9 juillet 2016
14h36
Des mois. Des semaines. Dès jours. Même des heures. Et maintenant, des minutes.
La procédure avait pris du temps, trop de temps. Les conflits avec l’Ex-Loduarie Communiste n’avaient pas accéléré le processus. De la politique interne en plein remaniement, des travaux de rénovation de la ville, des nouvelles infrastructures. Antares avait vécu une période calme, très calme. Sûrement était-elle méritée après l’année turbulente qui l'avait précédée. Les représentants du pays n’avaient pas mis pied sur une autre contrée depuis fort longtemps. Devrait-on blâmer une lassitude ? Ou plutôt une écoute attentive de la théorie émise par Tristan de Sivier il y a plus d’un an alors que les tensions avaient atteint leur apogée, soit le célèbre adage Si nemo movet, pax sequitur. Et en effet, pendant un certain temps dans ce pays, nemo movetur.
Le moment était bien choisi pour inviter les représentants. Les météorologues de l’OMEGA avaient annoncé une semaine particulièrement radieuse, une joyeuse surprise en cette saison. L’économie reprenait du rythme, l’industrie bénéficiait de nouveaux investissements. Cette année de pit stop avait permis à Antares de reprendre son souffle pour pouvoir ensuite courir plus vite et plus fort. Un pari sans précédent, contesté, mais visiblement réussi.
La première ministre Pamela Roos avait enchaîné les victoires contre les plus puissants lobbys du pays, accompagnée de Saskia Beauxvents tout aussi talentueuse sur ce plan là. L’accord qui allait être discuté entre les représentants s’inscrit sans doute dans cette continuité de renouvellement économique, nul n’en disait autrement.
Il avait pris du temps, encore une fois, à être correctement organisé. Mais enfin, le projet allait voir le jour. Certains parlent d’un retard significatif sur une organisation qui aurait pu rapporter des gains passif aux pays traitants, particulièrement utiles durant cette période. Mais les hauts responsables en connaissaient les avantages: des pays avaient quitté le projet, d’autres l’ont rejoint. Cette stase aurait finalement permis aux membres de mieux se connaître avant d’entamer un si gros projet, construire des liens solides avant de les solidifier davantage. C’est très antarien tout ça, aurait même dit le Président du Conseil à ce sujet, lors de plusieures interviews.
Pour couronner le tout, des agents de la MIRA étaient présents, dissimulés on ne sait où pour certains et visibles pour d'autres, veillant tous au bon déroulement de l’événement tels des anges gardiens. La sécurité maximale était elle aussi au rendez-vous, bien entendu.
Quelle importance désormais d’étudier la genèse du projet, la conférence allait avoir officiellement lieu. Tourner le dos à l’ombre pour ne plus y sombrer à nouveau et marcher vers la lumière. Oui, cette alliance était en fait bien plus qu’un projet. C’est de l’union. De l’espoir. De l’amitié. Et sans doute bien sûr, du renouveau.
Le bâtiment choisi à l’occasion était une grandiose salle d’événements moderne en plein cœur du quartier des diplomates, au sud-est de Margaux. Le Président du Conseil n’avait pas voulu tenir une rencontre du genre dans un lieu de pouvoir antarien, bien que iconiques et somptueux. Non, il fallait un lieu neutre. Antares était un contributeur aussi important que tout autre. Et après tout, le mot d’ordre du pays reste l’hospitalité: les représentants étrangers ne venaient pas en Antares, ils rentraient chez eux. Encore une fois, la clé du succès était de leur faire oublier qu’ils avaient pris l’avion pour se rendre à cette venue, Il ne faut pas chercher dans les plats traditionnels ou dans les coutumes particulières pour trouver la vraie tradition antarienne.
Sur le parvis devant la bâtisse se tenaient bon nombre de représentants du pays. Ils étaient presque tous là au rendez-vous, le Président du Conseil ainsi que de la République, la Première ministre et la ministre de l’économie, ainsi que la porte-parole du gouvernement et le maire de la ville de Margaux. Cet assemblage rare témoignait une nouvelle fois du caractère exceptionnellement heureux de cette rencontre.
Le Président du Conseil fredonnait quelques airs pendant que sa femme guettait l’arrivée des premiers invités. Saskia Beauxvents et Clara Malmaison conversaient à propos des nouveaux projets d’infrastructure métropolitaines tandis que Thomas Alénan discutait avec Arthur Dabi à propos de curiosités diverses et variées. Il n’y avait pas de tension ni de stress dans les airs, mais bien au contraire une hâte de débuter ce moment tant attendu. C’était bientôt le début de l’union, le début de la LENC.
Les autres membres arrivèrent enfin, presque tous en même temps. Tous étaient heureux d’assister à cette venue. Tous étaient prêts à donner vie à ce prototype. Des mains serrées et des petites discussions envahissent désormais le parvis, tous ces hommes et ces femmes faisaient connaissance entre eux. Les homologues se regroupaient, discutaient et plaisantaient entre eux, non pas comme des alliés, mais bien plus comme des associés… des amis.
Cette bulle amicale s’élargissait progressivement jusqu’à ce qu’il n’y ait même plus de place pour tenir debout sur le parvis, qui par ailleurs semblait trop large au goût de certains avant qu’il ne soit rempli de monde. C’était donc le signal qu’il était temps de se rendre à l’intérieur de la bâtisse. Ainsi, en l’espace de quelques minutes, la place qui s’était remplie tout aussi vite se vida pour ne laisser que quelques marques de souliers tout juste cirés. L’immeuble avait accueilli tout le monde sans laisser personne derrière.
À l’intérieur, les mêmes bruits de discussions qui berçaient la foule à l’extérieur résonnaient au cœur de la structure. Large mais bien aérée, il y avait juste assez d’écho pour se croire à l’intérieur sans pour autant qu’il soit dérangeant et qu’il ajoute au vacarme. Et pourtant, le volume sonore du hall se démantela lentement alors que les hauts représentants prirent place dans une salle de réunion, munie d’une grande table placée au centre. Tout était placé là, tel un service: Les bouteilles d’eau individuelles, une plate et une pétillante, les étiquettes, le papier, les stylos, un écran encastré pour d'éventuelles diffusions ainsi qu’une panoplie de chargeurs, câbles et prises bien dissimulés pour ne pas encombrer les invités. Le Président de la République Arthur Dabi invita ses homologues à prendre place et débuter sans attendre la rencontre. Quant au Président du Conseil, il ne pouvait assister à la rencontre car il avait été sollicité en dernière minute par quelques agents de la MIRA, de tout évidence sur un sujet important. Qu’importe, les tâches quotidiennes du gouvernement antarien ne devaient en aucun cas faire obstacle à l’hospitalité et la proximité du moment.
Pas d’obstacles en effet, une première version du futur traité avait déjà été préparée pour lancer les discussions plus facilement. Ainsi, ils prirent tous place, tous confortablement installés, tous prêts à prendre la parole.
Enfin, les minutes, les heures, les jours, les semaines et les mois. Enfin, le projet prenait forme. Enfin, le début de la LENC.