
Omar Koulaby est né en 1968 dans un petit village très reculé, Palaiochora-Miraxis, dans la région montagnarde et pauvre, oubliée d’Athenastra, située à l’extrême-est de la region . Ce village isolé du reste de la Némédie est constitué de routes en terre et de maisons en pierres rugueuses, sa radio nationale n’étant disponible qu’en partie. On y parle un dialecte rustique et l’on suit encore d’anciennes coutumes montagnardes, névroses de méfiance à l’égard de la capitale oblige.
Son père, un ancien muletier et désormais prêcheur indépendant, lui transmit de bonne heure son hostilité à l’égard du pouvoir central, réputé dans son entourage corrompu et impie. Sa mère lui a été enlevée par une septicémie, faute d’hôpital à portée d’une fillette de dix ans, traumatisme qui le marquera à jamais au plan de l’institué étatique.
Il acquit une formation rudimentaire au sein d’une école de fortune ouverte par les nationalistes locaux, avant de partir pour l’Université d’Athernastos à l’âge de 17 ans, où il se mit à l’étude de la linguistique et de la théologie, avec une obsession montant pour les questions d’identité culturelle et religieuse.
Omar n’était ni un fanatique bruyant, ni un chef charismatique au sens traditionnel, il parlait peu mais il observait longuement. Un témoin le décrit “d’une froideur extrême, avec une intelligence calculatrice”, sans un mot de trop, ni un geste inutile. Il lisait beaucoup et dormait peu, tandis qu’il analysait chacun de ses interlocuteurs d’un regard glaçant.
Il croyait à la nécessité, pour la Némédie, de “payer sa dette historique” envers les peuples Mehravab qu’elle a “oubliés, méprisés et appauvris”. Pour lui, ce n’était pas un nationalisme, c’était un souhait de vengeance, de purgation : il ne voulait pas négocier mais purger le pays par la peur et le feu.
La clandestinité était chez Omar Koulaby, un art. Un art où il ne cessait de changer d’aspect, de se donner un autre visage, où il ne se laissait jamais photographier, où la parole n’était que délivrée par les intermédiaires directs ou à travers des enregistrements sonores diffusés clandestinement ; il n’avait tellement besoin qu’on sache qui il était que jamais il ne revendiqua aucun de ses attentats à visage découvert mais chacun portait pourtant son empreinte : rigueur dans la préparation, minutie dans la synchronisation des explosions, symbolique de la cible (commissariats, gares, hôpitaux civils) à atteindre, silence glacial qui s’ensuivait à chaque bain de sang.
Omar Koulaby n’était pas un hystérique, un impulsif. Il ne crie jamais, pas même en pleine guerre. Il croyait porter une mission à la fois politique et mystique dont il ne se déclarait que devant les plus proches fidèles : libérer le Mehravan du joug némédien pour pouvoir y ériger un État simplement « pur » de la corruption, des élites citadines et des compromis religieux. Il ne riait guère. Il ne pleurait pas. Il parlait peu, mais toujours juste, pertinent, presque mécanique. Beaucoup de ceux qui l’ont suivi ne l’ont pas fait par amour, mais par peur, ou admiration pour l’extraordinaire rigueur qui était sienne.
Pour traquer un homme comme Omar Koulaby, il n’était pas question de chasse. C’était une guerre d’usure contre le vide, l’ennemi est invisible, silencieux, sans visage mais toujours un pas en avance.
Craint pour sa capacité à disparaître, à changer de visage, à manipuler ses partisans, à infiltrer les réseaux urbains comme les réseaux ruraux, Omar Koulaby est devenu, au fil des ans, une ombre, voire un spectre, celui de la politique et de la mort. On disait de lui, qu’il était “combattant pour la liberté du Mehravan”, mais ses actes ont plongé dans l’effroi des populations, faisant pleurer des familles dans tout le pays.
Huit années durant, les services de renseignement némédiens, notamment la YKA (Ypritesía Kentrikís Asfáleias) service de la contre-terrorisme ont mis tous les moyens à leur disposition pour le débusquer. Son arrestation, ou son élimination même, sont devenues une obsession nationale ayant mobilisé des unités spéciales, des agents infiltrés, des opérations secrètes dans des montagnes, des ports et des recoins sombres des cités de l’Est.
Cette chasse à l’homme devenait un jeu d’échecs ensanglanté, où chaque erreur coûtait la vie. Et derrières chaque silence, chaque interstice là où la paix fragilisée s’installe, Omar confectionnait déjà sa prochaine attaque.
Dans un récit en 7 chapitres se déploie la traque systématique, les renoncements, les fautes, et la tension perpétuelle d’une guerre secrète entre un homme, et un Etat.