La Seconde Fédération était dans un état d’anarchie auquel l’amateurisme du gouvernement transitoire ne changeait rien. Au contraire, les choses s’aggravaient à mesure que s’accumulaient les rapports des Jashuriens sur la table de la Sérénité. Les informations dont disposaient les Jashuriens faisaient état d’un gouvernement transitoire complètement dépassé par ses promesses et les évènements, tant et si bien qu’ils avaient reculé sur la plupart de leurs promesses et s’était laissé balloter par les évènements au point que désormais, on parlait même de rétablir une monarchie constitutionnelle : une hérésie dans la région. Cette situation accablait les Jashuriens, déjà très occupés par les évènements en cours au Fujiwa. Mais il fallait que le Hall des Ambassadeurs reprenne la main sur la situation au Phenn Gamn avant qu’elle ne dégénère totalement.
La Quatrième Ambassadrice avait convoqué le surnommé Jadakan à Agartha. C’est dans les immenses jardins du Hall des Ambassadeurs que la Quatrième Ambassadrice, vêtue d’un sari vert émeraude, reçut celui qui avait aujourd’hui les clefs de la démocratisation du Phenn Gamn. C’était sa promesse et le Jashuria entendait bien à ce qu’il la tienne. Les démocraties ne devaient pas devenir des exceptions au Nazum mais devaient faire progressivement reculer les dictatures qui avaient durant trop longtemps détruit toute perspective d’évolution dans la région.
Les Jashuriens avaient offert de l’aide humanitaire au Phenn Gamn et promis le déploiement d’experts politiques. Les entreprises jashuriennes, quant à elles, commençaient à faire des affaires avec le pays, profitant de l’appel d’air créé par le besoin de reconstruction pour s’implanter et profiter d’une main-d’œuvre plus que volontaire pour améliorer ses conditions de vie et voir les villes se redresser. Il fallait désormais que les Jashuriens s’assurent que leurs investissements finiraient par payer. Après tout, rien n’était totalement gratuit dans la vie. La convocation de Jadakan et de son aéropage politique tombait comme une évidence car il fallait désormais s’assurer que maintenant que le jardin était débarrassé de ses mauvaises herbes, il puisse être labouré et semé afin de produire de belles récoltes.
A l’ombre d’un belvédère centenaire créé par les Fortunéens et conservé dans les jardins du Hall des Ambassadeurs, Dame Mathai accueillit la délégation du Phenn Gamn avec politesse et respect. Ces hommes et femmes s’étaient battus pour leur idéal de liberté et de démocratie. Il fallait désormais leur donner les outils pour qu’ils puissent finaliser l’œuvre d’une vie et redonner à la fédération toute sa splendeur.
« Ministre Jadakan, merci de vous être déplacé pour cette entrevue. Prenez place afin que nous puissions servir le thé et les biscuits. Au nom de la Troisième République du Jashuria, nous tenons à vous féliciter, vous et le gouvernement transitoire, pour la victoire sur les forces communistes et fascistes. Comme vous le savez, la Troisième République du Jashuria s’est montrée comme un soutien indéfectible des forces démocratiques du Phenn Gamn durant la guerre. L’aide humanitaire promise a été livrée. L’aide à la reconstruction a été apportée et est en cours. L’aide politique, elle, reste encore à achever. Je vous ai invité à Agartha, avec votre délégation, afin de discuter plus posément de la manière dont nous pouvons accompagner la transition démocratique de votre pays. Il est nécessaire que les promesses que vous avez pu faire soient tenues, au risque que le peuple ne se retourne contre vous. »
Madame Mathai était accompagnée pour l'occasion d'un aéropage de juristes et d'experts politiques. Nombreux étaient ceux qui pouvaient apporter leur expertise pour le Phenn Gamn, mais pour cela, il fallait absolument que le Premier Ministre autoproclamé se montre assez fort pour pouvoir mener son pays vers la voie de la démocratie. Le Jashuria était prêt à aider, comme à son habitude, mais en toute transparence : rien n'était jamais gratuit.