11/05/2017
16:12:12
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Rencontre Rasken-Churaynn

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L’hiver avait fini par gagner le continent eurysien, enfin, pour être précis, il n’allait pas tarder à le faire. Les journées devenaient plus courtes et la fraîcheur commençait à gagner le pays. En soi, rien de grave, les Raskenois étaient habitués à bien pire, comme des vagues de froid en plein juillet. Cependant, cela pourrait incommoder quelque peu la délégation churaynne, habituée, elle, aux chaleurs de l’Afarée. Il était 9h40 et la délégation raskenoise, composée principalement du ministre des Affaires étrangères Axel Orndorff, attendait patiemment sur le tarmac la venue de l’avion de la délégation churaynne. À 9h50, l’avion entama sa descente vers l’aéroport de la capitale raskenoise et, à 10 heures pile, il s’arrêta devant la délégation raskenoise. Quelques secondes plus tard, la délégation churaynne descendit de l’avion.

Axel Orndorff – Enchanté, je suis Axel Orndorff, ministre des Affaires. C’est avec moi que vous avez échangé jusqu’à présent. Le vol s’est-il bien passé ?

Si vous voulez bien me suivre, nous allons nous rendre vers un lieu plus approprié pour la rencontre.

Après cela, les deux délégations montèrent dans les voitures à disposition afin de se rendre au palais impérial, lieu de la rencontre.
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Quelque part au-dessus de l’Eurysie, 8h12, heure locale

L’intérieur du jet impérial vibrait légèrement sous la pression des courants d’altitude. À bord, la délégation churaynne semblait plongée dans un calme apparent. Après tout, c’était la deuxième fois que les Churaynns échangeaient avec les Eurysiens. La première fois, il y a des centaines d'années, cela s’était fini en un bain de sang... Faoud Cheikiné, penché sur son carnet de notes, griffonnait encore quelques chiffres. Le Conseiller à l’Économie n’avait que très peu dormi la nuit précédente. On avait l’habitude de voir le conseiller qui ne dormait pas énormément. Mais là, le conseiller était stressé, malgré les millions de Dhurr qui avaient disparu pendant son mandat.

"Vous savez, plus j’y pense, plus je me dis qu’on n’a pas le droit de repartir d’ici sans accord concret. On n’a pas dépêché une mission impériale en pleine phase de redressement juste pour serrer des mains."

Kaaland Cheiran, Conseiller des Affaires Étrangères, répondit sans lever les yeux de sa tablette :

"L’accord, on peut l’avoir. Ce qu’il faut, c’est que les Raskenois comprennent que Churaynn est prêt à ouvrir ses terres… mais pas à brader sa souveraineté. L’accès aux ressources, oui. Le contrôle, non."

Bougheman Imran, Conseiller à l’Intérieur, assis en face d’eux, observait le hublot. Le ciel s’était chargé, et les nuages annonçaient bien l’hiver naissant.

"Si on doit faire venir des compagnies raskenoises dans nos provinces, on doit aussi s’assurer qu’elles respectent nos zones rurales. Nos traditions. Pas question de créer des tensions sociales pour trois mines de fer."

Le commandant de bord interrompit le trio par l’interphone.

"Délégation impériale, nous entamons la descente vers l’aéroport de Eberstadt. Atterrissage prévu dans quinze minutes. Température extérieure : trois degrés."

Faoud soupira.

"Onze degrés… par la grâce d’Allah, j’espère qu’ils ont prévu des manteaux."

Aéroport de Eberstadt, 10h00 précises

Les roues du jet touchèrent le sol dans un souffle amorti. Sur le tarmac, la silhouette droite et calme du ministre raskenois Axel Orndorff attendait, entouré de quelques membres de son équipe.

L’avion s’immobilisa. La porte s’ouvrit. Le froid se faufila aussitôt dans la cabine.

Faoud descendit le premier, suivi de Kaaland, puis de Bougheman. Tous portaient des capes épaisses aux couleurs sobres de Churaynn.
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Une fois descendue de l’appareil, la délégation churayenne se fit directement accueillir par le ministre des Affaires étrangères raskenois, Axel Orndorff. Après un échange rapide de banalités, les deux délégations montèrent dans les véhicules gouvernementaux afin de se rendre dans un endroit plus propice à une rencontre. En effet, bien que les températures étaient largement supportables pour un Raskenois, elles semblaient l’être beaucoup moins. Une fois sorties de l’aéroport, les voitures empruntèrent directement les HSL (High Speed Lines), sortes d’autoroutes parallèles sur lesquelles la limitation de vitesse n’est pas de 150 km/h mais de 250. Celles-ci furent introduites il y a maintenant plus de 4 ans sous l’impulsion de l’ALF afin de désengorger les axes principaux ; 4 ans plus tard, force est de constater que l’objectif fut rempli. En un temps record, la délégation arriva sur le lieu de rendez-vous ; une fois rentrées dans la salle où allait se tenir la rencontre, ce fut Axel Orndorff qui prit la parole en premier.


Axel Orndorff – Bien, messieurs, même si je me suis déjà présenté, je vais tout de même refaire les présentations. Je m’appelle Axel Orndorff et je suis le ministre des Affaires étrangères de l’Empire raskenois. À ma droite, je vous présente la ministre de l’Économie, Christina Hönigswald et ma gauche voici le ministre de l'énergie Jörn Wahle .

Au travers des missives que nous avons précédemment échangées, nous avons cru comprendre que votre volonté était d’établir des partenariats économiques. Pourriez-vous donc nous faire part de ce qui a motivé votre pays à demander cette rencontre ?
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Faoud Cheikiné : Je me permets de me présenter rapidement avant de prendre la parole. Je suis Faoud Cheikiné, conseiller de l’Économie de l’Empire de Churaynn. Nous vous avons contactés car nous sommes impressionnés par vos entreprises et par la manière dont votre État a su se hisser parmi les plus développés, tant sur le plan technologique que nucléaire. Nous souffrons d’un important retard technologique, et nous avons besoin d’entreprises extérieures pour nous permettre d’extraire les ressources enfouies sur notre territoire. Vous percevriez une part importante des bénéfices issus de cette exploitation. Par ailleurs, nous souhaiterions bénéficier de l’expertise de vos ingénieurs pour développer le secteur nucléaire dans notre pays.
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Christina Hönigswald – Si ça ne vous dérange pas, Monsieur Orndorff, je vais commencer. Il est vrai que ces dernières années, l’économie raskenoise a connu une croissance spectaculaire. Cependant, si l’on devait jeter des fleurs à quelqu’un, ce ne serait pas à nous, mais aux travailleurs. Voyez-vous, il est admis de manière générale qu’il est inconcevable pour nous de fabriquer un produit non abouti, et je pense que cette mentalité a sa part de responsabilité dans la croissance récente de notre économie. De tout temps, notre économie fut portée par les usines du secteur secondaire, et cela n’a pas changé avec la récente croissance économique. Cependant, toute situation favorable dispose de son revers de la médaille, et le nôtre, ce sont les ressources. En effet, bien que Rasken se soit fait une réputation de pays riche en ressources, il n’en est rien. Nous disposons certes de vastes ressources pétrolières et en fer, mais cela s’arrête là. Cette récente expansion massive de l’industrie fait que nous devons importer de vastes quantités de matières premières, comme par exemple le gaz ou différents métaux.

Monsieur Cheikiné, vous dites que vous avez besoin d’entreprises extérieures pour extraire les ressources enfouies sous votre territoire, mais de quelles ressources parle-t-on exactement, et en quelles quantités ?

Jörn Wahle – Concernant votre demande sur le nucléaire, pourriez-vous être plus précis ? Souhaitez-vous acheter nos technologies de réacteurs ou alors voulez-vous que nous vous aidions à lancer votre propre programme nucléaire ?
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Faoud Cheikiné :Madame Hönigswald, Monsieur Wahle, je vous remercie pour la clarté de vos interventions. Vous avez raison de souligner que toute puissance industrielle trouve son talon d’Achille dans la dépendance aux flux extérieurs. Et si Rasken, aujourd’hui, est une étoile montante, sa force dépend de matières qui, pour le moment, ne jaillissent pas de son propre sol. En cela, nos vulnérabilités se croisent les vôtres dans l’approvisionnement, les nôtres dans la mise en valeur de nos ressources. Pour répondre à votre question directe, les ressources enfouies sur notre territoire sont multiples, mais sous-exploitées. Notre géologie indique une présence confirmée de terres rares, d’uranium, de bauxite, de nickel, ainsi qu’un gisement de cuivre de taille stratégique dans la région de Yuthipista. En matière énergétique, nous avons identifié des poches de gaz naturel non exploitées, dont les premières analyses sismiques estiment le volume à plus de 300 milliards de mètres cubes. Mais tout cela repose encore sur des infrastructures inexistantes, un appareil industriel faible, et surtout un besoin de partenaires techniques fiables. Voilà pourquoi nous ne cherchons pas un simple investisseur ou une entreprise de passage. Nous cherchons un partenaire durable et pourquoi pas raskenois, capable de bâtir avec nous une chaîne de valeur complète, de l’extraction jusqu’à la transformation locale. Quant à la question nucléaire soulevée par Monsieur Wahle, votre précision est bienvenue. Ce que nous recherchons, ce n’est pas uniquement l’acquisition d’une technologie, mais un transfert encadré de compétences. Nous souhaitons, sur le long terme, établir un programme civil autonome, qui repose sur un réacteur à faible enrichissement pour produire de l’électricité dans nos zones rurales et industrialiser notre territoire en profondeur. Si Rasken peut, en tant que puissance technique, nous épauler dans la formation d’ingénieurs, la construction d’un réacteur pilote et la mise en place d’un cadre de sûreté, alors nous sommes prêts à étudier ensemble un accord dans ce sens. Je vous laisse la parole.
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Les ministres raskenois se saisirent des documents que venaient de leur transmettre leurs homologues churayns, cependant, ce fut avant tout la ministre de l’Économie Christina Hönigswald qui s’intéressa en profondeur aux documents. Ces documents faisaient état des ressources estimées du pays, document que voici :

Documents de réserves de minerai
  • Cuivre
  • Réserve exploitable : 20 à 24 millions de tonnes
  • Type : Gisement de classe mondiale
  • Concentration : 0,2 à 0,8%
  • Ratio stérile/minerai : 5 à 6

  • Nickel
  • Réserve exploitable : 3 à 7 millions de tonnes
  • Type : Gisement moyen
  • Concentration : 0,8 à 1,4%
  • Ratio stérile/minerai : 3 à 4

  • Bauxite
  • Réserve exploitable : 48 à 72 millions de tonnes
  • Type : Gisement grand
  • Concentration : 40 à 50%
  • Ratio stérile/minerai : 2 à 3

  • Uranium
  • Réserve exploitable : 0,05 à 0,15 millions de tonnes
  • Type : Gisement moyen
  • Concentration : 0,02 à 0,4%
  • Ratio stérile/minerai : 3 à 4

  • Terres rares
  • Réserve exploitable : 0,3 à 0,7 millions de tonnes
  • Type : Gisement moyen
  • Concentration : 4 à 8%
  • Ratio stérile/minerai : 2 à 5

  • Gaz
  • Réserve exploitable : 300 milliards de m3
  • Type : Plusieurs gisement

  • Christina Hönigswald – La présence de terres rares, d’uranium et de métaux critiques sur votre sol ouvre des perspectives considérables, monsieur Cheikiné. Cependant, ce potentiel est inexploité mais ne demande qu’à l’être dans un cadre gagnant-gagnant qui satisferait nos deux nations. Rasken a besoin de ressources pour faire tourner sa vaste industrie, et vous, vous avez besoin d’industriels capables de mettre en valeur ce potentiel. Au vu de ce potentiel, je ne pense pas trop m’avancer en disant que nos industriels seraient ravis de venir investir dans votre pays. Je pense même que nous pourrions débloquer un certain montant du FSR (Fonds Souverain Raskenois). Concernant votre gisement de cuivre en particulier, cela ne m’étonnerait pas, au vu de sa taille, qu’une excavatrice Léviathan entre en service dans votre pays.

    Sur les accords d’exploitation, comment souhaiteriez-vous procéder exactement ? En général, nos entreprises, quand elles opèrent à l’étranger, ont une méthode bien à elles d’exploiter des infrastructures ou des mines. Je vais prendre le cas d’Apex au sein du duché de Sylva pour illustrer. Il y a maintenant plusieurs années, le duché et Apex Energy ont signé un accord sur la construction de 4 réacteurs RPR (Réacteurs Pressurisés Raskenois) de troisième génération+ ayant chacun une puissance électrique de 1600 MW. La centrale, elle, est exploitée directement par Apex Energy, c’est-à-dire que la centrale appartient à l’entreprise, mais cela ne veut pas dire que tous les bénéfices lui reviennent, loin de là. Ceux-ci sont répartis comme suit : 33 % pour Apex et 67 % pour le Duché. De manière générale, nos entreprises ne demandent jamais plus de 50 %, car pour elles, le pays dans lequel elles s’installent doit être celui qui en tire le plus de bénéfices ; c’est en quelque sorte une question de principe.

    Si investissement dans le nucléaire il devait y avoir dans votre pays, je ne pense pas qu’Apex serait prêt à opérer des transferts de technologie, mais serait tout à fait apte à construire des réacteurs chez vous selon le modèle économique que je vous ai exposé précédemment. L’entreprise pourrait même aller jusqu’à construire un ou plusieurs centres d’enrichissement sur votre sol. Cependant, à mon sens, ce serait mieux de discuter de cela directement avec les entreprises concernées pour discuter plus en détail, mais partez du principe qu’elles seront d’accord pour investir. De notre côté, nous pouvons vous assurer un financement de ces entreprises grâce au FSR ; celui-ci devrait dépasser les 65 milliards de Sleks (130 milliards d’euros) cette année.

    Jörn Wahle – Vous avez mentionné des réserves de gaz à hauteur de 300 milliards de m³, ce sont des réserves conséquentes. Cependant, je pense qu’il serait plus judicieux de les garder pour votre propre consommation plutôt que de les exporter. 300 milliards peut sembler beaucoup, mais il s’agit en réalité de réserves moyennes. Les garder pour maintenir votre indépendance et alimenter votre population en énergie serait pour moi une meilleure idée, plutôt que de les surexploiter pour exporter et générer un revenu. Car dans un scénario comme celui-là, je ne serais pas étonné qu’en à peine 20 ans, le dernier mètre cube de gaz soit extrait.
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    Faoud Cheikiné :
    Je vais être tout à fait transparent avec vous : je ne suis pas ingénieur, ni expert en modèles d’exploitation minière ou nucléaire. Certains détails techniques m’échappent, et je laisserai nos spécialistes en discuter plus en profondeur avec vos équipes. Mais sur l’essentiel, je peux vous répondre. Le modèle que vous évoquez avec Apex et le duché de Sylva est intéressant, surtout en ce qui concerne la répartition des bénéfices. S’il s’agit d’un partenariat équilibré, où Churaynn reste maître de ses ressources tout en profitant de votre savoir faire. Sur le nucléaire, je comprends que le transfert de technologie ne soit pas possible dans l’immédiat. C’est évidemment un point à prendre en compte. Mais si la construction de réacteurs et d’infrastructures d’enrichissement peut se faire chez nous, alors nous sommes prêts à explorer cette voie. Quant au gaz, je retiens votre remarque. Oui, ces réserves doivent d’abord servir notre population. Et vous avez raison : si nous allons trop vite, elles disparaîtront trop tôt. Nous en tiendrons compte dans notre stratégie. Je vous remercie, et je vous propose que nos équipes techniques poursuivent l’échange sur les modalités concrètes.
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