Posté le : 30 juin 2025 à 08:19:34
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Pierre Lore resta sans voix face au geste de son interlocutrice. Ce geste infamant brisait toutes les règles diplomatiques non dites, les normes entre les diplomates de métier et de nation qui se respectent. Pierre Lore savait que le Code Communautaire n'était pas une nation, bien au contraire, elle était un bloc ou encore une communauté sans institution bien identifiée au Royaume de Teyla. Alors, il n'attendait pas des standards diplomatiques très élevés vis-à-vis de ses interlocuteurs durant cette rencontre diplomatique. Il s'y était préparé, lui et ses équipes, à cela, à faire la main basse sur des expressions un peu trop "brut de pomme", ne représentant pas la noblesse qu'était l'art diplomatique selon le Royaume de Teyla, une doctrine à laquelle croyait au plus profond de lui Pierre Lore. Depuis l'année deux mille douze et la prise de fonction du gouvernement Rojas, la diplomatie teylaise avait l'habitude de discuter non pas forcément dans des cadres propices à une discussion encadrée par nombre de protocoles, mais avec des acteurs internationaux sachant les limites à ne pas dépasser dans une rencontre diplomatique avec un ministre ou diplomate étranger.
On était coutumier du fait diplomatique au Royaume de Teyla, mais pourtant, il restait une faiblesse dans la diplomatie teylaise. Elle ne savait pas manier le dialogue, le comportement avec des acteurs internationaux tendancieux, mais aussi dont le statut n'est pas évident aux premiers abords. Quel était le statut du Code Communautaire pour le Royaume de Teyla ? La question n'était pas si évidente, tant le débat avait fait rage au sein du Gouvernement de Sa Majesté. Angel Rojas, le Premier ministre, n'avait pas d'avis tranché sur la question et il laissait, comme pour s'amuser, les différents camps et partis l'influencer et tenter de le convaincre. Au sein du Gouvernement, on pouvait résumer les camps en deux idéologies. Le premier, mené par Pierre Lore, était celui des légalistes. Étant donné que le Code Communautaire n'est pas une organisation internationale, ni un État, il ne peut prétendre à en recevoir les mêmes honneurs, les mêmes avantages. Ce qui voulait dire pas d'ambassadeur, mais seulement une représentante sans aucun statut officiel selon la législation teylaise. Puis il y avait les opportunistes qui voyaient une opportunité uniquement pour le Royaume de Teyla d'avoir un relais d'influence.
Mais pour faire quoi, demandait obstinément Pierre Lore ? Le Code Communautaire était faible à l'intérieur du conglomérat d'États, d'institutions dans lequel il était lui-même. Son influence sur la scène internationale était observable, mais elle restait circonscrite par les manques de moyens militaires, économiques et diplomatiques concrets du Code Communautaire. Les opportunistes disaient que les légalistes n'avaient rien compris, que le Code Communautaire n'était qu'un organe diplomatique de plusieurs nations, ressemblant par certains aspects au Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Démocratiques. Les États-membres donnent des consignes au Secrétaire général, qu'il est obligé de respecter à la lettre ou selon les libertés que les membres lui donnent. Le débat se conclut lorsque Angel Rojas, un ami de Pierre Lore, dit au détour d'un dîner : "Vous m'emmerdez avec ce Code machin chose. Pierre, vous allez décider que faire avec eux. Des Nazuméens ? Pierre, s'ils te parlent de manga ou d'animé, tu as l'autorisation de tirer, dit-il en gloussant.
Alors, Pierre Lore géra le dossier avec toute la liberté qu'on lui donna. Le légaliste qu'il était sur la plupart des sujets ne pouvait donner un ambassadeur au Code Communautaire par principe. Toutefois, cela ne voulait pas dire que Pierre Lore avait perdu son sens du dialogue ou de la diplomatie. Il fit plusieurs concessions, sans que forcément les représentants du Code Communautaire soient au courant s'ils ne s'étaient pas renseignés sur le Ministère des Affaires Étrangères teylais. Il avait octroyé le droit à la représentante d'avoir avec elle des agents de sécurité, bien que le ministère teylais étudierait les dossiers de près pour éviter les surprises.
Et la surprise, la voilà. Pas dans le dossier d'un garde du corps au passé trouble, mais dans les paumes des mains d'Endzela Orleliani, posées sur le front d'un Ministre d'État du Royaume. Cela n'était pas suffisant, elle l'embrassa sur son front et sans son consentement, ce qui était primordial pour tous les Teylais sensés et tous les diplomates dans ce genre de protocole. En un instant, il comprit que les concessions qu'il avait offertes allaient se retourner contre lui et le Royaume de Teyla, comme le froid glacial d'un iceberg s'abattant sur un navire, sans que l'équipage ait le temps de voir cet iceberg. Pour un homme comme Pierre Lore, dont la vie entière était une quête d'ordre parfait, un univers où chaque dossier était aligné au millimètre près sur son bureau et chaque journée planifiée à la minute, l'imprévu était une agression. L'acte frappa de plein fouet Pierre Lore. Face à cette agression, selon Pierre Lore, son poing droit se serra pendant quelques secondes, visible pour l'étrangère, son œil droit cligna anormalement vite durant ces mêmes secondes, et Pierre Lore se réfugia, en marchant calmement, vers son bureau. Il n'invita pas la représentante étrangère à s'asseoir, non pas par manque de politesse ou volonté de vengeance calculée, mais parce qu'il était bien trop bouleversé face à l'agression qu'il venait de subir.
Alors que le silence se fit lourd et assourdissant, Pierre Lore fixa ses stylos rangés parfaitement. Il prenait du recul sur ce qui venait de se passer et comprit les raisons du geste de la diplomate étrangère, du moins le crut-il. Avec la missive diplomatique, cela faisait beaucoup de normes, de coutumes et de bienséance diplomatique non respectées par le Code Communautaire. Il avait eu beau s'excuser et évoquer une conséquence "involontaire" dans l'une des missives, avec le geste fait par Endzela Orbeliani, le côté involontaire semblait pourtant volontaire aux yeux de Pierre Lore. Il était certain que si Pierre Lore disait, tout comme dans ces missives, que le geste était déplacé, son interlocutrice allait user des mêmes arguments. Par ailleurs, sa prise de parole immédiate le démontrait. Elle jouerait du fait que Pierre Lore et la diplomatie teylaise n'étaient pas ouverts aux cultures étrangères, etc. Elle pouvait ainsi dérouler des actes déroutants et bouleversants pour son interlocuteur sans que ce dernier puisse s'en émouvoir, au risque de passer pour une personne raciste.
La dernière phrase d'Endzela Orbeliani était, en un sens, fatale et démontrait que le Code Communautaire n'était tout sauf un partenaire diplomatique fiable et avec lequel il fallait dialoguer ou émettre des échanges diplomatiques. En outre, elle plaçait Pierre Lore dans un faux dilemme. Pierre Lore et Endzela Orbeliani, par effet domino, ce qu'ils représentaient chacun, allaient soit être amis ou ennemis. Il n'aimait pas cette manière de faire de la diplomatie, bien qu'il ait reconnu des talents pour la duperie et la malice à son désormais adversaire. Le choc était passé, il était temps de répondre à l'attaque de son adversaire.
- Madame la représentante, dit Pierre Lore en remplacement de l'habituelle "Votre Excellence" de la diplomatie teylaise, j'ai un immense problème avec plusieurs choses qui proviennent, non pas du Code Communautaire, mais de vos actes personnels. En outre, le respect et l'honneur sont deux valeurs très importantes au Royaume de Teyla. J'observe avec une grande peine que vous ne montrez aucune de ces deux qualités, étant donné que vous faites des gestes sans l'ombre d'un consentement oral ou d'un signe montrant un potentiel consentement. Il n'y avait aucun doute sur mon consentement. Ce qui crée un autre problème, d'autant plus grave. Ce problème, et vous allez sûrement le nier, c'est l'agression caractérisée d'un ministre du Royaume de Teyla, d'un citoyen du Royaume de Teyla.
Il fit une pause, laissant ses mots s'installer dans l'esprit de son interlocutrice. En disant clairement que les problèmes venaient d'actes personnels il écartait un risque élevé de crise diplomatique avec le Code Communaitaire et mettait dans l'embarra, normalement, son interlocutrice. Puis il reprit sur un ton tout aussi ferme :
Ma constatation n'est pas sujette à un débat sur la relativité culturelle. L'intégrité physique et le consentement sont des principes universels, dont je ne saurais douter que même les membres de votre organisation en comprennent la portée. Si vous tentez de nier cela, les relations entre nos pays ne s'amélioreront pas, ce qui est un problème quand vous avez vous-même contribué au refroidissement des relations en une phrase. Si vous m'aviez prévenu du protocole, je l'aurais accepté. Hélas, une vague phrase dans une missive n'est pas un argumentaire suffisant pour votre défense, Madame. Il est clairement établi que le Royaume de Teyla fera le nécessaire pour garder cette affaire privée, afin de vous éviter des conséquences négatives sur la scène internationale et auprès de toute l'Organisation des Nations Démocratiques, ce qui serait bien plus handicapant que les conséquences de votre geste qui restera privé. J'espère que vos services sauront se montrer professionnels et coopératifs sur cela. Toutefois, en l'absence de votre manque de professionnalisme, ce que j'aurais pu pardonner dans d'autres circonstances, le Code Communautaire ne peut s'appuyer sur l'organisation d'un État-nation qui a les moyens de former ses diplomates. Je dois partir de l'hypothèse que vos services feront fuiter l'affaire publiquement, pour des raisons qui m'échapperont sans doute. En espérant me tromper sur ce point.
Ceci étant établi, les conséquences sont, vous vous en doutez, inévitables et non négociables, continua Pierre Lore assis derrière son bureau. Afin que les relations entre nos deux nations souveraines, enfin nations souveraines, dit-il avec un sourire malicieux, entre deux entités à la nature différente, ne soient le moins abîmées par vos actes, je communiquerai directement, après votre départ, vos faits et gestes durant la rencontre et des conséquences. La diplomatie teylaise notifiera le Code Communautaire que votre comportement relève d'un acte d'agression et que vous avez décidé seule, en dehors du cadre fixé par le Code Communautaire donc, que le Code Communautaire doit s'engager dans une voie hostile à l'encontre du Royaume de Teyla. Nous rappellerons que cette voie que vous avez choisie n'est pas la voie souhaitée par le Royaume de Teyla et que nous espérons que le Code Communautaire saura faire preuve de compréhension quant à la confiance rompue, qu'il faut désormais reconstruire.
Je ne suis pas du genre, madame, à vous faire du chantage en vous disant que je suis prêt à ne pas alerter vos supérieurs de vos faits et gestes en échange de concessions inespérées pour le Royaume de Teyla. Non, loin de là, si vous pensez cela, alors vous n'avez rien compris à la diplomatie teylaise, Madame. Nous respectons le Code Communautaire et nous souhaitons un dialogue égal entre les deux parties. Au regard de vos faits et gestes, ridiculisant le Code Communautaire, le dialogue ne peut plus être égal. J'oubliais, nous informerons le Code Communautaire que vous avez notifié très clairement au Royaume de Teyla un dilemme qui ne fait aucun sens, si ce n'est un ultimatum.
Pierre Lore fixa son interlocutrice puis les conseillers. Les mots de Pierre Lore n'étaient pas violents en eux-mêmes. C'étaient les conséquences qui étaient violentes. Endzela Orbeliani était venue au Royaume de Teyla en étant trop confiante, en pensant comprendre la diplomatie teylaise. Elle allait être sacrément surprise, se dit Pierre Lore. On ne devient pas une diplomate hors pair en se comportant ainsi, en menaçant et en imposant un faux dilemme au Royaume de Teyla. On ne pouvait prétendre au respect, à ce que le Royaume de Teyla vous écoute, en agressant un ministre de Sa Majesté sous un faux prétexte pour piéger l'un des plus éminents ministres du Gouvernement, se disait Pierre Lore. Plus qu'être l'un des ministres les plus importants du Gouvernement de Sa Majesté, il était un ministre protégé par Sa Majesté Catherine III face aux diverses critiques qu'il avait pu subir.
Dorénavant, l'esprit de Pierre Lore n'était pas occupé tant par la réaction de son interlocutrice, qui risquait fortement d'être virulente, étant donnée la confiance avec laquelle elle était entrée dans cette pièce. Non, la préoccupation de Pierre Lore allait être la réaction Code Communautaire, notamment si son adversaire du jour avait une place centrale au sein du Code Communautaire. Est-ce le cas ? Pierre Lore n'avait pas la réponse à cette question, seulement un élément, celui de sa nomination. Pouvait-on être nommée représentante du Code Communautaire auprès de la quatrième puissance mondiale sans la moindre influence ? Pierre Lore ne le croyait pas. Le Royaume de Teyla allait se montrer conciliant avec le Code Communautaire. il espérait que le Code Communautaire allait être conciliant. Quoi qu'il arrive, Pierre Lore n'en avait pas terminé avec son interlocutrice.
En dernier lieu, Madame la représentante, les concessions inhabituelles qui ont été faites à des représentants d'une entité à la nature vague, non formelle, sont désormais révolues par mon ministère. En outre, les effets de la lettre de créance seront annulés dans les plus brefs délais, à compter de cette semaine, à vrai dire, par mon ministère. Toujours par mon ministère et en coopération avec le ministère de l'Intérieur, les accréditations de sécurité données seront révoquées à compter de cette semaine, et nous attendons là aussi de vos services la pleine coopération quant à un retour chez vous dans les plus brefs délais, une fois les effets de ces accréditations annulés. Là aussi, j'en informerai vos supérieurs, étant donné vos actes, Votre Excellence.
Je vais le dire avec gravité, parce que le moment, voyez-vous, est grave, par votre faute. Le Royaume de Teyla ne saurait tolérer de tels agissements, venant d'un Teylais ou d'une puissance étrangère, ou que sais-je. Cela pourrait venir d'extraterrestres que j'aurais eu la même réaction. Le Royaume de Teyla vous a ouvert ses portes. Il vous a offert, malgré votre statut incertain, une écoute que bien des nations établies nous envient. Il vous a traité avec l'honneur dû à une représentante de votre rang. Mais voyez-vous, comme je l'ai dit, le Royaume de Teyla est ouvert à la discussion et à un rapprochement avec le Code Communautaire, une fois la confiance retrouvée. Alors, je vous écoute : de quoi étiez-vous venue discuter avec le Royaume de Teyla ?
Je ne vois que des discussions informelles ici. Nos mots ne changeront pas sur mes agissements que j'ai énumérés précédemment, termina Pierre Lore, sur un ton un peu plus cordial.
Pierre Lore s'attendait à tout maintenant. Que son interlocutrice entre dans une colère, une rage sans commune mesure. Ou alors que son interlocutrice accepte désormais son sort. Il acceptait aussi la possibilité que son interlocutrice, sachant que ses actes n'auraient aucune conséquence chez elle, auprès du Code Communautaire, choisisse la moquerie ou tout autre comportement pouvant enrager Pierre Lore et la diplomatie teylaise. Il s'attendait à ce que son interlocutrice souhaite humilier le Royaume de Teyla, possiblement en faisant fuiter cette rencontre, mais de manière à ce que les faits rapportés soient flatteurs envers Endzela Orbeliani.
N'écris plus les réactions de mes personnages à ma place pour les prochains postes s'il te plait, pour des raisons évidentes.