
Des collines rocailleuses, des lochs, des forêts denses et des kilomètres de plages de galets: les paysages et la nature de la Strombolaine ne laissent personne indifférent. Cela a toujours été le cas: cet endroit fascine et terrifie. La densité de population faible y est pour quelque chose... mais il est probable que la campagne vallonnée, les imposantes vallées des Highlands et les sommets enneigés, y sont pour bien davantage.
L’exiguïté de la terre n'a jamais permis à de grandes propriétés foncières et agricoles de se développer autre part que sur le littoral. Le territoire de Velathri est celui d'une paysannerie moins fortunée qu'ailleurs: humble, modeste et discrète. Et de toute manière, les sols sont peu fertiles, et surtout bons à l'élevage. Des moutons...il y en a partout, peut-être davantage que d'habitants. On en oublierait presque de cet endroit, la politique, pour aller s'aventurer en pleine la nature, pour admirer les aurores boréales danser dans le ciel. Le flanc de ces collines a été comme sculpté par des géants, comme le disait si bien les velsniens qui étaient arrivés ici, presque 800 ans plus tôt.
Le Sénateur et Stratège de la Tribune militaire velsnienne d'Achosie du Nord, Adolfino Agricola, commençait à se faire à l'air humide. Avec les mois, il avait tissé son réseau de sympathies dans les cités de Strombola et de Velathri, permi les élites urbaines notables en grande partie velsianophones, mais pas seulement... Celui-ci semblait déterminé à nouer des liens avec les populations bien plus rurales du centre de la péninsule, et encore en partie achosophones. La conquête des cœurs était rarement chose aisée, et pourtant...les activités de l'AIAN étaient restées relativement faibles depuis quelques temps. Si cela était un indice d'une bonne gestion par Agricola, personne n'en était véritablement certain de cela. Dans tous les cas, le moment paraissait opportun pour accepter cette entrevue avec les "sudistes".
Cette affaire de conflits de pêcheurs s'étendait depuis des mois sans que le gouvernement de la Grande République n'ait eu le temps ou la volonté d'y faire quoi que ce soit. Les velsniens semblaient de toute évidence plus intéressés par les perspectives commerciales et politique du continent nazumi ces temps ci. Aussi, il fut décidé de donner une chance aux achosiens de proposer une intiative. Qui sait...cela allait peut-être déboucher sur quelque chose. Du moins, c'était ce que pensait le Sénateur Agricola.

Adolfino Agricola
Des résidences comme celle là, il y en avait légion en Achosie du Nord. Le paysage était ponctué de ces petites propriétés terriennes, dont chacune était liée aux parcelles agricoles qui les entourait. Les velsniens les nommaient "Latifundia", mais les achosophones avaient d'autres noms pour ces édifices de pierre blanche et de bois typiques de la région. Le Sénateur et Stratège Agricola, accompagné de son jeune frère, avec qui il partageait ses tâches administratives de la Tribune militaire, avaient choisi ce cadre champêtre pour plusieurs raisons. En premier lieu, l'opinion publique dans les cités de Velathri et de Strombola au sujet des voisins du sud étaient telles qu'il paraissait plus raisonnable d'organiser cette entrevue dans un contexte un peu plus "rural". En second lieu, cette demeure faisait partie des propriétés détenues par un autre membre du Sénat velsnien, qui a eu les bonnes grâces d'accorder à Agricola l'occupation temporaire afin d’accueillir l'évènement. Agricola craignait, à raison, que les autorités de Strombola et de Velathri ne soient encore plus rigides que le Sénat velsnien sur ce qui allait se dire ce jour. Aussi, il allait être nécessaire de neutraliser toute opposition en prenant de court tous les autres acteurs politiques d'Achosie du Nord, et ainsi essuyer le moins de critiques possibles.
Du reste, il n'y aurait pas grand monde pour observer ce qui allait se dérouler présentement en ces lieux. Agricola n'était accompagné que de son frère, également sénateur et de son greffier attitré. Il y avait également quelques membres du personnel domestique du sénateur ayant gracieusement confier sa propriété à Adolfino Agricola, dont la "gouvernante des lieux", une jeune femme employée dont le nom échappait encore et toujours à Agricola, malgré toutes ses politesses. Celle-ci allait et venait dans la grande salle à manger qui allait être le lieu de la rencontre, à trimballer coupes, verres et bouteilles de vins du continent et de whiskey locaux. Attentive au détail, la jeune femme tire le drap servant de nappe, évitant le moindre pli.

Elle est en pleine préparation lorsqu'elle manque de bousculer Agricola, qui passait dans son dos. Hébétée, elle s'excuse platement, avant que ce dernier ne la retienne:
- Inutile de m'appeler "excellence", madame, nous ne sommes pas au Sénat. Je m'appelle Adolfino. Et vous ? On m'a dit que vous étiez la responsable de l'entretien des lieux. Vous faites un travail remarquable: cet endroit est superbe.
Ce n'étant en rien habituel d'user d'autant de familiarités avec du menu personnel, du moins, la jeune femme n'avait aucune forme de proximité de ce genre avec son employeur absent:
- Kiara. Merci monsieur, c'est pas une mince affaire de s'occuper d'un endroit aussi grand, croyez moi, ou de devoir superviser une vingtaine d'autres personnes.
La jeune femme avait perdue toute tenue ou rigueur à la première invitation. Agricola prit un verre de vin sur la table, avant de la retenir davantage, par simple curiosité:
- C'est un prénom de la région je suppose.
- Oui, je suis du coin. Une petite ville à dix kilomètres d'ici, pas loin de l'Avon (hrp: le fleuve qui délimite la frontière entre l'Achosie velsnienne et indépendante, que les velsniens appellent juste "Rivière" donc...).
- Vous avez hérité d'une bonne situation. Ce n'est pas courant d'être à la fois bien payée pour s'occuper d'une maison dont le propriétaire n'est jamais là... Le sénateur Martiano, je me trompe ?
- Oui, c'est bien lui. - lui répondit la jeune femme -
- De vous à moi, et j'espère que vous ne le répéterez pas...ce type est un crétin fini.
La gouvernante éclata de rire.
- Je suis bien d'accord avec vous monsieur ! Mais je devrais pas me moquer...
- Bien au contraire ! Toujours balancer ses poignards dans le dos et toujours faire semblant d'être poli !
La conversation fut interrompue par l'arrivée du greffier du Sénateur Agricola, annoncée par le lourd claquement de ces antiques portes: lourdes et grinçantes.
- Excellence sénateur. Les achosiens sont là.
- Bien. Qu'on les fasse entrer. Kiara: est-ce que vous pouvez les faire venir ?
- Oui...je pense bien que c'est dans mes cordes de leur faire faire dix pas.
Les portes de la petite salle de réception s'ouvrirent alors aux achosiens, qui n'y verraient pas dans ce décor une vue forcément dépaysante. Les frères Agricola virent à eux, faire leurs présentations:
- Excellences. Nous espérons que vous avez fait bon voyage. Nous avons beau être en juillet, nous savons fort bien que les collines sont bien venteuses. Je vous en prie: prenez place, nous allons bientôt commencer. Il y a du vin, du whisky et du café sur la table: trois ingrédients parfaits pour une négociation réussie.
Adolfino et son frère lui ressemblant tant prirent place côte à côte, tandis que le greffier vint s'inviter à un coin de table. Kiara, la gouvernante, indiqua poliment aux invités leurs sièges attribués parmi ces chaises en chêne massif, quelque peu lourdes et rugueuses au toucher. Le sénateur-stratège prit le soin de débuter:
- Excellences. J'ai cru comprendre que vous aviez à cœur d'aborder certains sujets, entre autre...celui de la pisciculture au large de l'île celtique. C'est là un beau sac de nœuds, nous en convenons. Nous vous écoutons: étant donné que c'est votre gouvernement d'où émane cette proposition d'entrevue, je vous laisserai la parole en premier lieu.
Personnages notables présents:
- Adolfino Agricola: Sénateur et stratège de la Tribune militaire de Strombolaine.
- Ignacio Agricola: Sénateur et intendant de la Tribune militaire de Strombolaine.
- Kiara: Gouvernante du domaine foncier du Sénateur Martiano, hôte de l'entrevue.