Activités étrangères en Gorae Man
Posté le : 18 mai 2025 à 22:03:31
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Posté le : 17 août 2025 à 21:33:06
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À l'attention de la Convention Générale,
Objet : Retour de la mission Gorean Man. Premières impressions et pistes de réflexions.
Camarades,
Notre première observation est, nécessairement politique. Là où notre communalisme libertaire s'est doté d'instances confédérales robustes – la Convention, les Commissariats – pour organiser la volonté populaire et défendre la citadelle assiégée, le système de Gorae Man semble fonctionner sur un principe de symbiose quasi spirituelle. Les Cercles dépassent le statut d’assemblée – tout en conservant une base de fonctionnement proche des mouvements historiques du syndicalisme. Ls composent autant de cellules d'un corps social dont la cohésion ne repose pas sur une discipline politique particulière ou sur la rhétorique, mais sur une recherche philosophique constante de l'Harmonie, à comprendre comme un concept au moins aussi holistique et intégral que le Kah.
C'est là une divergence fondamentale avec notre propre expérience. Notre Kah est une force d'équilibre, certes, mais il est en grande partie dialectique, dans sa conception moderne. La Roue s'exprime dans la confrontation des idées, dans la lutte des clubs, dans cette Révolution Permanente qui est le moteur de notre histoire. Chez eux, l'Harmonie est une fin en soi, un état à préserver. Leur « Grande Stase » s’incarne pas un désengagement collectif et silencieux des institutions. En conséquence de quoi leur Grand Réveil n'a pas été une prise de pouvoir, mais une auto-organisation spontanée. Ils ont laissé s'éteindre l’ancien monde et ont patiemment bâti le nouveau en parallèles. Une méthode qui devrait vous êtes familière.
Cette philosophie et ces principes opérationnels fondateurs imprègnent toute leur société. Leur art martial national, le Hojaeng, en sont les plus parfaits exemples. Il ne s’agit pas d’un combat pour la domination physique et la soumission de l’opposant, mais une danse stratégique prenant la forme d’un dialogue corporelle. L’enjeu semble être la démonstration d'une coordination parfaite. Un microcosme d’une culture qui a appris à gérer le conflit de manière ritualisée, à le dissoudre avant qu'il ne devienne une fracture. Là où nous enseignons à nos enfants l'histoire de nos martyrs et de nos luttes contre l'impérialisme, ils enseignent la Voie des Trois Reliances – l'équilibre du corps, du cœur et de l'esprit. Ils ont une société apaisée, très éloignée de nos propres mécanismes de luttes.
Cette différence de tempérament se reflète inévitablement dans leur posture économique et militaire. Sur le plan économique, ils sont en pleine reconstruction, cherchant l'autonomie mais encore dépendants des flux extérieurs. Leur industrie navale est un héritage respectable et leur ambition dans l'électronique est louable, mais ils n'ont pas encore forgé les outils de souveraineté économique que nous avons dû développer par nécessité – nos Keiretsus, notre doctrine du "capitalisme d'occasion". Ils pensent l'économie en termes de subsistance et de bien-être, une nécessité historique qui avec un peu d’assistance pourra à terme se repenser en termes de rapport de force mondial.
Plus préoccupant, leur armée. Bien qu’étant une incarnation idéale de l'idéal démocratique : une force dont les officiers sont élus par leurs subordonnés, Elle ne reste en somme qu’un bouclier citoyen, un modèle théorique d'une pureté absolue. Sa doctrine est strictement défensive. Elle est conçue pour protéger leur harmonie intérieure, pas pour affronter les prédateurs qui rôdent au-delà de leurs frontières. En somme ils ont forgé une armée pour le monde tel qu’ils voudraient le voir, plutôt que tel qu’il est. Pour un monde en paix. Or nous savons que la paix, dans ce cycle historique, n'est qu'un intervalle entre deux luttes.
Et c'est précisément parce que cette paix est si précieuse qu'un sentiment de vive inquiétude s'est installé en nous. Ils ont construit une société magnifique, une sorte de sanctuaire philosophique. Mais un sanctuaire n'a pas de remparts. Notre devoir, camarades, nous semble donc d'une clarté limpide. Ce que nous avons vu à Gorae Man est trop rare, trop important pour être laissé à la merci des vents mauvais de l'histoire. Le Grand Kah, qui a dû apprendre la dure leçon de la lutte, de la méfiance et de la force, doit devenir le gardien de cette harmonie. Le rapprochement stratégique que nous envisageons doit être un pacte de fraternité. Nous devons être leur bouclier, pour que leur lumière ne soit jamais éteinte par la brutalité du monde extérieur.
Notre mission ne fait que commencer. Nous préconisons que notre équipe d'observateurs devienne à terme une délégation permanente, chargée de tisser des liens profonds à tous les niveaux – entre nos communes et leurs cercles, entre nos universités et leurs instituts, entre nos syndicats et leurs corporations. Gorae Man est un trésor. Il nous appartient de veiller à ce qu'il ne soit jamais pillé.
Salut et fraternité.
