11/05/2017
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L'illégal des uns fait le bonheur des autres

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L’honneur en cavale
Les Mafentures Loclenasques
de Sochacia Ustyae Cliar

* Tout ce qui est dit ici n'est pas utilisable en RP
et que les actions engagées ne sont pas acceptées
par le gouvernement loclenasque qui lutte
activement contrela délinquance.
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CHRONIQUE
Un crime parfait

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Mon nom n’a jamais vraiment compté dans ce domaine. Mais si tu veux m’en donner un, appelle moi Syid P. Ne cherches pas mon identité, Syid P n’est que le nom du personnage principal d’un film que je n’apprécie guère. Mon vrai nom, lui, dort quelque part au fond d’un registre poussiéreux de l’administration. Je suis né dans le silence. Pas dans le sens poétique du terme. Je veux dire, littéralement : dans un endroit où parler pouvait faire tuer. Dans ce genre de quartier où les mères murmurent à leurs enfants de regarder par terre, et où les gamins apprennent à décrypter les ombres plus vite que l’alphabet. Là-bas, on comprend vite que la vie tient à un fil, et que ce fil est souvent dans la main de quelqu’un d’autre. J’ai longtemps cru que je finirais dans une cellule, ou dans un trou. Mais la vie, parfois, tend une main étrange. Elle te choisit, ou peut-être que toi, sans le savoir, tu t’étais déjà mis en marche vers elle. J’avais 24 ans quand j’ai rencontré celui que j’appellerais simplement « l’Homme au manteau de laine ». Je l’ai croisé dans un café de ma ville ; il m’a observé d’un œil calme et patient en murmurant une phrase que seul moi était en capacité d’entendre « Si tu cours, je marche. Si tu marches, je cours. » avant de disparaître comme un Dieu venu de l’haut de-là.

Fuis-moi je te suis n’a pas de bâtiment, pas de logo, pas de compte à rendre. On ne sait pas qui la dirige, ni même s’il y a un chef. Ce qu’on sait, c’est qu’elle agit. Précisément. Silencieusement. Et surtout, toujours en avançant un pas de plus que ses victimes. On l’appelle ainsi, une phrase douce, presque enfantine, qui cache pourtant une discipline de fer. Cette société ne tue pas pour le plaisir, ni même pour l’argent - bien que l’argent coule à flots - elle tue pour l’équilibre. Le plus étrange, c’est qu’elle ne recrute pas, il n’y a pas de candidature, d’affiches de recrutement dans les journaux. Elle sélectionne : tu es remarqué puis testé. Le physique ne compte pas tant, non, c’est la force mentale, la capacité à résister à ses propres émotions qui est mise à rude épreuve. On te laisse croire que tu es libre, que tu peux refuser. Et puis, un jour, tu ouvres une lettre : il n’y a rien d’autre dedans que l’image d’une colombe noire. Tu la reconnais sans savoir pourquoi. Et tu sais que tu as dit oui. Il n’y a pas de supérieur. Tu ne connais que deux personnes : celle qui t’a “éveillé”, et celle que tu dois éveiller. C’est une organisation en forme de spirale, pas une pyramide. Pas de sommet. Pas de base. Une cellule ne voit jamais l’autre. Si une tête tombe, elle ne révèle rien. Si tu parles, tu te perds dans un labyrinthe sans écho auquel tu succomberas dans la souffrance la plus extrême. Après chaque opération, il y a un effacement. Parfois, nos vêtements tâchés de sang entravent cette phase et la réalité nous rattrape. Un homme meurt, un autre prend sa place, la foule continue de marcher. La tête haute, nous affrontons le jour plus durement que la nuit, car le jour est le seul moment où notre reflet est visible dans le miroir.

Si tu n’as pas pris peur jusqu’ici et que tu n’es pas en train de courir au commissariat, laisses moi te raconter mon dernier travail. Je me trouvais à Garthram quand le message est arrivé ; je venais de terminer une mission dans un village voisin, une neutralisation sans mort, juste une pression sur une carrière et une mise en garde silencieuse. Un paquet m’attendait dans la bibliothèque nationale. Son contenant n’était pas moins anodin que les autres, un vieux livre politique dans lequel était glissé, entre deux pages, une carte ensanglantée marquée au cutter « Al Khatim ». Cette fois-ci serait différente, une mission débutée par un autre homme – probablement, à l’heure, mort en raison de son incompétence – que je devrais achever. Il ne s’agissait pas d’un simple homme, AK était une institution incarnée, un PDG d’entreprise nationale. Un de ces hommes qu’on ne voit jamais en costume froissé, un de ceux qui parlent lentement d’une voix grave à la télévision, un de ceux auquel on ne touche pas. À première vue, l’homme était irréprochable : diplômé de grandes écoles françaises, ancien conseiller ministériel, engagé pour l’écologie, la souveraineté technologique, l’inclusion numérique. Habituellement, même à travers les couches de cryptage que l’auteur se démène d’installer, on perçoit une intention : une colère, une revanche, un besoin de justice. Mais cette fois-ci, rien. L’ordre était chirurgical, presque clinique. Le dossier était complet : trajets, habitudes, agents de sécurité, failles potentielles. Mais aucune explication sur la nature de cette mision. Je n’ai pas posé la question ; on ne questionne pas une main qui donne un couteau. Éliminer un homme comme lui n’est pas anodin. Il faut être précis, mesuré, sans laisser de traces. J’ai accepté : parce qu’on n’a pas le choix, mais aussi parce que j’ai senti que ce meurtre était plus qu’un contrat. Alors j’ai commencé à l’observer, pas comme un ennemi, mais comme on regarde une statue de cristal fissurée qu’on doit faire tomber sans bruit. Je l’ai suivi dans ses conférences, ses voitures noires, ses dîners avec des visages connus. Je l’ai écouté parler de la grandeur du pays avec la voix de ceux qui, en secret, le vendent par morceaux. Je l’ai suivi jusqu’à ce que je sache comment il pense, comment il dort, et surtout, comment il finirait. Tuer un homme n’est pas compliqué. Ce qui l’est, c’est de le tuer sans faire de bruit, sans réveiller les chiens, sans que personne n’appelle cela un meurtre. Ce n’est pas un art, non. C’est une discipline. Je suis arrivé au lieu-dit six semaines avant l’échéance : pas dans les beaux quartiers, j’ai loué une pièce au-dessus d’une boulangerie, dans un immeuble humide où l’ascenseur ne fonctionnait plus depuis l’hiver. Là, je pouvais sentir la ville, pas sa façade. L’odeur de la nuit, les cris étouffés dans les cages d’escalier, les visages fermés. Personne ne pose de questions là où les gens veulent seulement dormir sans être dérangés. AK était protégé, c’est vrai. Trois gardes du corps - entraînés, armés - un chauffeur militaire reconverti, des blindages discrets sur sa berline. Il ne sortait jamais sans être annoncé. Et pourtant, il avait cette arrogance des hommes importants : il croyait que le monde tournait autour de lui. Et c’est toujours là que la faille se creuse. Chaque matin, il faisait du sport dans une salle privée du quartier. Un endroit haut de gamme, mais pas invulnérable. Les badges étaient si vieux qu’en quelques mouvement j’ai réussi à en cloner un avec un simple passage dans l’ascenseur, collé contre un agent d’entretien. Trois jours plus tard, j’entrais librement. Je ne l’ai pas approché. J’ai simplement observé : sa cadence sur le tapis, sa façon de s’essuyer le front, le rythme de sa respiration. Et surtout : il était seul sous la douche. Je ne tue pas avec une arme. Trop sale. Trop direct. La règle était claire à Fuis-moi je te suis : pas de sang, pas de panique, pas de récit. Alors j’ai commencé à saboter l’environnement : une alarme incendie dans un de ses restaurants préférés, une réunion reportée deux fois pour des raisons techniques, une infirmière d’un laboratoire partenaire discrètement remplacée par une connaissance de la société. Je l’ai dérouté. Juste assez pour qu’il change un détail dans sa routine. Ce détail, c’était le choix de faire du sport plus tôt que d’habitude, un jeudi matin, à 6h15, quand la salle était encore vide. Il n’y avait que lui, un veilleur à moitié endormi, et… moi, caché dans le système. Il avait un rituel : après sa course, il prenait une boisson protéinée, que la salle préparait à l’avance. Ce matin-là, elle avait le même goût, la même texture, la même couleur… mais pas tout à fait la même composition. Une dose contrôlée d’un inhibiteur cardiaque rare, indétectable au premier examen. Son cœur a commencé à ralentir, doucement. Il s’est assis dans le vestiaire, a posé ses mains sur ses genoux et... il est tombé en avant. Quand les secours sont arrivés, il était encore tiède. Le rapport médical a déclaré une mort accidentelle, douce ironie pour moi, par cette caméra, regardant la scène. Il n’y a pas eu de deuxième appel, pas de confirmation, pas de félicitations. Chez Fuis-moi je te suis, une mission réussie ne s’annonce pas, elle s’évapore. Je suis resté au lieu-dit encore trois jours. Ce n’était pas pour le plaisir ; ce genre de ville ne m’offre rien. Trop de visages. Trop de miroirs. On s’y regarde sans se voir. On y marche sans destination. Ces trois jours, je les ai utilisés pour effacer les restes. Et ça, c’est mon vrai métier : nettoyer l’oubli avant qu’il ne s’écrive. J’ai commencé par les objets : le badge de la salle de sport jeté au large de la mer, les vêtements utilisés incinérés dans une décharge industrielle, le téléphone que j’ai utilisé cassé en quatre et dispersé entre plusieurs taxis partagés. Ensuite, j’ai effacé les identités croisées. Un serveur m’avait vu deux fois, je suis retourné au café, commandé un café crème, et j’ai glissé un billet plié sous sa tasse, avec un mot : « Tu ne m’as jamais vu. » Il a hoché la tête sans poser de questions. Il savait. Les gens des marges savent toujours. Mais le plus dur n’est pas matériel, c’est ce qu’on efface en soi. Tu penses peut-être qu’on devient insensible, avec le temps. Ce n’est pas vrai. On devient… creux. On ressent encore, mais comme à travers une vitre. On ne souffre plus. On s’enregistre. Quand j’ai appris que le fils de AK avait été hospitalisé sous le choc, j’ai ressenti quelque chose. Pas de la culpabilité. Non. Une vibration de plaisir. Un plaisir caché, une jouissance du malheur des autres. Eux aussi ont le droit de souffrir entre les liasses d’argent.

Quand tout est terminé, il ne reste pas grand-chose. Pas de cris, pas de panique. Juste un matin normal, dans une ville qui continue sans savoir ce qu’elle a perdu. Les journaux changent de une, les gens vont au travail, les cafés ouvrent. Et moi, je reprends ma marche, comme un homme qui aurait oublié d’où il venait. Ce que je laisse derrière moi ? Rien de visible. Seulement des détails infimes : un tapis de sport encore tiède, un téléphone qui ne sonnera plus, une chaise vide dans une salle de réunion. Des choses qui ne font pas de bruit mais que certains ressentent sans savoir pourquoi. Il m’arrive de me réveiller la nuit, dans des villes que je ne connais même pas vraiment.
Les draps sentent la poussière, le frigo est vide, et parfois, j’entends la rue respirer comme une bête endormie. Je me lève, je regarde par la fenêtre, et je me demande si quelqu’un, quelque part, se souvient encore de mon vrai prénom. Pas le nom de code, pas l’identité du jour. Non… le prénom que ma mère prononçait quand elle croyait encore que je deviendrais un professeur, ou un père.

Alors voilà.
Ce n’est pas un testament.
C’est juste un murmure, laissé dans l’ombre.
Une main posée un instant sur le mur du monde,
avant de s’en détacher pour de bon.
Si tu es resté jusqu’ici, je te souhaite la bienvenue
dans les Mafentures Loclenasques. Une chronique
qui ne cessera jamais d’exister.
Souviens toi,
tu ne me connais pas,
Tu ne m’as jamais vu,
Tu ne m'as jamais lu.

Syid P (Monsieur P)
1633
Distribution confidentielle
Le mal est à nos portes
Pourquoi ne jouent-ils plus au poker? Parce qu’ils n'ont plus de cœurs !

Titre : Mort du "Tailleur" : le monde du mal en deuil

Le mal est à nos portes, et cette fois… c’est lui qui est tombé. Il y a des noms qui, dans l’ombre, brillent plus fort que mille projecteurs. Des visages que personne ne reconnaît, mais que tout le monde craint. Reefli Rezalès, plus communément appelé "le Tailleur" pour sa précision chirurgicale et son sang-froid légendaire, a été retrouvé mort hier soir, dans un entrepôt déserté de la zone rouge de Thalassa. Trois balles. Une dans la gorge, une dans l’épaule gauche, et la dernière en plein cœur. Pas de signature, pas de message, juste son corps allongé, les yeux ouverts, presque paisible. Comme s’il savait. Comme s’il attendait. Nous avons perdu plus qu’un homme, nous avons perdu une légende, un homme et non pas un monstre. Ils diront qu’il était un criminel. Ils graveront son nom dans les rapports, ils mettront sa photo dans les bases de données avec les mots froids : trafiquant d’organes, assassin, manipulateur. Mais ce qu’ils ne verront jamais, ce que vous seuls, lecteurs de ce journal, savez, c’est la vérité. Reefli ne trafiquait pas des organes pour l’argent - pas seulement - il les redistribuait. Son réseau était plus organisé que bien des hôpitaux. Là où l’État laissait des gosses mourir faute de greffe, lui sauvait des vies. Là où les systèmes s’effondraient, il reconstruisait à sa manière, dans sa logique impitoyable. Oui, il avait du sang sur les mains. Mais il ne le niait jamais. Reefli n’était pas un homme qu’on croisait par hasard ; il n’apparaissait jamais deux fois au même endroit. Il était calme, presque doux, dans ses gestes. Il vous offrait un café avant de parler affaires. Il connaissait le nom de vos enfants, et leur anniversaire. Et c’est cette humanité étrange, décalée, qui le rendait si redoutable.

🕯️ Repose en paix, vieux roi. Le marché noir pleure un peu plus sombre ce soir.
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