Posté le : 15 août 2025 à 02:58:53
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« Ma foi, voilà qui est très complet ! »
Meredith semblait sincèrement ravie, et sa remarque proposa un acquiescement approbateur de sa camarade. C’est vrai qu’en trente ans de diplomatie, la quatrième Confédération avait fréquemment été dans la position d’ordonnatrice des relations internationales. Des générations de diplomate s’étaient passé le relais pour écrire et réécrire des traités en étape permettant le rapprochement progressif avec tout type de régimes dans toutes régions du monde. Il était rare, maintenant, pour ne pas dire tout simplement inédit qu’un pays fasse l’effort de produire lui-même un cadre de rapprochement sûr mesure.
Les kah-tanais trouvaient par conséquent l’initiative achosienne parfaitement rafraîchissant. Actée acquiesça à nouveau, puis se mis à lever ses doigts devant elle tout en énumérant les propositions de son interlocuteur.
« Échanges universitaires, ouverture de ligne aérienne, programme touristique… Toutes ces choses ne devraient poser aucune forme de problèmes. Concernant l’ouverture d’une filière de Penwaig Blasus – je suis désolé si j’écorche le nom – notre système économique rend ça un peu compliqué, mais nous sommes ouverts aux importations ou aux investissements dans des coopératives locales. C’est un peu moins lucratif, évidemment, mais il est structurellement impossible d’intégrer une société à fonctionnement actionnarial ou capitaliste sur le sol de l’Union. »
Elle affichait une moue contrite, comme si cette vérité, simple conséquence mécanique du système économique kah-tanais, l’embêtait profondément. Meredith haussa les épaules.
« Bon. Affaires courantes expédiées, alors. » Puis elle sourit. « Le Grand Kah s’est toujours opposé aux pratiques coloniale et impérialistes. La Grande République est un partenaire utile, voire essentiel dans notre politique d’équilibre des puissances, mais nous n’avons pas peur de dire que son acharnement contre Achos est des plus déplaisants. L’isolement diplomatique relatif dans lequel elle s’est entretenue à vous tenir est du reste moins à mettre à son honneur qu’au détriment des pays qui ont accepté de signer ces accords iniques. Nos amis de l’OND devraient avoir honte.
– En tout cas ça en dit long sur leur humanisme », rebondit Actée en arquant les sourcils. « Ils ont vraiment signé des accords leur interdisant de vous vendre des équipements ? C’est absurde, absolument absurde. »
Meredith secoua la tête.
« En tout cas l’Union est prête à se porter garante de votre sécurité. Nous ne voulons certainement pas abuser de votre bonté et encore moins de votre situation précaire, donc autant convenir ensemble d’un cadre acceptable pour cette coopération. »
Elle se pencha légèrement en avant, son expression se faisant plus studieuse, plus concentrée.
« Pour formaliser notre soutien, nous pourrions envisager un Pacte de Coopération Stratégique et de Soutien Mutuel. Ce ne serait pas une alliance militaire offensive, mais une garantie claire de votre souveraineté. Ce pacte pourrait s'articuler autour de trois volets principaux :
Premièrement, le volet militaire. L'Union s'engage à devenir votre fournisseur d'équipements de défense, en contournant de fait le blocus indigne que l'on vous impose. Mais pour rendre cette garantie crédible, il faut aller plus loin que de simples ventes. Nous proposons d'établir des programmes d'entraînement communs et de partager nos cadres de renseignement pour anticiper toute action hostile. Plus concrètement, et pour assurer une capacité de réponse immédiate en cas de crise, nous pourrions envisager la mise en place d'installations logistiques conjointes sur votre sol. Un petit contingent, purement technique, qui permettrait de pré-positionner du matériel et de faciliter nos manœuvres communes. Un gage de notre engagement à vos côtés.
Deuxièmement, le volet diplomatique. Le Grand Kah usera de son influence pour plaider votre cause. Pour maximiser notre efficacité, nous suggérons la création d'un comité de consultation permanent pour coordonner nos positions avant les grands rendez-vous internationaux. Une voix unie porte toujours plus loin.
Et troisièmement, une clause de sécurité. L'Union déclarerait publiquement que toute agression non-provoquée contre le territoire ou la souveraineté d'Achos serait considérée comme une menace directe à la stabilité régionale et à ses propres intérêts, appelant une réponse ferme et coordonnée. »
Actée Iccauhtli reprit la parole avec un sourire rassurant, comme pour adoucir la densité des propos de sa collègue.
« Vous avez évoqué des "concessions", Consul. Dans les faits une telle relation représente déjà une concession relativement importante. Un changement de paradigme tout du moins. Mais nous pourrions envisager un accord économique facilitant l’accès à notre marché à vos ressources – ce que vous évoquiez plus tôt – en échange de facilités pour l’investissement sur vos marchés. N’y voyez pas une obligation nous cherchons simplement toutes les façons de lier nos nations de manière à rendre cette alliance à la fois utile et agréable. Aussi, nous si ces accords venaient à voir le jour, nous vous proposerons d'ouvrir un consulat permanent sur votre sol, en plus de notre ambassade, avant d'assurer une ligne aussi directe que possible entre nos deux gouvernements. »
À ces mots, Rai Sukaretto, restée silencieuse jusqu'alors, ne put s'empêcher d'intervenir avec un enthousiasme non dissimulé.
« Oui ! Et les coopérations culturelles ! L'idée d'un dialogue nourri avec l'héritage celte est une perspective formidable ! Nous pourrions imaginer des résidences d'artistes, des festivals conjoints, des programmes de traduction... »
Elle s'interrompit, réalisant que ce point avait déjà été abordé – expédié, en fait – en début de réunion. Meredith lui adressa un regard amusé avant de se tourner de nouveau vers les consuls achosiens.
« Bref. Si cela vous convient, nous pouvons envisager un partenariat global, fondé sur le respect mutuel et une sécurité partagée. Un accord qui ne vous affaiblit pas, mais qui lie nos deux nations face aux menaces communes. Voilà notre proposition. Qu'en pensez-vous ? »