
Pourquoi avait-il tant insisté pour accueillir les Barvyniens personnellement ? Bonne question. La direction du SRR ne savait pas trop non plus pourquoi un de ses responsables avait tant insisté pour supplanter la Commission aux Relations Extérieures pour être au premier plan de l'entrevue mais accepta de faire pression sur la Commissaire pour reprendre en main le dossier discrètement. La Commissaire avait acceptée, certainement à contrecœur, elle qui voyait d'un mauvais œil l'ingérence constante des services de renseignements dans la politique étrangère estalienne. Pourtant, elle accepta malgré tout : Vlad le savait, elle donnait un os à ronger au chien sauvage qu'était le SRR pour temporiser et gagner du temps. Au diable cette rivalité interservices, c'était pas son problème. Il se contenta seulement de faire les démarches pour être le second désigné par le Congrès International des Travailleurs pour accompagner le représentant principal de la Commission aux Relations Extérieures, un gratte-papier sans grande importance du nom de Slavitek, qui avait été nommé expressément par la Commissaire elle-même : un homme sans grand trait de personnalité, docile et conciliant. Parfait pour ne pas traîner dans les pattes de Vlad et effectuer le rôle qu'on lui avait donné, celui de figurant.
Vlad fuma un dernier cigare alors qu'on lui indiqua que l'avion gouvernemental barvynien allait bientôt atterrir à l'aéroport international de Mistohir. De ce qu'il avait entendu, ce serait la première fois depuis plusieurs années que le pays acceptait d'organiser une rencontre diplomatique à l'extérieur de son territoire. Ces Barvyniens devaient certainement tenir les Estaliens en haute estime pour les choisir comme premiers venus d'une entrevue diplomatique, à moins que ceux-ci attendaient quelque chose. "Bah, bien sûr qu'ils sont là pour quelque chose, c'est le propre de la diplomatie, obtenir le plus en donnant le moins" se disait-il. La vision de Vlad quant à la politique était drôlement cynique mais il gardait ces commentaires pour lui. Il devait faire bonne figure, être un bon anarchiste et se comporter en bon socialiste. C'était la seule chose qui comptait à cet instant, tant pis si cela contrevenait à ses opinions personnelles car ses opinions, tout le monde s'en fout.
Vlad redressa son costume-cravate trois pièces qu'il avait acheté à une petite coopérative de tailleurs de la capitale. Le costume ne lui allait vraiment pas, il était trop musclé pour porter ce type d'habits sans que ce soit désagréable. "Bordel, j'espère que ces Barvyniens sont pas trop à cheval sur l'étiquette" pensa-t-il alors que l'avion barvynien effectuait sa descente sur la piste d'atterrissage.