Posté le : 11 jui. 2025 à 17:50:43
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Luis (ou plutôt Ateh Olinga numéro 50) se sentait honteux. Oui. Honteux d'avoir menti à l'Amiral-Président Ateh Olinga numéro 1 et, surtout, d'avoir été démasqué et de l'avoir déçu. En vérité, il était tellement excité à l'idée de rencontrer son idole, l'Aigle d'Ouwanlinda en personne, qu'il n'a pas fait attention aux pièges fourbes malicieusement disséminés dans le questionnaire de candidature et en a même oublié les spécificités cocasses du système électoral Ouwanlindais. Ou alors était-ce l'alcool ? En entendant la colère dans la voix défenseurs des musulmans et des chrétiens d'Afarée, Luis Olinga se vit déjà jeté aux alligators et dévoré vivant et pouvait d'icientendre le craquement de ses os brisés par les puissantes mâchoires de ces reptiles et le bruit de son sang s'écoulant abondamment dans leur gueule en une immense cascade. Il était prêt à implorer sa clémence, à supplier, à se jeter en sanglots, genoux au sol, à embrasser les chevilles et les chaussures du Soleil Éternel de la Nation pour attiser sa pitié et sa compassion et peut-être ainsi obtenir une peine moins dure, disons quelques décennies enfermé dans un cachot sans lumière ni place pour s’asseoir. Il réfléchissait déjà à toutes sortes de mensonges, d'excuses ou d'explications plus ou moins véridique, plus ou moins crédibles pour justifier son acte impardonnable : "Excusez moi, Ô Camarade de la Victoire Afaréenne, mais, comme vous l'avez si bien dit, si majestueusement rappelé, lorsque vous votez c'est le peuple Ouwanlindais, et dirais-je même le peuple Afaréen dans son entiereté, qui vote. Or, puisque vous avez toujours fait le bon choix en votant pour vous même, ce sont tous les Ouwanlindais qui ont votés pour vous. Et qui suis-je si ce n'est un Ouwanlindais ?" ou encore "Pardonnez moi, Ô Triumvir des Triumvirs, mais la vérité est que, ne pouvant voter pour vous, j'ai moi même installé sur la place de mon village une urne construite par mes soins dans laquelle je glisse rituellement chaque matin un petit papier sur lequel sont inscrits votre nom et tous vos titres. Je sais que je n'aurais pas du mais c'est un peu ma façon à moi de vous remercier pour tout ce que vous avez fait et continuez à faire pour le bien de ce pays et de tout ce continent."
Luis n'eut cependant pas le temps de prendre la parole : le Président d'Icama-Chan lui fit une fois de plus la preuve de sa perfection en lui démontrant admirablement que, parmi toutes ses nombreuses qualités, le pardon ne lui faisait pas défaut et que, dans son immense bonté, il pouvait sans mal fermer les yeux sur les plus viles bassesses et les plus basses vilenies. Luis se sentait soulagé : il n'aurait finalement pas besoin de se morfondre sur son sort et de se ridiculiser en pleurant comme une petite fille et en appelant sa maman. Il se dit également qu'il vaudrait mieux ne rien répondre, au risque de dire quelque chose qui déplairait à Olinga et ne servirait à rien d'autre qu'à raviver le brasier. Luis n'était pas certain que tout ce qui se disait sur le dictateur Ouwanlindais était totalement réel mais il n'avait aucun doute quant au fait qu'il serait véritablement capable de jeter quiconque le contrarie dans son enclos à crocodiles. Il se contenta simplement de sourire comme si de rien n'était et de remercier chaleureusement son interlocuteur lorsque ce dernier complimenta son surnom de guerrier.
Lorsque le discret Barnabas l'interpella soudainement dans son dos, Ateh "Luis Anguila" Olinga fut si surpris qu'il manqua de basculer de sa chaise. Il essaya tant bien que mal de se rattraper à un rideau mais, manque de pot, il n'y en avait pas à proximité et il dû se rabattre sur la barbe de l'Amiral-Président. Cependant, ce dernier ayant le menton aussi lisse qu'une boule de billard lustrée, sa main ne trouva aucun poil auquel s'agripper et il s'écroula mollement au sol. Il se releva cependant bien assez vite et feignit d'oublier sa chute ridicule, espérant ainsi duper le Ministre du Respect et conserver sa bonne image. D'un simple coup d’œil, Luis avait compris, qu'au contraire de l'Amiral-Président, Barnabas était l'un de ces fonctionnaires toujours sérieux et dépressifs obsédés par l'étiquette qui n'ont jamais le cœur à rire.
Ah, Bananas ! C'est un plaisir d'enfin vous rencontrer, vous, l'homme qui... euh... a fait de... très grandes choses ! Ministre du Respect, ça claque comme titre, vous trouvez pas ? Vous en avez de la chance, vous. Enfin, on papote, on papote, mais il commence à se faire tard, vous croyez pas ? Allez, allez, je vous suis.
Tandis qu'il suivait Barnabas, Anguila n'écoutait strictement rien de son discours totalement inintéressant, trop occupé à essayer de se se rappeler s'il avait bien pensé à remplir la gamelle du chien qui lui sert de colocataire avant de partir le matin. Seules quelques bribes de phrase parvenaient jusqu'à ses oreilles et il comprenait vaguement que son rôle serait de servir de doublure à Ateh Olinga pour ses rencontres diplomatiques et ses cascades de cinéma et qu'il allait donc devoir apprendre à affronter des alligators à la machette. Quelque chose dans le genre.
Ne vous inquiétez pas, Sparadrax, j'étudierai l'Amiral-Président dans les moindres détails et je l'imiterai à la perfection comme j'imitai déjà divinement bien l'Iverien lorsqu'il s'agissait de négocier le prix de mes endives à l'huile pendant mon séjour en Estalie il y'a quelques années. Sans vouloir être antisémite, évidemment. Enfin bref, si, pour ressembler à Ateh Olinga, il faut que je fasse du pot-au-feu tactique, comme vous l’appelez, soyez certain que je ferai la meilleure tambouille que vous ayez jamais goûté, retenez bien ça mon cher Barnabé. Même vous vous serez incapable de nous différencier vous verrez.
Lorsque Luis rencontra "la flamme blanche" pour la première fois, il fut très étonné de voir un Eurysien si loin du vieux continent et aussi profondément au sud de l'Afarée. Qu'est-ce qu'il faisait ici ? D'où il sortait ? Un descendant de colons Velsniens restés vivre en Ouwanlinda après l'indépendance ? Improbable quand on sait quelle opinion Ateh Olinga a de ces gens là. Un immigré ? Qu'est-ce qui aurait bien pu l'attirer dans un pays aussi pauvre et perdu ? Un autre aventurier comme lui ? Improbable vu sa tête de fils de riches. L'étonnement fut plus grand encore lorsque Luis apprit qu'il était lui aussi un sosie d'Ateh Olinga ? Lui ? Avec sa peau aussi blanche que le cul d'un aryen et sa coupe de hippie ? Comment diable Ateh Olinga, Roi Consort de Teyla et Légat Honoraire de Rhême entre autres titres, a-t-il pu être berné au point d'en faire son sosie officiel ? Peut-être que l'Amiral-Président a un fétiche sur les jeunes hommes blancs ? Toujours est-t-il que, dès qu'il l'a vu, Luis a directement compris que cet arrogant qui prétend pouvoir égaler Ateh Olinga deviendrait son Némésis, son pire ennemi.
Oui, je me suis trouvé un surnom de guerrier : "Anguila". Ça veut dire "anguille" dans ma langue natale. Ça montre que je suis insaisissable, que j'échappe à tous les dangers et à tous les adversaires, que rien ne peut m'arrêter dans ma quête d'aventure et de reconnaissance. J'ai eu l'idée de ce nom lors d'une fête dans la jungle Sylvoise. Monsieur Olinga vous racontera les détails. Mais, puisque nous sommes entre nous mon cher Babar, j'aurai effectivement une petite question à vous poser si ce n'est trop demander. Ce régime Olinganien dont vous me parliez tantôt, est-ce qu'il est sans alcool ?