rétablissant l'équilibre des puissances par ses propres moyens. C'était le compromis le plus acceptable qui soit, entre la vision pragmatique et silencieuse de la Commission aux Relations Extérieures et l'approche brutale et sans aucune pitié du SRR. Un juste milieu. La Commissaire se retourna enfin vers ses homologues teylais, cette fois-ci dans un français purement compréhensible pour les deux ouest-eurysiens visiblement un peu surpris par ce chevauchement de langues sans queue ni tête :

"Je salue votre engagement sincère de réduire la présence militaire teylaise en République Translavique dans les six prochains mois. C'est, à mon sens, un geste significatif et, je pense, un précédent prometteur dans la réorientation de nos politiques régionales vers une logique de stabilisation collective, surtout après les périodes chaudes occasionnées par l'ingérence irréfléchie des Loduariens. Néanmoins, en ce qui concerne votre présence navale, bien que j'entends parfaitement votre argument de continuité économique et de lutte contre la piraterie, nous ne pouvons accepter une telle présence sans quelques garanties devant limiter cette présence navale au rôle que vous lui avez destiné, c'est-à-dire celui de force contre la piraterie. En effet, l'objectif du retrait des troupes teylaises, à notre sens, est aussi de donner à la DCT une raison supplémentaire de ne pas favoriser une militarisation excessive. En somme, nous pensons que le meilleur moyen pour apaiser les relations et pour permettre au régime d'Anslav d'entamer un processus de paix ouvert avec son voisin du sud est de lui démontrer qu'elle ne craint rien dans l'immédiat sur le plan offensif, qu'en somme, elle ne risque pas d'être envahie du jour au lendemain. C'est cette peur qui pousse Anslav à continuer son réarmement et à conserver une certaine distance. Si le retrait de troupes terrestres et aériennes vont dans le sens du processus de paix, je pense qu'il est nécessaire pour les forces navales postées en Translavya que ces dernières soient limitées.
Velislav reprend alors pour la première fois de l'entrevue, il semble un peu mieux placé afin de discuter de la chose militaire.
- Limitées dans le sens offensif du terme. Les navires teylais ne doivent pas disposer de la capacité de mener directement des frappes au sol et doivent, dans l'exercice de leur mission anti-piraterie, s'engager à respecter une zone non-navigable pour ses navires militaires sur les 100 kilomètres de distance avec les côtes de la DCT. De plus, les navires teylais ne devraient pas être en capacité de disposer en leur sein de missiles mer-sol. En somme, en respectant ces deux conditions, nous pourrions effectivement accepter à titre exceptionnel votre présence navale en République Translavique avec garantie réciproque que l'Estalie ne disposera aucunement à l'avenir d'une quelconque force militaire opérationnelle sur le sol de la DCT. Quant à votre proposition de protection des navires de commerce des coopératives contre la piraterie, l'idée n'est pas mauvaise mais je pense à l'heure actuelle qu'un tel partenariat serait refusé d'office par le Congrès International des Travailleurs tant que nos relations ne se seront pas vigoureusement améliorées. Or, pour l'instant, sans affirmer que nous sommes ennemis, loin de là, nous ne sommes pas amis pour autant."

De toute évidence, que ce soit Velislav ou Volkiava, il semblait assez évident dans leurs bouches et dans leur façon de s'exprimer que Mistohir avait déjà pris l'habitude de s'exprimer à la place d'Anslav. Bien qu'ils pouvaient encore se targuer d'avoir conservé la nation pleinement souveraine de sa diplomatie extérieure, la vérité est la DCT était déjà prisonnière de l'Estalie. Pourtant, il n'y avait pas un seul militaire estalien sur le sol translave, pas un seul combattant et pas même un seul coup de feu tiré sur commande du SRR. Contrairement à la Kartvélie ou le Nordfolklande, la prise de pouvoir s'était avérée plus douce, plus subtile, moins violente et moins prononcée. Bien qu'on pressentait déjà l'influence estalienne sur l'Etat translave du nord, c'était uniquement à travers la présence (tout à fait légale) d'un parti husakiste au sein du CCA. Or, sans avoir une présence directe et médiatisée, les représentants estaliens avaient l'air bien renseignés des tenants et aboutissants de la politique étrangère du régime d'Anslav. Leur mainmise allait-elle plus loin que ce qui laissait transparaître depuis l'extérieur ? Le gouvernement translave eurycommuniste était-il sous emprise malgré ses différences idéologiques avec les anarchistes estaliens ? Le SRR avait-il déjà pris en main les institutions ? Aucune idée, aucun rapport n'avait détaillé précisément aux Teylais si les Estaliens avaient clandestinement transformé la DCT en caniche obéissant ou si Anslav avait conservé un minimum d'indépendance.

La Commissaire décide de reprendre la main, il n'était pas nécessaire selon elle de tergiverser sur la question de la présence militaire en Translavya si les deux parties étaient d'accord, surtout si son collègue tenait tant à mettre sur la table ses exigences militaires :

"Pour ce qui est des observateurs, vous avez raison : leur neutralité est la condition première de leur utilité. Nous n'envisagons évidemment aucunement la participation d'acteurs ayant une position trop partisane ou mettant en doute la souveraineté de l'un ou l'autre Etat translave. Nous sommes disposés à travailler à une liste conjointe, définie par des critères techniques, dépolitisés et validés en toute transparence par les autorités translaves elles-mêmes. La décision finale d'accueillir ces observateurs en territoire translave reviendra de facto aux deux Etats, ces derniers auront tout à fait la possibilité de refuser tout observateur sur leur sol ou de refuser une partie des observateurs si l'un des Etats considère que cela va à l'encontre de leurs intérêts. Ainsi, nous conservons la souveraineté de ces Etats tout en établissant un mécanisme qui puisse prévenir toute éventuelle nouvelle escalade de tensions dans la région. Dans une région qui a été le symbole d'une tension forte entre deux blocs, je pense que de tels mécanismes visant à assurer la paix seraient une démonstration de ce que nos deux nations peuvent accomplir lorsqu'elles négocient promptement. Vous avez également souligné le besoin de ne pas activer trop tôt des mécanismes d'interposition qui, en période de paix, pourraient sembler excessifs. Cela étant dit, ce que j'essayais de vous amener comme proposition, c'était davantage de poser les fondations juridiques d'un tel mécanisme dès aujourd'hui. Je pense que nous gagnerions davantage à envisager déjà cette option au moins sur le plan juridique dans l'éventualité d'une montée des tensions avec la mise en place d'une clause d'activation automatique en cas de franchissement d'un certain seul militaire afin de nous prémunir d'imprévus potentiels.

En ce qui concerne le transfert d'armes, je comprends la logique qui est la vôtre et bien que je sois certain que vous vous inquiétez probablement que d'autres nations tierces à notre accord puisse malgré tout fournir de l'armement aux Translaves et il est vrai que même dans le cas où Teyla se résoudrait à interdire la vente d'armes à la République Translavique, bien d'autres nations seraient disposées à vendre leurs armes à la République et cette logique peut s'appliquer également à la DCT, bien que je doute fortement que le Grand Kah soit soucieux de fournir de l'armement à la DCT, Axis Mundia n'a montré que peu d'intérêt à la Translavya jusqu'ici, je ne pense pas que cela change. Néanmoins, à moins d'un embargo sur les armes des deux Translavya, je ne peux tout simplement pas vous assurer dans ce cas que l'Estalie se refusera de son côté à fournir de l'équipement militaire à la DCT si celle-ci souhaite elle-même en acheter. Cela me semblerait vraisemblablement inégal qu'en l'absence de limites fixées entre nos deux nations que nous nous limitions seuls dans la vente d'armes aux Translaves si ceux-ci en demandent en retour.
"

Là aussi, le message estalien était subtil mais assez facile à discerner pour un diplomate chevronné comme Pierre Lore. La Commissaire acceptait de jouer les règles du jeu dès lors qu'elles étaient rigoureusement égales entre les deux parties. En l'absence de telles règles, l'Estalie ne s'embêterait pas à appliquer sa politique au gré de sa volonté. Bien sûr, l'Estalie pouvait aussi rester passive mais l'APT était en pleine réforme, elle avait besoin de nouveaux matériels pour contrebalancer la perte de son allié loduarien et la seule nation en capacité de lui fournir de l'équipement militaire en peu de temps et avec probablement un prix proche de zéro, ce serait la Fédération. Les Teylais pouvaient se risquer à poursuivre l'appât du gain par la vente d'armes aux Translaves, au risque de débrider toute volonté estalienne d'armer la région, ou imposer des règles pour s'assurer que les Estaliens les suivent de manière égale.

Volkiava se tourna pour la dernière partie vers son homologue. Elle lui lança un regard presque provocateur, comme pour lui dire "je sais que tu démanges de parler pour le SRR, vas-y, réponds, espion de mes deux". Volkiava savait pertinemment que la seconde option n'intéressait personne en Estalie, ni elle, ni aucun de ses coreligionnaires. Il était inutile du point de vue estalien de mener des pressions diplomatiques publiques et ouvertes sur les nations réactionnaires : le principe même de ces nations était d'opposer une réaction aux idéologies émancipatrices comme le courant libertaire estalien, ces sociétés s'appuient sur la peur de l'autre, la peur de la Vague Rouge ainsi que le rejet de la "dégénérescence" du libéralisme. Lorsqu'on avait un peu étudié l'histoire des régimes fascistes, la plus grande menace de ces régimes ne vient pas de l'extérieur mais souvent de l'intérieur. Bien sûr, on peut imaginer que certaines nations cèdent malgré tout partiellement face aux pressions. Slaviensk n'avait-il pas cédé aux exigences teylaises de démocratisation ? Oui, dans un premier temps, avant de frauder les élections et établir un régime autoritaire dont la tradition démocratique semble bien éloignée de celle du régime monarchique teylais. Le Pravoslavnyy avait lui aussi cédé mais pas juste sous pression diplomatique : c'est la force coercitive velsnienne, couplée à un mouvement populaire interne, qui a forcé à la reddition du régime. Sachant tout cela, elle déplaça légèrement son pied vers celui de Velislav pour l'inciter à répondre. Un peu surpris, Velislav sursaute légèrement avant de répondre :

"Ah...euh oui, en ce qui concerne l'espace slavo-pravoslave, votre proposition est très intéressante et je pense que nous pouvons l'accepter sans mal, cela nous donnera l'occasion de faire travailler nos services de renseignements ensemble dans un objectif commun. De plus, la création d'une cellule commune entre nos services de renseignements dans la démocratisation de l'Eurysie de l'Est sera évidemment un moyen de prévention entre nos deux nations afin d'éviter toute lutte d'influence clandestine qui serait sûrement néfaste à nos deux nations. A ma connaissance, il me semble que l'Estalie dépense davantage de son budget dans les services de renseignements que Teyla, ce sera également un moyen pour vous d'éviter de gaspiller inutilement des moyens financiers en plus faible quantité alors que nous partageons un objectif commun. Le but est donc que nous évitions de nous tirer dans les pattes, je ne vois pas d'inconvénient à cette proposition.
- Au-delà de la question des services de renseignements, vous avez souligné à juste titre l'implication de plus en plus importante de Velsna dans la région et nous l'avons bien remarqué : en Polkême, au Drovolski, en Pravoslavnyy ; il semble que cette république oligarchique étende ses griffes sur la région à un certain degré et vous avez raison de dire que cela nous inquiète. Non pas que je pense que Velsna ne dispose des capacités suffisantes pour ne faire autre chose qu'investir les zones côtières mais la présence de Velsna inquiète effectivement à Mistohir, surtout que celle-ci semble en Pravoslavnyy s'installer davantage dans une manoeuvre purement impérialiste. On reconnaît bien là l'opportunisme hypocrite des Velsniens à l'international. De cette inquiétude, j'aimerais donc connaître l'avis du gouvernement teylais sur la question, sur ce que vous pensez de l'expansion velsnienne dans la région.
"
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Angel Rojas n'aimait pas la tournure que prenait la conversation, la négociation entre le Royaume et la Fédération concernant les livraisons d'armes envers tant la République Translaivque et que la Démocratique Communiste de Translavya. Comme l'avait signifié le Premier ministre, plutôt, durant la conversation, le Royaume de Teyla n'accepterait pas d'avoir un scénario à la Loduarie Communiste se répéter aux frontières de la République Translavique et le Gouvernement par intérim était de cet avis-là. Rojas et Lore restèrent impassibles face au sous-entendu de la Commissaire diplomatique et par le très probable chien de garde envoyé par le régime pour tenir en laisse la Commissaire diplomatique. La détermination, de ces deux hommes, de ne pas revoir une situation à la Loduarie se répéter était totale, presque maladive. Il faut dire, bien que seuls quelques personnes, dont Pierre Lore et les Services du Renseignement de Sa Majesté, étaient au courant, des conséquences que cela avait eues sur la santé d'Angel Rojas.

Des crises d'angoisse voire de panique, des nuits d'insomnie à rester enfermé dans cette bulle terrifiante. L'élément déclencheur fut celui d'un geste barbare par la Loduarie Communiste, au tout début du mandat d'Angel Rojas. Celui de l'assassinat de deux Teylais par les services de sécurité de la Loduarie Communiste, pour soit disant "terrorisme". Personne ne crut à cette version dans les cercles de pouvoir teylais y compris Angel Rojas. Mais la conclusion qui s'imposait, dès le début de son mandat, pour l'ancien juge anti-corruption au parquet de Manticore était terrifiante, horrifique. Une nation à la frontière teylaise tua impunément deux Teylais. La suite semblait sortir d'un film d'horreur, plus encore elle était pire, non pas pour l'ensemble du Gouvernement de Sa Majesté mais plus particulièrement pour celui qui devait diriger ce gouvernement, le Premier ministre de Sa Majesté, Angel Rojas.

Ce qui l'avait brisé, ce n'était pas seulement la barbarie initiale, l'ignominie des meurtres et la fausse accusation. C'était l'après. L'horreur était de se sentir impuissant, enchaîné par les réalités diplomatiques et l'échange incessant des missives avec le Duché de Gallouèse et d'autres qui demandaient au Royaume de Teyla de ne pas forcer le destin, de ne pas affaiblir le Royaume de Teyla en demandant une enquête sur le sol loduarien avec la présence d'enquêteurs loduariens. Chaque année rappelait qu'elle était, la faiblesse qu'il avait eue et celle du Royaume de Teyla, à ce moment-là. Il se rappelait constamment du soutien infaillible des alliés et partenaires du Royaume de Teyla.

La presse eut à cœur de dépeindre, dans sa grande majorité, un Premier ministre fort qui tenait à la fois ses troupes (députés) et ses ministres. Une chose que parfois, les Premiers ministres, n'arrivaient pas à faire en même temps. Elle eut à cœur de dépeindre les réussites économiques grandissantes de la méthode Rojas propulsant le Royaume de Teyla, sous son mandat, à la quatrième place des puissances économiques mondiales. Elle eut, même, un très grand plaisir à raconter les anecdotes et éléments de langage guerriers donnés par la Résidence Faure lors de l'invasion de la Translavya ou encore du Hvítneslånd. Mais malgré toute la dextérité de l'homme sur tous les sujets, y compris la guerre, lorsqu'on évoquait la Loduarie Communiste, quelque chose était brisé, fendu, comme l'armure d'un de ces chevaliers d'antan dont l'œil était arraché au gré d'un coup d'épée. Tout lui rappelait l'impuissance de l'époque lorsque ces deux mots étaient prononcés.

L'invasion de la Translavya aurait-elle eu lieu si les alliés de l'Organisation des Nations Démocratiques et tout son gouvernement étaient unanimes quant à la nécessité de cette invasion ? L'invasion du Hvítneslånd si Sa Majesté n'avait pas insisté tant de fois auprès du Premier ministre, pour que le Royaume de Teyla montre ses capacités militaires à la Loduarie Communiste en se projetant à l'étranger ? Elle n'avait dit aucune méthode, aucune nation sur laquelle envoyer les "boys" au Premier ministre. "Au Premier ministre" c'était bien là le détail sur lequel il fallait se pencher. Catherine III, restait, depuis la constitution adoptée en mille huit cent quarante-huit, la cheffe des Armées, un rôle que chaque souverain, dont chacun avait son service militaire, prenait très à cœur. C'était un rôle qu'avait aussi Angel Rojas. Le gouvernement de Sa Majesté et Sa Majesté étaient vus comme ceux qui devaient défendre le "contrat social" liant l'État au peuple. Si l'un des deux plus hauts personnages de l'État trahissait cette promesse, alors l'autre plus haut personnage du Royaume de Teyla devait avoir toute la légitimité pour défendre, au coup de la force armée si nécessaire, ce contrat social, le Royaume de Teyla. Alors le Premier ministre, qui dans ce rôle-là n'était pas celui de Sa Majesté, mais bien du Royaume de Teyla, et Sa Majesté donnaient des ordres à l'armée avec le même degré dans la hiérarchie.

Est-ce un hasard que l'état-major teylais proposa le Hvítneslånd en première cible à Angel Rojas lorsqu'il fut convaincu de devoir montrer les capacités de l'Armée teylaise en situation réelle afin d'envoyer un message à la Loduarie Communiste ? Nul ne peut le dire. Elle avait la responsabilité de la...

- Défense du Royaume de Teyla, je sais bien Votre Majesté, dit Pierre Lore debout face à Catherine III, dans une pièce feutrée, presque isolée, du reste du Palais Grayson (royal).
-Je ne suis pas celle qui veut faire basculer le Royaume dans l'instabilité et dans la stupeur. Une telle décision provoquerait de la stupeur, non ? Le visage de Pierre Lore ne laissa aucun doute. Ses traits, habituellement sereins, se durcirent imperceptiblement, trahissant son avis. Plus que cela, Catherine III voyait bien que Pierre Lore pensait qu'une telle décision affaiblirait le Royaume de Teyla.
-Vous avez le pouvoir de dissoudre la chambre basse, sans nécessité de réunir des conditions ou de consultation. Mais est-ce que cela changera quelque chose ? Oui, une telle décision affaiblirait Angel Rojas, car le message envoyé par une dissolution sans explication ne pourrait être autre que "Vous estimez qu'Angel Rojas ne réunit pas les conditions, les qualités pour être Premier ministre, alors qu'il a la majorité absolue la plus large depuis cinq décennies au moins". Angel Rojas aura l'approbation du parti et, à vrai dire, la mienne, il reste mon ami. Il gagnera les élections, même s'il n'aura que la majorité relative, mais je crois qu'en l'état il gardera la majorité absolue. Elle sera moins grande, moins confortable, mais il restera Chef du Gouvernement.
-Certes, mais au regard de son état de santé, très préoccupant, peut-il encore exercer le pouvoir, Pierre ?

Un long silence s'installa et Pierre Lore eu tant à répondre.

Le Mouvement Royaliste et d'Union et Teyla avaient eu une chance. Le refus d'Angel Rojas d'avoir la casquette de chef du parti et de gouvernement en même temps, alors que la coutume, la tradition dictaient cela. Mais les traditions au Royaume étaient faites pour être remises en cause. Angel Rojas ne dérogea pas à la règle. Il se contenta d'être le chef du Gouvernement, ce qui laissa à Rosalie Chabas, la Maire de Manticore et à Pierre Lore toute la latitude pour agir. La protection de Sa Majesté pour Pierre Lore, bien que non officielle, était connue de tous y compris des bons observateurs étrangers. La conversation qu'il avait eue, ce jour-là, fut cruciale. Il avait convaincu Sa Majesté qu'il pouvait servir l'État Teylais et qu'il veillerait à ce que le Gouvernement de Sa Majesté continue d'assurer les missions qu'il devait assurer.

Le Royaume de Teyla était plus qu'une nation. Il était une administration, une machine. Une machine que rien ne DEVAIT arrêter, qui ne pouvait être stoppée. Pierre Lore n'agissait pas pour la protection de ce système ou de ses élites. Non, il agissait, car premièrement Angel était devenu son ami, un grand ami et deuxièmement qu'il ne croyait pas au grand soir, à la révolution, surtout dans l'état actuel de la société. Si le chaos s'installait au Royaume de Teyla, il provoquerait de la souffrance, des morts pour rien, pour aucun droit, aucune victoire même symbolique pour la "vraie gauche". Ce qu'il y avait de bien avec le Royaume de Teyla, c'est que pratiquement tout était codifié, légiféré. Pierre Lore n'avait pas à se soucier de qui succéderait au Premier ministre, en période non électorale, si ce dernier ne pouvait plus, même temporairement, assumer son rôle. C'était simple, l'ordre protocolaire décidait, en l'état ça serait Sandrine Couturier, la ministre de l'Économie et ainsi de suite.

Il n'avait pas à gérer cela et cela ravissait Pierre Lore. Devoir gérer la succession de son ami, si celui-ci devait être en urgence interné ou autre, l'aurait mis très mal à l'aise. Rosalie Chabas et Pierre Lore veillèrent à ce que le parti tourne, et cette tâche ne changeait pas d'habitude étant donné que l'ancien juge anti-corruption avait refusé le rôle de chef de parti. La principale tâche de ces deux personnes était de veiller à ce que le Gouvernement continue de travailler fortement sur la Loduarie Communiste et en dehors de la crainte d'Angel Rojas pour cette nation en plus de devoir garder l'un des secrets les plus importants de la nation teylaise. Le secret, bien plus qu'une simple indisposition, était une faille potentielle dans l'armure du Royaume de Teyla, rendant Angel Rojas vulnérable, et par extension, tout le gouvernement qu'il dirigeait.

Angel Rojas le savait. Chaque fois que le nom de la Loduarie Communiste était prononcé, chaque fois que les cartes affichaient ses frontières à un cheveu des siennes, la même angoisse le poignait. Pourtant, en ce jour, devant la diplomate et son chien de garde, Angel Rojas n'était plus cet homme. Il s'était, avec la chute brutale de la Loduarie Communiste, reconstruit. Les deux hommes savaient les dégâts faits par une situation à la Loduarie Communiste et les risques qu'elle avait fait peser sur le Royaume de Teyla. "Oh non, une telle situation n'arrivera pas de sitôt" se dirent intérieurement les deux hommes, comme si leur esprit était lié. Mais, Angel Rojas n'était pas de ces infaillibles et les traces de la Loduarie Communiste restaient encore. Les Estaliens purent sentir une gêne, une crispation chez Angel Rojas qu'ils ne ressentaient pas chez Pierre Lore.

- Votre Excellence Volkiava, Votre Excellence Velislav, commença Pierre Lore en citant les deux personnes représentant, devina-t-il, deux organes différents de la Fédération, en espérant que le Royaume de Teyla serait dans les papiers de tout le pouvoir Estalien, en respectant chaque organe, je vous remercie de l'appréciation que vous portez à nos efforts de réduction de notre présence terrestre et aérienne au sein de la République Translavique.

Je me désole cependant que vous n'acceptiez pas la présence navale du Royaume de Teyla dans la région. Je comprends vos inquiétudes, mais je prie Anslav de ne pas voir dans la présence teylaise rien d'autre qu'une force de protection et de défense. Le Groupe Aéronaval Teylais n'est aucunement dans la région, les capacités offensives de la présente flotte teylaise dans la région sont nulles. Si Anslav ne peut concevoir que le retrait sous six mois de deux composantes majeures de l'armée teylaise et de la protection, Lore appuya ce mot, de la République Translavique n'est pas un geste suffisant, alors le Royaume de Teyla estimera qu'Anslav n'est pas dans l'optique de recherche de compromis diplomatique. Notre pas et proposition de réduction drastique de la présence teylaise militaire est un grand pas vers l'apaissement des tensions. Prétendre qu'une présence navale strictement limitée à la lutte contre la piraterie, sans capacité de frappe offensive et sans nos unités de projection majeures, serait une menace nécessitant des restrictions drastiques, c'est ignorer la réalité de nos intentions et de nos capacités déployées. Faut-il une absence complète du Royaume de Teyla pour que la Démocratie Communiste de Translavya se sente en sécurité ou sera-t-elle raisonnable ?

L'accord précédent acte que le Royaume de Teyla a consenti à de grands efforts. Dois-je vous rappeler que les efforts de la Fédération des Peuples d'Estalie ne peuvent être comparables ? À la connaissance de mon cabinet et de celui de l'Honorable Premier ministre de Sa Majesté, la Démocratie Communiste de Translavya ne compte aucune troupe estalienne sur son sol. Il vous est bien plus facile d'accepter que nous. Les conditions que nous avons discutées, avant votre réponse, Votre Excellence le Commissaire, conviennent au Royaume de Teyla et sont équitables, pas totalement, mais nous fermerons les yeux pour la paix. Quant aux propositions que vous venez de présenter, elles nous préoccupent profondément, surtout par leur asymétrie. Exiger que nos navires soient privés de toute capacité de frappe au sol et qu'ils respectent une zone de non-navigation de cent kilomètres des côtes de la Démocratie Communiste de Translavya, c'est asymétrique, d'autant plus que vos propos ne proposent aucune contrainte à la Fédération des Peuples véritablement, car la réciprocité était actée précédemment concernant la non-présence militaire aérienne et terrestre du Royaume de Teyla. C'était même l'une des premières propositions présentées au Royaume de Teyla. La représenter ici comme un effort de la Fédération des Peuples d'Estalie rend vos demandes, présentées sous la forme d'exigence, caduques.


En étant aussi démonstratif et se risquant à ridiculiser un "diplomate" devant sa collègue était l'une des choses que n'aimait pas faire Pierre Lore. Mais au regard de la proposition formulée par Velislav, il y était bien obligé, même si le Royaume de Teyla n'allait pas être défendu par cet homme une fois qu'il serait de retour au pays. Mais, la femme ? Peut-être défendra-t-elle le Royaume de Teyla, si elle n'aimait pas cet homme. Mais Pierre Lore y croyait moyennement, il avait surtout anticipé que les deux étrangers allaient se braquer ou avoir une politesse de façade pour faire avaler la pilule de la "tentative d'arnaque malheureuse". Si Anslav s'inquiétait véritablement de la présence de navires militaires teylais dans la région, alors la Fédération aurait présenté une vraie contrainte pour elle pouvant permettre un compromis. La proposition faite allait seulement dans le sens de la Fédération, aucune concession majeure ne fut faite au Royaume de Teyla, à part la répétition d'une proposition déjà faite.

Angel Rojas prit la parole à la suite de Pierre Lore :

- Le Gouvernement de Sa Majesté est prêt à travailler à cette liste commune, en coopération avec vous pour une proposition finale aux deux nations, dont nous voulons les voir en paix, à situation égale, bien entendu. Permettez que je commence des propositions. La première nation qui nous vient à l'esprit est la Sérénissime République de Fortuna. C'est l'une des nations qui me semblent les plus évidentes. Elle a participé à plusieurs médiations, dont l'une concernant la Principauté de Carnavale, évitant une guerre. En espérant que Dame Fortuna n'ait pas à refaire dans les mois et années à venir un tel exploit, dit-il sans se douter de l'avenir. Du point de vue du Gouvernement de Sa Majesté, elle a su démontrer qu'elle était neutre dans les situations le nécessitant. Sa présence au sein de l'Organisation des Nations Commerçantes pourrait peut-être freiner la Fédération des Peuples d'Estalie vu le passif de cette organisation. Mais je tiens à rappeler que Dame Fortuna n'agirait pas sous un mandat de cette organisation. Elle devra consentir à reconnaître la légitimité des deux Translavya, je crois que cela est faisable.

La seconde nation n'est nulle autre que le Duché de Gallouèse. Cette nation, croyez-moi, sait défendre le communisme quand elle l'estime nécessaire. J'ai encore en mémoire certaines missives de certains membres du Duché concernant la Loduarie Communiste. Nous ne croyons pas au principe de neutralité sur la scène internationale, mais le Duché se réclame de ce principe-là. En nation plus à gauche, pour satisfaire tant la Démocratique Communiste de Translavya que la République Translavique, il y a soit l'UC Sochacia ou le Negara Strana. Des nations qui n'ont montré aucune volonté militaire et sauront garder la neutralité quand le contexte l'exige.

En ce qui concerne le transfert d'armes, nous acceptons que l'Estalie livre des armes dans le futur tant que la Démocratie Communiste d'Anslav ne s'en sert pas pour menacer la République Translavique. Comme nous l'avions signifié précédemment, nous ne laisserons pas une situation similaire à celle que nous avons vécue avec la Loduarie Communiste s'installer et perdurer. Toute arme livrée à la Démocratie Communiste de Translavya, que cela soit des Estaliennes ou d'autres nations, devra avoir l'assurance minutieuse que son utilisation sera strictement défensive et nous ferons de même concernant les livraisons à la République Translavique, cela va de soi. L'égalité est une chose essentielle dans les accords diplomatiques.

À vrai dire, Vos Excellences, nous espérions que nos deux nations pourraient convaincre les nations dont il est question de se parler, de se réunir et ainsi d'observer une rencontre diplomatique, en territoire neutre ou non. Il y a des questions, dont celle-là fait partie selon le Gouvernement de Sa Majesté, qu'il revient aux nations propres de régler, bien que nous puissions exercer une pression pour avoir l'assurance de la paix, Vos Excellences. Par exemple, nous pensons indispensable que la République Translavique et que la Démocratie Communiste de Translavya travaillent communément à la création d'organes facilitant le dialogue et la compréhension entre eux. Je ne demande à ce que la République devienne communiste et inversement, mais peut-on imaginer des initiatives communes comme l'assurance d'un dialogue constant. En tant qu'homme de paix, je l'imagine et je sais que la Fédération aussi.

Plus encore, nous pouvons imaginer un traité entre les deux nations qui régisse les relations entre les deux pays : visas, frontière, reconnaissance mutuelle et j'en passe.



Sources :

  • Origine et explication concernant le fait qu'il y a deux chefs des armées au Royaume de Teyla : Ici
  • Rapport sur l'état de santé du Premier ministre : Ici
  • Nomination du Gouvernement Rojas I décidant de l'ordre protocolaire : Ici

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"Les Tricheurs" de Michelangelo Merisi da Caravaggio.


Au fur à mesure que Pierre Lore exprima sa position quant à la question de la marine teylaise, la mâchoire de Velislav se crispa progressivement. Du mépris, peut-être, pour cet homme qui avait visiblement peu l'habitude qu'on le contredise, qui avait tendance à imposer son autorité face aux personnes lui faisant face. C'est ce qu'il fit durant la majorité de sa carrière après tout : de négociation en négociation, dans des territoires étrangers où l'Estalie régnait en tant que maître de l'échiquier, choissisant qui vivra et qui mourra, à qui fournir un financement, des armes ou des hommes pour soutenir une faction comme une autre, et ce peu importe son idéologie. C'était la triste réalité des choses, loin de l'idéal révolutionnaire, qui avait rendu cet homme d'abord extrêmement cynique à cause de cette désillusion idéologique puis qui le rendit plus autoritaire. Pas forcément nerveux, bien qu'il y avait des signes d'agacement légers qui commençaient à transparaître chez Velislav ; sa langue se retournant dans son palais, ses doigts qui tapotent sur la table, sa jambe droite qui s'agite légèrement, malgré cela, il restait calme mais il s'avérait évident que la réponse teylaise ne l'avait pas satisfait, ni sur la forme, ni sur le fond. Heureusement qu'il n'était que second délégué à cette rencontre et qu'il n'avait pas le pouvoir de faire fermer les négociations car pour lui, les absurdités que venaient de raconter le Ministre des Affaires Etrangères teylais relevait clairement de l'insolence, voire de l'injure diplomatique. Velislav tourna l'œil vers sa supérieure. Son regard était impassible, elle avait pris note de ce que avait pu exprimer Pierre Lore. Pour le soi-disant représentant du Congrès International des Travailleurs, ce qui avait été dit justifiait à lui seul de rompre les négociations, il n'y avait rien de bon à tirer de cette rencontre à part des limites à l'Estalie et des concessions de façade de Teyla. Mais pour la Commissaire aux Relations Extérieures, bien qu'elle voyait clairement la réponse teylaise comme une limite, une ligne rouge à ne pas dépasser, elle ne le vit pas comme un revers mais comme un moyen de clarifier, d'expliquer, de réduire la méfiance de ses interlocuteurs. Elle savait à qui elle s'adressait, du moins elle le pensait : à des hommes d'Etat chevronnés qui ne négociaient avec une nation antagoniste comme l'Estalie uniquement car c'était dans leur intérêt de le faire. La diplomatie, c'est une affaire qui consiste à satisfaire les deux parties, Volkiava l'a compris et elle espérait que ses homologues teylais le savaient autant qu'elle.

C'était un pari risqué en somme, il fallait compter sur la rationalité et la modération de l'adversaire. Seulement, voilà, dans le cas d'une négociation ardue avec une nation catégoriquement opposée aux valeurs de la Fédération, élaborer une stratégie diplomatique basée sur la capacité de l'opposant à être rationnel dans ses schémas de pensée diplomatique est une manière très risquée de négocier et de consolider une doctrine diplomatique. C'est pourtant la seule manière pour la ligne modérée au sein de la Commission aux Relations Extérieures de l'emporter sur les radicaux du Comité de Défense Internationale ou les isolationnistes du BAC. Entre le millénarisme militariste révolutionnaire des husakistes radicaux (dont Velislav n'est qu'un aperçu) et le recul diplomatique des prodaykistes, les modérés du Club Libertaire Renouvelé étaient bloqués entre deux feux et le seul moyen pour la Commissaire, malgré sa popularité nationale, de prouver que sa diplomatie est la bonne voie à suivre, il fallait engendrer des victoires diplomatiques à la chaîne et prouver qu'il y a peut-être d'autres moyens que la confrontation pour atteindre les objectifs de l'Estalie et préserver le plus de vies possibles d'un côté comme de l'autre. Cependant, le revers infligé par les Teylais sur le plan naval lui laissait un semblant de doute s'installer malgré sa sérénité apparente. Ce n'était pas qu'une question de volonté estalienne de sécuriser la paix en Translavya, c'était aussi de couper les ailes des militaristes translaves au nord qui prévoyaient toujours l'invasion pure et simple de la République Translavique en bonne et due forme. Il fallait donner une bonne raison à la DCT qu'elle n'était plus menacée, qu'elle pouvait concentrer ses efforts sur le domaine civil et économique, qu'elle pouvait mettre fin à sa militarisation...et qu'elle pouvait arrêter d'harceler la Commission à la Guerre en lui demandant des envois d'armes tous les quatre matins au secrétariat.

Est-ce que seulement, elle pouvait simplement se rétracter ? Elle en avait déjà assez eu sur les concessions teylaises. Bien qu'elle se méfiait naturellement des Teylais, comme elle se méfiait d'absolument tous les pays libéraux en temps normal, elle se doutait bien que la présence navale teylaise n'était pas anodine, qu'elle permettrait à Teyla de conserver une présence militaire locale suffisamment dissuasive pour empêcher la DCT d'être hostile envers la RT mais aussi de contraindre sur le plan naval les Translaves ou même l'Estalie si elle se décide à faire de la Translavya sa façade côtière déportée comme le sent déjà venir un certain nombre d'observateurs en Estalie. C'est une force à double usage en somme : lutter effectivement contre la piraterie et garder à l'œil la DCT, et ce à peu de frais puisque cette flotte protège fondamentalement le commerce teylais lui-même et celui de ses alliés, c'est une mission navale qui est en capacité de s'auto-financer d'une certaine manière, à l'inverse des forces terrestres et aériennes qui n'apportent aucun bénéfice économique quelconque. Volkiava n'était pas dupe : la ligne rouge qu'on lui a imposé est une simple manière pour Manticore de ne pas renoncer à sa présence locale de manière définitive, sûrement par peur de laisser trop les mains libre aux Estaliens qui reste l'hégémon principal de la région. Volkiava regarda ses notes, inspira quelques instants avant d'expirer. Cette rencontre était prise de tête, pas seulement parce que les Teylais ne se pliaient pas gentiment aux exigences estaliennes, mais surtout car la Commissaire allait devoir gérer à la fois son camarade estalien visiblement ulcéré par les propos teylais et répondre aux demandes teylaises, essayer de recadrer le débat et finalement trouver un terrain d'entente entre elle et ses interlocuteurs teylais. Tout un programme. Elle se tourna vers son homologue, employant de nouveau le moyen-estalien :

"Bon, Velislav, à partir de maintenant, vous allez me laisser parler. Je comprends vos préoccupations mais votre proposition les ont braqués bien plus vite que je ne le pensais.
- Vous n'allez donc rien dire à ce qu'ils viennent de dire ? Ils nous accusent de leur proposer un accord inéquitable, quand même. On se limite volontairement dans la région et selon eux, ça n'a rien d'une concession. Je suis d'avis de leur faire un chantage, on envoie toute une division en DCT et on leur propose de les retirer en monnaie comptant, ça les fera moins rire.
- J'espère que vous blaguez ?
- J'exagère, oui. Mais vous conviendrez que leur raisonnement frôle l'insulte diplomatique.
- Leur en tenir rigueur ne nous avancera à rien. On retournera à Mistohir les mains vides et on aura une Translavya au bord de la guerre sur les bras. Vous savez comme moi que nous n'en avons pas les moyens et l'opinion publique a déjà suffisamment à faire avec les morts du Saïdan.
"

Velislav soupira et s'affaissa davantage dans le fauteuil sur lequel il était assis. La logique de la Commissaire était implacable : il avait beau être en désaccord idéologique avec elle, il ne pouvait lui enlever qu'elle avait déjà mieux bien analysé la situation que lui. Peut-être ne fallait-il pas pousser leur chance trop loin. Il acquiesça timidement à sa supérieure, visiblement réticent à se soumettre, lui qui avait tant l'habitude d'écraser les autres par la force de sa seule volonté. Débarrassé des considérations gênantes de son homologue, la Commissaire se tourna vers ses homologues. Convaincre son compatriote n'était pas une tâche ardue mais convaincre les deux hommes qui lui faisait face était une tâche qui s'approchait beaucoup plus des Douze Travaux d'Hercule que de la simple négociation.

"Vos Excellences, je pense que vous vous méprenez en ce qui concerne nos intentions. Nous souhaitons couper l'herbe sous le pied à toute possibilité qu'un conflit puisse avoir lieu dans un avenir proche entre les deux Etats translaves, comme j'ai essayé de vous le notifier au début de cette rencontre. La présence navale que vous mentionnez est à notre sens une de ces possibilités pour Anslav de se sentir effectivement menacé et de continuer à s'armer continuellement. Nous ne pouvons contraindre Anslav à ronger son frein militariste mais nous pouvons lui donner des raisons de le faire. Néanmoins, si vous m'assurez comme vous dites que cette force navale lutte exclusivement contre la piraterie et qu'elle ne dispose d'aucune force offensive ou de capacité de projection permettant une intervention rapide des forces armées teylaises contre la DCT, alors je ne peux que me satisfaire que notre accord s'arrête à ce que vous effectuez votre retrait terrestre et aérien comme cela est prévu. Quant à la limite de cent kilomètres au niveau des côtes translaves, je peux concéder que c'est peut-être une exigence trop élevée, surtout dans le cadre d'une lutte contre la piraterie qui rendrait une telle zone un territoire complètement libre d'accès aux pirates. Je peux donc convenir à retirer cette exigence si celle-ci vous dérange effectivement, nous devons compter sur votre bonne volonté d'assurer la paix pour ne pas vous aventurer de manière provocante trop proche des côtes de la DCT. C'est un risque que je suis prête à prendre, le Royaume de Teyla a déjà affirmé à plusieurs reprises durant cette entrevue son souhait de conserver la paix régionale, je suis donc persuadée que la marine teylaise effectuera son mandat dans la stricte limite de ce dernier et ne visera pas à provoquer délibérément un conflit en empiétant trop près des côtes de la DCT.

Néanmoins, je ne peux m'empêcher de revenir sur la mention que vous avez faite sur l'acquisition d'armes à un rôle exclusivement défensif. Bien que l'intention soit louable en principe, je dois tout de même pointer deux choses. Tout d'abord, vous aviez affirmé précédemment que vous ne pouviez forcer la République Translavique à céder sur sa souveraineté en matière d'achats d'armes, que ces achats étaient du ressort avant tout de l'acheteur. Ayant tenu compte de cette position, je m'interroge donc en quoi il serait tangible de limiter l'envoi d'armes à la DCT à des usages exclusivement défensifs, de même pour la RT dont la logique est la même. Même sans être partie prenante de l'OND, rien ne nous garantit que la RT continuera de s'armer massivement auprès d'autres nations de l'OND, notamment Sylva et Tanska et dont je n'oublie pas le rôle historique autant dans l'invasion de la coalition onédienne contre la RFST comme dans la construction politique intérieure de la République après sa proclamation. Ce que j'essaie de souligner, Excellences, c'est que cette partie de notre accord est tout aussi asymétrique que vous l'avez prétendu sur les concessions d'ordre militaire : il n'existe aucune garantie d'aucune part en ce qui concerne l'armement de la RT ou de la DCT en terme d'acquisitions par ces deux parties. Pourtant, je vous assure que l'Estalie pourrait faire pression, en utilisant son influence diplomatique en tant que seul allié tangible de la DCT, pour forcer la main à Anslav afin de limiter ses importations d'armes. Je ne vais pas jouer l'hypocrite en vous disant que nous n'avons pas le pouvoir de raisonner Anslav à ce sujet. Néanmoins, au nom de la paix, l'Estalie devra se mouiller et risquer ses relations diplomatiques cordiales avec la DCT pour s'assurer que l'accord que nous négocions ici même puisse avoir une chance de fonctionner de manière concrète. Nous sommes prêts à prendre le risque, si cela garantit la paix régionale. Mais qu'en est-il de Teyla ? Est-ce que Manticore a le pouvoir de négocier au nom de l'OND à ce sujet ? A-t-elle les moyens de négocier avec le gouvernement du Sud pour limiter ses achats d'armes ? Si la réponse est non, je pense que tout accord de limitation de transfert d'armes, même à des fins exclusivement défensives, tomberait inévitablement à l'eau. Vous l'avez dit vous-même, l'égalité est règle d'or dans les accords diplomatiques et je suis au regret de vous dire qu'il n'y a aucune égalité dans le fait de limiter une partie et pas une autre, surtout en sachant pertinemment que votre retrait de la RT était déjà prévue avant même notre entrevue.

Enfin, en ce qui concerne la liste commune dont vous me faites part, je retiens seulement deux noms qui me semblent prometteurs et sur lesquels je pense que nous pouvons définitivement tomber d'accord. Tout d'abord, bien que j'ai mes réticences, la Gallouèse semble être un candidat tangible à cette tâche, autant par la connaissance des diplomates de ce pays avec la Translavya dont ils ont pu analyser la situation lors des invasions loduarienne et onédienne et bien que j'ai des inquiétudes légitimes quant à un possible parti pris du fait de l'absence de relations diplomatiques régulières entre nous et Ligert, leur réputation diplomatique les précède et permet d'écarter mes quelques soupçons sur la question. Ensuite, je pense qu'en deuxième pays, le Negara Strana est une option tout aussi viable. C'est autant dû à son passif diplomatique au Nazum et les relations que le pays a su entretenir de manière plus ou moins pacifique avec le Jashuria, son grand voisin capitaliste, qui me convainque personnellement que le Negara Strana soit une nation qui puisse compenser la présence de la Gallouèse sur le plan idéologique, afin d'éviter que des biais politiques liés aux pays médiateurs ne s'immiscent dans les médiations entre DCT et RT. L'UC Sochacia peut figurer parmi la liste, bien que je vous admets que je manque d'un avis formel sur la question de leur participation, autant par la discrétion diplomatique dont ils font preuve en ce qui concerne les affaires eurysiennes en général que par les quelques soubresauts de leur propre diplomatie avec Karty. Je ne m'oppose pas à leur présence néanmoins, si vous l'estimez nécessaire. Enfin, je dois tout de même m'opposer à la présence de la Sérénissime au sein de telles médiations, tout d'abord car Fortuna subit à l'heure actuelle une période d'instabilité politique qui laisse figurer que sa médiation pourrait prendre une tournure inattendue en fonction des événements liés à la politique intérieure fortunéenne, et vous savez comme moi que l'incertitude dans de telles situations n'est pas un facteur que nous devrions immiscer dans de telles médiations ; ensuite, comme vous l'avez souligné, je pense que l'appartenance de Fortuna à l'ONC, organisation historiquement rivale de l'Internationale Libertaire dont nous sommes un des membres principaux désormais, pourrait faire pencher défavorablement de manière biaisée les négociations en la défaveur de la DCT. C'est là aussi un risque que je ne prendrais pas pour le coup, je suis donc dans l'obligation d'émettre un refus catégorique en ce qui concerne la présence de Fortuna.

Enfin, en ce qui concerne des accords bilatéraux entre les deux Translavies que vous avez mentionné, ils me semblent effectivement être de bonnes idées afin de mener à une détente régionale définitive. Bien qu'il est évident que la DCT ne deviendra pas capitaliste du jour au lendemain ou que la RT se convertira gentiment à l'eurycommunisme de la DCT, nous pouvons imaginer que ces accords pourraient être la base non seulement de relations régulières entre les deux régimes mais aussi une porte vers des institutions communes : je pense notamment à des plateformes de dialogue politique entre les deux pays et des échanges universitaires qui permettrait peut-être aux opinions politiques des deux côtés de la frontière de se concilier afin de réduire l'effet d'antagonisme que la Loduarie a volontairement laissé dans son sillage dans une stratégie de confrontation indirecte avec l'OND via l'intermédiaire de la DCT ; une stratégie, vous vous en doutez, que nous n'approuvons pas le moins du moinde.
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