On ne se tue bien qu’entre semblables. »
Pharot « l'étrange », vue d'artiste.
Devenue rapidement populaire, l’adage s’était répandu dans la culture pharoise et il avait semblé approprié au ministre Mainio de le prononcer en voyant arriver au loin le bateau transportant les diplomates du Lofoton, escorté par plusieurs navettes de la marine militaire pharoise.
Bien des choses rapprochaient en effet le Pharois Syndikaali et les Provinces-Unies du Lofoten, à commencer par leurs géographies : deux territoires nordiques, au contact d’une mer gelée et difficilement praticables. A ceci s’ajoutait un régime démocratique libéral, attaché à la protection du commerce et des droits fondamentaux dans un contexte régional particulièrement troublé. Ainsi, tout les prédisposait manifestement à s’entendre, voire à travailler ensemble.
Mais comme le disait l’adage, alliés et adversaires sont des notions troubles et qui se ressemble ne s’assemble généralement pas. Trop de points communs avaient eu pour effet de les rendre rapidement concurrent, surtout depuis que le Lofoton avait multiplié les prises de positions et d’intérêts en mer du Nord à proximité des territoires pharois. Les rouages du conflit s’étaient mis en route, accumulant les tensions jusqu’à aboutir à une prise de contact, censée enrayer la machine.
Restait à savoir si cela serait une réussite, on comptait beaucoup sur le capitaine Mainio pour cela.
Bonhomme bedonnant et jovial, à la limite de l’obésité, il ne se présentait jamais en public sans une petite redingote en laine « pour me tenir chaud » disait-il et « ma femme l’a tricotée », un chapeau haut-de-forme miteux et qui compensait sa courte taille ainsi qu’un fusil mitrailleur qu’il transportait dans son dos, retenu grâce à deux lanières de cuir lui barrant le poitrail. Personne n’ignorait que Mainio, comme plusieurs autres ministres du pays, avait commencé sa carrière en tant que pirate avant d’intégrer finalement le Parti du Progrès, la formation centriste des sociaux-libéraux du pays.
Réélu deux fois, il occupait désormais le poste de ministre des Intérêts internationaux du Pharois Syndikaali après s’être chargé de celui des explorations outre-mer au début de sa carrière.
Son double-menton rasé de près, un grand sourire sur le visage, il vint à la rencontre des envoyés du Lofoton alors que ceux-ci posaient pied à terre sur les quais réservés aux affaires diplomatiques.
- « Chers amis ! Quel plaisir de vous... »
Il fut interrompu par un début de fanfare entamant l’hymne national des Provinces-Unies et leur fit signe d’abaisser les trompettes d’un geste agacé.
- « Oh ! On ne s’entend plus parler ! »
Aux ambassadeurs :
- « On vous la rejouera depuis le début dans un instant, ne vous en faites pas, avez-vous fait bon voyage ?? »