27/11/2014
19:39:09
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C'est la mer qui prend l'homme (Lofoten - Pharois Syndikaali)

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« On ne s’entend bien qu’entre étrangers.
On ne se tue bien qu’entre semblables.
»


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Pharot « l'étrange », vue d'artiste.


Cette maxime prononcée un soir de beuverie par le poète Jakuuri était entrée dans la postérité lorsque la ministre Inaa l’avait citée dans son célèbre discours aux bûcherons. Il s'agissait alors d'un épisode important pour l’histoire du pays au tournant du XXème siècle, lorsque les technologies navales avaient rendu progressivement le bois moins compétitif que le fer pour la construction des navires, plongeant un secteur professionnel millénaire dans une grave crise de surproduction.

Devenue rapidement populaire, l’adage s’était répandu dans la culture pharoise et il avait semblé approprié au ministre Mainio de le prononcer en voyant arriver au loin le bateau transportant les diplomates du Lofoton, escorté par plusieurs navettes de la marine militaire pharoise.

Bien des choses rapprochaient en effet le Pharois Syndikaali et les Provinces-Unies du Lofoten, à commencer par leurs géographies : deux territoires nordiques, au contact d’une mer gelée et difficilement praticables. A ceci s’ajoutait un régime démocratique libéral, attaché à la protection du commerce et des droits fondamentaux dans un contexte régional particulièrement troublé. Ainsi, tout les prédisposait manifestement à s’entendre, voire à travailler ensemble.
Mais comme le disait l’adage, alliés et adversaires sont des notions troubles et qui se ressemble ne s’assemble généralement pas. Trop de points communs avaient eu pour effet de les rendre rapidement concurrent, surtout depuis que le Lofoton avait multiplié les prises de positions et d’intérêts en mer du Nord à proximité des territoires pharois. Les rouages du conflit s’étaient mis en route, accumulant les tensions jusqu’à aboutir à une prise de contact, censée enrayer la machine.

Restait à savoir si cela serait une réussite, on comptait beaucoup sur le capitaine Mainio pour cela.

Bonhomme bedonnant et jovial, à la limite de l’obésité, il ne se présentait jamais en public sans une petite redingote en laine « pour me tenir chaud » disait-il et « ma femme l’a tricotée », un chapeau haut-de-forme miteux et qui compensait sa courte taille ainsi qu’un fusil mitrailleur qu’il transportait dans son dos, retenu grâce à deux lanières de cuir lui barrant le poitrail. Personne n’ignorait que Mainio, comme plusieurs autres ministres du pays, avait commencé sa carrière en tant que pirate avant d’intégrer finalement le Parti du Progrès, la formation centriste des sociaux-libéraux du pays.

Réélu deux fois, il occupait désormais le poste de ministre des Intérêts internationaux du Pharois Syndikaali après s’être chargé de celui des explorations outre-mer au début de sa carrière.

Son double-menton rasé de près, un grand sourire sur le visage, il vint à la rencontre des envoyés du Lofoton alors que ceux-ci posaient pied à terre sur les quais réservés aux affaires diplomatiques.

- « Chers amis ! Quel plaisir de vous... »

Il fut interrompu par un début de fanfare entamant l’hymne national des Provinces-Unies et leur fit signe d’abaisser les trompettes d’un geste agacé.

- « Oh ! On ne s’entend plus parler ! »

Aux ambassadeurs :

- « On vous la rejouera depuis le début dans un instant, ne vous en faites pas, avez-vous fait bon voyage ?? »
Au vu des récents évènements qui avaient vu les tensions géopolitiques s'accroître de quelques degrés entre le Pharois Syndikaali et les Provinces-Unies du Lofoten, ces dernières avaient convenu d'une rencontre afin de réchauffer les relations entre ces deux pays proches des latitudes nord, à la fois si éloignées mais si proches....
La Chancelière Olfgarson, en raison de son ambitieuse politique d'expansion commerciale et diplomatique, avait finit par inévitablement heurter les intérêts et positions dominantes de nations déjà clairement établies en Eurysie. A la fois farouchement opposée au fascisme et au socialisme, elle considérait que l'isolationnisme n'était pas une solution.
Puis il y eu Kotios qui concentra les attentions du monde entier, puis peut être bientôt la Damanie, autant de sujets qui risquaient de voir entrer en confrontation le camp dit des libéraux, et ..., et bien les autres. Le Lofoten ambitionnait clairement de devenir la figure de proue du capitalisme et du libre-échangisme, dans une bataille mondiale idéologique, disputant la place de leader anti-communiste aux pays qui semblaient s'accommoder de l'état de la poudrière eurysienne.
Les Provinces-Unies ne semblaient pas non plus porter en haute estime l'Empire Latin Francisquien, bien qu'ayant aboli l’esclavage, les autorités lofotènes déconseillent toujours à leurs nationnaux de se rendre dans l'Empire sauf motifs impérieux. Une convergence d'opinions à exploiter lors de cette rencontre peut être ?

Bref dans tous les cas le Département fédéral des affaires étrangères n'avait pas trouvé opportun d'envoyer un simple ambassadeur au Pharois, la deuxième puissance mondiale, mais bien un digne représentant du gouvernement, et porta donc son choix sur la vice-chancelière Mme Odessa Dunham, qui avait récemment accédé à ses fonctions dans le contexte malheureux et tragique de la disparition abrupte de son prédécesseur dans la tragédie du naufrage du paquebot maktois l'Elvantic. Il était de notoriété publique que Mme Dunham et Mme Olfgarson ne partageait pas les mêmes idées politiques, ni la même vision du monde, toutefois, la crise de défiance qui touchait actuellement le gouvernement fédéral, en raison de l'impopularité des interventions lofotènes à l'extérieur des frontières, avait imposé ce choix au cabinet de la chancellerie.
A contre-coeur, car Mme Dunham est actuellement présentée comme la meilleure candidate afin de se présenter contre Mme Olfgarson aux prochaines élections, brisant ainsi la fameuse coalition Turquoise, qui règne depuis plus de 20 ans sur la scène politique Lofotène.

Odessa Dunham était une femme forte, pétrie de convictions, militante écologiste de la première heure, et n'était pas une simple remplaçante. Elle avait ainsi posé ses conditions pour faire un tel voyage à l'autre bout du globe, utiliser un moyen de transport zéro émissions carbone. Les ingénieurs du Lofoten travaillaient déjà sur des prototypes de navires à propulsion solaire depuis plusieurs années, mais la question de l'autonomie semblait indéfiniment insolvable. Malgré tout le PlanetSolar, le premier catamaran à énergie solaire et autonomie longue durée avait été mis au point par l'excellence de l'ingénieurie Lofotène, et avait passé avec succès les premiers tests de validation. En outre, les panneaux solaires nouvelles génération à miroirs de polymères monocristallin permettaient de générer de l'énergie électrique, non seulement en l'absence de lumière solaire directe, mais également en exploitant le rayonnement nocturne et lunaire.

Mme Dunham avait donc logiquement insisté pour pouvoir l'utiliser lors de ce voyage inaugural, afin de démontrer au monde qu'une autre voie était possible, et que l'abandon du tout pétrole n'était plus une utopie. Elle répétait à qui voulait l'entendre que l'ère des énergies fossiles était révolue, ce qui ne lui attirait que peu de soutiens et de sympathies de la part des lobbies surpuissants de l'industrie pétrochimique lofotène.

planetsolar
Le PlanetSolar, accompagné pour des raisons de sécurité d'état par plusieurs vedettes, ainsi qu'un patrouilleur de l'UPS Navy, avait quitté le port d'Ingebørg, et après 12 jours de traversée calme et sans le moindre incident notable, mise à part une collision avec un cétacé évitée de justesse, le petit convoi maritime atteint sa destination, le port de Pharot. Fort heureusement, à cette époque de l'année, les eaux n'étaient pas encore pris par les glaces, et il faut le dire, le réchauffement des océans rendait désormais la navigation praticable de plus en plus au nord des latitudes habituelles.

Le PlanetSolar s'amarra sans difficulté au quai des affaires diplomatiques, comme convenu avec les autorités pharoises, et la délégation fut accueillie par le diplomate pharois Capitaine Mainio, ainsi qu'une petite fanfare qui tenta maladroitement de faire bonne impression en composant l'hymne Lofotène, et couvrant sans le vouloir les paroles des représentants Pharois et Lofotènes.

La vice-chancelière s'en amusa et apprécia tout de même le geste. Ces petites marques de respect auquel personne ne prête plus d'attention que cela font souvent la différence....

odessa

Mes sincères salutations Capitaine Mainio, je suis Odessa Dunham, vice-chancelière des Provinces-Unies du Lofoten. Merci beaucoup pour votre accueil. Oh, je m'excuse par avance que notre honorable chancelière, Mme Sigrid Olfgarson n'ait pas pu faire le déplacement en personne, elle est actuellement en visite d'état en Eurysie du Nord, au Royaume du Listherburg, elle m'a donc confiée la tâche de représenter la voix du Lofoten, j'espère que vous n'êtes pas trop déçu, fit elle en souriant, afin d'installer d'emblée un climat de détente et de décontraction.

Dans tout les cas je suis ravie d'être ici, et je ne regrette pas, jusque là, le déplacement. Je savais que le Pharois Syndikaali était une nation nordique à la géographie similaire à celle de l'Aleucie du Nord, mais je dois vous avouer que je ne pensais pas que cela serait aussi ressemblant. J'ai l'impression de voir les mêmes fjords et mont enneigés que ceux que je pouvais apercevoir depuis ma fenêtre à la mairie de Nørdvisk.

Le voyage fut, il faut bien l'avouer, assez long et ennuyeux, mais je suis hautement satisfaite qu'il ait pu arriver à son terme, démontrant ainsi que nous pouvons continuer à nous déplacer, en prenant le temps, tout en en évitant de saccager et dégrader notre bonne vieille terre.
Le PlanetSolar faisait un peu figure d’étrangeté au Syndikaali et avait naturellement attiré tout un tas de curieux dès son entrée dans l’espace maritime pharois qui avaient accompagnés le navire jusqu’à pharot, s’en approchant parfois plus que de raison mais se contentant simplement de tirer quelques feux d’artifices par-dessus ou non loin pour leur signifier la bienvenue. Les garde-côtes chargés d’escorter le bateau depuis l’entrée du Détroit ne s’étaient nullement formalisés de ces démonstrations de joie, habituelles dans le pays.
Il fallait dire que si le Syndikaali travaillait activement à se placer à la pointe de la technologie maritime, les questions d’écologie et d’énergie renouvelable n’entraient pour le moment que très marginalement dans le débat public. On fonctionnait à la voile et à l’essence, sans que cela n’ait jamais encore réellement impacté l’écosystème régional ou l’économie du pays. Du moins pour le moment, quelques nouveaux rapports des observatoires de la faune et la flore marine se montraient de plus en plus inquiet et étaient montés en épingle par le jeune mais populaire Front de Défense Océanique. La formation politique était même parvenue en s’alliant aux communistes à se faire élire un ministre.

Alors forcément, un navire propulsé à l’énergie solaire, ça intéressait autant que ça amusait. Les plus taquins soulignaient à voix basse que vu le peu de soleil qu’il y avait aussi haut vers les pôles, le machin tomberait sans doute en rade au bout de deux heures, quand les plus critiques soulignaient avec acidité le prix exorbitant d’un tel « gadget ». Nombreux cependant étaient ceux qui en ventaient les courbes et l’élégance, à commencer par les jeunes générations désireuses de clouer le bec à leurs aînés.

Mainio lui-même n’avait pas manqué de remarquer le choix – assurément politique – du navire et rangé dans un coin de sa tête, peut-être pour y revenir plus tard. Les questions d’écologie le laissaient un peu de marbre, non qu’il ne s’y intéresse pas – il était de nature curieuse – mais se jugeant trop vieux et occupé pour se documenter sérieusement il laissait la place aux jeunes et notamment à Sakari, le ministre de la Défense Territoriale, un gamin sympathique et plein de bonne volonté mais qu’il fallait parfois guider un peu.

- « Madame Dunham, ce n’est pas mentir que de dire que c’est un plaisir immense de vous accueillir dans notre petite capitale ! »

Il était évident que ne réserver que la vice-présidente au Syndikaali, quand la présidente avait rendez-vous ailleurs, avait une portée symbolique et politique mais Mainio ne s’en formalisa pas. Il y aurait bien d’autres occasions de provoquer une esclandre diplomatique si besoin était. Pour l’heure, il préféra passer outre.

- « Chère madame, la déception serait une insulte à votre personne, présentement vous me voyez le plus ravi des hommes. »

Il lui offrit galamment son bras grassouillet pour l’inviter à parcourir le reste du quais entouré d’une haie de garde-côtes qui maintenaient solennellement à distance une petite foule curieuse. La visite d’un dirigeant étranger était toujours un spectacle amusant pour les Pharois qui s’étaient pointés en masse pour jeter un coup d’œil à leurs voisins d’outre-océanique.

- « Ne vous habituez pas trop au fjord, j’en ai peur, le reste du pays est relativement plat, mais nous avons tout de même pu développer une petite industrie touristique pour faire du ski et de la luge, ce n’est pas rien. Et je suis ravi que votre voyage se soit bien déroulé, il faudra que vous nous en disiez plus sur ce navire étonnant qui vous a mené jusqu’ici, je suis certain que cela intéressera nos ingénieurs et le ministre Kaapo, vous verrez c’est un imbécile mais il a de la passion au corps, surtout pour les technologies, oh et le ministre Sakari, peut-être trouvera-t-il le temps de venir, c’est un jeune homme admirable et comme vous, il a cœur la défense de nos fonds marins. Pour ma part j’ai toujours vu l’océan comme une chose mystérieuse et romantique, mais je pense que c’est une idée qui a fait son temps, désormais il faut mesurer, calculer, l’époque de l’inconnu est passée comme un doux rêve, le réel se rappelle à nous mais je parle trop et nous sommes arrivés, voulez-vous peut-être saluer les gens avant d’entrer en voiture ? »

Escortée de plusieurs motards dont l’étonnante particularité était qu’ils ne possédaient pas d’uniforme uniforme et que chacun semblait s’être habillé certes martialement mais à son goût, derrière les garde-côtes également débraillés de nombreux curieux se bousculaient pour faire des signes à la vice-chancelière, hasardant quelques mots en langues communes mais la plupart du temps incompréhensiblement prononcés en nouveau pharois.


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Une foule de badauds hétérogène s'était rassemblée sur les quais de la capitale pharoise, plus par esprit de pure curiosité que par désir sincère d'avoir une chance d'apercevoir une délégation officielle étrangère. D'autant plus quand la dite délégation provient d'une nation fort éloignée de la politique locale ou eurysienne, malgré les derniers évènements ayant accru les interactions entre les deux pays septentrionaux. Les Pharois savent ils seulement situer les Provinces-Unies sur une carte ? Il est fort à parier que réciproquement peu de Lofotens aient entendu parler du Pharois Syndikaali, ou alors comme d'une potentielle destination touristique où passer ses vacances d'hiver. La représentante des Provinces-Unies remarqua l'intérêt suscité par l'étrange moyen de locomotion maritime qui était amarré aux docks de Pharot. Aux remarques pertinentes du capitaine Mainio, Odessa Dunham répondit :

- Et bien vous m'en voyez fort honorée, et je serais plus qu'enchantée à l'idée de partager nos connaissances en ce qui concerne ce navire-prototype. Je n'en suis pas la conceptrice, et je serais bien incapable de soutenir une discussion technique plus de dix minutes, mais notre ingénieur chef de projet en revanche, sera ravi d'échanger avec votre estimable Ministre M. Kaapo. Notre dépendance au pétrole est un vrai problème, et je sais de quoi je parle, la prospérité de notre pays s'est malheureusement construite sur l'exploitation des hydrocarbures. Enfin c'est un vaste et complexe sujet, tellement passionnant que je pourrais en parler des heures, mais nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard éventuellement avec vous ou avec M. Sakaari si vous le désirez.

La population qui s'était attroupée non loin de là commençait à devenir de plus en plus pressante et enthousiaste, peut être que les gens dans la confusion, pensaient que c'était la Chancelière des Provinces-Unies, ou une autre personnalité d'importance, voir l'impératrice de l'Empire Latin Francisquien peut être ? Et de mesurer leur immense déception de voir une jeune femme blonde de petite taille, plutôt fluette et timide, habillée de façon très sobre, d'autres diront même austère, mais il semblerait que les couleurs affriolantes et l'exubérance vestimentaire ne soit pas au goût des Pharois.

De plus Odessa Dunham n'était pas véritablement une adepte des bains de foule, appréciant particulièrement la discrétion et la retenue, face à l'enthousiasme débordant et aux expressions de joie manifestes. Toutefois, elle était consciente qu'elle était en représentation diplomatique, et que sa gestuelle serait observée, moins par les médias Pharois que par les tabloïds des Provinces-Unies, qui n'hésitaient pas à écharper un politicien ou un élu à la moindre faute de goût ou de comportement déplacé.
Elle répondit donc à l'invitation du capitaine Mainio d'aller à la rencontre des Pharois.

- Il me semble que c'est la moindre des politesses et de la courtoisie que de saluer les habitants de Pharot ayant fait le déplacement. Je ne pourrais malheureusement pas aller au contact, notre protocole de sécurité des services de protection des affaires étrangères est véritablement strict en la matière, et cela serait vécu comme une entorse aux règles de bienséance Lofotène.

La vice-chancelière se tourna donc vers la foule, s'approcha des curieux, maintenu en respect et à distance raisonnable par l'imposant service d'ordre Pharois. Ces derniers d'ailleurs détonnaient par leurs apparence quelque peu irrégulière, contrastant avec le formalisme et l'uniformité grise des agents de protection Lofotèns. Odessa Dunham fit de larges gestes de la main, saluant de la main, avec un sourire appuyé sans être exagéré.
Après quelques minutes de salutations, la vice-chancelière fut invitée à rejoindre la voiture, et à s'y installer, ce qu'elle fit assez rapidement, d'autant plus que la température ambiante semblait soudainement décroître.

- Je vous suis capitaine Mainio, merci !
Le capitaine ministre Mainio laissa complaisamment la vice-chancelière Dunham s’adresser à la foule, avant de l’inviter à le rejoindre dans les voitures qui les escorteraient jusqu’au ministère. Aucun des deux ne devait ignorer le caractère purement symbolique de ce genre de démonstrations publiques qui visaient avant tout à satisfaire les curieux et assurer les commentateurs médiatiques que tout allait bien dans le meilleur des mondes entre les deux pays. Ce qui était à la fois faux et vrai.

- « Oui, à dire vrai je ne suis pas compétent pour discuter de cela mais Sakari – je l’aime beaucoup ce petit – il saura être un interlocuteur de valeur, sans aucun doute, et puis quitte à être ici autant vous montrer un peu ! » il rit. « Je dis ça sans malice, bien sûr. C’est que le fonctionnement du gouvernement fait qu’on m’a déjà reproché de prendre rendez-vous sans en avertir tout le monde et voila les autres ministres devant le fait accompli, le minimum de politesse veut que nous nous tenions un peu au courant des faits et gestes les uns des autres et ah nous démarrons. »

Le cortège assez peu protocolaire venait de s’élancer dans les rues de Pharot, direction le centre-ville. Visiblement les Pharois n’avaient pas jugé pertinent de geler la circulation et les voitures et motards s’arrêtèrent très naturellement aux feux rouges et d’attendre leur tout dans les carrefour, ce qui laissa à Mainio le temps de relancer la conversation.

- « Disons le honnêtement, certains de mes compatriotes estiment que nos deux pays sont partis du mauvais pied diplomatiquement. Il faut dire que cette déclaration officielle sur les droits de l'homme, hm, c’était un peu maladroit, enfin passons. Je pense qu’il serait judicieux de garantir à nos amis qu’il n’existe plus d’inimité entre nous. Cela affaiblit chacun des deux partis, les gens sont friands de polarisations artificielles, vous savez, prendre position, exacerber les tensions, c’est ainsi qu’ils comprennent le monde, par des conflits, des antagonismes, pourtant bien souvent les choses sont plus nuancées, l’expérience tend à me le faire penser. »

Il entrouvrit sa fenêtre pour laisser passer de l’air, faisant entendre la cacophonie de la rue.

- « Vous m’excuserez, vingt ans passés à naviguer m’ont immunisé contre le mal de mer mais la voiture, pouah, cela me soulève toujours le cœur. Enfin je vous rassure, nous allons discuter de choses plus sérieuses que de simples démonstrations d’amitié. A commencer par la situation en Damanie et les intérêts lofotèns à Kotios, je pense qu’il faut clarifier cette situation. Comme je vous le disais par écrit, le fait que vous ne vous soyez pas déclarés garant de la Commune pose un problème à nos amis communs. Il y a ambiguïté sur les raisons de votre présence et vous occupez militairement un espace stratégique pour la ville qui manque déjà de place. Je ne sais quel est au fond la position de votre gouvernement sur le sujet pour les prochains temps mais maintenant que la situation est stabilisée, je pense que nous allons devoir soit reconsidérer la légitimité de votre présence, soit l’officialiser mais cet entre-deux nuit à tous les partis. »


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La plage industrielle du port nord de Pharot.
La vice-chancelière des Provinces-Unies monta dans la voiture, l'un des agents de sécurité Lofotèn l'accompagna également, comme l'exige le strict protocole en matière de visite plénipotentiaire.


- Je vous suis totalement sur les nuances et la souplesse dont il faut savoir faire preuve lorsqu'on évolue dans le monde tortueux de la diplomatie internationale.
C'est tout un art qui exige parfois des compétences d'équilibriste et de négociation hors pair, il est donc très difficile de faire avancer ses intérêts, que cela ne se fasse au détriment des autres parties, tout en faisant preuve de prudence et de modération, mais aussi de fermeté quand la situation l'exige.


Lorsque son interlocuteur, visiblement incommodé et peu à l'aise, engoncé dans son siège, décida d'ouvrir la fenêtre du véhicule, Odessa en fut également ravie et soulagée, malgré les odeurs des pots d'échappements et de la ville industrielle :

- Ah, cela ne me gêne aucunement, voyez vous, je suis comment dire légèrement claustrophobe, j'aime les grands espaces, alors avoir une fenêtre ouverte sur l'extérieur me convient grandement, je n'osais pas vous le demander, et comme ce n'est pas conforme à nos propres règles de sécurité....


Puis le capitaine Mainio amena de manière fortuite et il faut le dire, sur un ton directif, le sujet épineux de Kotios. Si la vice-chancelière ne se trouvait pas dans la position la plus confortable qui soit, se sentant presque piégée en quelque sorte dans une voiture pharoise, entourée presque exclusivement de pharois, elle ne se démonta pas pour autant :


- Hum...la Commune de Kotios évidemment, je me doutais bien que ce dossier serait à l'ordre du jour, bien que je dois vous avouer que ce n'est pas mon sujet préféré. Tout d'abord je me dois d'exprimer ma profonde tristesse quant à l'évolution tragique de la crise Kotioïte, enfin le putsch devrais je dire, parlons en toute franchise, c'était bien plus qu'une crise, c'était presque une guerre civile, et des atrocités d'un autre temps ont été commises durant ces sombres évènements. Sauf erreur de ma part, beaucoup de vos ressortissants ont malheureusement trouvé la mort dans des circonstances terribles. Je ne peux m'empêcher de penser que nous aurions pu faire quelque chose, ou que nous aurions dû faire quelque chose...Enfin vous avez su maîtriser la situation, et il semble que l'ordre public règne à nouveau grâce notamment à votre intervention, enfin indirectement.


Puis Odessa Dunham embraya sur le point délicat où voulait certainement l'amener son interlocuteur, elle aussi décida d'arrêter de tourner autour du pot :

- Bon, je comprends parfaitement votre confusion, le statut actuel de nos troupes à Kotios est ambigu, il serait absurde de ne pas le reconnaître. Vous avez raison, et c'est un fait que vous avez pu constater par vous même, la Milice Fédérale occupe certains "points" stratégiques de la ville pour garantir la protection de ce que nous appelons nos "intérêts". C'est à dire tout simplement : nos quelques commerces et entreprises, et nos citoyens bien évidemment.
Afin de régulariser cette situation équivoque je vous rejoins sur ce point, je vous propose et vous demande humblement à ce que les Provinces-Unies deviennent officiellement garantes de la Commune, afin de vous rejoindre dans cet objectif commun qui est de préserver la paix et la stabilité de la cité-état de Kotios. Et c'est parce que nous tenons strictement au respect du droit international, que paradoxalement et très ironiquement les Provinces-Unies se sont abstenues de toute intervention durant l'insurrection putschiste.

Il évident que dans le cas contraire, nos troupes devront évacuer tous nos ressortissants et nous devrons mettre fin définitivement à notre présence dans la Commune. J'en serais la première navrée, je suis persuadée que nous pouvons apporter quelque chose de positif à la cité martyre qu'est Kotios.
- « Ah la claustrophobie. » soupira le ventripotent ministre d’un air entendu. « Chacun ses démons, je vous plains, j’ai un fils qui se bat contre sa thalassophobie, pour un Pharois ça fait mauvais genre, mais il se soigne. »

Puis il éclata d’un petit rire joyeux.
La diplomatie pharoise avait quelque chose de cavalière, avait-on pu lui reprocher. Mainio, lui, ne voyait pas le problème. Il considérait les relations géopolitiques entre États comme une chose objectivement cynique et ne souhaitait donc plus s’encombrer de rodomontades superflus quand il pouvait se contenter d’aller à l’essentiel. Du reste, il s’était trouvé quelques diplomates à qui cela plaisait bien et si on faisait le bilan des relations diplomatiques du Syndikaali, les choses ne se passaient pas trop mal.

Ce fut donc sans prévenir que Mainio mit les pieds dans le plat concernant Kotios. Après tout, les reproches des Provinces Unies du Lofoten quand à la manière qu’avait le Syndikaali de gérer ses intérêts dans les mers du Nord étaient à l’origine de cette rencontre diplomatique. Autant ne pas y aller par quatre chemins, donc. Il laissa son homologue exprimer sa pensée avant de s’esclaffer.

- « Nos ressortissants ? De vulgaires pirates pour la plupart, ce sera ça de moins à terroriser la région. Néanmoins, oui, quelques militaires ont trouvé la mort dans ce quartier infernal, nous leur rendrons hommage quand tout cela sera derrière nous. Bientôt j’espère. »

Il hocha ensuite patiemment la tête. Hors de la voiture les rues bétonnées de Pharot se succédaient, identiques les unes aux autres et encombrées de badauds qui parfois s’arrêtaient pour regarder passer avec curiosité le convoi ministériel.

- « Ma foi, si vous vous engagez auprès de la Commune, alors votre présence ne sera pas moins étrange que la nôtre ! Après tout, nous n’avons fait que répondre à nos engagements quand l’Assemblée Populaire a appelé ses garants à l’aide. Voila en tout cas qui aura le mérite de clarifier les choses et nous permettre d’avancer communément, j’en suis enchanté. »

La voiture s’immobilisa devant le ministère et Mainio s’en extirpa en grognant avant de tenir la porte à la vice-chancelière.

- « Des réunions sont prévues avec les forces militaires du Grand Kah prochainement, nous serons heureux de vous compter parmi les protagonistes, si toutefois les autorités kotioïtes y consentent. Mais que vous choisissiez de rester sur place ou non, il faudra bien s’organiser d’ici là. Si vous voulez bien me suivre... »

D’un pas rapide, le ministre fila vers les escaliers qui menaient aux portes du bâtiment et entama leur ascension en soufflant sous l’effort.

- « Concernant la Damanie... hh... à présent... hh... je sais que votre pays... hh... nom de nom ces marches... hh... est farouchement... hh... anti-communiste... hh... avez-vous des projets pour... hh... la région... hh... ? »


Spoilerhttps://www.zupimages.net/up/21/35/rvpe.jpgLes portes du ministères des intérêts internationaux du Pharois Syndikaali
La vice-chancelière exprima un souffle de soulagement, ainsi le délicat et inconfortable sujet de Kotios avait été abordé et réglé, un peu plus facilement d'ailleurs qu'elle ne l'aurait espéré.
Un exercice d'équilibriste dû au fait qu'Odessa Dunham était partagée, voir écartelée par ses obligations politiques envers la coalition écologiste-unioniste à laquelle elle appartenait et sa propre boussole morale. Si au départ elle avait prit fait et cause pour les Kotioïtes, la part de responsabilité indirecte dans l'inaction des forces fédérales dans le carnage qui avait suivi, et les images de pendus et des cadavres alignés contre les murs l'avait horrifiée et fait pencher pour l'intervention militaire directe.
Mais c'était trop tard et désormais fort heureusement pour tout le monde, la région était pacifiée, et il fallait avancer en tentant de réparer les erreurs commises et améliorer le sort de la population kotioïte.

-A la bonne heure, je suis heureuse que la situation se soit clarifée entre nos deux puissances sur le sujet de Kotios, il est fort probable que nos objectifs soient alignés mais que seule la méthode diffère.

Et c'est au moment opportun où survint la conclusion de cet épineux sujet que le véhicule stoppa devant un imposant bâtiment austère, aux marches infinies qui semblaient tout droit sorti des délires d'un architecte à l'esprit torturé.
Et alors que l'obèse représentant diplomatique pharois éprouvait les plus grande difficultés à gravir un escalier clairement conçu pour torturer les ligaments et articulations de ses utilisateurs, alors que son interlocutrice, à la silhouette élancée et filiforme, avait le pas léger et semblait virevolter comme une danseuse de ballet.
Mais l'atmosphère était lourde et pesante, et le Pharois ne semblait pas vouloir donner de répit à la vice-chancelière, en abordant sans fard ni détour les sujets qui fâchent : et après Kotios, un autre thème, pour le moins sensible fut abordé : la Damanie. Tout en gravissant une à une les marches, elle répondit sans un enthousiasme débordant :

- Et bien je vois que vous n'y allez pas par quatre chemins. Jouons cartes sur table.
Je ne vous cacherais pas que pour une démocrate convaincue des bienfaits du pluralisme politique et républicain comme moi, l'établissement d'une dictature communiste à parti unique n'a rien d'une perspective hautement réjouissante, vous en conviendrez et nous savons tous les deux que la Mer du Daman est hautement stratégique pour nos convois commerciaux. D'un autre côté je ne peux pas non plus m'apitoyer sur le sort des super pétroliers, tankers et autres porte containers qui peinent à convoyer leur brut et leurs déchets plastiques, et le grand désagrément que cela peut causer aux gens de la United Oil, notre chère compagnie nationale, dont le fond de commerce peut se résumer à extirper et et exploiter les ressources de Mère Nature jusqu'à son assèchement le plus complet. Exprimer la volonté de continuer à commercer et échanger avec le monde comme avant est bien la seule et unique priorité des Provinces-Unies.


Puis Odessa Dunham stoppa net sa progression, interrompit l'ascension du capitaine Mainio, puis en haussant les sourcils, fit alors un quart de tour pour se retourner et faire face au diplomate pharois dont elle dépaissait aisément d'au moins une tête

- Oh mais par ailleurs, tant que j'y pense cher capitaine, puisque nous sommes sur les sujets fâcheux ça tombe bien,vous en avez lancé deux de votre propre initiative, vous ne souffrirez donc pas que j'en évoque un à mon tour s'il vous plaît ? Il se trouve qu'un sous-marin pharois que vous connaissez fort bien, le Kauhea, que certains de nos journalistes se plaisent à qualifier de "terreur rouge des océans" fait peser une grave menace permanente sur nos navires, sur le commerce mondial, le tourisme, et sur tous les innocents qui auraient le malheur de se trouver sur un bâteau croisant leur route. Cette situation ne peut perdurer et je demande, non je sollicite humblement votre aide et votre assistance pour mettre définitivement hors d'état de nuire cette menace et les traduire devant la justice. Je n'ose même pas imaginer quelles conséquences adviendraient pour nos deux pays, si ces "pirates" ou "mercenaires", je ne sais comment les nommer, venaient à assassiner des citoyens Lofotèns. Le Kauhea est déjà considéré comme un objectif de mission valable dans le jargon militaire, j'espère qu'il ne deviendra pas un "casus belli"....
Mainio semblait avoir doucement repris son souffle, ayant pris tout de même le temps de s’arrêter à deux reprises au milieu de l’escalier pour récupérer. Le plus discrètement possible, un employé du ministère s’était présenté pour proposer deux verres d’eau à la vice-chancelière et au capitaine que celui-ci avait accepté avec gratitude.

N’empêche que si le ministre des Intérêts internationaux du Pharois Syndikaali avait du mal à grimper la centaine de marches qui le séparaient de son bureau, il n’en écoutait pas moins ce qu’on avait à lui dire et hocha la tête en s’épongeant le front.

- « Dictature à parti unique, comme vous y allez, il me semble qu’il existe de nombreux partis en Damanie… »

Il fit une nouvelle pause dans son ascension.

- « Néanmoins je vous l’accorde, la région est une poudrière, ne serait-ce qu’en raison du découpage territorial de cette île qui incite à la division. Sa position stratégique à l’embouchure de la mer du Nord la rend attractive pour les vautours de toute sorte. J’attends beaucoup de la conférence de Ciardhai en ce sens. D’ailleurs peut-être serait-il intéressant que les Provinces-Unies du Lofoten et le Pharois Syndikaali y parlent d’une même voix ? Après tout nous sommes en passe de devenir les deux premières puissances militaires maritimes du nord, ce ne serait pas absurde. Un traité de protection, par exemple, comme à Kotios, pour préserver l’indépendance de la région ? »

Il allait poursuivre quand la vice-chancelière le surpris en venant se poster en face de lui. Physiquement, tout les éloignait. Mainio était un petit bonhomme grassouillet dont les chapeaux étranges peinaient à dissimuler une calvitie. Il avait le visage marqué par le sel et de nombreuses rides un peu partout malgré un âge pas si avancé que ça, une grosse cinquantaine d’année mais pas plus. La vice-chancelière de son côté incarnait jeunesse et élan, largement plus grande que lui, tout dans son allure, ses vêtements et sa posture tranchaient en termes de classe avec l’aspect plus brut du capitaine, pour sa part vêtu d’un gilet en laine légèrement détendu et fort peu protocolaire.

- « Ah le Kauhea. » Il hocha la tête, une lueur d’amusement dans le regard. « Une bien terrible affaire qu’à notre grande honte nous avons encore du mal à régler. Pourtant croyez bien que nous y travaillons mais ces canailles semblent bénéficier d’un fort soutien chez toutes les factions communistes de la région à commencer par la Damanie elle-même qui a récemment accepté de voir siéger le terroriste Hymveri à la conférence de Ciardhai. »

Il soupira, l’air sincèrement désolé.

- « Je n’ose l’imaginer également. Trop de drame, trop de tristesse en ce bas monde. Sachez toutefois que nous collaborons déjà avec la République de Makt au sein d’une organisation anti-terroriste internationale, le CORMORAN, afin de traquer ces crapules. Nous serions ravis de voir les Provinces-Unies du Lofotèn rejoindre cette noble entreprise en joignant sa signature aux nôtres. La mise en commun d’informations sensibles sur les pires criminels de la région faciliterait indiscutablement leur capture car c’est bien là le principal obstacle à la sécurité de l’Eurysie et des mers du Nord : une mauvaise coordination entre l’ensemble des nations susceptibles d’accueillir ces criminels. A chaque fois que l’un d’eux passe une frontière, nos radars les perdent de vue… »

Il toussa deux fois et gravit les deux dernières marches. Deux soldats dépareillés et habillés de cabans en laine leur ouvrir les portent du ministère, dévoilant un intérieur tout aussi austère que sa façade, bétonne et pauvrement meublé. Ils n’avaient pas fait trois pas dans le hall simplement décoré de statues d’art contemporain vaguement angoissantes qu’un jeune homme se présenta muni d’un téléphone.


L'austère ministère
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- « Téléphone pour vous capitaine ministre. »

Mainio se renfrogna.

- « Je suis un peu occupé mon petit là. »

- « C’est au sujet de la Damanie… et de l’Empire Démocratique Latin Francisquien. »

Avec un regard d’excuse pour la vice-chancelière, le capitaine prit le combiné.

- « Mainio j’écoute. Ah ! Capitaine Ilmarinen ! Toujours un plaisir d’avoir de vos nouvelles néanmoins je suis un peu occupé avec madame la vice-chancelière du Lofoten présentement, allez droit au but je vous prie. Hm hm. Oui. Oh. Je vois, c’est fort triste. Dites voir, envoyez-nous donc quelqu’un au ministère, d’accord, je suis certain que cela nous intéressera tous. »

Il eut un sourire crispé et rendit le téléphone.

- « Quand on parle du morse on en voit la queue. Il semblerait qu’il y ait eu une explosion à l’aéroport de Baidhenor. Apparemment l’Empire Démocratique Latin Francisquien revendique l’attaque. Hm. »

D’un geste il fit signe au jeune homme avec le téléphone d’approcher.

- « Tahvo, vous pouvez nous préparer le bureau ? Et une liaison avec Sakari ? Je suis certain que le ministre de la Défense territoriale saura gérer la situation mais j’aimerai autant être informé dès que nous aurons de nouvelles informations. »

Puis il se tourna vers la vice-chancelière.

- « Et je suis certain que cela vous intéresse également. »
Un agent de la protection rapprochée de la vice-chancelière s'approcha d'Odessa Dunham et lui chuchota à l'oreille avec un manque assuré de discrétion :

Agent du FSD : " - Madame, l'information de l'attaque francisquienne contre l'Aeroport International de Baidhenor est confirmé. Le nombre de victimes est encore inconnu à ce jour mais le Département Fédéral des Affaires Etrangères semble corroborer plusieurs de nos concitoyens Lofotèns parmi les morts. Nous ne savons pas encore combien. Il s'agit potentiellement d'un acte de guerre, et selon la procédure en vigueur, vous vous trouvez en territoire étranger, à portée même des missiles francisquiens. Vous êtes la numéro deux du Gouvernement, je dois donc vous exfiltrer au plus vite, au nom de la Sécurité d'Etat, vous devez rejoindre au plus vite le territoire national !"

Odessa Dunham à son agent :"- Par Odin, quoi ? Mais comment cela a t il pu se produire ? C'est insensé ! Ces Francisquiens veulent vraiment plonger le monde dans une guerre totale ? Monsieur, il n'est pas dans mon tempérament de fuir devant l'adversité, j'ai une mission à accomplir et le devoir envers la nation m'incombe de la poursuivre, nous n'aurons peut être pas deux fois l'opportunité de normaliser les relations entre le Lofoten et le Syndikaali. Dites à la Chancellerie que le Pharois me semble présenter toutes les garanties de sécurité nécessaires et que dans l'immédiat, les risques sont inférieurs au bénéfice de la continuité de cette rencontre".

La vice-chancelière fit une moue inquiète, incapable de réprimer au fond d'elle un sentiment de vive inquiétude et d'angoisse, bien qu'elle tenta de maintenir un flegme et une impassibilité de façade

Odessa Dunham : "Capitaine Mainio, il semblerait que vos informateurs aient raison. Un drame terrible vient de se produire en Damanie, je ..je ..par ailleurs je vais peut être avoir besoin d'une chaise s'il vous plaît, à l'heure où je vous parle, certains de mes concitoyens seraient morts sous les bombes francisquiennes..... je pense que le Kauhea et Kotios attendront, cette nouvelle affaire va probablement bousculer notre agenda diplomatique. Je connais l'aversion viscérale de notre Chancelière pour le communisme, et cela renforcera sa détermination à penser qu'il ne peut y avoir de paix durable et stable en Eurysie tant qu'il y existera de tels régimes.
Je peux bien sûr tenter de lui parler et de lui faire voir un autre point de vue, cela sera difficile mais je veux bien essayer, il m'apparaît en effet aujourd'hui que la priorité est la neutralisation de la menace francisquienne et la pacification de la Damanie, qui me semble tellement instable sur le plan politique qu'elle est sur le point d'imploser.
Aussi nous devrions nous accorder sur ces deux points essentiels, car si nos avis divergent de trop sur ces deux questions, je crains que la conférence de Ciardhai ne soit qu'une exacerbation de plus des tensions géopolitiques actuelles."


Puis la vice-chancelière écouta les propositions, ou dirons nous, débuts de suggestions de son interlocuteur pharois, qui apparaisaient plus que sensées, parler d'une seule voix, bien sûr, qui serait contre cette idée honnêtement ? Mais rien n'était plus différent et éloignés que les politiques et intérêts du Pharois et du Lofoten. Odessa savait qu'elle aurait besoin d'un miracle pour faire aligner les planètes entre deux nations maritimes que tout oppose.

Odessa Dunham : " - Pour la Damanie, nous pensons sérieusement et unanimement que le règne de la Première Consule est arrivé à son terme, qu'elle n'a ni la légitimité des urnes ni de celle son peuple, qui se délite et se fissure jour après jour, à voir les troubles qui agitent la société civile, et qu'il est temps d'instaurer une véritable république, conformément aux aspirations et idéaux démocratiques exprimés lors de leur première révolution. Cela sera indubitablement l'une des revendications sur lesquelles la Chancelière ne dérogera pas.

Ensuite l'Empire Francisquien, je ne suis pas à l'aise avec la chose militaire, mais puisque vous avez mentionné nos flottes dans l'hemisphère nord, et bien je pensais tout simplement à une réponse proportionnée à l'agression commise, qui ne serait pas une intervention militaire mais ni plus ni moins qu'un blocus maritime et continental sur l'Empire. Rien ne sort, rien ne rentre, et surtout pas les armes alguarenaises, une asphyxie lente mais contrôlée de leur économie et de leur population. Connaissant les doctrines usuelles du Lofoten, il est fort à parier que cette stratégie d'étouffement est déjà sur la table de la Chancellerie à Pembertøn. Quoiqu'il en soit toute décision internationale doit recevoir l'aval de l'Ålthing, notre parlement et ce dernier est clairement divisé entre l’isolationnisme et l'interventionnisme."
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