05/08/2017
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Université Afaréenne des Sciences Politiques Impériales

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Située dans les hauteurs verdoyantes de Kankela, capitale administrative de la région d'outre-mer de Makola, l’Université Afaréenne des Sciences Politiques Impériales (UASPI) domine le paysage au nord-est de la ville tant par son imposant beffroi néo-classique que par son rayonnement intellectuel. Fondée en 1882 sous l'autorité directe du gouverneur colonial de l’époque, elle fut initialement conçue comme un outil de professionnalisation des cadres administratifs, destinés à renforcer la gestion coloniale selon les standards nordistes. Cette vocation technocratique a peu à peu, au fil de l'évolution politique et l'évolution des mentalités au sein de la société, ainsi que par réalisme économique, administratif et stratégique, laissé place à un idéal et une nécessité plus large d’émancipation et de participation des populations locales, à mesure que les peuples afaréens ont intégré puis investi les institutions impériales et que les cadres venant de métropole étaient dépassés.

Dès les années 1930, l’université s’ouvre aux étudiants autochtones, souvent issus des élites marchandes, politiques ou cléricales afaréennes du fait des frais d'université encore hauts et d'un plafond de verre, avant de s’ouvrir pleinement dans les années 1960, avec la réforme universitaire égalitaire menée par l’empereur Michael IV et l'ouverture de bourses étudiantes plus importantes. Ces réformes, tout en consolidant un désir d’unité impériale en temps troubles de décolonisation, ont permis à l’UASPI de devenir un fer de lance de la formation des élites locales et une pépinière d’excellence pour l’ensemble des institutions publiques de l’Empire du Nord.

Aujourd’hui, l’université accueille chaque année près de 25 000 étudiants, venus de tout l’Empire et au-delà et a la spécialisation d'enseigner en volume horaire égal en nohord et en swahili. Environ 65 % des étudiants sont originaires du continent afaréen, 15 % proviennent de la métropole aleucienne, et les 20 % restants se répartissent entre étudiants étrangers. Cette diversité se retrouve dans les amphithéâtres comme dans les associations étudiantes bilingues (nohord et swahili, les deux langues étant utilisées et enseignées) et très actives sur les plans culturel, artistique et politique, notamment via les partenariats étudiants avec les nations afaréennes et les partenariats au sein du Forum de Coopération d'Afarée du Nord. De nombreux hauts administrateurs, collaborateurs gouvernementaux, diplomates, secrétaires d'État et députés locaux y sont passés.


L’Université Afaréenne des Sciences Politiques Impériales est réputée pour ses quatre écoles principales et ses formations d'excellence :

  • L’École des Affaires Internationales et Diplomatiques (EAID) : Elle ouvre la voie aux étudiants d'être formés dans le but de devenir de futurs diplomates, gouverneurs, et attachés politiques de l’Empire. L’école entretient des liens étroits avec le Ministère des Affaires Étrangères, l’Organisation des Nations Démocratiques et le Forum de Coopération d'Afarée du Nord.

  • L’Institut des Études Stratégiques, Historiques et Morales (IESHM) : Filière célèbre pour ses travaux importants de recherches historiques et d'ouvrages critiques sur la période coloniale, mais aussi d'ouvrages sur l'histoire locale précoloniale, sur l'évolution des territoires, etc. Elle forme historiens, analystes et experts en géopolitique impériale. Il est également reconnu pour ses conférences sur la « Pax Nordica ».

  • La Faculté de Droit Public et Constitutionnel (FDPC) : Faculté prestigieuse, elle forme chaque année de nombreux magistrats et juristes de haut niveau, souvent appelés à siéger dans les juridictions impériales. Ses élèves travaillent partout dans l'Empire et certains ont siégé à la Cour Suprême Impériale.

  • Le Département des Langues et Civilisations Afaréennes (DLCA) : Le département est un haut lieu de recherche linguistique et ethnographique, il est l’un des rares à offrir un cursus complet en langues locales autre que le Swahili comme le kasyan, les dialectes montaniques de l’Hinterland. Il enseigne sur les cultures locales enseigne, les cultures formant encore la mosaïque clanique des territoires autonomes de l'arrière pays.


  • Le campus, inspiré des modèles métropolitains classiques, mêle bâtiments coloniaux rénovés et dépossédés d'une grande partie des symboles de l'ordre colonial, tours modernes et jardins suspendus d’inspiration sub-sahrienne et parfois nord-afaréennes (l'Althalj usant le terme Sahra, nous le déclineront ainsi). Le dôme blanc de la bibliothèque impériale, inscrit au registre du patrimoine universitaire, abrite plus de 4 millions de volumes et manuscrits, dont plusieurs traités fondateurs de la doctrine constitutionnelle impériale mais est surtout l'une des plus grandes sources d'ouvrages locaux et d'archives précoloniales.

    La Tour Ténébarque, emblème de l’université, est surnommée "le phare du Nord" : c’est de là que sont prononcés les discours de rentrée, souvent retransmis dans tout l’Empire. À ses pieds s’étend la Place de l’Union, vaste esplanade où se croisent étudiants, débats et évènement qui témoignent de la vitalité étudiante et dans un autre mesure locale.
    Des travaux de rénovations et d'agrandissement sont prévus et ont été planifiés de sorte à varier le style architecturale et à ce qu'après les bâtiments néoclassiques, coloniaux rénovés pour conserver cet héritage historique, les nouveaux bâtiments qui viendront s'ajouter soient un style architectural rendant hommage aux patrimoines locaux.



    Les anciens élèves de l’UASPI — surnommés les "Auréens" — occupent aujourd’hui des postes clés dans l’administration impériale et surtout l'administration locale, les chancelleries de l’OND, les consulats afaréens, mais aussi dans les mouvements civiques, les ONG et la diplomatie humanitaire. Elle est classée 4ᵉ au classement académique impérial 2024, derrière l’Université Impériale d’Aleucia, la Faculté d'Empire du Savoir et le Collège Diplomatique de Lysée. Elle est un centre d'attraction important des territoires d'outre-mer de l'Empire sur le continent et même au sein du pays dans son entièreté.

    Par sa production intellectuelle, son importance de la vie locale et le tissu social et économique ainsi son prestige académique, l’Université Afaréenne des Sciences Politiques Impériales est perçue comme un modèle d’intégration réussie entre l'héritage impérial et la mise en valeur des cultures locales initiées depuis le début de la décennie. L'Empire souhaite faire de l'UASPI la vitrine de la "Maison commune" qu'il défend.
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    Maison commune et identité afaréenne


    Université Afaréenne des Sciences Politiques Impériales — Institut des Études Stratégiques, Historiques et Morales

    Essai universitaire présenté par M. Ikena Zoubéra
    Sous la direction du Professeur Alouine Tébal

    ~ Version en langue nohord, existe en swahili ~



    Introduction


    La décennie écoulée dans notre monde ainsi que l'année la précédent a transformé profondément la place des territoires d’outre-mer afaréens au sein de l’Empire du Nord et de l'Empire dans le monde. Ces deux réalités et évolutions sont profondément liées et agissent l'une sur l'autre. Ce n'est d'ailleurs pas que la place de ces entités, mais aussi leur fonctionnement, leurs forces, leurs faiblesses et leurs rôles dans un ordre mondial en changement profond et rapide. Secoués par les héritages d’un passé colonial souvent douloureux, mais aussi par les tumultes régionaux contemporains liés à l'instabilité chronique de la région, la multiplication des conflits, la complexification des menaces dans le cadre du progrès technologique et de la mondialisation, des réveils identitaires dans certains endroits de ce monde et des menaces lourdes sur le modèle démocratique, ces territoires se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins : entre la promesse d’un avenir commun réformé, volonté d'une réappropriation culturelle locale, croissance économique, enjeux climatiques, mirages dangereux d’une indépendance agitée et volonté légitime d'autonomie. Cet essai universitaire se propose de retracer les dynamiques de cette évolution, de démontrer la singularité du modèle impérial rénové et d’en exprimer les valeurs, les forces, les vulnérabilités et les erreurs face aux ingérences extérieures et aux idéologies de rupture, tout en émettant des pistes de réflexions sur l'avenir de ces territoires.

    Ceux-ci, au nombre de deux — Owenbo et Makola — forment ensemble un espace cohérent sur le plan géographique et administratif : environ 36 000 kilomètres carrés de terres continues, près de quatre millions d’habitants, une structure administrative articulée en huit départements, tous insérés dans une réalité régionale complexe et marqué par des dynamiques sociales modernes et historiques proches, mais jouissant d'une grande diversité culturelle issue d'une mosaïque clanique et tribale encore existante aujourd'hui, notamment au sein des "territoires préservés" où cette mosaïque native jouit d'une autonomie très importante et de législations spécifiques. Ces huit départements sont regroupés au sein d'un statut actuel qui est celui de deux régions impériales dotées de compétences renforcées et d'une autonomie plus large que les divisions administratives (seigneuriales) aleuciennes et leur trajectoire s’enracine dans un passé complexe et riche, tant avant la colonisation, que pendant et maintenant.

    La présence nordiste en Afarée débute à la fin du XVIIIᵉ siècle sous la forme de comptoirs commerciaux ordonnés par la métropole aleucienne dont les nordistes étaient encore sujets au sein des colonies aleuciennes et de contacts sporadiques principalement marchands. Elle prend véritablement corps au milieu du XIXᵉ siècle avec la création de l’Afarée Occidentale Nordiste, vaste colonie couvrant alors non seulement l’Owenbo et le Makola, mais aussi l’actuel Tanin’Vody et l’ancien Kumasi. À son apogée, ce territoire représentait une superficie équivalente à une fois et demie celle de la métropole aleucienne de l’Empire, témoignant de l’ambition impériale de l’époque et des logiques d’exploitation qui y furent à l’œuvre ainsi que de la course globale à la colonisation, à la domination maritime, commerciale et industrielle de l'époque qui préfigura les tensions de la fin de la Pax Caratradica et des guerres qui en ont résulté puis de l'augmentation significative de la puissance impériale qui pu porter sa marine au même niveau que celle du Royaume-Uni d'Ynys Dyffryn et du Kentware et de la République du Tanska durant la Conférence navale d'Estham et étendre ses terres coloniales en Afarée et au Nazum ainsi qu'aux terres nivéro-paltoterranes.

    À la fin du XXᵉ siècle, l’Empire du Nord, confronté à la montée des mouvements de libération et aux pressions internationales, engage une décolonisation progressive, forcée et abandonne en premier lieu ses colonies nivéro-paltoterranes dans un calme relatif, puis les possessions nazumies entre négociations pacifiques et conflits en fonction du territoire. En Afarée, celle-ci est jalonnée de conflits indépendantistes, de guérillas rurales, d’épisodes de répression, mais aussi de processus consultatifs et de négociations. La situation est là aussi très variable d'un territoire à l'autre. Les référendums organisés dans les années 1960 et 1970 actèrent la séparation de plusieurs entités et la naissance de nouveaux statuts. Mais Owenbo et Makola, à contre-courant des aspirations sécessionnistes régionales et compte tenu des différences de traitement entre ces territoires et les autres au cours de l'histoire coloniale, choisirent de rester dans l’Empire, affirmant une volonté d’appartenance tout en réclamant des garanties nouvelles quant à leur autonomie.

    Ce choix, réaffirmé à plusieurs reprises au fil des décennies, ne signifie pas l’absence de tensions. Ces territoires portent encore les séquelles du passé : retard économique relatif qui tend à se résorber au fil des années et des projets, défiances politiques résiduelles de quelques poches de contestations mineures, inégalités sociales marquées, mais elles aussi en réductions, quête de reconnaissance culturelle, etc. Mais ils sont aussi le théâtre d’expérimentations institutionnelles innovantes, de réappropriations mémorielles, de mobilisations citoyennes et artistiques, de politiques éducatives audacieuses et d'un assentiment impérial tacite pour ces expérimentations, permis par son alliance avec le Parti du Renouveau Afaréen (PRA), première force politique de ces territoires et parti loyaliste de gouvernement aux côtés du Parti du Soutien Impérial (PSI).

    Ces territoires sont toutefois aujourd’hui exposés à des menaces croisées : instabilité géopolitique régionale, ingérences idéologiques venues d'États voisins ou d’acteurs transnationaux, changement climatique, pressions migratoires, discours minoritaires radicaux contestant le cadre impérial rénové. Loin d’être figée, la situation locale est donc en mouvement. Elle appelle à une analyse rigoureuse, nuancée, informée par les sciences politiques, l’histoire et l’éthique publique.

    Ce mémoire, rédigé dans le cadre du master d’Études Stratégiques, Historiques et Morales de l’Université Afaréenne des Sciences Politiques Impériales, entend ainsi explorer cette zone d’intersection entre héritage colonial et projet post-impérial. En examinant l’évolution institutionnelle, les tensions internes, les aspirations culturelles et les défis contemporains auxquels font face Owenbo et Makola, il vise à comprendre la singularité de leur position dans l’espace impérial et à évaluer, à travers une perspective critique, la validité et la fécondité du modèle de la « maison commune ».


    Chapitre Premier
    Héritages et traumatismes : une mémoire coloniale

    Les territoires d’outre-mer afaréens furent longtemps soumis à une domination coloniale qui, bien que discontinue selon les époques, laissa des traces profondes. Les violences, l’exploitation des ressources, l’infériorisation culturelle dans beaucoup de zones, la destruction partielle de structures sociales traditionnelles sont autant de stigmates qui pèsent sur les mémoires collectives. Les mouvements indépendantistes nés dans les années 1940-1950 durant une période d'affaiblissement de l'Empire, de tensions politiques en métropole, puis qui s'étirèrent jusqu'aux derniers conflits dans les années 60, ont légitimement contesté cette domination, mais dans ces régions précises de l'Owenbo et du Makola, les populations qui furent avantagées durant l'ère coloniale votèrent majoritairement pour rester dans l’Empire, exprimant déjà à l’époque une volonté de réformer de l’intérieur plutôt que de rompre, une conscience des avantages de rester dans l'Empire et ne se sentant pas proches des pays indépendants qui émergeaient et qui revendiqués ces territoires.


    La colonisation afaréenne par l’Empire du Nord s’est faite de manière progressive, étalée sur près de deux siècles, entre 1812 et 1980, avec des interruptions, des reculs et des redéploiements tactiques, au gré des équilibres internationaux et des résistances locales. Initialement, l’expansion impériale nordiste en Afaré fut motivée par des considérations commerciales : contrôler les routes du caoutchouc, de l’or brun, du bois dur, mais aussi sécuriser les ports en eau profonde de la côte sud-ouest afaréenne, vitaux pour les escadres impériales en route vers l'océan des Perles.

    Les premières implantations, telles que Port-Mézen (aujourd'hui Kankela), le Fort de Cormac (péninsule sud de la région) et l’Enclave du Haut-Oumbé, furent établies sous la forme de protectorats commerciaux ou de concessions à bail avec des rois ou chefs tribaux achetés grâce au commerce et au soutien militaire impérial. Progressivement, des accords se déroulant sans violence et par intérêts en premier lieu, puis coercitifs par la suite, furent signés, parfois à la suite de micro-conflits dits « pacificateurs », entre les autorités impériales et des coalitions tribales. Ainsi, dans cette région (car nous ne parlerons ici en Afarée que de l'Afarée Occidentale Nordiste), l'Empire forma un tissu des relations locales et un réseau d'influence, de protection et de commerce qui, en laissant la majorité des terres officiellement indépendante, lui assurait un contrôle significatif et une quasi souveraineté aux yeux d'autres puissances occidentales. Entre 1853 et 1884, cette stratégie du grignotage fut principalement économique et diplomatique mais devint dans le cadre de cette course à l'Afarée et des rivalités croissantes entre les puissances colonisatrices, une extension géopolitique plus dure.

    À partir de la seconde moitié du XIXᵉ siècle, l’Empire du Nord entra dans une compétition latente avec les empires coloniaux du Caratrad, du Brod Flor, du Tanska, de Zélandia, de Fortuna, de Teyla et dans une moindre mesure de Stérus, pour le contrôle de nombreuses terres sur le globe mais surtout de l’Afaré et plus particulièrement de l'Afarée sub-sahrienne. La zone du fleuve Densaré (proche de la frontière antegrines actuelles) vit éclater plusieurs incidents armés entre détachements impériaux et troupes étrangères. Ces incidents qui n'étaient pas isolés seulement dans cette région et qui se multipliaient dans le monde, conduisirent à des discussions internationales sur la colonisation, plus particulière la colonisation afaréenne, lors du congrès de Eberstadt (1890) et la conférence d’Eisenbrand (1896-1897) au Brod Flor.

    Durant celles-ci, les puissances coloniales fixèrent les lignes de partage du continent afaréen sans consultation des peuples autochtones. L’Empire du Nord obtint les zones sous influence pourpre : les plateaux de Tounka, le Haut-Oumbé, les côtes sud de la région, les côtes sur le Golfe d'Émeraude allant de la Vice-Royauté du Gondonius (empire colonial des Trois-Nations) jusqu’aux Royaumes unis d'Antegrad ainsi que les territoires entre ces deux côtes, les côtes allant du sud de l'Antegrad jusqu'au Gondo et s'étendant dans les terres jusqu'aux forêts centrales de Banékadie. Ce découpage artificiel favorisa l’éclatement de nombreuses confédérations tribales existantes et entérina l’établissement d’une domination militaire et administrative formalisée au sein de l'Afarée Occidentale Nordiste.


    L’administration coloniale mise en place par l’Empire fonctionnait selon des modèles divers au sein de cette Afarée Occidentale Nordiste. En fonction des secteurs, il pouvait se trouver, et ce de manière la plus courante, une administration centralisée, bureaucratique et hiérarchisée, avec une présence forte de ce qui était appelé à l'époque le Ministère de la marine et de l'empire extérieur, mais il pouvait aussi se trouver dans les territoires favorisés et privilégiés par l'Empire, des gouvernances plus locales autour de Préfectures coloniales donnant la part belle aux autorités locales loyales à l'Empire. Chaque secteur de l'Afarée Occidentale Nordiste était dirigé par un Gouverneur impérial, assisté d’un Conseil administratif composé de colons et de chefs locaux coopérants. Ce système produisait une surcouche institutionnelle étrangère aux réalités locales, fondée sur une vision paternaliste qui se voulait << civilisatrice >> : les peuples afaréens qui n'ont pas accueillis favorablement l'Empire étaient considérés comme des mineurs politiques, à « éduquer » par la civilisation impériale en dirigeant pour eux. Les autres peuples qui avaient été favorables à l'Empire étaient considérés comme des peuples raisonnés et raisonnables possédant un développement civilisationnel supérieur aux autres peuplades et furent favorisés et privilégiés. Ces peuples et communautés avaient une autonomie accrue et pouvaient gérer leurs territoires comme ils l'entendaient sous supervision impériale. L'administration impériale maintenait l'ordre, finançait des infrastructures, collectait un pourcentage de la production pour l'entretient de ses armées et son commerce, et travaillait avec les communautés locales lorsqu'elle avait besoin de construire une garnison, un chemin de fer, donner une exploitation ou des technologies, etc.

    Des missions d’assimilation culturelle furent mises en place dans les territoires les plus rebelles, à savoir les territoires du Tanin'Vody de l'est et le Kumasi central, notamment à travers l’école coloniale, où l’usage des langues autochtones était proscrit contrairement aux territoires favorisés qui étaient libres de pratiquer leurs langues en plus d'un parler commun pour communiquer avec le reste de l'Empire. L’histoire, la religion, les coutumes locales furent systématiquement réécrites, édulcorées ou dénigrées dans ces régions récalcitrantes. Le clergé nord-impérial joua également un rôle central, avec la conversion partielle ou presque totale de certains groupes à une foi modifiée et réinterprétée, souvent syncrétique, utilisée pour mieux ancrer la présence impériale.

    Il saute aux yeux donc, que la différence de traitement entre les régions de l'Owenbo et du Makola ainsi que la péninsule sud de la région de l'ancien Kumasi, et le reste de l'Afarée Occidentale Nordiste. Dans ces régions favorisées, les communautés continuaient de gérer leurs territoires avec une présence coloniale peu contraignante, durent apprendre le nohord pour communiquer avec le reste de l'Empire mais ne furent pas contraints à abandonner cultures et langues , et disposèrent des avantages d'un enrichissement par le commerce colonial et l'appuie des troupes impériales. Bien-sûr, il y eu des exemples de violences, mais très isolées et lourdement punies dans ces terres. A l'inverse, les régions peu favorables à la présence coloniale subirent une occupation bien plus brutale où des répressions armées causèrent un nombre important de morts, où des pillages eurent lieu, où les langues locales furent interdites et leur usage réprimé, de même que pour certaines traditions.

    Avant la colonisation, les territoires afaréens formaient une mosaïque fluide de tribus, de confédérations, de royaumes itinérants, de cultes territorialisés et de réseaux marchands, parfois en conflit, parfois en paix. L’imposition de frontières rigides, de recensements ethnographiques réducteurs et de chefferies cooptées pour l’administration transforma durablement les dynamiques sociales. Certaines régions furent épargnées comme nous l'avons expliquées et d'autres furent démembrées de leurs structures précoloniales.

    Certains groupes, comme les Tensouks des plateaux du Tounka ou les Darnéas du littoral, bénéficièrent d’une forme de promotion administrative, tandis que d'autres, comme les Korbos du fleuve Dzélé, furent déplacés, marginalisés ou accusés de subversion. La colonisation créa des hiérarchies ethniques artificielles, souvent fondées sur des critères d’utilité économique, de docilité perçue ou de proximité linguistique que causèrent d'important dommages à certains peuples et que d'autres peuples accueillir avec intérêt. Les peuples locaux étaient régulièrement en rivalité avant la colonisation nordiste, et certains qui furent avantagés ont été très satisfaits de cette situation.

    Au fil du temps, une classe intermédiaire de fonctionnaires afaréens impérialisés émergea — alphabétisée, insérée dans les circuits économiques coloniaux, prospère et éduquée, mais coupée des traditions anciennes pour certaines régions. Ce groupe fut à la fois un relais de l’administration et, paradoxalement, un des creusets du militantisme postcolonial dans plusieurs secteurs.


    L’Empire du Nord entreprit d'importantes infrastructures économiques dans ses colonies afaréennes : ports, routes de pénétration, lignes de chemin de fer, centres d’extraction, plantations industrielles. Ces avancées pour son économie et l'économie de certaines communautés au détreiment d'autres, étaient néanmoins entièrement tournées vers l’économie de rente : cacao, coton, minéraux rares, bois exotiques. Les populations locales furent soumises à des systèmes de travail forcé, de corvées obligatoires ou de salariat contraint, encadrés par la maréchaussée coloniale et des contingents militaires. Ce système de travail forcé fut déployé dans les mêmes régions que celles où l'administration coloniale imposait la culture nordiste et réprimée la contestation, mais ne fut que très peu importé dans les régions favorisées dont l'activité économiqe était encore aux mains des communautés locales, seulement ponctionnée de taxes, souvent bien moins importante que dans d'autres endroits de l'Empire.

    Dès 1901, l’Empire créa les Légions Coloniales, unités locales placées sous commandement impérial, utilisées pour mater les révoltes, surveiller les routes et participer aux guerres étrangères. De nombreux vétérans afaréens combattirent sous bannière impériale durant la Guerre de Brod Flor aux côtés de Caratrad et ses alliés. Ces légions formèrent à leur maximum 380'000 soldats dans toute l'Afarée durant la Guerre de Brod Flor.


    La période coloniale fut marquée par de nombreux crimes et traumatismes collectifs : villages rasés, déplacements de populations, famines, répressions sanglantes des révoltes de 1913, 1928, 1946 et 1959. Cette même période vit aussi naître les premiers hôpitaux modernes civils, les premières universités afaréennes qui s'ouvrirent peu à peu aux locaux, des centres artistiques métissés après les années 40, et une élite intellectuelle autochtone qui allait s’emparer de la parole publique à partir des années 1950.

    C’est précisément dans cette ambivalence que s’enracine la mémoire complexe des populations concernées. Si une partie de l’élite indépendantiste appelait à la rupture, une autre appelait à la réforme mais à la défense de l'Empire. Des communautés avaient pris les armes, et dans la majeure partie de l'Empire, la volonté de l'indépendance se faisait toujours plus forte hormis dans quelques régions. Des guerres eurent lieu, notamment au Kumasi avec son Armée de Libération de la Patrie, et qui fit un total de 100'000 morts, et ma guérilla du Tanin'Vody qui fit au moins 50'000 morts. Forcé à la négociation, les autorités impériales organisèrent finalement des référendums pour garder la face, devant l'effondrement de son empire. Lors des référendums d’autodétermination de 1963 à 1972, l'immense majorité des territoires choisirent l'indépendance mais deux régions d'Afarée ont voté pour rester liés à l’Empire — non par résignation, mais par stratégie et car celles-ci avaient toujours été favorisées. C'est régions sont l'Owenbo et le Makola qui voulurent réformer de l’intérieur, revendiquer une place équitable dans l’Empire sans renier leurs identités qui leur avaient été laissées : telle fut l’option choisie par la majorité dans ces territoires, ouvrant la voie à une décolonisation politique partielle, mais non territoriale.
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