14/10/2016
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[Média] - Deungbul, la lanterne du peuple

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ENQUÊTE : les premiers pas des cercles


Six ans. C'est le temps écoulé depuis les premiers murmures du Grand Réveil, et à peine deux ans que notre nouvelle Constitution a formalisé le système dit de la pyramide inversée, ce système de gouvernance où le pouvoir émane de la base, de chaque citoyen, de chaque cercle. Après les années de la Grande Stase, marquées par le désengagement et la méfiance envers les institutions, l'ambition de Gorae Man est sans précédent : bâtir une démocratie où chacun est véritablement acteur de son destin politique, social et économique.

Mais au-delà des textes fondateurs et des nobles principes, comment cette philosophie se traduit-elle dans la vie quotidienne de nos concitoyens ? Les décisions prises dans les cercles sectoriels, qu'ils soient de métier, de passion ou d'intérêt commun, remontent-elles effectivement jusqu'aux niveaux nationaux, l'assemblée des cercles et ses coordinateurs ? La voix du peuple est-elle réellement le moteur de notre politique ? Et dans ce processus de consensus qui nous est si cher, les frictions, les désaccords, voire les impasses, sont-ils surmontés avec l'harmonie que nous recherchons ?

Nos reporters ont parcouru les villes et les campagnes, les ports et les montagnes. Ils ont écouté, observé et dialogué avec des citoyens engagés dans leurs cercles locaux. Cette enquête approfondie vise à éclairer la réalité de la pyramide inversée sur le terrain : ses succès éclatants, ses défis de mise en route, et les ajustements constants nécessaires pour que la promesse du Grand Réveil continue de briller pour tous. Nous chercherons à comprendre comment les décisions se forment, comment les consensus se bâtissent, et comment la volonté de la base est traduite en action concrète par nos représentants.

1. Les voix de la base

Pour comprendre la pyramide inversée, il faut se rendre à la base, là où le pouvoir se forge. Nos reporters ont commencé leur périple dans les assemblées de quartier, véritables cœurs battants de la démocratie gorémanienne, et dans les cercles sectoriels, où les passions et les métiers se rencontrent pour définir des politiques spécifiques.

À Golae Hanggu, un quartier animé de Haesim, nous rencontrons Kim Seon-woo, un pêcheur d'une cinquantaine d'années. Il participe au cercle des pêcheurs, qui a récemment débattu de nouvelles régulations sur les quotas de pêche.

"Avant, la politique, c'était 'eux', là-haut", nous confie-t-il en tirant sur sa pipe. "On votait tous les quatre ans, on râlait, et puis rien ne changeait vraiment pour nous, les gens de la mer. Maintenant, c'est nous qui décidons. Je me suis rendu compte que mes soucis de quotas, ce n'était pas juste mon problème. Mes voisins pêcheurs avaient les mêmes, et ceux d'autres quartiers aussi. Au cercle, on a pu exprimer nos besoins, discuter des données scientifiques sur les stocks, et proposer des ajustements. Bien sûr, ça prend du temps. Il y a des divergences, des anciens qui veulent pêcher comme avant, des jeunes qui voient plus loin. Mais quand on arrive à un consensus, on sait que c'est une décision que tout le monde, ou presque, a pu accepter. C'est ça la vraie force."

Le processus n'est pas sans heurts, reconnaît Seon-woo. "Parfois, une discussion tourne en rond. On passe des heures à débattre d'un point, et la frustration monte. Mais il y a toujours quelqu'un pour rappeler que l'objectif est l'harmonie, pas la victoire. On apprend à écouter différemment, à chercher le point de rencontre plutôt que le compromis."

Plus au nord, dans la vallée de Gughwa, la jeune agricultrice Lee Ji-eun, membre du cercle de l'agriculture, témoigne de l'impact direct des décisions locales. "Notre cercle a proposé un plan pour revitaliser les sols appauvris par des décennies de monoculture intensive. Nous avons demandé un soutien pour la formation en agriculture régénératrice et des incitations pour les cultures diversifiées."

Pour Ji-eun, la différence est palpable. "Avant, on nous envoyait des directives nationales qui ne tenaient pas toujours compte de notre réalité de terrain. Aujourd'hui, c'est notre proposition, bâtie par des agriculteurs pour des agriculteurs, qui est remontée. C'est un sentiment puissant de responsabilité et d'appartenance. On a le sentiment que notre voix, notre expertise, compte vraiment. On sait que les coordinateurs nationaux sont censés être les porte-voix de nos cercles, pas des décideurs indépendants."

Un point de friction récurrent, cependant, est la lourdeur administrative initiale. "Au début, on se noyait un peu dans les procédures pour transmettre nos décisions", admet Park Joon-ho, un enseignant à la retraite qui s'est porté volontaire pour aider à la coordination de l'assemblée de son quartier. "Il fallait s'assurer que chaque cercle avait bien respecté les étapes de la délibération, que le consensus était robuste, avant de transmettre les propositions. La formation aux outils numériques et aux bonnes pratiques de la délibération a été intense pour beaucoup, surtout les aînés. Mais on s'améliore, et les outils deviennent plus intuitifs."

Ces témoignages initiaux soulignent un optimisme mesuré. Si le système est jeune et rencontre encore des défis pratiques de mise en route, la satisfaction de participer réellement aux décisions, d'avoir sa voix entendue et de voir ses propositions prendre forme, est une force motrice puissante. Mais qu'en est-il lorsque ces décisions locales se heurtent à d'autres réalités, ou lorsqu'elles doivent être intégrées dans un cadre national plus vaste ? Comment l'assemblée des cercles et les coordinateurs nationaux gèrent-ils la multitude de voix qui remontent de la base ? Notre enquête se tourne maintenant vers la manière dont cette myriade de propositions est traitée aux niveaux supérieurs.

2. Du local au national : l'épreuve du quotidien

Si la vitalité des cercles locaux est indéniable, la véritable pierre angulaire de ce nouveau régime réside dans sa capacité à faire remonter efficacement ces voix, à les harmoniser et à les transformer en politiques nationales cohérentes. C'est le rôle des garants de la voix, ces délégués élus par leurs cercles respectifs pour les représenter au sein des cercles nationaux, et finalement à l'assemblée des cercles.

Nous avons rencontré Choi Eun-jung, une ancienne bibliothécaire, aujourd'hui garante de la voix pour le cercle de l'éducation. Son rôle est de synthétiser les propositions des innombrables cercles locaux d'enseignants, de parents et d'élèves à travers Gorae Man.

"C'est un défi colossal, mais passionnant", explique-t-elle, son bureau rempli de parchemins numériques et de tablettes interactives. "Nous recevons des centaines de propositions. Du cercle des professeurs de Haesim qui propose de revoir les manuels, au cercle des parents des vallées qui s'inquiète du transport scolaire en montagne, en passant par le cercle des élèves de Pungjeong qui demande plus de cours pratiques. Notre premier travail est de catégoriser, de regrouper et d'identifier les consensus émergents à l'échelle régionale."

La difficulté, précise-t-elle, réside dans la recherche d'une harmonie globale. "Une excellente idée pour un quartier peut ne pas être applicable à l'échelle nationale, ou même entrer en conflit avec les besoins d'une autre région. C'est là qu'intervient le bureau du médiateur et les coordinateurs." Ces derniers facilitent les discussions lorsque le consensus national tarde à émerger. "Leur rôle n'est pas de décider, mais de poser les bonnes questions, de reformuler les propositions, et de s'assurer que chaque voix est non seulement entendue, mais comprise."

Kim Jun-seo, le coordinateurs national à l'économie, nous partage les particularités de son domaine. "L'économie, c'est par nature une question d'équilibres. Une proposition qui favorise une industrie peut en impacter une autre. Par exemple, lorsque le cercle des pêcheurs de Golae Hanggu (celui de Seon-woo !) a proposé d'ajuster les quotas, cela a eu des implications pour les poissoniers, et même le cercle du tourisme et plus particulièrement la restauration. Il ne s'agit pas de rejeter, mais de trouver le point où l'ajustement sert l'harmonie globale sans créer de déséquilibre ailleurs."

Il admet que le processus de consensus national peut être lent et exigeant. "Il y a eu des moments où une proposition restait bloquée pendant des semaines, voire des mois, car aucun consensus robuste ne se dégageait. Parfois, nous devons renvoyer la proposition aux cercles locaux pour qu'ils affinent leur réflexion, qu'ils comprennent les impacts plus larges, et qu'ils proposent des alternatives. C'est une sorte de dialogue permanent entre la base et le niveau national. Ce n'est jamais 'non', c'est toujours 'pas encore', 'comment pouvons-nous l'adapter ensemble ?'"

L'un des succès emblématiques de ce processus est la politique nationale d'approvisionnement en eau. Les cercles des agriculteurs montagnards avaient besoin de dérivation, tandis que les villes côtières craignaient la baisse de leurs nappes phréatiques. Grâce à un travail de longue haleine impliquant par exemple le cercle des ingénieurs, un plan a été élaboré, combinant nouvelles technologies de désalinisation pour les côtes et gestion durable des bassins versants en altitude, le tout sous le principe du "partage équitable de la ressource vitale".

"Le résultat final n'est jamais exactement la proposition initiale de n'importe quel cercle, mais c'est une solution que tout le monde a pu co-construire et soutenir," résume Eun-jung. "C'est l'essence même de notre gouvernance : non pas la décision d'une majorité écrasante, mais l'adhésion collective à une voie commune, même si cela demande patience et persévérance."

Les défis demeurent, bien sûr. La coordination entre les différents niveaux exige une infrastructure numérique robuste et une formation continue des citoyens et des garants. La fatigue démocratique peut parfois pointer son nez face à la durée des délibérations. Mais le sentiment général, tant à la base qu'aux niveaux nationaux, est celui d'une pyramide inversée qui, malgré ses imperfections, respecte fondamentalement sa promesse : celle de faire de la voix du peuple le seul véritable souverain de Gorae Man.
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ANALYSE : La controverse du tourisme sous-marin dans la baie des baleines


hanghaeng


C’est une prouesse technologique que peu auraient imaginée il y a encore quelques années. Depuis trois semaines, une société privée du nom de Hanghaeng propose aux visiteurs une immersion sous-marine dans les eaux profondes de la baie des baleines, grâce à de petites nacelles transparentes à propulsion dites silencieuse. L’objectif ? Observer de près les célèbres baleines qui, chaque année, viennent nager dans les eaux gorémaniennes.

À bord, les premiers passagers parlent d’un émerveillement « quasi-mystique ». Joo Hae-na, venue de Biokji, témoigne : « Voir ces géantes danser dans les courants… c’était comme plonger dans un rêve. » Les images, spectaculaires, circulent déjà sur les réseaux sociaux. Les réservations sont complètes pour les deux prochains mois.

Mais derrière les vitres polies des capsules, la controverse enfle.

Depuis la mise en place de cette nouvelle activité, plusieurs cercles se sont élevés pour exprimer leur inquiétude. Le cercle des mers, réuni à Gwangpo, a tiré le signal d’alerte : « L’accouplement des baleines est un phénomène très sensible aux perturbations sonores et vibratoires, y compris celles inaudibles pour nous mais perceptibles pour elles. La concentration de nacelles dans certaines zones de reproduction est une menace réelle pour la présence des baleines dans la baie. »

Même son de cloche du côté du cercle des pêcheurs : « Si les baleines s’éloignent de la baie, c’est tout l’équilibre écologique qui est menacé. Leur présence régule la population de petits céphalopodes qui dévorent les œufs de poissons. »

À ces critiques, le directeur de la société Hanghaeng répond par la transparence. Son porte-parole, Nam Ji-hun, affirme : « Nos engins sont propulsés sans hélice, sans émission sonore, et avec des dispositifs de répulsion douce pour éviter tout contact. Nous avons déposé tous les plans auprès des autorités. »

Mais la question dépasse la technique.

Dans un pays où la baleine est plus qu’un animal, un symbole culturel et national, le débat prend une tournure éthique. Le cercle de la culture a officiellement demandé une médiation, déclarant que « la présence de la baleine n’est pas une attraction, mais une relation. »

Face à cette montée des voix, la coordination nationale a annoncé l’ouverture d’une commission de consensus regroupant les cercles concernés, professionnels, scientifiques ainsi que les habitants de la baie.

Aucune interdiction n’est envisagée pour le moment. Mais une suspension temporaire des immersions est débattue, le temps d’évaluer l’impact réel de l’activité sur les trajectoires migratoires des cétacés. Le cercle de la mer, regroupement scientifique sur le vivant maritime, pourrait émettre une recommandation décisive.
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PORTRAITS : Les forgerons du renouveau


Dans l’atelier commun de Seolham, le feu crépite, épais et rouge, sur les braises noires du matin. La grande cloche de sécurité vient de retentir et les élèves s’installent à leur poste. Gants en cuir, tablier lourd, lunettes de protection. Puis, le silence est brisé : les marteaux s’abattent, les enclumes chantent. Le métal prend forme.

À première vue, tout cela semble d’un autre âge. Mais il n’en est rien. Car ces jeunes forgerons, à peine sortis de l’école, participent à un projet éminemment moderne : la relance de la métallurgie nationale. Une ambition stratégique pour Gorae Man, qui vise à retrouver la maîtrise de ses outils, de ses pièces détachées, de ses matériaux les plus fondamentaux. À commencer par le fer.

La flamme et les doigts

Hyeon A-reum, 17 ans, élève de la première cohorte, tient son marteau comme d’autres tiendraient un pinceau. Elle a grandi dans une vallée boisée au sud de Biokji. « Mon grand-père taillait le bois. Moi, j’ai voulu tailler le fer. » Elle espère devenir fabricante d’outils agricoles pour les villages reculés de montagne. « Le fer, c’est la force. Mais il faut l’apprivoiser. »

À côté d’elle, Seong Jun-ki, 19 ans, rêve déjà d’électronique. Il soude des lames pour des outils de coupe, mais son regard dérive vers les étagères de prototypes. « Je veux comprendre les matériaux avant de faire voler les machines. Les drones, les bras mécaniques… même les alliages, c’est du feu d’abord. » Il parle vite, mais travaille lentement.

Un feu ancien, un avenir neuf

Ce centre de formation fait partie des sept ateliers pilotes ouverts dans le cadre du programme national de recherche et développement en métallurgie, initié il y a quelques semaines déjà. Un projet ambitieux, lancé à partir d’un constat sévère : au Gorae Man, les métaux sont utilisés, mais rarement produits. Il fallait inverser cette logique. D’où la volonté d’atteindre rapidement un niveau technologique satisfaisant, en reprenant depuis les bases : extraire, purifier, forger.

Gwangpo s’est imposée comme l’un des sites de tête. Ancienne ville pirate, redevenue port industriel, elle a gardé ce mélange d’audace et de rigueur qui fait les bons artisans. Ici, l’acier n’est pas un symbole : il est la matière même du quotidien.

Une pédagogie du feu

Maître O Seong-bae, formateur principal, n’a plus la souplesse de ses élèves, mais sa voix porte au-dessus des bruits. Ancien outilleur naval, il transmet sans détour. « Un bon forgeron apprend du métal. Un mauvais croit qu’il le domine. » Il enseigne aussi la patience. « Il faut chauffer. Plier. Recommencer. Le feu ne pardonne pas la précipitation. »

Dans le cercle du fer, il n’y a pas de classement, ni de compétition. Seulement des binômes, des regards, des erreurs partagées. Et la satisfaction de voir, à la fin de la journée, une pièce fonctionnelle, utile. Un clou. Une tige. Un outil.

Un espoir en fusion

Interrogé par la Lanterne, le coordinateur du cercle sectoriel de la métallurgie, Jo Yoon-hak, se montre prudent. « Nous avons la flamme, mais pas encore le foyer. Le niveau technologique reste insuffisant, les moyens sont modestes, et l’apprentissage prend du temps. Mais la jeunesse répond. Elle est là. Elle forge. »

Pour lui, la force du programme réside dans sa transversalité. « Le fer alimente la construction, l’agriculture, l’électronique. Former des forgerons, c’est irriguer tout le pays. » Mais il rappelle aussi que ce renouveau doit se faire dans le respect de l’environnement et des anciens métiers. « Il ne s’agit pas de remplacer les artisans d’hier. Il s’agit de prolonger leur œuvre, avec de nouveaux outils. »
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