Posté le : 14 août 2025 à 00:43:57
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Salle de presse de la Chancellerie Impériale, Rynaxia — 23 avril 2017, 16h00L’air est lourd, pas seulement à cause des projecteurs braqués sur l’estrade, mais aussi à cause de la tension politique qui flotte dans toute la capitale. Depuis la dissolution de l’Assemblée Populaire Rynaxienne en janvier, la ville vit au rythme des rumeurs et des spéculations. Les journalistes s’installent dans un silence ponctué de chuchotements nerveux, vérifiant leurs micros et échangeant des regards rapides. La rumeur du jour — et qui brûle sur toutes les lèvres —, c’est la fuite d’un document du Palais Impérial laissant entendre que l’Empereur Marwan Ier souhaite bel et bien réformer la Constitution pour réduire l’influence du Volksgebäude dans la future APR.
Au fond de la salle, une rangée de gardes du Corps des Rappasse de Rynaxia, en uniforme sombre, surveille l’assistance. Sur les pupitres des journalistes, on reconnaît les logos : Le Soleil Impérial, La Voix d’Adrien, La Couronne Légitime, La Montagne Libre, La Tribune des Gouvernés, Asfalte Aujourd’hui, L’Écho des Fidèles, La Raison du Peuple, Lutherien Observateur, ainsi que quelques médias locaux ou spécialisés.
Un murmure plus fort monte lorsque la double porte s’ouvre. Alycia Zyia, à peine 22 ans, petite silhouette nerveuse dans un tailleur bleu nuit légèrement froissé, avance vers le pupitre. Elle tient une liasse de papiers d’une main, une bouteille d’eau de l’autre. Pas de sourire mondain : ses yeux balaient la salle comme si elle jaugeait une bande de rivaux.
Elle pose sa bouteille, tapote le micro, puis lâche :
— « Bon… On va pas tourner autour du pot. »
Un léger rire nerveux parcourt la salle — c’est typiquement elle.
Déclaration d’ouverture d’Alycia Zyia
« Vous êtes tous là pour entendre ce que le gouvernement a à dire, pas pour m’écouter lire un communiqué soporifique, donc je vais pas faire semblant. On sait tous que depuis trois mois, le pays est en mode machine à rumeurs : la dissolution de l’APR en janvier, les débats sur la représentativité du Volksgebäude, et maintenant la fuite d’un document qui, paraît-il, confirme que Sa Majesté l’Empereur veut retoucher la Constitution. Alors, d’abord, on va remettre les choses dans l’ordre.
Oui, Marwan Ier veut réformer la Constitution. Oui, ça implique de revoir le nombre de sièges attribués à certaines circonscriptions, notamment celles liées au Volksgebäude. Et oui, ça se fera dans le respect de la Constitution actuelle. Je sais que certains se disent : ‘Ah, mais si on change la Constitution pour des raisons politiques, c’est un coup de force.’ Ben… non. C’est comme rénover une maison où les murs tiennent encore, mais où l’électricité est aux normes de 1920. On met à jour pour que ça tienne la route en 2017.
Je sais que dans certains coins — et là je parle pas que de la gauche radicale, hein — on fantasme sur un scénario où l’Empereur se mettrait à écrire la loi tout seul dans son bureau, en fumant un cigare et en rigolant. Franchement ? Arrêtez les films. La réforme passera par un vote populaire, et avant ça, par le Conseil Suprême, le Volksgebäude, et la Chancellerie du Contrepoids. Donc non, personne ne court-circuite personne.
Maintenant, je vais pas vous mentir : oui, cette réforme, elle arrange le Bloc Impérial. Pas la peine de faire semblant de découvrir l’eau chaude. On est au gouvernement, on met en place une réforme qui correspond à notre vision. Mais la différence, c’est qu’on assume et qu’on passe par la voie légale. Vous voulez de la magouille ? Allez chercher ailleurs.
Et pour ceux qui se demandent si c’est ‘démocratique’ : la démocratie, c’est aussi quand la majorité élue prend des décisions, même si ça ne plaît pas à tout le monde. Et ça, je sais que ça gratte certains.
Bref. Je vais pas monopoliser le micro, je sais que vous avez tous envie de jouer au ping-pong avec moi cet aprèm. Posez vos questions, mais sachez que je vais répondre franchement. Si ça choque, tant pis. »
Elle repose ses feuilles, croise les bras, et fixe la salle d’un air qui dit « à vous de jouer ».
1. Camélia Azaselle – Le Soleil Impérial
Camélia se lève lentement, un sourire léger aux lèvres. Tenue élégante, carnet en cuir à la main, elle prend le micro et, sans chercher à dissimuler son ton complice, lance :
— « Madame la Porte-parole, bonjour. Vous avez parlé de la réforme constitutionnelle en insistant sur le respect des procédures. Pouvez-vous préciser quelles modifications concrètes sont envisagées concernant la répartition des sièges, notamment pour les régions à statut spécial ? Et, surtout, comment le gouvernement compte convaincre les électeurs que ce changement ne vise pas à réduire la voix des minorités protestantes ou berbères ? »
Alycia répond sans hésiter, en adoptant un ton presque professoral :
— « Merci Camélia, bonne question, parce qu’on va tuer un mythe tout de suite. On n’est pas là pour ‘réduire’ qui que ce soit. Le problème actuel, c’est que la carte électorale date de l’ère post-guerre civile et qu’elle a été pensée dans un contexte où certaines zones avaient besoin d’une surreprésentation pour être stabilisées politiquement. C’était une bonne idée à l’époque, mais aujourd’hui, ça donne un déséquilibre : certaines circonscriptions, peu peuplées, pèsent autant que des zones densément peuplées. Résultat : la voix d’un électeur de certaines régions pèse deux, voire trois fois plus que celle d’un électeur d’une grande ville. C’est injuste.
Pour les régions à statut spécial comme le GénéralGouvernement ou les Montagnes d’Azérélizia, on va maintenir leur représentativité garantie. Pas touche à ça. En revanche, pour le reste, on harmonise. On veut que chaque voix compte pareil, peu importe le code postal. Et je vous le dis franchement : oui, ça réduira l’avantage disproportionné dont bénéficient certains bastions. Mais ça, c’est pas de la ‘répression politique’, c’est de l’équité démocratique. »
Camélia hoche la tête, prend des notes, et, fidèle à sa ligne éditoriale, ne relance pas de manière hostile.
2. Karima El-Zarouz – La Voix d’Adrien
Karima, cheveux attachés serrés et veste rouge vif, se lève d’un geste brusque. Elle ajuste son micro comme si elle s’apprêtait à lancer un duel.
— « Madame Zyia, vous nous parlez ‘d’équité démocratique’ alors que votre gouvernement maintient un système de vote indirect pour les indigènes. Vous voulez rééquilibrer les voix, mais uniquement pour ceux que le Bloc Impérial considère comme de ‘vrais citoyens’. Vous trouvez ça normal de réformer pour consolider votre pouvoir, mais pas pour donner un vote égal à tout le monde ? C’est pas de l’hypocrisie, ça ? »
Un murmure traverse la salle. Alycia esquisse un sourire en coin, s’appuie sur le pupitre et répond d’un ton sec :
— « Karima, vous avez toujours le chic pour poser des questions avec des mots piégés. Alors, remettons les pendules à l’heure. Le vote indirect pour les citoyens sous régime particulier — oui, les indigènes — est inscrit dans la Constitution actuelle, que je rappelle, a été adoptée après une guerre civile sanglante. C’était une mesure transitoire, prévue pour garantir la stabilité pendant la reconstruction.
Maintenant, est-ce que c’est figé dans le marbre ? Non. Mais est-ce qu’on peut le changer du jour au lendemain, sans préparation, sans structures démocratiques locales solides ? Non plus. Je sais que votre camp adore dire ‘égalité immédiate ou rien’. Mais moi je préfère une égalité qui marche dans la vraie vie plutôt qu’un slogan sur un tract. Quand on donne un droit, on doit s’assurer qu’il soit protégé, respecté et que les institutions soient prêtes. Sinon, ça finit en chaos, et là, tout le monde perd. »
Karima fronce les sourcils, mais Alycia ne lui laisse pas le temps de répliquer et désigne déjà le prochain journaliste.
3. Azenberg Klugger – La Couronne Légitime
Azenberg, costume trois pièces, pince-nez et diction impeccable, se lève. Sa voix grave résonne :
— « Madame la Porte-parole, vous parlez de stabilité, mais en réalité, cette réforme risque de fracturer encore davantage la nation. La suppression partielle des privilèges de représentation pour certaines provinces historiques, notamment à forte population protestante, pourrait être perçue comme une provocation. Est-ce que le gouvernement est prêt à prendre le risque d’ouvrir un nouveau front politique, alors que les tensions communautaires n’ont jamais été aussi vives ? »
Alycia inspire profondément avant de répondre :
— « Monsieur Klugger, je comprends la sensibilité de votre question, mais permettez-moi de dire que la pire chose pour l’unité nationale, c’est de conserver des privilèges électoraux qui ne reposent plus sur des réalités objectives. On ne touche pas aux protections culturelles, juridiques ou religieuses des provinces historiques. On ne touche pas aux droits linguistiques, aux exemptions fiscales, ni aux prérogatives locales. On parle uniquement de représentativité parlementaire, basée sur le principe : ‘un citoyen = une voix’. Ce principe devrait nous unir, pas nous diviser.
Et si certains veulent s’en servir pour rallumer les tensions, alors ce n’est pas la réforme le problème, c’est l’instrumentalisation politique des identités. »
Azenberg plisse les yeux, comme pour retenir une réponse acerbe, mais se rassoit en silence.
4. Lina Corval – La Montagne Libre
Lina, dreadlocks attachées, veste en laine épaisse, lève la main et se lève calmement :
— « Madame Zyia, on a bien compris que la réforme veut harmoniser les voix. Mais qu’en est-il de la représentation des minorités et des causes écologistes ? Vous parlez d’égalité, mais si, après cette réforme, les petits partis disparaissent faute de sièges garantis, on aura une Assemblée encore plus dominée par les grands blocs. Où est la diversité politique dans tout ça ? »
Alycia hausse les épaules :
— « Lina, c’est vrai, le système proportionnel partiel actuel donne un petit coup de pouce aux partis minoritaires. Mais ce n’est pas à l’État d’assurer artificiellement la survie d’un parti. Si vos idées séduisent, elles trouveront un écho dans les urnes. Et si elles ne séduisent pas assez pour décrocher un siège, alors le combat doit être mené sur le terrain, pas par des règles qui vous mettent sur la ligne de départ plus près de l’arrivée que les autres. »
5. Hugo Mernas – La Tribune des Gouvernés
Hugo, lunettes rondes et pile de documents sous le bras, se lève lentement. Sa voix est posée, presque monotone, mais chaque mot est tranchant :
— « Madame Zyia, vous évoquez l’harmonisation électorale comme une simple question de justice arithmétique. Mais techniquement, votre projet implique aussi une modification de la méthode de répartition des sièges à l’Assemblée Populaire Rynaxienne, et donc un changement dans le mode de scrutin. Pouvez-vous nous confirmer si le gouvernement compte passer d’un système mixte à un système entièrement proportionnel ou majoritaire ? Et avez-vous évalué l’impact sur la représentativité globale, notamment pour les courants politiques minoritaires qui ne sont pas vos alliés ? »
Alycia prend une gorgée d’eau, pose son verre, puis répond calmement :
— « Très bonne question, Hugo, mais je vais couper court aux spéculations : non, on ne passe pas à un système 100 % proportionnel ni à un 100 % majoritaire. On garde un système mixte, mais on ajuste le rapport entre les deux. Aujourd’hui, on a 60 % de sièges élus au scrutin proportionnel par circonscription et 40 % au scrutin majoritaire à un tour. Demain, ce sera 50/50. L’idée, c’est de réduire les effets pervers du pur proportionnel — fragmentation, instabilité — tout en évitant l’hégémonie des gros blocs que donne le pur majoritaire. »
Et pour votre question sur l’impact : oui, certains petits partis vont perdre quelques sièges, c’est inévitable. Mais les chiffres montrent qu’aucun courant politique majeur ne sera exclu de l’Assemblée. Et pour être claire : on ne légifère pas pour favoriser nos alliés. On légifère pour que l’Assemblée soit gouvernable. Ce qui, je le rappelle, est dans l’intérêt de tous, même de ceux qui aiment nous critiquer. »
Hugo hoche la tête, satisfait d’avoir obtenu une réponse technique claire, mais note tout de même avec soin.
6. Djaffar Houssine – L’Écho des Fidèles
Djaffar, barbe taillée et costume sombre, se lève d’un air solennel. Sa voix est grave, son ton religieux, presque prêcheur :
— « Madame Zyia, vous parlez de représentativité et d’égalité des voix, mais vous oubliez que certaines communautés, notamment musulmanes, se battent encore pour avoir une représentation digne dans cette Assemblée. Or, vos ajustements risquent de diluer encore leur voix. Je vous le demande clairement : est-ce que cette réforme prend en compte la nécessité de préserver une voix forte pour les croyants dans un État qui se dit laïque mais qui, dans les faits, marginalise la foi ? »
Un léger murmure parcourt la salle. Alycia prend un ton ferme, mais mesuré :
— « Djaffar, je vais être très franche : notre État est laïque, et la laïcité, ça veut dire qu’aucune religion n’a de privilège politique institutionnalisé. Mais ça ne veut pas dire que les croyants sont mis de côté. Les musulmans, les chrétiens, les juifs, les athées… tous ont la même voix au vote. Ce qu’on harmonise, ce n’est pas la religion, c’est la taille des circonscriptions.
Et puis, soyons honnêtes : la représentation musulmane à l’Assemblée n’est pas faible. Les chiffres sont là. La question, c’est de savoir si on veut un Parlement organisé par équilibres communautaires ou par équité citoyenne. Moi, j’ai choisi la seconde option, et c’est celle qui garantit la paix civile à long terme. »
Djaffar reste impassible, mais son stylo s’agite sur son carnet.
7. Thomas Elberg – La Raison du Peuple
Thomas, cheveux poivre et sel, veste en tweed, se lève avec un air légèrement méprisant. Il attaque d’un ton sec :
— « Madame Zyia, vous parlez d’égalité et de démocratie, mais en vérité, cette réforme n’est qu’un outil pour verrouiller encore plus le système en faveur du Bloc Impérial et de l’Empereur. Vous avez le culot de parler de représentativité, mais les citoyens n’ont toujours pas la possibilité de saisir le Conseil Constitutionnel directement. Vous trouvez ça normal qu’en 2016, dans un État qui se prétend moderne, les droits fondamentaux soient filtrés par les institutions au lieu d’être accessibles à chacun ? »
Alycia lève un sourcil et répond avec un demi-sourire ironique :
— « Thomas, vous et moi, on sait très bien que si chaque citoyen pouvait saisir le Conseil Constitutionnel directement, on passerait nos journées à traiter des recours fantaisistes ou purement militants. C’est pour ça que la saisine est encadrée. Est-ce que ça va évoluer un jour ? Peut-être, mais pas avec cette réforme. Et je vous rappelle qu’il y a déjà plusieurs voies légales pour contester une loi ou un décret. On n’est pas dans un État où les droits fondamentaux sont en option, malgré ce que certains aiment répéter pour faire vendre leurs journaux. »
Thomas lâche un petit rire sarcastique et se rassoit, sans lâcher Alycia du regard.
8. Marta Von Krüg – Lutherien Observateur
Marta, silhouette austère et cheveux tirés, se lève avec un dossier épais. Sa voix est tranchante :
— « Madame la Porte-parole, vous dites que les provinces historiques protestantes ne perdront pas leurs protections culturelles, mais la réforme réduit quand même leur poids politique au Parlement. Vous savez comme moi que, dans l’histoire récente, chaque fois qu’on a affaibli la voix des protestants, ça a mené à des tensions. Comment pouvez-vous garantir que cette fois-ci, ça ne dérapera pas ? »
Alycia répond sans se démonter :
— « Madame Von Krüg, je peux garantir une chose : on ne touche pas à la liberté religieuse, ni aux droits spécifiques des provinces protestantes. On parle uniquement de rééquilibrage électoral. Et si l’histoire récente nous apprend quelque chose, c’est que ce qui met vraiment le feu aux poudres, c’est l’impression que certains citoyens ont plus de poids que d’autres. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les archives de vos propres journaux. »
Marta serre les lèvres et s’assoit, visiblement contrariée.
9. Karim Delva – L’Œil Rouge
Karim, blazer rouge vif et sourire carnassier, se penche sur son micro comme un boxeur prêt à frapper :
— « Madame Zyia, je vais être direct : vous avez été nommée par l’Empereur, vous êtes une figure montante du Bloc Impérial, et pourtant vous prétendez incarner l’indépendance et la neutralité. Qui pensez-vous tromper exactement ? Cette réforme n’est-elle pas tout simplement un cadeau politique pour le Rynax, qui lui permettra de maintenir un contrôle quasi absolu sur l’Assemblée Populaire ? »
Alycia ne cille pas. Elle prend deux secondes pour fixer Karim, puis répond d’une voix glaciale :
— « Karim, votre question est presque touchante par sa simplicité. Oui, j’ai été nommée par l’Empereur, et alors ? Ce n’est pas un crime, c’est la Constitution. Et si vous pensez que servir sous Rynax signifie lui dire ‘oui’ à tout, vous ne m’avez jamais vue en Conseil des ministres. Cette réforme n’est pas un cadeau à qui que ce soit : c’est un outil pour que l’Assemblée fonctionne mieux. Et je vais vous dire une chose : si l’opposition gagnait les élections demain, cette réforme leur servirait aussi. »
La salle réagit avec un mélange de murmures approbateurs et de ricanements.
10. Léa Salvetti – Feu Libre
Léa, cheveux courts et voix coupante, attaque sans préambule :
— « Madame la Porte-parole, vos détracteurs disent que vous maniez mieux la communication que la vérité. Je vais donc vous poser une question simple : avez-vous déjà, oui ou non, envisagé de quitter vos fonctions si cette réforme échouait ? »
Alycia esquisse un sourire ironique :
— « Léa, on dirait que vous voulez déjà m’écrire une épitaphe politique. Non, je n’ai pas prévu de démissionner parce qu’un texte ne passe pas. Ce n’est pas ma manière de travailler. Je ne suis pas ici pour fuir aux premières difficultés, je suis ici pour les affronter. Et si vous voulez vraiment me voir partir, il faudra trouver un motif un peu plus solide qu’un désaccord parlementaire. »
Quelques rires éclatent dans la salle, ce qui fait grimacer Léa.
11. Paolo Granzetti – Vercé
Paolo, s’avance avec une feuille griffonnée :
— « Madame Zyia, certains bruits courent dans les couloirs de l’APR : il paraîtrait que vous auriez promis, en privé, des aménagements spécifiques pour certaines circonscriptions tenues par des alliés du Bloc. Vous pouvez nous dire si c’est vrai, ou est-ce encore un de ces ‘détails’ que vous gardez pour les négociations de couloir ? »
Alycia hausse les sourcils, amusée :
— « Paolo, les rumeurs sont gratuites, et les preuves sont chères. Si quelqu’un a la moindre preuve que j’ai promis quoi que ce soit à qui que ce soit, qu’il la publie. En attendant, je vais vous épargner les ragots d’arrière-salle : la carte électorale sera revue selon des critères publics et objectifs. Et non, je ne fais pas de cadeaux électoraux. Je laisse ça aux romanciers politiques. »
Paolo hausse les épaules, mais note la phrase pour la réutiliser.
12. Yasmina Ould-Bachir – L’Indépendant de l’Atlas
Yasmina, foulard coloré et regard brûlant, se lève en serrant son carnet :
— « Madame la Porte-parole, je viens de la région de Tazgurt. Chez nous, on sait déjà que cette réforme va réduire notre nombre de députés. Vous pouvez enrober ça comme vous voulez, mais ça reste une perte de voix pour une région déjà délaissée par la capitale. Comment comptez-vous justifier ça à des citoyens qui ont l’impression d’être traités comme une marge statistique ? »
Alycia adoucit légèrement le ton, mais garde sa fermeté :
— « Yasmina, je comprends parfaitement cette crainte. Mais ce que vous appelez ‘perte de voix’ est en réalité un rééquilibrage. Il est vrai que certaines zones vont perdre un siège, d’autres en gagner. C’est mathématique, pas politique. Et croyez-moi, je suis la première à vouloir que Tazgurt ait la place qu’elle mérite dans le développement national. Mais cette place, elle ne se joue pas qu’au Parlement : elle se joue aussi dans les budgets, les infrastructures, l’éducation… et sur ces points-là, je suis prête à me battre pour votre région. »
Yasmina reste silencieuse, mais ses yeux brillent d’une colère contenue.
13. Rémi Vauthier – Le Point Brut
Rémi, lunettes rondes et ton mielleux, commence par un coup bas :
— « Madame Zyia, votre carrière est impressionnante… mais certains affirment que vous n’êtes là que grâce à votre proximité ‘personnelle’ avec un certain ministre. Vous comprenez bien que ça pose question sur votre légitimité… »
Alycia le fixe, immobile, puis lâche :
— « Rémi, votre sous-entendu est aussi élégant qu’un tract anonyme glissé sous une porte. Je vais être claire : je dois ma position à mon travail, pas à ma vie privée. Et si vous tenez absolument à fouiller là-dedans, je vous conseille de le faire avec des faits, pas avec des ragots de comptoir. »
Rémi tente de répliquer, mais Alycia coupe :
— « Et pour que ce soit clair pour tout le monde : ici, on parle politique, pas rumeurs de vestiaire. »
14. Mireille Tavan – Le Cri du Pavé
Mireille bondit sur l’occasion :
— « Donc vous niez toute influence extérieure ? Même celle de l’Empereur lui-même ? Vous voulez nous faire croire qu’un simple Porte-parole peut tenir tête à Rynax ? »
Alycia ricane franchement :
— « Mireille, j’ai déjà dit ‘non’ à l’Empereur, et je suis encore là. Ça devrait vous suffire comme réponse. Si vous voulez, je peux même vous raconter comment il m’a regardée en silence pendant dix secondes… et puis il a dit ‘d’accord’. Croyez-moi, ce poste ne s’occupe pas en se contentant d’approuver tout ce qui vient du Palais. »
15. Jonas Pfeiffer – Le Glas Social
Jonas, carnet à la main, coupe Alycia en plein début de réponse à un autre journaliste :
— « Non mais attendez, c’est faux ce que vous dites ! On sait tous que le SSI surveille aussi l’Assemblée, et que cette réforme pourrait leur faciliter le travail. Pourquoi ne pas l’admettre ? »
Alycia se tourne vers lui, le doigt levé :
— « Jonas, vous ne m’interrompez pas. Première règle. Deuxième règle : le SSI ne dicte pas les lois, et s’il vous plaît, arrêtez de fantasmer des scénarios d’espionnage partout. Cette réforme, c’est de la politique institutionnelle, pas un script de série télé. »
16. Inès Marqual – Libre Asfalte
Inès, voix forte, tente le coup du piège rhétorique :
— « Si vous êtes si sûre que cette réforme est bonne, pourquoi ne pas organiser un référendum national ? Vous avez peur du peuple ? »
Alycia éclate de rire, un rire sec :
— « Inès, je n’ai pas peur du peuple, sinon je ne passerais pas deux heures par jour à répondre à ses représentants élus. Mais un référendum sur ce genre de question technique ? C’est comme demander à tout le pays de voter pour savoir s’il faut changer la taille des freins d’un train. Le rôle du Parlement, c’est justement de se pencher sur ces questions et de voter. Le peuple s’exprime aux élections, et c’est là que tout se joue. »
17. Malik Ferrah – L’Appel des Rues
Malik, ton accusateur :
— « Et si malgré tout, cette réforme passait et affaiblissait la voix des indigènes, que direz-vous aux familles qui vous accuseront de les avoir réduites au silence ? »
Alycia, plus grave :
— « Je leur dirai la vérité : cette réforme ne réduit au silence personne. Elle vise à rendre le système plus efficace. Mais je ne suis pas naïve : je sais qu’il y aura des mécontents. C’est le lot de toute décision politique. Et je serai prête à venir leur en parler en face, sans télé, sans caméra. Parce que c’est ça, faire de la politique : assumer. »
18. Hugo Mern – La Tribune Rouge
Hugo, journaliste militant, se lève brusquement, son micro à la main :
— « Ça suffit, on ne va pas écouter plus longtemps vos mensonges. Tout ça, c’est de la propagande impériale. Nous, on refuse d’être complices. »
Il quitte la salle devant les caméras, théâtral.
Alycia le suit des yeux, puis lâche un sourire :
— « Voilà, mesdames et messieurs, nous venons d’assister à une démission en direct. Ça arrive parfois : certains posent des questions, d’autres préfèrent claquer la porte. C’est la beauté de la liberté de presse. »
Rires étouffés dans la salle. Alycia continue imperturbable :
— « Cela dit, ça nous fait gagner du temps. Donc… question suivante. »
19. Clara Weiss – Le Quotidien Populaire
Clara, jeune et nerveuse, tente de profiter du moment :
— « Madame Zyia, est-ce que vous craignez que ce départ spectaculaire n’alimente l’idée que le gouvernement fuit le débat ? »
Alycia hausse les épaules :
— « Clara, je crains surtout que ce départ alimente le buzz sur les réseaux pendant dix minutes. Ensuite, tout le monde passera à autre chose. Le vrai débat, il est ici, avec vous, pas dans un couloir. »
Incident technique
Soudain, le micro principal grésille, puis tombe en panne. La salle bruisse, certains journalistes soupirent, d’autres filment avec leur téléphone.
Alycia regarde le micro, le prend dans ses mains, et parle plus fort, sans amplification :
— « Pas de panique, on a toujours une voix, même sans technologie. Et je peux vous assurer que je parle suffisamment fort pour être entendue jusqu’au fond de la salle. »
Elle continue sans interruption, improvisant, et un technicien se précipite pour lui apporter un nouveau micro.
Alycia, en reprenant le nouveau micro, glisse :
— « Voilà, retour du son. Comme quoi, même quand la technique nous lâche, le dialogue continue. »
20. Farid Doumar – La Montagne Libre
Profitant du chaos, Farid lance une attaque :
— « Vous voyez bien, tout s’effondre, même le micro. C’est symbolique de votre réforme : une machine qui casse au mauvais moment. »
Alycia éclate de rire :
— « Farid, si vous voyez des prophéties dans un micro défectueux, j’ai hâte de savoir ce que vous interprétez quand il pleut. Plus sérieusement : ce n’est pas un symbole, c’est juste un câble qui fatigue. La différence entre la technique et la politique, c’est que la première tombe en panne… la seconde, on la répare par le débat. »
Événement inattendu
Au moment où elle termine, une coupure de courant plonge la salle dans la pénombre. Les journalistes s’agitent, quelques rires nerveux éclatent.
Alycia, calme, pose ses notes et dit d’une voix claire dans l’obscurité :
— « Mesdames et messieurs, je crois que nous avons atteint le chapitre ‘théâtre expérimental’ de cette conférence. Mais restons concentrés : lumière ou pas, je peux continuer à répondre à vos questions. Qui ose poser une question dans le noir ? »
Une main se lève timidement, des rires parcourent la salle, la tension retombe. Quelques minutes plus tard, le courant revient.
Alycia reprend, sourire aux lèvres :
— « Eh bien, voilà. Même les coupures n’arrêtent pas la démocratie. Continuons. »
21. Karima El-Zarouz – La Voix d’Adrien
Karima reprend la parole, incisive :
— « Madame Zyia, parlons vrai : les indigènes restent citoyens de seconde zone. Stérilets forcés, vote indirect, discriminations dans l’accès à l’emploi… Comment osez-vous appeler ça une démocratie ? »
La salle se tend, les caméras zooment. Alycia respire profondément, fixe Karima, puis répond lentement :
— « Vous posez la question que tout le monde se pose. Oui, il existe encore des régimes particuliers. Oui, ces lois doivent être réformées. Et je ne vais pas prétendre que ça se fera en un jour, ni que tout est parfait. Mais vous savez quoi ? Ce n’est pas en quittant la salle ou en criant au scandale qu’on change la loi. C’est en restant, en débattant, en votant, en construisant. Et moi, je suis là pour ça. »
22. Azenberg Klugger – La Couronne Légitime
Azenberg enchaîne, la voix grave :
— « Mais que se passera-t-il si demain l’Empereur meurt sans héritier direct ? Est-ce que nous replongerons dans le chaos, ou bien l’Empire est-il solide sans lui ? »
Murmures dans la salle. Alycia relève le menton :
— « L’Empire n’est pas une personne, monsieur Klugger. L’Empire, c’est une Constitution, des institutions, un peuple. L’Empereur est son garant, pas son unique pilier. Si demain il devait disparaître — et que Dieu nous en garde —, les institutions prévues prendront le relais. Voilà la différence entre une monarchie fragile et une République impériale solide. »
23. Camélia Azaselle – Le Soleil Impérial
Camélia prend le relais, ton plus doux :
— « Mais alors, madame Zyia, comment rassurer un peuple qui, malgré vos réponses, a peur de l’avenir ? »
Alycia hoche la tête, puis s’adresse directement aux caméras :
— « En répétant ce que je crois profondément : nous ne sommes pas au bord du gouffre. Nous sommes au milieu d’une transformation. C’est toujours inconfortable, c’est toujours angoissant. Mais regardez autour de vous : nous débattons, nous contestons, nous corrigeons. C’est ça, une démocratie vivante. Et moi, je préfère mille fois un peuple qui pose des questions difficiles à un peuple qui se tait par peur. »
24. Dernière attaque – La Raison du Peuple
Un journaliste de La Raison du Peuple se lève et lance brutalement :
— « Alors dites-le clairement : le Service Secret Impérial peut-il vous surveiller, vous, ici, maintenant ? Et si oui… qu’est-ce qui vous distingue d’une dictature ? »
Un silence pesant tombe. Tous attendent la réponse. Alycia garde un long silence, puis répond, posée :
— « Oui, le Service Secret a des pouvoirs étendus. Oui, parfois trop. Mais la différence entre une dictature et notre Empire, c’est que je peux vous répondre ceci, devant des caméras, sans être arrêtée en sortant de cette salle. Parce que le vrai pouvoir, c’est celui du débat public. Et tant que nous parlons ainsi, en face à face, nous ne serons jamais une dictature. »
Conclusion magistrale
Elle pose ses notes, se lève, et s’avance vers le pupitre, voix ferme :
— « Mesdames et messieurs, je vous ai entendus, je vous ai parfois contrés, et vous m’avez mise face à mes contradictions. C’est très bien. Parce que ce n’est pas une mise en scène : c’est une République qui se regarde dans un miroir, même quand c’est difficile. Nous avons encore du chemin, oui. Mais nous ne reculons pas. L’Empire Rynaxien n’est pas une forteresse de silence. C’est une maison bruyante, pleine de débats, de disputes, de passions. Et tant qu’elle tiendra debout, aucune tempête, aucune coupure de courant, aucun micro défectueux, aucune rumeur, ne la fera tomber. »
Elle marque une pause, puis termine :
— « Voilà ce que je voulais vous dire. Merci. »
Tonnerre d’applaudissements mêlés de huées, la salle est en ébullition. Les journalistes se ruent pour envoyer leurs papiers.