Posté le : 22 juin 2025 à 18:42:02
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"Dekhelia n'était plus que l'ombre d'elle-même. Des hectares entiers presque vide. La piste d'hélicoptère devenait un jardin pour un écosystème nouveau à l'exception de quelques tontes trimestrielles. Joyau de la présence navale en Leucytalée, elle n'était plus qu'un poids presque mort auquel la République s'accrochait encore timidement. Avec les années, les quais avaient été fermés pour réduire les coûts en maintenance pour une administration désintéressée. Il n'en restait plus qu'un actif, il recevait un patrouilleur de façon ponctuelle. Ce dernier restait plusieurs jours puis repartait. Il n'y avait pas à dire, mieux valait être posté à Windport à l'autre bout du monde qu'à Dekhelia. Au total, nous n'étions tout au plus qu'une centaine sur ces hectares bien trop grands pour nous. Une centaine tout compris. Du commandement de la base à son personnel administratif en passant par la maintenance, la cuisine, l'infermière, et la section d'infanterie marine du 81e régiment. 19 soldats. Voilà ce qu'était la présence tanskienne à Dekhelia.
Il y avait bien eu quelques rares cas d'augmentation de la présence. A l'été 2015 nous avions reçu une compagnie entière, plus d'une centaine de soldats, et deux patrouilleurs qui alternaient entre le quai et le mouillage au large. La montée des tensions dans la région avait justifié ce déploiement aussi soudain que temporaire. Il fallait le reconnaître, tout le monde n'était ici que de passage. Entre Bregliari et Martina, Dekhelia était un simple point étranger sur la carte et cette maigre façade maritime. Le village voisin vivait de nos activités. Avec le temps, notre présence était devenu commune. Elle était plus rare qu'omniprésente, ponctuelle dans les rues mais toujours à l'heure au bar. Nous y trainions régulièrement, à pavaner sous le cloché de l'église sur ce village surplombant légèrement notre base navale. Il faut le reconnaître, quand un navire est à quai c'est une chance de pouvoir l'observer depuis ces hauteurs. Le mat, le pavillon, l'horizon. Au loin, quand il fait beau, on peut distinguer Akrotiri, base caratradaise à une poignée de kilomètres. Mon activité préférée reste le plongeon à l'eau depuis le pont des navires. Et, à défaut, depuis le quai encore actif. Les étés sur cette base peuvent être d'une rare longueur ou d'un apaisement des plus complets. Loin des soucis du monde, être posté à Dekhelia fait parfois office de parenthèse bienvenue."