
Comme toujours en Zélandia me diras-tu. Ainsi marches-tu sous la pluie avec pour seule protection un trench-coat, regrettant de ne pas avoir écouté ton ami : celui qui connaît mieux ce plat pays que toi pour l'avoir déjà visité. Oui ; tu aurais dû le prendre ce parapluie.
Alors, sur le pont de cette péniche, tu attends. Tu attends vainement que le Soleil se lève mais surtout que cette péniche sur laquelle tu t’es embarquée, qui passe sa vie entière à faire des aller-retours sur ces canaux avec son pilote ⎯ pas plus gêné que cela par le temps d’ailleurs ⎯ pour transporter des touristes comme toi ; tu attends avec impatience qu’elle s’amarre enfin à un quai sur lequel tu puisses descendre chercher un abri : café, pub, peu importe.
Par chance, ou parce que le ciel s’est lassé de rire de toi, le pilote s’amarre enfin. Tu lui paies alors ton ardoise avec un généreux pourboire et descend fissa sans qu'il ne s'offense de ton départ précipité. Là, à quelques pas, trône derrière son esplanade un vaste bâtiment de style baroque. Relevant les pans du col de ton trench-coat, tu cours vers l’arche centrale servant d’entrée. Tu entres alors dans le bâtiment sans faire attention au panonceau plaqué or fixé à côté de la porte :
𝓓𝓔 𝓑𝓛𝓐𝓝𝓚𝓔𝓝𝓥𝓞𝓞𝓡𝓓𝓔
L’intérieur est lourd ; murs et moulures en chêne massif et sombre mais seul le vestibule est obscur ; le reste étant éclairé par de longues fenêtres hautes. Tout ici respire le protestantisme et ses différents cultes. Pas de dorure, pas de brillant ; seulement la productivité, la rigueur scientifique (l’autisme dirait certains).
Te voyant seul•e et possiblement perdu•e, un étudiant venant d’enregistrer l’emprunt de quelques manuels vient à ta rencontre. Il est vêtu de façon austère et rappelant les modes estudiantines du début du siècle dernier ; tu te diras d’ailleurs le soir-même, dans ta chambre d’hôtel, que les Zélandiens n’ont pas l’air d’avoir beaucoup évolué depuis un siècle dans le domaine vestimentaire ; eux te répondront qu’ils se préparent au retour des anciennes modes, dans un cynisme qui est chez eux culturel.
Quoi qu'il en soit cet étudiant te paraît plus sympathique que ses concitoyens. Entendre par là qu’il sourit.
Tu lui demandes alors quel est cet endroit et il répond avec joie, non sans une pointe de fierté adolescente, que tu te trouves dans l’aile principale de la Bibliothèque de l’Université de Blankenvoorde : la première de son genre, fondé au XVe siècle en même temps que les premiers voyages vers le Nouveau Monde. Que en tant que telle, elle est la plus réputée de la Zélandia possède la plus grande collection d'ouvrage. Cependant, l'université de la cité s'étant spécialisée dans les sciences humaines et sociales ; la bibliothèque possède plus d'ouvrage dans ces disciplines que dans les sciences dites dures.
Enfin finit-il par dire qu'une grande majorité des auteurs Zélandiens dont leur œuvre se trouve sur ces rayonnages, les ont rédigés sur les bancs de cette université.
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