- principe fondateur du Hojaeng
De même, le sport ne vise pas la domination de l’autre ou l’accumulation de trophées. Il est vu comme une discipline intérieure, une manière d’éprouver les limites du corps tout en cultivant la clarté de l’esprit. La pratique sportive n’est pas dissociée du développement moral ou émotionnel : elle fait partie d’un tout éducatif où l’on apprend à perdre avec dignité, à gagner sans arrogance, et surtout à mûrir.
Dans la tradition gorémanienne, l’immobilité n’est pas synonyme de paresse, pas plus que l’effort n’est synonyme d’agitation. La valeur se trouve dans le mouvement juste, celui qui ne gaspille ni énergie, ni intention. C’est cette philosophie qui irrigue l’ensemble des activités physiques, rituelles, artistiques.
Qu’il s’agisse de cultiver la terre, de danser dans les rues, de naviguer dans la baie des baleines ou de livrer un duel dans l’arène, le peuple gorémanien valorise la présence à soi et la cohérence du geste.
Les grandes fêtes, qu’elles soient religieuses, saisonnières, commémoratives ou communautaires, sont souvent ritualisées dans le mouvement : danses, parades, jeux en cercle, spectacles d’ombres ou de feu, régates collectives. Ces événements sont autant d’occasions de renforcer les liens, exprimer la gratitude, transmettre un savoir ou transformer un conflit.
On y voit parfois s’affronter des cercles, des quartiers ou des générations dans des joutes symboliques où force, agilité, humour et mémoire sont mobilisés. Mais toujours dans une logique de reconnaissance mutuelle, non d’écrasement.
Dès l’école, les jeunes du Gorae Man sont invités à explorer leur rapport au corps et à l’espace. Des séances de respiration matinale aux arts martiaux, des jeux stratégiques en classe aux activités en pleine nature, l’éducation vise à créer des êtres équilibrés, résistants mais souples, concentrés mais ouverts.
Les universités abritent quant à elles de véritables équipes culturelles et sportives, dont les performances sont suivies à l’échelle régionale, parfois nationale. Mais là encore, ce n’est pas la victoire qui importe : c’est l’intensité, l’harmonie, la sagesse acquise en chemin.
Dans un pays aux reliefs contrastés, où mer et montagne façonnent les quotidiens, les pratiques sont aussi profondément géographiques. Les villages de pêcheurs cultivent des sports maritimes exigeants, les régions de haute altitude perpétuent des formes d’endurance ou de chasse symbolique. Dans les plaines fertiles, ce sont les jeux de stratégie et les danses collectives qui dominent.
À travers toute la nation, le lien entre culture et sport reste fondamentalement spirituel. Il ne s’agit jamais de se perdre dans le geste, mais de s’y retrouver.
La voie des trois reliances
Née dans les premiers siècles du Gorae Man unifié, le 삼연도 – Samyeon-do (la voie des trois reliances) est considéré aujourd’hui comme l’un des piliers culturels de la pensée gorémanienne. Il ne s’agit ni d’une religion, ni d’une école fermée, mais d’un principe de vie transversal, que l’on retrouve dans les arts, l’éducation, le sport, les cérémonies et jusque dans l’organisation des cercles.
L’idée fondatrice est simple : l’être humain n’est véritablement lui-même que lorsqu’il cultive l’équilibre entre le corps, le cœur et l’esprit. C'est une version un peu plus complète que la version occidentale qui ne met en lien que le corps et l'esprit (mens sana in corpore sano – un esprit sain dans un corps sain).
Les Trois Reliances
🔹 무도 – Mudo : la voie du mouvement
🔹 심도 – Simdo : la voie du cœur
🔹 영도 – Yeongdo : la voie de l’esprit
Ces trois voies ne sont pas parallèles, mais enlacées comme des tresses. Elles s’alimentent mutuellement.
Une origine légendaire : le mythe du pont
Selon une vieille tradition, le Samyeon-do serait né d’une ancienne parabole, transmise oralement avant d’être mise en forme par le philosophe Eungyeom.
« Il était une fois trois frères nés d’un même souffle.
Le premier était plus fort que le taureau et plus rapide que le cheval.
Le second avait un rire retentissant comme l'orage, et ses larmes coulaient comme l’averse.
Le dernier était plus sage qu’un vieux chêne, et plus patient que la pierre.
Un jour, ils se trouvèrent face à une vallée si large qu’on n’en voyait pas le fond. De l’autre côté s’étendait un verger luxuriant, hors d’atteinte.
Le premier prit son élan et sauta. Il tomba dans la brume, heurta les rochers, et dut rebrousser chemin, blessé.
Le second cria vers l’abîme et tendit les bras, espérant que quelqu’un l’entende. Mais seul le silence lui répondit.
Le troisième s’assit et ferma les yeux, espérant voir la solution dans la profondeur. Mais le temps passa, et rien ne vint.
Alors ils s’assirent ensemble, face à leur impuissance.
Le second, touché par la douleur de ses frères, dit qu’ils devaient s’entraider.
Le troisième murmura qu’il avait entrevu un pont tressé, tendu d’une rive à l’autre.
Le premier, alors, se releva, déracina des arbres, et les lia entre eux.
Ainsi naquit le pont vivant, tressé d’endurance, de lien et de clarté. »
Cette image du pont vivant est encore aujourd’hui utilisée dans les cercles éducatifs. On parle de "marcher sur le pont du Samyeon" pour désigner une personne équilibrée, et de "pont brisé" pour désigner une fracture entre cœur et corps, ou entre esprit et action.
Influence dans la société contemporaine
Le Samyeon-do n’est pas réservé à une élite spirituelle. Il traverse la vie quotidienne du Gorae Man :
🔹 Dans les écoles, les enfants pratiquent chaque semaine un Samyeon-sigak (삼연시각), ou “temps des trois voies”, combinant jeu corporel, écoute collective, et méditation.
🔹 Les arts martiaux, comme le Hojaeng, sont conçus pour harmoniser les trois axes.
🔹 Les festivals comprennent presque toujours une composante gestuelle, une dimension émotionnelle (chant, appel aux ancêtres, offrande), et une réflexion commune.
🔹 Dans le soin, les guérisseurs ou les cercles de santé s’appuient aussi sur cette triade : on ne soigne pas un symptôme isolé, on réaccorde le corps, le cœur et l’esprit.
Une voie exigeante mais douce
Le Samyeon-do n’est pas une ascèse rigide. Il reconnaît que chaque individu a des déséquilibres, des blessures, des forces propres. Il invite à prendre soin de ce qui est trop tendu, réveiller ce qui est trop endormi, apaiser ce qui déborde.