
CHRONIQUES DU ROYAUME DE HAESIM
Chapitre 2 : la dynastie fondatrice des Ha« Le royaume s’étendit comme un arbre : ses racines dans la baie, ses branches dans les plaines, et ses feuilles caressant les crêtes. Mais vint un hiver où l’arbre ne sut plus écouter le vent. »
– Dae Cheong, archiviste royal.[justify]La fondation du royaume de Haesim remonte à l’année –498, date à laquelle les clans de la baie des Baleines, soutenus par certains chefs montagnards du sud-est, acceptèrent de se placer sous l’autorité commune de la cité-état de Haesim. Ce pacte, scellé symboliquement par le partage d’eau de mer dans une coupe de bronze, entra dans les mémoires comme le Pacte de l’Eau Salée (염수의 맹약 – Yeomsu-ui Maengyak), un serment de coexistence et de protection mutuelle face aux menaces extérieures.
Le nouveau royaume prit pour souverain Ha Jinu (하진우), chef respecté de la cité et descendant de la lignée fondatrice. Ce dernier reçut le titre de Wang (왕), et fonda ainsi la dynastie Ha, qui allait régner sans discontinuer pendant près de cinq siècles.
I. Ha Jinu (하진우) – Le FondateurRègne : de -498 à -462C'est en l'an -498 que les chefs de clan de la baie des baleines se rassemblèrent à la falaise de Nohae, sur les hauteurs de Haesim, pour sceller le Pacte de l'Eau Salée. La coupe circula de main en main, remplie d'eau salée, en signe d'alliance entre les peuples du sel, du vent et de la montagne.
Le chef de la cité, Ha Jinu, fut proclamé premier Wang (roi) de Haesim. Stratège autant que diplomate, il mena une série de campagnes contre les clans récalcitrants, tout en renforçant les alliances par mariages et serments mutuels. Il fit ériger les premières murailles de pierre autour de Haesim et créa un Conseil des Clans, préfigurant l'organisation par cercles.
Il mourut à l'âge de soixante-deux ans et fut inhumé sur l'île de Gwaryeong.
II. Ha Muryang (하무량) – Le MarcheurRègne : de -462 à -427Fils aîné de Ha Jinu, Ha Muryang avait reçu une formation militaire exigeante. Il délaissa les fastes de la cour pour parcourir le territoire à pied, de villages en rizières, de monts en forêts. Il fit construire les premières routes royales empierrées et initia la levée locale des troupes.
Sous son règne, le royaume s'étendit vers l'est : les plaines fertiles furent irriguées, les villages fluviaux rattachés à la couronne. Il fut aussi l'artisan des premiers traités commerciaux avec les peuples du levant.
Son règne fut marqué par la stabilité et une discipline rigoureuse. Il meurt dans un petit palais d’hiver sur les berges du Daenun.
III. Ha Injae (하인재) – Le RéformateurRègne : de -427 à -399Troisième souverain du royaume, Ha Injae était un homme austère, passionné par le droit et les principes. Il fit compiler les premières tablettes de loi en bois gravé, appliquées sur l'ensemble du territoire royal. Les juges itinérants furent déployés jusqu'aux vallées les plus reculées.
Il réprima avec fermeté une tentative de sécession dans l'ouest et renforça le rôle des administrateurs civils au détriment des chefs militaires. Il institua une taxe fluviale sur les marchandises transportées sur les Nunmuls.
Père d'une unique fille, Soyeon, il prépara son accession au trône en réformant les rites d'intronisation.
IV. Ha Soyeon (하소연) – La Dame des MontsRègne : de -399 à -377Fille unique de Ha Injae, Ha Soyeon accéda au trône par absence d'héritier masculin, avec l'accord solennel des chefs de clan.
Elle se rendit personnellement dans les montagnes du sud, gagnant la faveur des clans semi-indépendants par sa bravoure et sa connaissance et son respect des coutumes locales. Elle renforça l'échange entre les cercles montagnards et la capitale, et encouragea la création de maisons de la paix, des lieux de médiation permanente.
Elle meurt sans enfant, probablement empoisonnée par une faction noble de la plaine, ce qui n'empêcha pas que son nom devienne vénéré dans les montagnes.
V. Ha Seokjin (하석진) – Le StratègeRègne : de -377 à -341Petit-neveu de Ha Injae, choisi par les clans et l’armée, Seokjin redonna au royaume une orientation martiale. Connu pour ses batailles contre des pillards venus du nord, il fit fortifier la côte occidentale et développa les arsenaux de sel pour réguler le commerce et financer l’armée.
Il introduisit un impôt militaire appelé cheonbu (천부), prélevé sur les terres nobles, provoquant une crise de confiance avec les anciens clans. Mais il mourut en paix, dans son palais, respecté comme un roi stratège et visionnaire.
VI. Ha Myeongho (하명호) – Le BâtisseurRègne : de -341 à -310Premier fils de Seokjin, Ha Myeongho hérita d’un royaume sécurisé et stable. Il consacra son règne au développement des infrastructures : construction de nouveaux ports, extension des routes pavées jusqu’aux contreforts montagnards, et creusement de canaux secondaires pour améliorer l'irrigation.
Il fit également ériger les premiers entrepôts royaux à blé, anticipant les mauvaises récoltes. Sa politique pragmatique fut saluée par les cercles marchands, mais jugée trop timide par la noblesse militaire.
VII. Ha Doyun (하도윤) – Le MédiateurRègne : de -310 à -278Neveu de Myeongho, Doyun arriva au pouvoir à la suite d’un compromis entre clans, après un différend successoral. Il se présenta comme l'homme du dialogue. Son règne vit la stabilisation des relations entre clans ruraux et citadins.
Il institua les Assemblées de Conciliation, des rencontres régulières entre chefs de clan, pour traiter des litiges locaux. Il fut aussi l’un des premiers à tenter une réforme du mode de nomination des gouverneurs provinciaux.
Son règne paisible renforça les équilibres internes, mais contribua à l’endormissement progressif de l’appareil militaire.
VIII. Ha Wonsaeng (하원생) – Le Roi LettréRègne : de -278 à -249Erudit admiré, Ha Wonsaeng fit de la cour de Haesim un foyer de culture. Il fonda des écoles, centres d’enseignement mêlant philosophie, mathématiques, médecine et art oratoire. Les concours d’admission aux fonctions civiles furent introduits sous son règne.
Les cercles savants, favorisés, gagnèrent en influence. Mais cette centralisation des savoirs à Haesim éloigna encore un peu plus les régions périphériques du cœur du pouvoir.
Il mourut entouré de ses élèves, vénéré comme le plus sage des souverains Ha.
IX. Ha Gajin (하가진) – Le SourcierRègne : de -249 à -220Ha Gajin était obsédé par les eaux. Ingénieur de formation, il lança de grands travaux hydrauliques, créa des digues, des barrages, et organisa la cartographie complète des bras des Nunmuls. Il fut aussi le premier à envisager une division territoriale rationnelle des provinces.
Bien qu’apprécié par les agriculteurs, il se heurta aux montagnards, qu’il négligea dans sa vision administrative. Plusieurs incidents éclatèrent dans les zones forestières, prémices des fractures futures.
X. Ha Nayeon (하나연) – La Dame FidèleRègne : de -220 à -193Fille unique de Gajin, Ha Nayeon monta sur le trône après l’assentiment des généraux, à condition d’épouser un noble des plaines. Son règne fut marqué par une tension permanente entre indépendance personnelle et influence de son époux, qui tenta à plusieurs reprises de faire annuler son autorité.
Ha Nayeon imposa son style : ferme, tranchant, et d’une éloquence redoutée. Elle réprima plusieurs soulèvements, mais refusa d’utiliser l’armée contre les montagnards en colère.
Elle mourut sans héritier.
XI. Ha Seungri (하승리) – Le TempéréRègne : de -193 à -160Cousin éloigné de Nayeon, ancien ambassadeur à l’est, Seungri tenta de restaurer la confiance entre les composantes du royaume. Il multiplia les visites provinciales, rétablit des assemblées locales et fit relâcher plusieurs prisonniers politiques.
Mais il ne parvint pas à réformer l’administration centrale, ni à contenir les factions militaristes de Haesim. Son règne calme fut vu comme celui d’un roi de transition.
XII. Ha Hyunjin (하현진) – L’Ombre du PalaisRègne : de -160 à -129Hyunjin était un souverain secret et cérébral. Son règne vit l’essor d’un pouvoir bureaucratique centralisé, où les décisions étaient dictées par les scribes et les archivistes de Haesim. Le roi, lui, restait cloîtré dans ses appartements, se fiant aveuglément aux rapports polis et édulcorés de son administration.
L’armée fut négligée, les cercles ruraux marginalisés, et les doléances des provinces lointaines, notamment des montagnes, restaient non entendues, noyées dans un océan de paperasse. C’est durant son règne que les tensions dans les montagnes redevinrent visibles. Plusieurs villages se déclarèrent autonomes dans les régions du sud-est, loin des yeux de la capitale.
XIII. Ha Gwon (하권) – Le DécrêteurRègne : de -129 à -91Fils de Hyunjin, Ha Gwon hérita d'un royaume où la bureaucratie était devenue une entité quasi autonome. Plutôt que de briser ce carcan, il s'y complut, croyant fermement que l'ordre et la prospérité se mesuraient à la quantité de décrets et de règlements émis par le palais. Il signait des édits sur tout, des normes de construction des greniers à riz à la couleur autorisée pour les tenues de cour, sans jamais quitter Haesim pour voir la réalité de son royaume.
Son règne fut marqué par une paralysie progressive. Les réformes, aussi nombreuses fussent-elles sur le papier, ne parvenaient jamais à s'appliquer sur le terrain, étouffées par des couches de procédures et des registres interminables. La méfiance grandit entre les provinces et la capitale, et l'éloignement du peuple de ses dirigeants devint palpable. Les mouvements d'autonomie dans les montagnes s'intensifièrent, ignorés ou sous-estimés par une administration incapable de voir au-delà de ses propres rapports.
XIV. Ha Seon (하선) – L'AveugléRègne : de -91 à -45Ha Seon succéda à son père dans un royaume miné par son inertie. Élevé dans l'opulence et la formalité du palais, il avait une vision idéalisée du pouvoir. Il s'efforça de maintenir l'apparence de l'ordre, convaincu que la force du royaume résidait dans la perfection de son administration et la minutie de ses archives. Il passa ses journées à classer les documents, à optimiser les chaînes de commandement théoriques et à organiser de fastueuses cérémonies.
Pendant ce temps, le réel pouvoir des fonctionnaires locaux diminuait, remplacé par des directives descendantes souvent inadaptées. Les impôts, levés par une machine administrative vorace, pesaient lourdement sur les populations rurales qui ne voyaient aucun bénéfice en retour. Les patrouilles militaires étaient rares et le banditisme augmenta dans les zones reculées. Seon refusa de voir les signaux d'alarme, persuadé que le calme de Haesim reflétait celui du royaume tout entier, et que les troubles occasionnels n'étaient que des anomalies insignifiantes, vite réglées par les bons papiers.
XV. Ha Eun (하은) – Le Dernier des HaRègne : de -45 à -30Dernier souverain de la dynastie, Ha Eun fut un roi sincère, cultivé, mais profondément naïf face aux jeux de pouvoir. Il tenta une politique de réconciliation ambitieuse avec les montagnards, ayant enfin pris conscience de la fracture qui minait son royaume : retrait partiel de l’administration lourde des zones reculées, restauration des cérémonies locales, et création d’assemblées locales semi-indépendantes pour redonner la voix au peuple.
Ses efforts furent non seulement lents à porter leurs fruits, mais ils furent surtout mal vus à Haesim. Les partisans de l'armée, frustrés par la faiblesse passée et la perte de leur influence, réclamaient une guerre préventive contre les montagnards, qu'ils considéraient comme des rebelles irrécupérables. La vieille garde bureaucratique, quant à elle, voyait d'un mauvais œil cette remise en question de leur système.
Lors d’un banquet d’hiver, alors que la neige recouvrait la capitale d'un silence trompeur, le roi et ses héritiers furent assassinés. Certains accusèrent les rebelles des montagnes d'en être les auteurs, d'autres pointèrent du doigt les partisans de l'action militaire, mais la vérité resta enfouie sous les cendres de la confusion.
Ainsi s’éteignit la dynastie Ha, après 468 ans de règne (de -498 à -30). Le royaume entra alors dans une nouvelle ère de troubles, un vide de pouvoir exacerbé par des décennies de négligence, prélude à la guerre des Trois Versants et à l’ascension de la dynastie Min.