11/05/2017
16:21:33
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Réunion

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Arthur Pervenche Blaise Printempérie

Nous les fascistes, sommes les vrais anarchistes... une fois que nous avons pris le pouvoir bien sûr.
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- Ces gens nous détestent.
- Car nous ne leur avons donné aucune raisons de nous apprécier.
- Ils nous haïront de toute façon, parce que nous incarnons la grandeur et la liberté.
- Ils n'ont pas le quart de notre audace.
- Mais unis ils représentent une menace pour notre empire.
- Alors il faut les diviser, offrir la gloire à certains et la mort à d'autres.
- Le bâton et la carotte.
- Le sceptre et le fouet.
- Qui sera l'heureux élu ?
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Castelage. Obéron. Dalyoha. Printempérie ?

Printempérie est en Afarée, il a d'autres chats à fouetter. La Principauté, sa terre natale, ne l'intéresse plus. Seul compte son Éden rouge.

Reste Castelage, Obéron et Dalyoha ?

Où est Dalyoha ? Où est ce morveux amateur de voitures ? Ses rêves n'ont jamais été à la hauteur des nôtres. Qu'est-ce qu'il fout en ce moment ? Il devrait être ici !

Arthur ? Arthur !

Quoi ?

Où est Blaise ?

Je ne sais pas, moi... peut-être mort ? Tant de building s'écroulent, les manoirs sont en feu et les gangs tentent de profiter de ce nouveau chaos. Je crois que le Saint-Pierre s'est écroulé, Dalyoha est peut-être piégé chez lui ?

Blaise ne peut pas mourir, imbécile. Il est censé être ici avec nous, les grandes familles doivent s'unir pour que Carnavale résiste suffisamment longtemps.

Pervenche, tu ne vois pas ? C'est terminé. J'ai le cour de tes actions sous les yeux ça ne fait que dégringoler, c'est très mauvais signe et la bourse ne ment pas : elle est le reflet le plus parfait et impartial du monde. Regarde, le cour du Nordiste s'est envolé après la destruction d'Estham, deux millions de produits en moins sur le marché, ça fait chuter l'offre et augmenter la demande. Maintenant c'est le cour du Carnavalais qui grimpe, il n'y a rien à faire, les courbes sont les courbes, on ne va pas se battre contre le marché.

L'exosquelette Obéron dévoile une lame de poignet, inspirée d'un jeu d'assassin.
La gorge d'Arthur Castelage dégorge un flot de sang cramoisi.


Vas te faire foutre Arthur, petit parvenu de merde. Boursicoteur plébéien. Je ne suis pas comme toi, moi, ma famille a survécu à tout, elle survivra à ça aussi. Nous avons une mission !



Arthur
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Carnavale
Depuis le sommet de son manoir, Pervenche Obéron peut voir Carnavale brûler davantage qu’à l’accoutumé. Les zones résidentielles ne sont pas les cibles prioritères des démocrates – les cons – elle ne craint rien et pourtant elle indique au pilote le cœur de la fournaise.

- A Bourg-Léon !

- Vous êtes sûre ? Il y a pas mal de nos avions qui survolent la ville, on risque un tir ami.

- Sûre. Je dois parler à Dalyoha.

- Et monsieur Castelage ? Il reste ici ?

- Castelage ne vient pas.

L’hélicoptère s’envole dans la nuit bleue sombre, Obéron abandonne sa féerie, ses fontaines d’or, ses ruches, ses cerfs apprivoisés, son confit de paon, son élevage de dodos, le verger de pommes d’amour, le carrousel où tournent ses ennemis empaillés, son donjon électro-stimulant.

Adieu le manoir et la propriété, un autre paradis l’attend, de l’autre côté de la mer.

Pervenche Obéron consulte son téléphone, les pastilles de notifications jaillissent sous ses yeux : Justin l’Eternel s’adresse à la population. Au moins son neveu n’est pas un incapable constate-t-elle. Carnavale n’a pas dit son dernier mot.

Le secrétaire lui tend un portable : c’est le Duc d'Estryon. Que veut-il ce vieux beau ?

- Salope où sont vos milices ? On est presque à court de drogues et de vin !

- Vas te faire foutre Bernarnaud ! Avale une capsule de cyanure et ne m’emmerde pas !

Où sont les milices Obéron ? Et Dalyoha ? Qu’est-ce qui se passe ?

- Sale pute ! Justin a bien dit qu’il y aurait pas de paradis pour les suicidés, où sont tes exécuteurs ?

Pervenche lui raccroche au nez, elle n’a pas que ça à faire de superviser le suicide de la petite noblesse. L’hélicoptère engage un virage entre deux buildings en feu, passe sous un pont depuis lequel des millénaristes se jettent en file indienne, puis remonte pour disparaitre dans la fumée bleue.

Un instant le temps est suspendu et calme quand soudain.

Pervenche hurle.

- Qu’est-ce que c’est que… ça ?!

- Un chat ?

- Qu’est-ce que ça fout là ?!

Pervenche comprend. La technologie hologramme est la sienne. Pourtant l’effroi s’empare d’elle. Est-ce Dalyoha ? Castelage ? L’OND ? Elle arrache presque son téléphone des mains de son secrétaire, compose le numéro à douze chiffres qui changent chaque heure.

- Crevez moi cette bête !!!!

- Madame ?

- Le chat !! Visez le !

- Madame, cela contrevient à vos ordres précédents : les lanceurs de missiles sont déjà en position, nous attendons votre feu vert pour raser…

- CREVEZ MOI CETTE BÊTE !!!!

La mise à feu est aussi rapide que le ciblage imprécis. Dans le brasier de Carnavale les missiles crèvent la brume et transpercent le lion. Mais on ne pourfend pas une image avec des armes et déjà les flèches de feu sont avalées par la nuit.
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Mais où est Blaise ?

S’est-il enfui ? Il en aurait le droit : l’homme le plus puissant du monde, mis face à ses responsabilités, est en droit de trembler. C’est Dieu à qui l’on demande des comptes. Une armée frappe à la porte du paradis pour exiger un procès. Saint-Pierre s’est peut-être écroulé à dessein.

Mais où est Blaise ?

Ce n’est qu’un gamin, il a dû prendre peur, il a dû s’enfuir. Il ne veut pas mourir, il ne veut pas être pris, il a toute la vie devant lui. Toute son existence au creux de ses mains, va-t-il la jeter aux orties.

Blaise est le dernier de sa ligné. L’ultime fragment du sang d’une famille plus ancienne encore que les princes de Vale, aussi vieille que l’Eurysie dit-on. Blaise est l’aboutissement de millénaires entiers, soigneusement couvés, soigneusement défendus dans un cocon appelé Carnavale. A l’intérieur de ce cocon se trouve un écrin : Bourg-Léon.



- ATTENTION !!

Ils passent trop près des buildings ! Une gargouille vient de percuter la pale de l’hélicoptère qui part en vrille. Le pilote est doué, la technologie est Obéron, la meilleure du monde, l’appareil s’écrase avec la grâce d’un rouge-gorge blessé au milieu d’une avenue. La 20ème. Ou la 108ème ? Elles se ressemblent toutes.

- Madame ? Madame vous allez bien ?

Le secrétaire glisse sous le nez de Pervenche des sels d’acide d’ultramenthe pour la faire revenir à elle.
Le pilote n’est pas mort mais son implant a morflé, l’homme est parcouru de spasmes électriques tandis que son cerveau prend feu à l’intérieur de son crâne.

- Madame, je vais nous appeler un autre hélicoptère…

Pervenche s’exfiltre de l’appareil. Elle a mal au crâne. La ville n’est que chaos. C’est normal.

- C’est la 20ème ?

- La 108ème madame.

Si proche du port. Si proche du pont Saint-Pierre. Si proche des quartiers inondés.

Dans la brume des formes défigurées se distinguent. Il leur manque des membres et des choses pendent là où elles ne devraient pas.

Le secrétaire blémit.

- Les lépreux…



Carnavale



Pervenche court sur le pont Saint-Pierre, sa robe bleue la rendrait presque invisible dans le ciel enfumé. Blaise ! Blaise où es-tu ? Où es-tu salaud ? Où est le paradis que tu nous as promis ? Pervenche a mal à la tête. Le choc du crash. A Grand-Hôpital, on la soignera.
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Le pont Saint-Pierre s’est écroulé. Il bée dans la mer sur plusieurs centaines de mètres. Arthur le lui a dit, pourquoi n’y a-t-elle pas pensé ? Sa tête… sa pauvre tête… Blaise… Salop ! Et Bourg-Léon inaccessible… reste à faire demi-tour, retourner à Carnavale… mais les lépreux ? Son téléphone ne capte plus rien. Pervenche est une femme seule isolée sur un pont au milieu de la mer. Cernée par la brume bleue. Où sont ses missiles ? Son aviation ? Son immense fortune ? Sa famille ? Son épilateur à lumière UV ?

Le sol gronde. La brume au dessus d’elle s’ouvre. Un gros porteur traverse le ciel. Il vient pour elle !

- JE SUIS LA !!!

Mais il la dépasse. Il vient de Bourg-Léon. Un avion médical de Grand Hôpital. Un avion Dalyoha. Blaise ?

- BLAISE !!!!!

Le ventre de l’avion s’ouvre. Des bombes ! exulte Pervenche Obéron ! Des bombes ! Des bombes ! L’apocalypse ! Mais ce ne sont pas des bombes… ?

Qu’est-ce qu’il largue cet enfoiré ? Qu’est-ce que c’est que ce guêpier ?

largage
Il est là.

De l’autre côté du pont. Elle le voit, Blaise Dalyoha, l’éternel adolescent.

- BLAISE !!! JE SUIS LA !

Il la salue de la main ! Elle veut l’étrangler cet immonde morpion, éteindre avec lui sa lignée qui lui fait de l’ombre depuis mille ans. Si Carnavale crève, les Dalyoha ne doivent pas en réchapper !

- BLAISE !!!!!!!!

Son téléphone sonne. Elle n’a pas de réseau pourtant.

- Allo !

- Pervenche ?

- Blaise salopard, et notre apocalypse ? J’attends toujours ton agent Prométhée ?? Nous devions raser le monde, faire advenir le jugement dernier ? où es-tu salaud ? tu vas tout faire rater !

- L’apocalypse est là Pervenche, juste ce n’est pas le tien.

- Quoi ?

- Sais-tu d’où viennent les Dalyoha ?

- Vas te faire foutre toi et ta généalogie !

- De la nuit des temps. De bien avant les Princes de Vale. De bien avant la Principauté. De bien avant les catholans. Sais-tu que Carnavale, avant d’être une ville sainte, était païenne ?

- Qu’est-ce que tu me racontes ?

- Pauvre Pervenche, toi et ta haute noblesse, vous êtes des nourrissons au regard de l’histoire. Les Dalyoha, eux, savent ce qui se trouve sous Carnavale. Sous la ville. Ce qu’il y avait avant le Christ et la civilisation. Les racines d’une grande forêt !

- Taré, tu t’es cru à Padure ???

Elle le voyait pourtant, sa silhouette de l’autre côté du pont, son front sur lequel avait poussé deux grands bois de cerfs. Des implants ? Un peu ringard…

- J’ai séquencé mon génome, Pervenche. Je suis remonté aux origines, j’ai compris la vérité sur ma lignée.

- Ton père troussait la femme de chambre ?

- Mon père, c’est moi. Et mon grand-père, et son grand-père avant lui. La répétition d’une génération depuis la nuit des temps. Clones de clones de clones… un seul être immortel, répété éternellement comme une bouture.

La tête lui tournait. Elle la secoua.

- Tes drogues t’ont rendu fou. Grand Hôpital a cloné son premier humain il n’y a pas soixante ans.

- Cernunnos.

- Quoi ?

- Le dieu-cerf, avant le Christ, avant ton faux dieu. Avant vos mensonges. Tu as tout misé sur une idole de plâtre, un juif crucifié dans le désert, ton apocalypse n’arrivera pas : Obéron et Carnavale entraineront le Christ dans leur chute et de la déchéance de la civilisation va naitre quelque chose de plus ancien. Cramoisie t'as fait tirer tes missiles dans le désert et provoquer tes ennemis : tes disciples y mourront comme ton juif. Déjà ils s'entretuent dans les églises, elles sont infestés d'hérésie, elles puent le schisme. Printempérie, Justin, tous tes protégés sur qui tu comptes tant, ils ne vont rien sauver, ils sont l'instrument de ta chute. La chute de l'Eglise et du Dieu unique !

- Dieu te pourfendra Blaise ! C'est toi qui vénère des idoles ! Un dieu cerf, c'est ça ta grande révélation ? Une de tes ancêtres s'est faite violer par un achosien et maintenant tu te rêves en bouffeur de gland ??? Vas donc crever dans les jardins botaniques puisque tu n'as pas les couilles de provoquer la fin du monde.

- C'est moi, les jardins botaniques !

Pervenche a mal à la tête. Son téléphone est éteint.
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Blaise
Blaise ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Ce qui reposait dans sa main n’était ni de la poussière toxique, ni une bombe miniature à fragmentation, ni la souche d’un virus. C’était… une graine ? Dalyoha largait des graines sur la ville ?

Les jardins botaniques… ! pensa Pervenche. Et elle parcourut le pont Saint-Pierre en sens inverse. A un moment, le réseau avait dû revenir car sa poche s’était mise à vibrer des notifications de Justin. Son neveu faisait de son mieux mais l’IA était programmée pour accompagner une apocalypse divine et le retour sur terre de Jésus Christ à Carnavale, même en absence de toute vie restante. Pas au largage de plusieurs milliers de tonnes de graines sur la cité noire. Pas de panique, IA ou pas IA, Jésus serait bien accueilli, il n’aurait pas à se plaindre, la Principauté lui avait façonné un jardin d’Eden en Afarée et une Jérusalem en Eurysie. Il les récompenserait, c’était certain, il leur ouvrirait les portes de son paradis car c’étaient eux qui avaient provoqué son retour, les agents de Dieu… ! Jérusalem sur terre, l’antéchrist arrivait et Carnavale devait lever des armées d’anges ! Où était Bartholoméon ? Où étaient les milices Dalyoha ? Elles devaient se tenir au premier rang des armées du Seigneur, prêtes pour garnir les légions des anges contre l’Antagoniste ! Satan serait vaincu et Carnavale s’élèverait dans le ciel et les âmes des méritants entreraient au royaume de Dieu auréolées de gloire !

Ils avaient suivi les enseignements bibliques… tout était dans ce foutu bouquin… Babylone. Jérusalem. Toutes les deux réunies dans une seule ville. Un piège à ciel ouvert pour l’Antagoniste : Jésus allait arriver, il allait venir, toutes les conditions avaient été réunies pour l’Apocalypse.

Dans les immeubles, les méritants meurent. Leurs âmes sont les renforts propices dans les rangs des anges. Dans les sous-sols on sacrifie des milliers de nourrissons nés sans sexes, les chérubins du Seigneur. Carnavale est à la fois une fausse diabolique pour attirer le mal, et l’usine de Dieu qui lui envoie chaque seconde des âmes par pelletées de centaines. Ils avaient laissé les sectes prospérer dans ce trou à rat, façonné sur mesure ce que l'humanité a de plus maléfique, ils avaient fait se multiplier librement les abominations et les monstruosités. Carnavale était un gigantesque blasphème à ciel ouvert ! Forcément le diable avait dû tourner son regard vers eux. Carnavale devait être sa résidence maintenant, c’était certain. Sa demeure et bientôt son cercueil. Tout était prévu !

Pervenche Obéron riait. Jésus devait bien voir ce qu’elle avait accompli pour lui. Deux millions de Nordistes, des Catholans, envoyés au ciel pour sa gloire. Ils vaincraient Satan, Carnavale lui fournirait quarante millions d'âmes supplémentaires d'un seul coup et Satan se retrouverait seul, abandonné dans les rues mortes alors tous ils reviendraient à la vie. Jésus ferait renaitre leur corps laissés intacts par le gaz et ils l’encercleraient. Lucifer ne pourrait pas fuir ! Carnavale était trop profonde ! Le piège se refermerait sur lui. Pervenche Obéron au premier rang, aux côtés de Saint-Michel, revenue des enfers, pardonnée par le Seigneur. Une vie qu’elle se préparait pour cet instant. Pour ce piège dément.

Ce petit con de Dalyoha allait tout foutre en l’air…

Si l’apocalypse n’arrivait pas, si l’Antagoniste n’était pas vaincu ? Alors à quoi bon tout ça ? Et son âme à elle ? Lui pardonnerait-on son échec ?

Et puis elle comprit. Salopard ! Bien sûr, ce païen dissimulé dans leurs rangs ! La dernière ruse de l’Antagoniste ! Cernunnos, n’importe quoi : Satan ! Blaise Dalyoha était Satan le trouble-fête, le diable avait déjoué leur plan mais tout n’était pas perdu. Elle pouvait encore le blesser gravement. Elle pouvait encore tuer tout le monde. Quarante millions d'âmes. Le mal n'avait aucune chance !

- Madame ?

- Ils nous restent combien de missiles ?

- Une bonne centaine encore, c’est bon on peut raser…

- Bourg-Léon !

- Pardon ?

- Réduisez moi cette putain d’île en cendre.
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Jésus ! Embrasse moi !

Pervenche la fin ?

Je te donne tout !
Mon âme !
Mon corps !
Mon arsenal balistique !
Mon compte off shore !


Je suis Pervenche
et sur mes lingots d'or tu bâtiras ton église !
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Jardins botaniques de Carnavale

jardins

- Monsieur Dalyoha, nous sommes arrivés. Oups, attention à vos bois.

- C’est bas.

- C’est l’ancien système utilisé par les jardiniers, il fallait se faire discret à l’époque et voyager d’un bout à l’autre des jardins rapidement.

- Dire que je ne suis jamais venu ici…

- Vous y êtes venu. Mais pas ce vous-ci. Quand vous étiez votre père, et son père avant lui. Tous ont gardé le cœur des jardins intact. Un morceau de forêt primaire dissimulée au regard des hommes. Nous l’avons protégé pendant des siècles à Bourg-Léon avant la fondation des jardins. Regardez comme ils grandissent !

Blaise approche sa main d’une plante qui semble frémir à son contact.

- Elle vous reconnait. Elle sait que vous êtes de retour.

Blaise rit doucement.

- Non, ce sont des OGM, il y a des follicules qui repèrent les mouvements de l’air autour du pistil. Si j’étais une abeille elle m’aurait aspergé d’acide pour me dévorer.

- A l’origine peut-être mais plus maintenant. Nous ne sommes pas dans une serre où tout peut être contrôlé, les jardins ont suivi leur propre chemin…

- Un chemin que les Dalyoha ont gardé loin du regard des hommes. Toute cette mystique, toute cette conspiration…

- Sur votre ordre monsieur.

- Ceux de mon père.

- Les vôtres. Cernunnos.

Blaise regarde par-dessus son épaule. De larges panaches de fumée noire s’élèvent tout autour d’eux au loin.

- Carnavale brûle.

- Le monde moderne brûle, il a atteint ses limites avec Carnavale, il n’a plus rien à apporter aux hommes. Le temps est venu de leur offrir une nouvelle voie. Nous avons poussé l’expérience dans ses plus abominables retranchements.

- Et ce n’était pas très concluant.

- Non. Maintenant ceux qui s’entêteront n’auront plus d’excuse. Les Dalyoha ont tué le dernier grand mythe. Il va falloir composer avec le nihilisme de l’existence, ou inventer de nouveaux chemins. Mais Carnavale fut une impasse radicale, personne ne peut le nier aujourd’hui.

- Rappelez-moi encore une fois la trame pour laquelle j’ai sacrifié mon confort et ma fortune.

- Nous avons glissé sur un chemin dont on ne revient qu’aux prix de terribles efforts. Le Dieu unique a ouvert la voie à quelque chose de nouveau et d’abominable : l’histoire a cessé de se répéter pour devenir un millénarisme. Désormais, nous les hommes nous avancions. Nous nous sommes mis à marcher dans une direction et ainsi à laisser derrière nous ce que nous étions. Chaque pas nous étions différents et chaque pas ce que nous avions été était irrécupérable. Vers où avancions nous ? Il était difficile de le savoir, lendemain qui chantent ? Dystopie ? Apocalypse ? Mais malgré notre aveuglement, nous nous sommes engagés, curieux, sur ce chemin obscure.

- Au prix de la terre.

- Au prix de tout. Le monde est devenu une guerre généralisée et interminable, tantôt larvée, tantôt frontale. S’il y avait un point d’arrivée quelque part alors la vie devenait une course, pour la croissance, pour les ressources, pour la conquête. Concurrence pour la survie et notre forêt se mourrait.

- Alors mes ancêtres ont fait le choix de tout accélérer.

- Terminer la course pour montrer sa vacuité. Carnavale est devenue en quelques siècles la nation la plus civilisée du monde. Un parangon d’art et de culture, l’épicentre du continent le plus avancé : l’Eurysie. Il ne fallait surtout pas laisser au reste du monde le temps pour s’inspirer de nous alors, au sommet de sa gloire, la Principauté s’est effondrée et est devenue la plus abominable chose de tous les temps. Par notre exemple nous avons asséché la course effrénée au progrès technologique et au millénarisme.

- J’ai l’impression que nous avons surtout apporté beaucoup de chaos.

- Pour le moment, oui. Mais regardez comme tout s’organise sur nos cendres. Regardez comme nous avons jeté le discrédit sur les armes les plus dévastatrices qui soient. Regardez comme le culte du Dieu unique devient vain désormais que nous en avons dévoilé les rouages et les mensonges. Regardez comme le colonialisme est exposé dans son apparence la plus abominable car la plus aboutie. Carnavale brûle si fort et si intensément qu’elle éclaire d’une lumière crue la vacuité de son chemin parcouru.

- Tout ça pour une leçon ?

- Tout ça pour une contre-proposition. Carnavale s’effondre et devient le terreau fertile de quelque chose de nouveau. Déjà graines et plantes se nourrissent des engrais azotés, elles s’infiltrent dans les interstices des ruines effondrées, elles nourriront le monde et poussera une forêt fertile et nouvelle, un nouveau domaine pour le Dalyoha.

- Et Cramoisie ? Que va-t-elle devenir ?

- Elle servira d’exemple à la vacuité des espoirs incarnés par l’Antagoniste et ses suppôts. Cramoisie ne survivra pas dans sa forme actuelle, elle est un embryon rattaché à Carnavale. Si Carnavale chute, Cramoisie devra couper le cordon ou chuter avec elle. Demain ou plus tard Cramoisie chutera sous le poids de sa propre folie, elle est un écho à ce que fut Carnavale, rien de plus, rien de moins.

- Tout cela semble bien vide malgré tout…

Le jardinier sourit.

- Regardez. La nature glorieuse.

Ils sont dans une clairière ombragée. Des animaux inconnus hantent des buissons et les fontaines transformées en marres verdâtres.

- Ils ne sont pas effrayés.

- Pourquoi le seraient-ils ? Les seuls humains qu’ils croisent depuis des décennies sont des jardiniers et nous ne leur faisons jamais de mal. A l’instant où la Principauté comprendra que ses leaders sont morts ou désespérés, ce sera un nouveau chaos, et les jardins s’étendront sur le chemin que nous leur avons pavé de terreau.
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