11/05/2017
16:22:57
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Le sort d'un continent.... les pieds dans l'eau (Kah, Fujiwa, Negara, Jashuria, Ling, Wanmiri, Myaikho, Burujoa)

Lua Pele Liilii, quelques jours avant l’arrivée des délégations

Jusqu’alors paisible recoin de la région ultramarine de Tairopototo, Lua Pele Liilii vivait au rythme lent des marées, des marchés matinaux et des veillées pour touristes fortunés, bercées de chants de ukulélé et de senteurs de fleurs de tiaré. Nichée entre falaises verdoyantes et lagons translucides, la ville n’avait jamais accueilli plus d’un représentant d’une autre colonie ou deux directeurs mineurs venus profiter d’un séjour discret.

Aussi, l’annonce soudaine de la venue de sept puissantes délégations diplomatiques, sur ordre direct de l’empereur Tadashi IV, provoqua un petit séisme dans les ruelles sablonneuses et les esprits insulaires.

La Déléguée Keahi, femme énergique au franc-parler inimitable, convoqua en urgence le conseil des rois au Fale Fono, la grande maison communautaire au toit de pandanus. Devant les rois coutumiers, les pêcheurs, les artisans et les jeunes des écoles de danse, elle déclara avec autorité :« On n’a pas de grands bâtiments ici, mais on a le cœur grand. Et ça, c’est suffisant ! »

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La Fale Fono de Lua Pele Liilii, lieu de tenue des discussions

La ville se lança alors dans une course effrénée contre la montre. On tissa des kilomètres de guirlandes de fleurs, importées de toute la région. Les artisans façonnèrent en urgence des nattes neuves, des assises en rotin, des paravents en tapa décorés de symboles tairopototiens. Les femmes du marché central mirent sur pied un véritable festin impérial, mêlant produits locaux — thon rouge, bananes rouges, feuilles de taro farcies — aux saveurs ylmasiennes glanées dans les épiceries tenues par des métros, nom donné aux ylmasiens installés depuis plusieurs générations dans les régions périphériques de l’Empire.

Les collégiens et lycéens furent réquisitionnés pour apprendre en deux jours les hymnes des nations invitées. Leurs grands frères et sœurs répétaient inlassablement les danses traditionnelles qui devaient être présentées aux dignitaires étrangers. Les écoliers, eux, peignaient des panneaux de bienvenue, parfois maladroitement orthographiés mais débordant de sincérité.

Le seul héliport fut élargi. Une piste provisoire, faite de sable compacté, fut construite dans un champ périphérique par l’unique régiment du génie de Tairopototo. Un poste de sécurité temporaire fut installé en centre-ville, sous la supervision discrète de l’Agence Nationale pour la Police, mais sur ordre strict de Tadashi IV, aucun soldat ne devait porter d’arme visible, comme en temps normal dans le reste de l’Empire.

Quant à l’empereur lui-même, il arriva deux jours avant les autres, accompagné de son épouse, l’impératrice Katherine Iʳᵉ, et de leur fils aîné, le prince héritier Leonhardt. Plutôt que de loger dans la résidence administrative, le couple impérial préféra une modeste maison d’hôtes en bois et bambou, les pieds nus sur les lattes chaudes du plancher. Tadashi se mêla à la population locale, écoutant les anciens raconter les légendes de Tairopototo, participant à un atelier de colliers de coquillages, riant à gorge déployée à la tombée de la nuit.

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Vue panoramique sur une crique de Lua Pele Liilii

Le soir, autour d’une table simple, éclairée aux torches, le couple impérial partageait le repas des insulaires avec une chaleur désarmante. Pourtant, dans les coulisses, ses conseillers réévaluaient sans relâche les tensions au Nazum, les alliances mouvantes, les provocations récentes et les revendications territoriales en suspens.Mais l’empereur restait fidèle à sa vision :« Si on commence par faire peur, on finit par le feu. Mais si on commence par la fête… peut-être qu’on pourra avancer sans tirer. »

Lua Pele Liilii se tenait prête. Derrière les sourires, l’île retenait son souffle, espérant que sa beauté suffirait à apaiser les ambitions des puissants.

Lua Pele Liilii, le jour de la rencontre

Sous un ciel opalin, à la mi-journée, les premiers dignitaires étrangers atterrirent sur la piste provisoire de sable de Lua Pele Liilii. Cette ville tranquille, entre mer et montagne, connue pour ses plages paradisiaques et ses marchés exotiques, devenait, l’espace de quelques jours, le cœur battant d’un continent inquiet.

La petite fanfare municipale entonna une mélodie entraînante, mêlant percussions en noix de coco et flûtes de bambou. Une brise douce faisait claquer les drapeaux des nations participantes, dressés au sommet de mâts en bois noués de guirlandes d’hibiscus.

L’empereur Tadashi IV, vêtu d’une chemise à fleurs bleu et corail et d’un pantalon de lin ivoire, accueillait les délégations sous un grand auvent tressé de feuilles de pandanus. À ses côtés, l’impératrice Katherine Iʳᵉ, radieuse dans une robe légère à motif floral, portait une couronne de fleurs blanches sur son chignon blond, ses célèbres talons dorés brillant sous le soleil. Leur fils, le prince héritier Leonhardt, magnifique jeune homme blond à la beauté légendaire, portait une chemise en lin ouverte sur une carrure athlétique, un pantalon tergal couleur saumoné-paupiette, et des tongs. L’ensemble était… inoubliable.

Les premiers à arriver furent les Kah-tanais, venus en hélicoptère, la proximité géographique jouant en leur faveur. Tandis que la logistique suivait par la route, la délégation officielle goûta avec soulagement au climat plus sec et doux de ce côté de l’île, loin de l’humidité oppressante qui règne de l’autre côté des montagnes.

Les Stranéens furent les suivants. En tenue semi-formelle, ils étaient visiblement charmés par la beauté des lieux. Tairopototo n’avait pas usurpé sa réputation de perle tropicale de l’Empire.

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Logements des délégations

Puis arriva le Shogun du Fujiwa, vêtu d’un kimono estival en coton. Il évita soigneusement les autres dignitaires, préférant flâner près des buffets de fruits tropicaux et taquiner les serveuses en paréos fleuris avec un sourire entendu.

Les Wanmiriens arrivèrent ensuite, dans la plus grande discrétion. Leur jet léger se posa sans éclat. Vêtements sobres, salutations brèves, quelques bouchées prises par politesse. Pas de discours, mais une présence tranquille.

L’arrivée du Grand Ling, elle, fut tout sauf discrète : un gigantesque avion gouvernemental souleva un épais nuage de sable à l’atterrissage, sans émouvoir personne. La délégation, somptueusement vêtue, distribua généreusement cadeaux et amulettes aux officiels burujois, tout en se ruant avec enthousiasme sur le buffet d’accueil.

Enfin vinrent les Jashurians, sans doute les plus excités à l’idée de visiter Tairopototo. Leur arrivée, ponctuée de rires et de chants, fit frémir l’air de fête. Conscients de la réputation paradisiaque de l’île dans leur propre pays, où Lua Pele Liilii est régulièrement élue « destination de rêve absolue », ils profitèrent de chaque instant. Les danseuses et danseurs d’accueil furent accueillis avec des yeux brillants, et leur enthousiasme communicatif détendit aussitôt l’atmosphère.

La délégation du Myaikho, elle, arriva… plus tard. Leur avion avait connu un problème de train d’atterrissage en phase de roulage, les forçant à rebrousser chemin à peine cinq minutes après le départ. Le temps de réparer, redécoller et rejoindre Lua Pele, trois bonnes heures s’étaient écoulées. Ils furent accueillis avec chaleur et moqueries bienveillantes.

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Jeune danseur amateur local accueillant les délégations
Tairopototo vu du large.
LE SORT D'UN CONTINENT
Rencontre Grand Ling - Empire Burujoa - Grand Kah - Fujiwa - Negara Strana - Jashuria - Wanmiri - Myaikho.

L'ennuie. C'était ce qui caractérisait le mieux le sentiment qu'éprouvait la princesse héritière Lihua à bord de l'avion gouvernemental qui l'emmenait elle, sa mère, son père et une batterie d'officiel vers la perle du Burujoa, la région de Tairopototo. Il est à dire vrai qu'il ne s'agissait pas de vacances, mais de la plus simple et inintéressante expression de son devoir d'héritière, de Marquise de la Grâce Étendue.
Le réveil avait été rude, mais attendre 10 heures dans une caisse de 300 m² était encore pire. Une seule récompense attendait Lihua à l'arrivée, celle de revoir son ami Leonhardt qui serait assurément toujours fidèle à lui-même et sa sculpture d'apollon.
Jiajing travaillait dans son bureau, il avait fait tomber sa veste de costume et remonté les manches de sa chemise de lin. Le Premier-Ministre ZHOU était avec lui. Il lui expliquait les prochaines étapes que le Cabinet suivrait sur le projet de réforme fiscale de l'année 2017. Un sujet fort passionnant pour un expert-comptable ou un joueur de jeu de rôle qui provoqua chez la princesse héritière une vigoureuse envie de lancer un jeu vidéo sur son téléphone. Le son dérangea son père qui l'invita avec douceur à rejoindre l'arrière de l'avion ou la suite impériale.

Huanglong One, nom donné à l'avion dans lequel se trouvait l'Empereur, était un énorme quadriréacteur conçu par Kongke Aeronautics avec l'aide d'ingénieurs fujiwans. Véritable ambassadeur de l'ingénierie lingoise, c'était l'avion de ligne préféré des compagnies lingoises. Il était confortable, sûr et économique notamment grâce à ses réacteurs fabriqués par le leader jashurien de la motorisation aéronautique. C'était en quelque sorte, un hymne à la coopération douce entre nazuméens. C'était surtout un petit bébé qui coûtait presque 250'000 Tø l'heure de vol.
La prochaine génération devait arriver pour 2019 mais il était dit dans les coursives que Kongke aurait du retard.
Lihua repensait à Leonhardt et à la délicieuse journée qu'ils avaient passés ensemble quelques semaines plus tôt avant que la cruauté de leur rôle les rappellent à la raison. C'était à l'occasion d'une rencontre entre leurs parents pour parler des liaisons ferroviaires entre les deux cousins nazuméens.
D'une manière ou d'une autre, les rencontres entre le Grand Ling et le Burujoa ou entre Lihua et Leonhardt tournait beaucoup autour des moyens de transport. L'imagine lui fit plisser le nez et elle ferma son téléphone qu'elle jeta sur le lit de ses parents.

Le radio-réveil de son père indiquait 15 h 28, heure de Neijing. Cela signifiait qu'il ne lui restait moins d'une heure avant de quitter une cage faite d'électronique et d'aluminium pour une cage de protocoles et de convenances.


Huanglong One prit en phase d'atterissage.
Huanglong One prit en pleine phase
d'atterissage par un spotteur.

La délégation lingoise n'arriva pas la première et certainement pas la dernière mais en tout cas c'est celle qui fit le plus remuer le sable de la piste improvisé. L'atterissage provoqua chez le commandement de bord et son second, une sueur froide mais personne ne su jamais si ce fut la seule réaction qu'il eut dans le pantalon. En quittant le cockpit, on dit qu'il y régnait une drôle d'odeur.
Si les lingois avaient provoqués le plus de bruit - et de poussière - il n'y eu aucune réaction comme c'était à prévoir. Tairopototo était une dépendance d'un pays qui avait fait de l'extravagance et de la surenchère sa marque de fabrique au point que les locaux ne savaient plus bien quand il fallait applaudir sincèrement ou féliciter le régime d'être si bon.

Ling Jiajing avait remit sa veste. Il était habillé d'un costume mao en lin berge avec sur le revers de sa poche, une épinglette symbolisant les armoiries impériales.
Son épouse, l'Impératrice Ling Fang était vétue d'un Qipao de soie bleue avec des broderies et des motifs dorés, le haut du col jusqu'à la naissance de sa poitrine était en broderie fine. Elle portait une parrure assortie et ses cheveux étaient attachés en chignon élégant, maintenus par une broche en forme de papillon.
La Première Princesse d'Empire, Lihua, était elle aussi sensiblement belle et solaire que sa mère. Elle portait un tailleur en soie blanche aux manches élégemment bouffantes et d'un col en V tout à fait beau. Elle avait accompagnée sa tenue d'une parrure de diamant et d'un petit sac à main marron. Il était dit que sa tenue venait d'un grand styliste velsnien ou fortunéen. On pouvait aimer ou non mais sur Lihua, c'était magnifique et ne la vieillissait pas car la pièce avait reprit certains codes du tailleur pour le moderniser.
Une partie de sa délégation distribua les nombreux présents que la Maison Impériale voulait offrir. Son épouse, Lihua et lui saluait les nombreux diplomates et officiels présents puis Ling Jiajing arriva au niveau de Tadashi IV qui l'accueillit chaleureusement.

- Mon cher ami, soit le bienvenue dans la perle de l'Empire, Tairopototo.
- Tadashi, c'est toujours un immense plaisir de te revoir. Merci pour cet accueil et c'est vrai qu'on n'a pas menti. Tairopototo est vraiment magnifique. Elle me fait penser à certains endroits du Lanhu. Sa Majesté lui sourit.

Les deux chefs d'état avait une amitié singulière. Tadashi était l'aîné de Ling Jiajing mais il avait toujours entretenu d'excellentes relations avec son père Ling Chongsheng. Une légende que de nombreux tabloïde avaient relayée était que pour le baptême shintaoïste de Ling Jiajing, Tadashi IV et Catherine étaient venus. Certains médias étaient même persuadés qu'il était le parrain du monarque lingois mais jamais personne, ni l'Administration burujoise, ni la Maison Impériale n'avait confirmé ou infirmé ce fait.
La réalité devait se trouver quelque part au milieu, prenant un pied dans la fiction et un autre dans la réalité.

Armoiries de l'empire du Grand Ling
first.
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Lua Pele Liilii – Jour de la rencontre


Lorsque enfin l'avion diplomatique de la République de la Cité de Myaikho franchit l'azur saturé de lumière du ciel de Lua Pele Liilii, son fuselage arborait encore les traces visibles de l'incident technique qui avait retardé son arrivée : un léger enfoncement sous le ventre, recouvert d’un patch gris mat, trahissait une réparation hâtive. Mais lorsqu’il se posa en douceur sur la piste de sable, la petite fanfare redoubla de vigueur pour saluer dignement ce pays que beaucoup dans la région tenaient encore pour un « ancien carrefour oublié » ou une « puissance mineure en déclin ». Comment leur en vouloir quand l'avion était une métaphore de la Cité ? Il avait connu des jours meilleurs...

Le Premier Magistrat Handoko Suryadi Atmadja, un homme mince au regard fatigué, mais à la démarche assurée, descendit le premier. Son sourire calme et contenu contrastait avec le chaos discret des techniciens et fonctionnaires à ses côtés. En chemise en batik à col mao, moderne, tissé de fils dorés, il salua l’Empereur Tadashi IV avec une révérence prudente, maîtrisant l’art délicat de sembler respectueux sans paraître soumis.

À sa droite, le Magistrat à la Diplomatie Raja Hendri Susman, homme grand et un peu rond, bien plus affable, au crâne rasé et aux lunettes cerclées de couleur cuivre, dégageait par tous les pores une sympathie et une bonhommie bienveillante dont il jouait. Il portait une veste brodée traditionnelle, mais ses chaussures nordistes trahissaient une modernité assumée. Les deux hommes contrastaient fortement, mais paraissaient proches comme des amis. C'est une vieille partition : l'un attirait l'attention, l'autre rassurait. L'un occupait l'espace, l'autre l'ombre. Un dossier écorné à la main, M. Raja souriait aux représentants et M. Handoko fixait calmement déjà les autres délégations, calculant, en silence, ce que Myaikho pouvait offrir et surtout obtenir.

Le Traducteur-Chef Wira Liang, mi-linglois, mi-myaikhosien, arborait une tenue discrète, presque effacé. Son rôle n’était pas seulement linguistique : il murmurait à l’oreille d’Atmadja des résumés des tensions invisibles, des gestes trop vifs, des silences trop pesants. Les quatre conseillers, jeunes et brillamment diplômés, vitrine soignée du parti cherchant à se normaliser, aux costumes d’apparence neutre, mais savamment choisis selon les codes des différentes cultures présentes, fermaient la marche.

***


Dès l’arrivée au buffet de bienvenue, alors que les plats encore fumants de taro grillé et de lait de coco étaient servis dans des feuilles de bananier, Handoko aperçut le représentant Kah-tanais, figure intriguante typique des kah-tanais au regard pénétrant emprunt d'une énergie qui agaçait imperceptiblement les représentants myaikhosiens, celle d'un représentant d'une grande puissance aux ambitions dévorantes, mais c'était peut-être plus l'image qu'avait les Myaikhosiens des kah-tanais que véritablement l'attitude du représentant qui jouait. Sans arrogance, mais avec une pointe d’ironie, celui-ci fit remarquer en anglais avec un léger accent :

« Le ciel n’a pas voulu de vous trop tôt, Premier Magistrat ! Peut-être était-ce un signe. »

Handoko esquissa un sourire neutre :

« Ou bien une manière pour le destin de nous rappeler qu’arriver en dernier, c’est parfois s’assurer d’être entendu le plus longtemps. »

Le Chancelier, surpris, clos l'échange d’un bref rire diplomatique. Raja Hendri nota intérieurement que le Kah, sans surprises, n'était que très peu favorable au nouveau pouvoir Myaikhosien et qu'il restait méfiant envers les nationalistes sans leur porter une grande attention à Myaikho qui ne représentait rien de stratégique pour le moment aux yeux d'Axis Mundis.

Quelques pas plus loin, le Shogun du Fujiwa, toujours occupé à draguer des serveuses tairopototiennes avec un sourire narquois, jeta un œil rapide à la délégation myaikhosienne. Il déclara à voix haute, avec une politesse relative issue de sa concentration dirigée vers les serveuses plutôt que vers les représentants :

« Mon père a connu Myaikho lorsqu’elle était sous contrôle nordiste. Elle avait, à l’époque, bien moins de problèmes. Mais je suis ravis de voir qu'un gouvernement fort et réaliste soit aux manettes pour régler ces difficultés. »

Handoko s’inclina respectueusement et répondit posément :

« Votre Excellence connaît l’élégance du vieux monde. Nous, nous avons hérité de sa poussière mais aussi des racines profondes de notre civilisation. Celle qui nous permettra de renaître. »

Le Shogun le regarda, puis haussa les épaules avec un petit sourire. Dans l'entourage du Fujiwa, certains observateurs plus modérés notèrent un échange laissant entrevoir une proximité diplomatique possible. Myaikho sait que le Fujiwa est sûrement un allié important enclin à traiter avec un pouvoir conservateur et nationaliste, bien que son attitude anti-kahtanaise assumée puisse être un problème dans l'équilibre diplomatique de la Cité.

Le Premier Magistrat continua de déambuler lors de cette pause orchestrée entre les interventions informelles. Handoko se rapprocha du ministre stranéen, très droit dans sa tenue en lin brut, col boutonné haut. Ce dernier parlait peu mais observait beaucoup. Dans un ton calme, Atmadja lança :

« Nos deux peuples connaissent les plaies ouvertes des problèmes économiques. Peut-être avons-nous plus à partager que des discours de façade. Le commerce rapproche les peuples après tout. »

Le ministre, après quelques secondes, répondit :

« Peut-être. Si Myaikho sait encore distinguer coopération sincère et dépendance néocoloniale, ou même nationalisme aveugle. »

La pique était claire. Handoko baissa imperceptiblement la tête avec assentiment, touché mais pas vaincu. Il savait que Negara le surveillait avec suspicion — après tout, Myaikho recevait encore de l’aide technique de l’Empire du Nord. Mais ce geste d’humilité, volontaire et mesuré, devait tenter de calmer les tensions naissantes.


Quelques pas plus loin la rencontre avec la Représentante de Jashuria, élégante et souriante, fut presque chaleureuse. Le Premier Magistrat la félicita sur les coopérations universitaires jashuriennes qui subsistaient à Myaikho malgré la crise, notamment permises par la Maison du Jashuria. Elle répondit avec douceur :

« Votre peuple a soif de grandeur. Tous les peuples y ont droit. Mais même la plus vaste soif ne justifie pas de boire à toutes les sources. Prenez garde à ce que l'eau soit saine. »

Handoko répondit avec un éclat sincère :

« Myaikho ne boira qu’aux fontaines qui respectent sa dignité. Et sa mémoire. C'est là l'assurance que leurs eaux sont potables.»

Le ton sembla plaire aux Jashuriens. On évoqua, en aparté, la possibilité de continuer le dialogue récemment rétabli entre les deux nations. La Jashuria est la principale économie de la région et le commerce avec elle est absolument nécessaire à la relance économique de la Cité. Toutefois le nouveau gouvernement se méfie d'une colonisation économique jashurienne qui viendrait à l'encontre de la souveraineté Myaikosienne.

Puis ce fut au tour de la délégation lingoise d'être approchée, massive et fastueuse, abordée par Raja Hendri Susman avec enthousiasme. Il échangea longuement avec l’un des représentants de manière informelle sur la possibilité de relancer un projet de mieux connecter les voies maritimes des deux nations. Le pays était un marché immense et le commerce important qui transite vers lui pourrait profiter à Myaikho si les cargos passaient par elle.

En aparté, un membre lingois glissa à Raja Hendri :

« Vous avez l’air d’une épave rutilante. Mais c’est ce qu’on recherche parfois. »

Le diplomate myaikhosien sourit sans broncher :

« Une épave peut devenir un récif. Et un récif, un abri pour mille formes de vie. Des vies cherchant la discrétion. »

La délégation distribuait des messages subliminaux sur les avantages de faire affaire avec la Cité qui pouvait être très arrangeante si les intérêts trouvaient un terrain commun.

La rencontre la plus complexe fut celle avec la délégation wanmirienne. Le lien historique entre Talo et Myaikho était un fil rouge sensible. Le doyen de la délégation wanmirienne, un ancien de la vieille école diplomatique, observa Handoko longuement avant de dire, dans un murmure :

« Talo n’a jamais vraiment quitté Myaikho vous savez. Mais Myaikho semble vouloir s’éloigner d’elle, cela nous attriste. »

Le Premier Magistrat soupira, sincère :

« Nous avons pris un mauvais virage avec les gouvernements précédents. Mais nous n’avons pas brûlé le pont. Pas encore. Notre héritage commun est précieux aux yeux du GPT et de notre gouvernement vous savez. »

Une conversation feutrée s’ensuivit, évoquant des coopérations artistiques, peut-être même religieuses, entre Talo et le cœur de la vieille ville de Myaikho. Le geste ne coûterait rien — mais il aurait un fort impact symbolique. La glace fondit légèrement. Après tout la civilisation était bien un cheval de bataille majeur du nouveau gouvernement.


La délégation burujoise, impeccable et amicale, reçut avec une courtoisie parfaite la délégation de Myaikho. Alors que les discussions tournaient sur la sécurité maritime, Atmadja glissa :

« La stabilité des détroits ne dépend pas de la taille des flottes, mais de la transparence des intentions. Une guerre déstabiliserait une région commercialement et économiquement florissante mais aussi historiquement attaché à son calme depuis des décennies. Cela sur fond d'idéologies qui plus est. »

Ce à quoi un haut-fonctionnaire burujois répondit :

« Tant que vos ports ne deviennent pas des bases déguisées, Myaikho restera un partenaire apprécié dans la recherche d'une stabilité durable. »

***


Alors que le soleil descendait lentement sur la mer d’Azur, colorant les nuages d’un rose persan délicat, la délégation de Myaikho sirotait un thé au pandanus sous les lanternes en papier du jardin communautaire de Lua Pele Liilii.

Handoko Suryadi Atmadja regardait les autres délégations. Il savait que son pays n’était plus un acteur majeur — mais il pouvait devenir un pivot, un point d’équilibre discret mais nécessaire dans un continent incertain.

La Cité tissa aux travers de discussions informelles des débuts d'échanges stratégiques parallèles aux sujets principaux de la rencontre. Elle avança également avec toutes les délégations sa position sur les tensions actuelles : apaisement, dialogue, préservation de la quiétude commerciale.

Et dans ce monde de tensions maritimes, de nostalgies impériales et de rêves de grandeur, un petit pays situé sur un détroit stratégique... pouvait redevenir inestimable. Il fallait encore réussir à naviguer dans ces eaux troubles.

[PS : Si certains échangent ne conviennent pas aux joueurs je réviserai bien sûr ma fiche.]
Lua Pele Liilii – Région de Tairopototo – Empire du Burujoa – Jour de la rencontre


Les Jashuriens étaient arrivés quelques jours avant la rencontre officielle pour des desseins variés. Tairopototo était une région paradisiaque et dans l’imaginaire jashurien, c’était une destination de rêve, qu’il fallait visiter au moins une fois dans sa vie. Le climat de la région était plus doux que celui du Jashuria et l’air frais du vent marin plaisait généralement aux Jashuriens, qui pouvaient tremper les pieds dans l’eau sans risquer les coups de soleil si communs aux plages urbanisées de la République des Deux Océans. La délégation jashurienne avait pris ses quartiers dans l’îlot résidentiel désigné par l’Empire du Burujoa. Le site, expertisé par la Sérénité en amont, conformément aux protocoles en vigueur, avait été sécurisé et les éventuels mouchards contrôlés. A peine arrivés, les officiers de la Sérénité avaient déployé l’antenne privée pour les communications sécurisées et veillé à ce que les appareils électroniques jashuriens ne puissent être compromis, notamment par un briefing aussi ennuyeux qu’important sur la sécurité numérique.

Lua Pele Liilii se révélait pleine de surprise, pour le plus grand plaisir de la délégation jashurienne. L’endroit était aussi paradisiaque que les brochures le présentaient, et même si les Jashuriens se doutaient que le Burujoa avait mis les petits plats dans les grands et procédé à un grand nettoyage préalable des zones touristiques, il n’en restait pas moins que le territoire était d’une beauté à couper le souffle, tant et si bien que l’on ne pouvait que souligner le contraste entre la sérénité du lieu et l’importance du sujet qui allait être traité dans les prochains jours.

La délégation jashurienne était composée, chose peu courante, de la Première et de la Quatrième Ambassadrice, ainsi que de quelques membres du Cercle Intérieur, dont le sympathique et débonnaire Nantipat Sisrati, ainsi que de la ministre de la Défense, dame Patcharee Somsak. Il n’était pas courant que le Cercle Intérieur se déplace à l’étranger pour représenter les intérêts du Jashuria, mais la situation exigeait que le pays sorte de sa réserve habituelle pour marquer l’évènement avec toute la gravité qu’il revêtait. La situation était suffisamment grave pour que les Jashuriens envoient deux ministres, en complément des deux Ambassadrices, ainsi que d’un aéropage de plumitifs, juristes et avocats en tous genres, adossés à une horde de conseillers stratégiques.

La délégation jashurienne s’affairait à deux choses : se détendre et discuter en marge de la grande réunion des pays du Nazum. Tairopototo était suffisamment grande pour que la délégation puisse passer du bon temps sans être dérangée, mais surtout, elle permettait des apartés avec les représentants des autres délégations. Pendant que certains étaient occupés à la plage, les autres passaient leurs journées dans les salons ventilés des hôtels ou des retraites côtières à engager les discussions préliminaires avec les officiers politiques des autres pays. L’enjeu pour le Jashuria était de connaître les positions des différents pays et les leviers sur lesquels jouer avant même que les discussions officielles ne commencent. Ce n’était pas spécifique au Jashuria … tout le monde faisait de même, tant et si bien que l’essentiel serait réglé avant même que le coup d’envoi de la conférence ne soit lancé. Par petits groupes, les conseillers politiques jashuriens déclenchaient des réunions avec les autres conférenciers, remplissant avec frénésie les agendas des représentants. Collectant les doléances, les besoins et les récriminations des différentes délégations, les conseillers jashuriens s’assuraient ainsi de « prendre le pouls » de cette extraordinaire réunion, la première depuis des décennies. Peu se souvenaient des tentatives des années 50 pour réunir autant de nations du Nazum en un seul et même endroit, et il avait fallu toute l’influence politique du Burujoa et les récentes actions du Fujiwa pour rendre ça possible … possible et nécessaire ! Car le Nazum entendait désormais régler ses problèmes sans l’intervention d’une quelconque nation eurysienne … Et des problèmes, le Nazum en avait des tas, quand bien même les organismes de relations publiques travaillaient nuits et jours pour présenter le continent comme une terre d’opportunités. Entre la guerre civile ramchoure, la fin de la guerre civile phenn gamn, ou encore la chute du régime crypto-marxiste sud-kazumien et les incidents comme la crise des missiles poétoscoviens, il ne se passait pas une semaine sans qu’un fou descende du bus et ne se mette à agiter ses missiles ou son armement flambant neuf sous le nez de ses voisins, s’étonnant par la suite que ceux-ci prennent la mouche ! Le Jashuria ne pouvait pas être partout, à éteindre des feux … D’où l’idée des Accords de Sokcho, porté par plusieurs pays ayant décidé de mettre de côté leurs différends idéologiques et territoriaux pour essayer de créer une ère de prospérité commune.

Malheureusement, les Accords de Sokcho avaient été frappés en leur cœur par l’un des plus augustes membres de cette organisation naissante. Cette félonie devait être réglée rapidement, afin que le sud du Nazum retrouve son calme. Le risque était de laisser la blessure s’infecter et que la maladie ne gangrène les Accords eux-mêmes, à l’heure où le Jashuria n’avait jamais été aussi près de pouvoir lancer son projet de réseau ferroviaire continental. La position de la République des Deux Océans était claire : maintenir les Accords de Sokcho, trouver une résolution à la crise du Fujiwa et relancer les Accords avec la proposition d’un élargissement à de nouveaux pays du Nazum, afin de consolider la paix dans la péninsule. Malheureusement, tout ceci était plus facile à dire qu’à faire et bien que le Jashuria ait confiance dans la plupart des participants à cette réunion, chaque pays pouvait tenter de tirer son épingle du jeu, quitte à compromettre cette volonté de paix.

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