11/05/2017
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[Grand-Kah/Achos] Le Nouveau Monde s'invite en terre celte

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Aéroport de Coningsby, 8h le 18 juin 2016. Pour une fois, un grand Soleil illuminait la capitale, ce qui changeait des pluies diluviennes de mai. Fort peu habitué à tant de chaleur et de luminosité d'un coup, les deux consuls d'Achos, Ceredig Wathen et Wynn Maddocks, avaient le teint bien plus rouge que la normale. "Au moins, les Kah-tanais ne prendront pas froid" pensa Wathen.

À l'arrivée de l'avion platoréen, les deux politiques s'essuyèrent le front pour paraître plus présentables. Les saluts réglementaires étant faits à la descente de l'appareil, les délégations Kah-tanaise et achosiennes furent conduites au sein du Palais Républicain, et plus particulièrement dans la prestigieuse Galerie des Toiles, salle remplie de tableaux retraçant l'histoire d'Achos.

Galerie des Toiles

"Encore bienvenue à Achos !" repris Maddocks, " Nous sommes très heureux d'enfin vous recevoir car nous avons pas mal de points à aborder, mais je vous en prie prenez place!"
L'appareil, arborant les couleurs discrètes mais identifiables de la Confédération Kah-Tanaise, se posa avec une douceur surprenante sur le tarmac de l'aéroport de Coningsby. À l'intérieur, les vibrations s'estompèrent, laissant place au bourdonnement des systèmes de décompression et à l'agitation contenue des derniers préparatifs.

Rai Itzel Sukaretto, commissaire à la Culture, délaissa un instant la tablette où elle parcourait distraitement les dernières dépêches de l'Akai Kagami pour jeter un œil par le hublot. Un soleil franc inondait le paysage.

"Eh ben au moins on ne prendra pas froid," lança-t-elle avec un large sourire adressé à sa voisine.

Meredith, plongée dans ses notes, releva la tête, un léger froncement de sourcils marquant sa concentration. "Pardon ?"

"Le climat, Meredith," reprit-elle, en se redressant. "Il fait chaud, il fait beau. On croirait presque qu'on s'est trompé de continent."

Meredith, universitaire respectée et membre éminente du Comité de Volonté Publique, esquissa un sourire patient. "Rai, toute l'Eurysie ne peut pas être résumée à la pluie et la grisaille."

Le regard de la commissaire en charge des affaires culturelles s’appesantit longuement sur sa partenaire. Elle inclina légèrement la tête sur le côté, chercha sans succès de l'aide du côté de la commissaire aux Affaires Extérieures, puis afficha un sourire désarmant de sincérité.

"... Vraiment ?"

Peu après, les portes de l'appareil s'ouvrirent. La délégation kah-tanaise, menée par Meredith et Actée Iccauhtli, descendit les marches. Rai suivait, observant la scène avec un intérêt amusé, notamment le teint rubicond des consuls achosiens qui semblaient effectivement accuser le coup de cette chaleur inhabituelle. Les saluts protocolaires furent échangés avec la courtoisie d'usage.

Le trajet vers le Palais Républicain fut rapide. Une fois dans la Galerie des Toiles, Meredith prit un instant pour observer les œuvres, notant les styles et les thèmes, un témoignage silencieux de l'histoire achosienne dont elle espérait peut-être pouvoir tirer une vague appréciation pour la culture locale. Rai, quant à elle, semblait plus intriguée par la pompe et le décorum, si différent des assemblées communales du Grand Kah. Elle se garda bien de tout commentaire, un léger sourire flottant sur ses lèvres.

Face à l'invitation du Consul Maddocks, ce fut Actée Iccauhtli qui prit la parole.

"Consul Maddocks, Consul Wathen," commença-t-elle avec un léger hochement de tête. "Au nom de l'Union des communes, syndicats et républiques du Grand Kah, permettez-moi de vous remercier sincèrement pour votre accueil. La chaleur de votre climat n'a d'égale, semble-t-il, que celle de votre hospitalité." Un très léger sourire effleura ses lèvres.

"Le Grand Kah, comme vous le savez peut-être, abrite lui aussi des communautés attachées à des héritages culturels divers, y compris celtiques, notamment au sein de nos concitoyens des Îles Marquises ou parmi les diasporas installées à travers nos communes. Cette rencontre, en ces temps de recomposition des équilibres mondiaux, nous semble donc particulièrement opportune."

Elle marqua une pause, son regard rencontrant celui des deux consuls. Meredith acquiesça et enchaîna.

"Il ne fait aucun doute que nos échanges seront fructueux. Si cela vous convient, nous souhaiterions donc vous laisser exposer les raisons de cette rencontre."
"Ravis que la météo vous convienne ! Ces chaleurs sont assez rares sous nos latitudes, vous tombez donc à pic !" Repris Wathen, "Mais entrons dans le vif du sujet, donc. Notre nation et la vôtre entretiennent depuis plusieurs années maintenant des échanges commerciaux assez réguliers, sans jamais avoir pris contact directement. Ainsi, nous souhaitions aborder avec vous aujourd'hui l'avenir des relations entre le Grand Kah et Achos. Monsieur Maddocks ?"

"En effet, notre Sénat a récemment voté un projet de rapprochement avec vous passant par plusieurs étapes, étapes que je vais maintenant vous présenter" Il prit sa mallette et en sortit un dossier estampillé du sceau sénatorial achosien.
" Tout d'abord, les banalités. Le Grand Kah est réputé pour ses universités, ainsi un programme commun avec les nôtres serait le bienvenu ! Ensuite, sur le plan commercial. Comme vous le savez, nous sommes un pays spécialisé dans la pisciculture, en particulier la pêche au hareng. Ainsi, si cela vous intéresse, bien sûr, nous serions intéressés pour ouvrir une filiale de notre entreprise Penwaig Blasus au Grand Kah. Évidemment, nous sommes ouverts à toute proposition de votre part. L'ouverture d'une ligne aérienne directe et de programme touristique conjoint peuvent également être une bonne idée, qu'en pensez-vous !"

Il prit ensuite un ton plus sérieux, en sortant un second dossier de sa mallette, celui-ci estampillé de la Tribune achosienne, l'organe militaire du gouvernement achosien.

"Maintenant, si vous le permettez, j'aimerais aborder un sujet plus sensible. Comme vous le savez, nous devons gérer depuis de nombreux siècles nos voisins du Nord. Jusqu'à récemment, nos relations avec la Grande République de Velsna étaient froides, mais cordiales. Mais depuis ce terrible attentat perpétré par l'AIAN en 2014 , vous en avez sûrement déjà entendu parler, Velsna s'est mis en tête que nous avions quelque chose à voir dans l'histoire. Ainsi, elle a donc taché de nous enfermer diplomatiquement, en faisant par exemple signer des traités à d'autres nations comme Teyla ou Sylva leur interdisant de nous vendre des armes. Comprenez donc notre inquiétude, en voyant cette nation hostile et frontalière nous empêcher de nous armée correctement. De plus, la campagne Velsnienne a eu pour effet de nous donner mauvaise réputation à l'international, nous privant ainsi d'alliés potentiels et nécessaires. C'est là que nous avons besoin de l'aide du Grand Kah. Vous avez toujours été notre fournisseur de prédilection en termes d'armement, mais avec vous comme allié en plus, nous sommes sûrs que Velsna arrêtera sa politique néocoloniale. Bien sûr, nous sommes prêts à faire des concessions en fonction de vos demandes"
« Ma foi, voilà qui est très complet ! »

Meredith semblait sincèrement ravie, et sa remarque proposa un acquiescement approbateur de sa camarade. C’est vrai qu’en trente ans de diplomatie, la quatrième Confédération avait fréquemment été dans la position d’ordonnatrice des relations internationales. Des générations de diplomate s’étaient passé le relais pour écrire et réécrire des traités en étape permettant le rapprochement progressif avec tout type de régimes dans toutes régions du monde. Il était rare, maintenant, pour ne pas dire tout simplement inédit qu’un pays fasse l’effort de produire lui-même un cadre de rapprochement sûr mesure.

Les kah-tanais trouvaient par conséquent l’initiative achosienne parfaitement rafraîchissant. Actée acquiesça à nouveau, puis se mis à lever ses doigts devant elle tout en énumérant les propositions de son interlocuteur.

« Échanges universitaires, ouverture de ligne aérienne, programme touristique… Toutes ces choses ne devraient poser aucune forme de problèmes. Concernant l’ouverture d’une filière de Penwaig Blasus – je suis désolé si j’écorche le nom – notre système économique rend ça un peu compliqué, mais nous sommes ouverts aux importations ou aux investissements dans des coopératives locales. C’est un peu moins lucratif, évidemment, mais il est structurellement impossible d’intégrer une société à fonctionnement actionnarial ou capitaliste sur le sol de l’Union. »

Elle affichait une moue contrite, comme si cette vérité, simple conséquence mécanique du système économique kah-tanais, l’embêtait profondément. Meredith haussa les épaules.

« Bon. Affaires courantes expédiées, alors. » Puis elle sourit. « Le Grand Kah s’est toujours opposé aux pratiques coloniale et impérialistes. La Grande République est un partenaire utile, voire essentiel dans notre politique d’équilibre des puissances, mais nous n’avons pas peur de dire que son acharnement contre Achos est des plus déplaisants. L’isolement diplomatique relatif dans lequel elle s’est entretenue à vous tenir est du reste moins à mettre à son honneur qu’au détriment des pays qui ont accepté de signer ces accords iniques. Nos amis de l’OND devraient avoir honte.
– En tout cas ça en dit long sur leur humanisme », rebondit Actée en arquant les sourcils. « Ils ont vraiment signé des accords leur interdisant de vous vendre des équipements ? C’est absurde, absolument absurde. »

Meredith secoua la tête.

« En tout cas l’Union est prête à se porter garante de votre sécurité. Nous ne voulons certainement pas abuser de votre bonté et encore moins de votre situation précaire, donc autant convenir ensemble d’un cadre acceptable pour cette coopération. »

Elle se pencha légèrement en avant, son expression se faisant plus studieuse, plus concentrée.

« Pour formaliser notre soutien, nous pourrions envisager un Pacte de Coopération Stratégique et de Soutien Mutuel. Ce ne serait pas une alliance militaire offensive, mais une garantie claire de votre souveraineté. Ce pacte pourrait s'articuler autour de trois volets principaux :

Premièrement, le volet militaire. L'Union s'engage à devenir votre fournisseur d'équipements de défense, en contournant de fait le blocus indigne que l'on vous impose. Mais pour rendre cette garantie crédible, il faut aller plus loin que de simples ventes. Nous proposons d'établir des programmes d'entraînement communs et de partager nos cadres de renseignement pour anticiper toute action hostile. Plus concrètement, et pour assurer une capacité de réponse immédiate en cas de crise, nous pourrions envisager la mise en place d'installations logistiques conjointes sur votre sol. Un petit contingent, purement technique, qui permettrait de pré-positionner du matériel et de faciliter nos manœuvres communes. Un gage de notre engagement à vos côtés.

Deuxièmement, le volet diplomatique. Le Grand Kah usera de son influence pour plaider votre cause. Pour maximiser notre efficacité, nous suggérons la création d'un comité de consultation permanent pour coordonner nos positions avant les grands rendez-vous internationaux. Une voix unie porte toujours plus loin.

Et troisièmement, une clause de sécurité. L'Union déclarerait publiquement que toute agression non-provoquée contre le territoire ou la souveraineté d'Achos serait considérée comme une menace directe à la stabilité régionale et à ses propres intérêts, appelant une réponse ferme et coordonnée.
»

Actée Iccauhtli reprit la parole avec un sourire rassurant, comme pour adoucir la densité des propos de sa collègue.

« Vous avez évoqué des "concessions", Consul. Dans les faits une telle relation représente déjà une concession relativement importante. Un changement de paradigme tout du moins. Mais nous pourrions envisager un accord économique facilitant l’accès à notre marché à vos ressources – ce que vous évoquiez plus tôt – en échange de facilités pour l’investissement sur vos marchés. N’y voyez pas une obligation nous cherchons simplement toutes les façons de lier nos nations de manière à rendre cette alliance à la fois utile et agréable. Aussi, nous si ces accords venaient à voir le jour, nous vous proposerons d'ouvrir un consulat permanent sur votre sol, en plus de notre ambassade, avant d'assurer une ligne aussi directe que possible entre nos deux gouvernements. »

À ces mots, Rai Sukaretto, restée silencieuse jusqu'alors, ne put s'empêcher d'intervenir avec un enthousiasme non dissimulé.

« Oui ! Et les coopérations culturelles ! L'idée d'un dialogue nourri avec l'héritage celte est une perspective formidable ! Nous pourrions imaginer des résidences d'artistes, des festivals conjoints, des programmes de traduction... »

Elle s'interrompit, réalisant que ce point avait déjà été abordé – expédié, en fait – en début de réunion. Meredith lui adressa un regard amusé avant de se tourner de nouveau vers les consuls achosiens.

« Bref. Si cela vous convient, nous pouvons envisager un partenariat global, fondé sur le respect mutuel et une sécurité partagée. Un accord qui ne vous affaiblit pas, mais qui lie nos deux nations face aux menaces communes. Voilà notre proposition. Qu'en pensez-vous ? »
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