25/09/2017
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Mesolvarde - Velsna : Minons les océans

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Prototype
Prototype CMD

Suite à la proposition de la Grande République, l’Empire de Drovolski décida qu’en gage d’amitié et au vu de la bonne tenue de la correspondance, il était du devoir des industriels de Mesolvarde de se présenter à la rencontre afin de contribuer ensemble à l’édification du véritable ordre économique de l’Empire. Ainsi, les discussions purent commencer, tout d’abord par le plus simple des commencements : une présentation des parties en présence.

Monsieur Ackerman : Vos Excellences, Messieurs, je suis Monsieur Ackerman, directeur de la CMD et actionnaire majoritaire de cette compagnie. Ma famille détient également, par l’intermédiaire de mon frère, des pouvoirs de direction sur la Banque Impériale de Drovolski, dont la mission ici se limitera à soutenir les initiatives impériales de Mesolvarde. En outre, je détiens les prérogatives de constitution industrielle et de direction économique, sous réserve bien entendu de mon soutien au régime politique, cela va de soi.

Je suis d’ailleurs à l’initiative de cette rencontre. La CMD exploite de nombreuses mines en Drovolski et ailleurs dans le monde, mais le manque de coopération internationale pour soutenir les trusts miniers empêche Drovolski d’étendre son expansion minière au-delà de ses frontières sans recourir à la guerre, ce qu’un récent décret impérial a limité, rendant ce projet d’intérêt national.

En substance, si nous ne pouvons pas exploiter les terres de nos voisins, exploitons les fonds marins. La CMD, comme la BID, raisonne avant tout en termes économiques : nous calculons le coût potentiel d’une guerre et le comparons aux bénéfices miniers pour déterminer si un projet est plus intéressant que des moyens coercitifs ou financiers. Car nous ne sommes pas à l’abri de bonnes nouvelles. En effet, le LHV suppose qu’en déployant une flotte de Beno-10, plusieurs États – notamment afféréens – pourraient ouvrir des concessions minières à la CMD en échange d’un engagement à écarter les activités nucléaires de Mesolvarde des zones maritimes.


Monsieur Golbar : Merci à la CMD pour cette introduction. La SDM, que je représente aujourd’hui, possède déjà les acides et les procédés nécessaires à la lixiviation océanique. Nous avons testé en laboratoire nos acides courants à base de soufre et, sans l’ombre d’un doute, le procédé est similaire et exploitable. En revanche, sur le plan économique, tout dépendra du minerai : l’acide et le procédé de raffinage sont globalement semblables, mais la teneur en minerais est très variable en mer alors qu’à terre, un filon offre généralement une teneur plus stable.

Toutefois, nous estimons les stocks de minerais marins bien plus importants que ceux disponibles sur terre. Plus qu’une rentabilité immédiate, la SDM voit donc dans ce projet un moyen d’assurer la pérennité de ses procédés au soufre, face à la fermeture progressive des gisements terrestres sous gestion de la CMD.

Il n’en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle, l’extraction de minerais alcalins ou de métaux de transition, très rares dans la croûte terrestre, semble déjà intéressante sur le plan économique et commercial.


Monsieur Ackerman : Cela étant, nous faisons appel à vous, car notre industrie navale est trop faible pour assurer l’armement du pays (plan B) et la construction d’une flotte industrielle (plan A). L’Empire et sa politique sollicitent votre assistance pour construire un navire qui sera équipé à Mesolvarde de l’appareillage industriel nécessaire à la lixiviation des fonds marins. Sur le plan économique, la CMD achètera ce navire sur ses propres fonds, avec une marge réduite si vous l’acceptez, puis l’équipera à ses frais et assumera son exploitation avec des unités de production humaines. En contrepartie, elle rétrocédera environ 20 % de la valeur ajoutée générée à l’amirauté Velsna, en échange de la maintenance de la flotte. La TomaTo devra quant à elle assister la CMD sur le plan du réseau portuaire.

Un silence respectueux s’installa alors pour laisser aux Velsniens le temps de se présenter et d’exposer leurs intentions.
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"Lixivia-quoi ?": Rencontre pour affaires entre Velsna et Mesolvarde



La cité d'Adria n'était point un territoire de la Grande République, pas plus qu'il n'était un territoire mésolvardien. Pourtant, c'est bien là, dans un petit hôtel particulier dont la vue imprenable donnait sur le canal d'Adria, que cette entrevue avait lieu. La ville la plus orientale de la Dodécapole avait en effet été jugée comme l'endroit idéal, à mis chemin entre les deux pays, une cité à la tradition navale importante et historique, et qui contrôlait une partie du trafic maritime entre Drovolski et la cité sur l'eau. Aussi, quel endroit aurait été meilleur que celui ci pour accueillir les représentants de la CMD, dont le projet avait retenu l'attention des deux plus importants armateurs navals de la Grande République: le Groupe Laurenti Alfonso, et la SHAV (Société des honnêtes armateurs velsniens).

La SHAV avait accusé le coup, avec l'envoi de l'un de ses contributeurs les plus importants: l'homme d'affaires Vincenzo Tolomei. La SHAV étant en réalité un corps de métier articulé autour de plusieurs entreprises, ce fut le plus riche d'entre eux qui fut choisi. Il était méfiant, et ne s'attardait que sur des projets suscitant des gains immédiats. Aussi, à l'instar d'autres occurrences, il n'aurait que peu de patience pour ce qui nécessiterait des investissements à perte. Il était gros...très gros...à tel point qu'on aurait pu penser qu'il prenait deux chaises, et que les bagues qu'il avait aux doigts auraient pu disparaître: elles avaient l'air sérées, bien trop sérées. Quant au Groupe Laurenti, l'entreprise, l'un des groupes les plus puissants de la République, avait estimé que l'envoi de Fabio Lorica, expert-comptable qui ne faisait pas partie du groupe, mais qui agissait plutôt en tant que contractuel occasionnel lorsqu'un grand projet d'investissement était mis sur pied. Entre les deux hommes, figurait une personne que les mésolvardiens avaient appris à connaître: l'Amiragllia Sofia Di Saltis, commandante de la Classis III, en grande partie stationnée dans le détroit de Drovolski, même si pour des raisons de pollution évidente et de confort, le QG de la flotte avait été déplacé un peu plus au sud, en Pal Ponantaise. Jusqu'alors, la collaboration entre les deux états avait été fructueuse, aussi, malgré l'étrangeté du projet, elle conscenti à figurer à la réunion, en particulier du fait que le dit projet pouvait contenir un volet militaire qui impliquerait la flotte velsnienne.

Ce fut elle qui se leva la première pour accueillir les invités, comme pour signifier le respect au nom de tous, et malgré la grimace de Tolomei, qui se tout évidence, n'avait pas l'air de miser grand chose. Pourtant, l'atmosphère allait lentement évoluer au fur et à mesure de la rencontre, et de l'exposé d'Ackermann et Golbard. Les deux hommes autour de l'Amirale n'avaient pas l'air de faire grand cas de l'aberration écologique évidente que représentait l'ensemble du projet. Tolomei finit par se détendre, sortant même un cigare de sa proche, invitant l'un des domestiques à ouvrir l'une des fenêtres. Au contraire, l'Amiraglia semblait plus perplexe au fur et à mesure du discours, comme si leurs rôles respectifs s'étaient inversés. A l'ensemble de "l’œuvre" des deux mésolvardiens, Vincenzo Tolomei n'eut qu'une réaction:

"20% ? Intéressant. Pourquoi vous n'avez pas commencé par là ?"


L'expert-comptable, fut quant à lui légèrement plus réservé:
- Intéressant, certes, monsieur Tolomei, mais ce projet semble aussi pharaonique que dangereux. Pas seulement sur le plan économique, où je pense que les investissements seront titanesques, mais également sur le plan politique. Nous avons tout à perdre à nous faire accuser de polluer les fonds marins de la sorte. Non pas que nous ne soyons pas intéressés, loin de là, mais nous préférons que notre participation à un tel projet ne soit pas publique...sans quoi notre image pourrait être considérablement entachée. Aussi, nous pensons que le mieux pour nous est une participation des plus discrètes. Au vu du projet dont vous nous faites part, nous disposons des capacités techniques, industrielles et financières de participer à vos côtés à la construction de cette flotte de navires d'exploitation.

Tolomei se fent également de son commentaire sur la faisabilité du projet, beaucoup plus cynique que son compère:
- Il nous faudra également compter sur vous pour ce qui est de la stabilité de votre "Beno-10", lequel ne semble pas extrêmement stable aux dernières nouvelles. Nous sommes bien au fait des problèmes inhérents au Béno 10, quelle certitude avons nous qu'un incident comme il a l'air de tant en avoir sur ce modèle n'irradie pas les membres des équipages de ces bâtiments ? Je suis disposé à investir dans votre projet, et à prendre mes parts, mais il faut nous assurer, comme mon confrère l'a signifié, que toute cette affaire ne nous pète pas à la gueule, au sens figuré comme littéral. Il nous faut plusieurs assurances: celle d'être discrets dans la conduite de ces opérations de minage, celle de les faire opérer dans des trous paumés et des pays de crèves la faim qui n'iront pas se plaindre, en particulier de la nature du procédé de lixiviation. Et enfin, et c'est la plus importante: l'assurance de ne pas faire voguer ces navires-exploitations à perte. Si vous êtes capables de nous assurer de tous ces points, alors vous pourrez compter sur notre aide, tant pour le "plan A" que pour le "plan B".

Oh...une dernière chose: j'espère que vous n'avez pas vendu ce concept à des gouvernements tels quels, sans quoi on s'expose à de sacrés problèmes. Oubliez les mots "lessivages", "lixiviation" ou même "pollution". Il faut vraiment que ce projet ait l'air un peu plus...éthique. Je pense qu'il faudrait que vous fassiez une campagne de com, appuyant sur une sorte de "projet écologique", et que vous fassiez savoir au monde que là où la CMD est implantée, celle-ci se sert d'une fraction des revenus dégagés pour...je sais pas moi...construire des écoles, des crèches, des hôpitaux ou un autre truc du genre... D'où l'importance de faire cela dans des pays qui n'auront par la suite pas les moyens de s'opposer sur le plan international aux conséquences de l'exploitation minière en fonds marins, qui on va se l'avouer, va poser des problèmes à terme pour les locaux. Bref...votre plan est sur de bons rails, mais il faut le "polisser" un peu pour que ça passe. Si possible également, nous construirons ce qu'il y a à construire loin du territoire velsnien, histoire d'éviter les ennuis. Vous connaissez le principe du "greenwashing" ? C'est un solution commode pour faire croire qu'une activité polluante ne l'est pas, je vous conseille cette approche, je ne sais pas si vous en avez connaissance à Mesolvarde, mais ça permet de faire tout un tas de trucs qui en temps normal ne seraient pas autorisés. Mais pour conclure...tout cela est très encourageant, messieurs.


La fin du discours de l'homme d'affaires céda la place à un silence quelque peu gênant. L'Amirraglia n'avait pippée mot: peut-être était-elle profondément choquée par ce qu'elle avait entendu...


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Les deux Mesolvardiens se regardèrent : ils étaient très confiants dans leur volonté de mener à bien ce projet. Ils avaient un nombre fabuleux d’idées, de moyens et de procédés permettant d’aboutir sans que Velsna n’en soit impactée. Mais il fallait bien que la Grande République aide ce petit pays à construire des navires. Les Drovolski disposent d’une expertise chimique, industrielle, minière, et bien sûr nucléaire. Mais la construction navale n’est pas précisément ce qui fait leur réputation : d’où la nécessité d’un partenaire tel que la Grande République.

« Messieurs les Velsniens, n’ayez crainte. Nous avons des idées. Nous pensons qu’un moyen astucieux pour Velsna de se dissocier du projet serait de concevoir un paquebot convertible en navire chimique par notre industrie. Tel quel, nous monterions une société de croisière en Mährenie qui achèterait vos navires et prendrait une licence de maintenance. Cette licence, bien entendu, financerait discrètement nos activités de lixiviation. Une fois exploités, les paquebots seraient transférés aux Drovolski par rattachement de l’entreprise mährenienne à la CMD. Il sera facile de justifier que la CMD doive se diversifier, et que le marché des croisières soit “prometteur”.

Les bateaux, une fois hors d’usage, seraient rapatriés chez nous. Ils seraient démontés partiellement, et les ponts remplacés par nos dispositifs chimiques et industriels. Ainsi, vous aurez vendu des paquebots de croisière parfaitement respectables… tandis que la CMD récupérera de formidables outils pour la lixiviation. Plus efficace encore : les céder officiellement à la CMD en fin d’exploitation commerciale. Par quelques jeux d’écriture, on pourrait vieillir artificiellement les navires, ou bien les déclarer inexploitables pour des raisons de sûreté. Exemple : on “découvre” qu’ils contiennent de l’amiante. Naturellement, les Drovolski, si soucieux de la santé de leurs croisiéristes, n’auraient d’autre choix que de racheter les navires… comme déchets industriels. Dans ce scénario, Velsna ne saura jamais que ces bateaux servent à la lixiviation.

Quant à vos inquiétudes sur les irradiations possibles des marins : sachez que les navires seraient exploités par des Mesolvardiens. Pourquoi craindre qu’ils soient irradiés ? Faut-il rappeler où ils habitent déjà ? Cette question me semble étrangère, déplacée, et franchement superflue.

Vous me parlez de greenwashing. Alors déjà, je viens de prononcer un mot interdit. Ce concept est contraire à notre doctrine. Toutefois, comme la doctrine de l’argent dépasse toutes les autres, nous pourrions considérer l’idée avec prudence. J’avoue n’en avoir jamais entendu parler concrètement. Peut-être pourriez-vous développer ? Nous avons l’habitude de sous-traiter propagande et communication à Carnavale. Pensez-vous qu’il soit pertinent d’y externaliser ce greenwashing que nous ne comprenons pas vraiment ?

Concernant la viabilité économique du projet : sachez que les risques principaux sont portés par les acteurs mesolvardiens. Nous vous demandons uniquement de fabriquer les navires et d’en assumer le risque industriel, pas le risque d’exploitation. Nous vous rétrocéderons les profits, sans exiger de couverture de pertes. C’est, en somme, une licence de "maintenance".

Pour la lixiviation chimico-nucléaire, ne craignez rien : ce sont précisément nos deux plus grandes industries. La lixiviation sous-marine est déjà possible ; nous l’avons testée. L’alimentation par Beno-10 d’installations marines est crédible : elle fut réalisée sur des plateformes pétrolières. Le seul risque réel concerne l’ampleur. Nous n’avons jamais pratiqué la lixiviation à grande échelle dans les fonds marins multinationaux. Peut-être, effectivement, que certains gisements s’avéreraient insuffisants. Mais comme les navires fonctionnent à l’énergie nucléaire, aucune charge d’exploitation significative n’est à prévoir : seul l’investissement initial comptera. La rentabilité dépendra donc surtout du prix que vous fixerez pour leur construction.

Et n’ayez crainte : le coût de nos équipements chimiques et nucléaires est dérisoire. Nous recyclons à bas prix des technologies obsolètes et rudimentaires. Injecter de l’acide dans l’océan ou bricoler un réacteur vétuste ne coûte presque rien chez nous. C’est même une forme de recyclage : réutiliser des installations destinées à la destruction. Peut-être, au passage, un argument écologique : le “réemploi” d’anciennes infrastructures.

Enfin, j’apprécie votre suggestion que la CMD finance quelques hôpitaux dans des pays sous-développés. Ce sera un excellent moyen de tester de nouveaux médicaments, dans le cadre d’hôpitaux publics… ou mieux, via des structures privées comme le Grand Hôpital de Carnavale. »
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Vincenzo Tolomei se gratta frénétiquement son double-menton. A chaque fois qu'il faisait mouvoir sa main, on pouvait entendre les tintements des bagues en or d'entrechoquant à chacun de ses doigts. Cela faisait beaucoup d'informations à assimiler, et nul doute que la réputation de bons négociateurs des mésolvardiens que certains velsniens avaient rencontré avait fait son bonhomme de chemin parmi les élites de la cité sur l'eau. Son sourire laissa cependant présager une réponse favorable, et synonyme d'avancement dans cette conversation qui prenait de plus en plus l'allure d'une conférence dédiée à l'escroquerie et au profit au détriment d'autrui. Néanmoins, les rideaux de velours et le cuir luxueux des chaises avait pour don de faire quelque peu oublier le sang sur les mains de chacun autour de cette table, après tout...les tapis étaient de la même couleur que le sang, et Tolomei, le dirigeant de la fameuse SHAV le savait bien, et répondit à ses interlocuteurs alors même que l'Amirraglia s'était résolue à quitter la pièce, le temps que les sujets les plus fâcheux soient abordés...

- Je vois que vous avez pensé à tout...c'est appréciable. Je suis bien content que nous avons les mêmes amis. La Mahrénie est un bel endroit pour entretenir des caisses noires. Aussi, su vous avez le besoin d'ouvrir des portes là bas, nous nous tenons à disposition pour vous aider. Mais le fait qu'ils soient partants nous renseigne sur le sérieux de votre projet.

Pour ce qui est de rendre les navires plus rapidement disponibles pour l'utilisation que vous en faites, cela aussi, nous pouvons nous en charger: nous sommes en présence de l'un des représentants de Laurenti Alfonso, et de moi même qui représente la SHAV. Je pense que notre situation de monopole nous facilite quelque peu le contact avec les sociétés d'exploitation de transport naval....et puis...ce n'est pas comme si nous n'étions pas déjà habitués que des navires disparaissent de temps en temps.

Donc sur ce point, c'est décidé: nous adapterons la structure de nos navires à l'usage que vous entendez en faire, moyennant nos parts que nous avons cité, bien entendu. Une fois hors d'usage, ce qui devrait arriver relativement rapidement, la propriété vous en sera cédée. Cela aura en plus le mérite d'augmenter nos ventes rapidement chez les exploitants du secteur, si nous accélérons le processus d'obsolescence des navires...c'est plutôt malin...

Pour ce qui des équipages...faites en ce que vous voulez, si vous n'avez pas peur du syndrome d'irradiation aiguë, c'est votre problème, nous sommes d'accord.



A la mention des questions quant au concept de greenwashing, les deux velsniens eurent un moment de flottement, rapidement suivi d'une tentative d'explication "ludique". Fabio Lorica tenta sa chance:
- Le greenwashing...comment le dire simplement...dans certains pays, il est de plus en plus contesté d’émettre des pollutions, produits ou particules qui puissent avoir un impact néfaste sur la santé des citoyens. Mettons alors dans ce cas que je suis le propriétaire d'une centrale à charbon. Dans cette situation qui n'est pas très favorable à mon activité, on commencera à m'accuser de nuire à la protection environnementale...oui là aussi il faudrait que je vous fasse un schéma mais passons...mais bref, cela risque de provoquer une levée de boucliers et un bashing médiatique que nous voulons absolument éviter. Le greewashing consiste donc à poursuivre ses activités tout en mettant un vernis par dessus, une couche de peinture... faire croire aux autres que l'on ne pollue pas tout en continuant de le faire. C'est comme cela que la CMD évitera les problèmes à l'international en tout cas, d'où la pertinence d'inonder les pays dans lesquels la CMD organisera ses activités d'une communication efficace. Financement de fondations caritatives, d'écoles et d'hôpitaux...bref, vous connaissez la chanson. Mais oui, nous pensons connaître les personnes idéales pour le faire... nous connaissons déjà certaines agences de communication dont nous avons le recours. Vous connaissez les Studios de Mirine ? Probablement les meilleurs dans ce domaine. Ce sont eux qui font la pub...avec Vladimir Kartyovitch...mais je ne pense pas que vous avez l'accès à Drovolski...mais c'est tant mieux parce qu'elle a le don de rester dans la tête. En tout cas, allez les voir, ce sont des génies de la com.


Tolomei reprit la parole à l'expert-comptable du groupe Laurenti Alfonso, ayant une question lui brûlant le bout de la langue depuis un moment:
- En ce qui concerne l'exploitation du procédé...peut-être pourrions nous vous donner quelques suggestions quant aux endroits les plus propices pour un minage sous marin. Cela ne dépend pas entièrement de la taille du gisement, mais également de la propension des gouvernements locaux à accepter l'exploitation. Je me permets de remettre sur la table l'idée d'une exploitation prioritaire parmi les pays pauvres, peu développés, et qui surtout n'ont que peu de liens politiques avec des grandes puissances. L'Afarée, le Nazum et une partie de l'Aleucie me semblent des endroits idéaux à ce titre. Le Gondo par exemple, mais il y a d'autres cibles d’intérêt. Mais comme c'est vous qui dirigerez les opérations de minage, c'est vous qui avez le dernier mot, bien entendu...
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CMM


Les Mesolvardiens étaient très attentifs et vraiment confiants dans la réalisation du projet. Les Velsniens donnaient de bons conseils, étaient assertifs et parfaitement conscients des enjeux. Plus que de simples intérêts, les compagnies semblaient réellement désireuses d’accomplir le projet avec la CMD. Cela plaçait la petite délégation au centre de projets d’envergure pour le pays, et ce partenariat ne deviendrait que plus prestigieux encore avec l’appui d’une puissance comme la Grande République. Autant dire que tous les Mesolvardiens attendaient beaucoup de ce partenariat et voulaient le faire ressentir à leurs interlocuteurs. Ces derniers, par leur apparence luxueuse et leur ostentation de richesse, montraient aux Mesolvardiens que l’enrichissement personnel était non seulement possible, mais même encouragé à Velsna, un angle parfait pour motiver leurs partenaires à s’entretenir avec eux. Certains parleraient peut-être de corruption, mais ces vilains mots n’ont guère cours entre industriels.

« S’il est appréciable de voir que les Mesolvardiens arrivent préparés, il est encore plus agréable de constater que les Velsniens sont toujours de bon conseil. Vous avez accepté la possibilité d’utiliser un pavillon de complaisance et la mise à rebus afin de fournir le Drovolski, sans que cela ne vous affecte. Nous en sommes fiers. L’effort de disponibilité que vous nous promettez est un avantage que nous estimons hautement. Merci pour cela : vous méritez une rétribution honorable. Nous proposons de vous allouer une légion honorifique pour coopération intentionnelle au profit du peuple mesolvardien, assortie d’une dotation de 23 000 $ par mois en or issu des mines de Kotüme. Et ce, pour des accords que nous présenterons comme une œuvre de charité, afin d’éviter de devoir divulguer la moindre information sur le sujet délicat de la fourniture de bateaux par la Mährenie. Nous sommes heureux que vous considériez d’un bon œil l’obsolescence des bateaux : ce sera un argument fort pour prétendre que le Drovolski recycle des navires devenus inutilisables. Ce faisant, nous ouvrons avec la BID la compagnie maritime Mährenie, financée par la vente d’actions que la CMD achètera. À leur obsolescence, la CMD rachètera les bateaux afin de les reconvertir. Nous utiliserons un prête-nom, cela va de soi. La Mährenie n’exigera rien de prime abord. »

Il prit une pause et reprit son souffle. Malgré les explications des Velsniens, les Mesolvardiens n’avaient toujours pas compris le concept de greenwashing, alors qu’il le fallait bien :

« J’ai peur de ne toujours pas bien comprendre ce concept qui semble vous être cher. Pourquoi prétendre limiter l’impact écologique ? C’est un fait positif, non ? C’est décidément une énigme pour moi : qui voudrait protéger l’environnement de l’homme ? L’homme vit dans l’environnement, nous ne lui sommes pas supérieurs. Et puis, personne n’a jamais accablé le Drovolski pour ses activités industrielles. Pourquoi pensez-vous que qui que ce soit pourrait en venir à faire du bashing médiatique ? Si cela devait arriver, il suffira de le payer… ou de l’assassiner, non ? Vous connaissez ça, n’est-ce pas ? Définitivement, pourquoi faire croire aux autres qu’on ne pollue pas ? Vraiment intrigant. Mais bon, admettons : si nous investissons dans l’humanitaire, il faut que cela soit rentable. Notre charité doit être profitable. Alors nous ne financerons ni fondations, ni écoles, mais plutôt des hôpitaux de fortune. Cela nous permettrait de tester de nouveaux traitements sur des maladies inconnues et d’élargir notre éventail de produits médicaux, en faire une activité lucrative. Et si nous ne trouvons pas assez de maladies nouvelles, nous pourrons toujours les provoquer. Les pauvres gens ne sont pas très regardants sur la nourriture qu’on leur fournit.

Nous n’avons jamais utilisé les services des Studios de Mirine, mais si vous nous les recommandez, nous pensons que c’est un bon conseil. En substance, nous proposerons l’installation d’exploitations maritimes et de centres hospitaliers de charité, avec une communication assurée par Mirine. Cela me semble un bon mélange, qu’en dites-vous ? En ce qui concerne la destination, votre recommandation est évidemment la bonne : il faut choisir un pays pauvre, sans moyens, incapable de se faire entendre. J’ai une préférence pour l’Afarée. Sans tomber dans un racisme direct, nous pensons que ces populations n’ont aucune aptitude à s’organiser correctement, et nous souhaitons exploiter cette faiblesse pour influencer leur politique. Nous pourrons demander conseil à la TomaTo, qui incarne une puissance économique imprenable au Wanmiri.

Le choix du Gondo est excellent, nous sommes prêts à le retenir en suivant votre conseil. Mais n’avez-vous pas envisagé Achos ? Sommes nous prêt à contractualiser ?»
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a
"Achos..."



Tolomei réfléchit plus longuement que la première fois, mais avant la réunion, celui-ci avait reçu un certain cadre à ce qu'il pouvait accepter ou refuser...

" Votre suggestion est de très bon goût il est vrai, et ferait sens. A titre personnel, croyez bien que j'aurais accepté si ce n'était que moi. Achos est une région de l'île celtique peu peuplée, et dont la voix à l'international est relativement marginale, ce qui nous arrange. Nous y avons réfléchit, mais l'emplacement d'Achos se heurte à quelques contraintes: en premier lieu, il n'est pas exclu que la pollution marine induite par la future activité n'affecte pas également les fonds marins des eaux territoriales velsniennes d'Achosie du Nord. Que nous le voulions ou non, nous partageons avec eux des ressources piscicoles importantes. Une contamination ou une disparition de ces ressources serait dommageable aux cités libres de Strombola et de Velathri en Achosie du Nord. Qui plus est, la Manche Blanche fait l'objet d'une surveillance plus accrue qu'un littoral paumé en Afarée: vous serez loin de toute grande puissance, ce qui est plus pratique que d'implanter une activité à la vue de tout le monde, sachant que les achosiens disposent tout de même de relais de contestation, bien que faibles.

D'ailleurs, et pour revenir à votre bel organigramme, celui-ci correspond peu ou prou au contenu de nos discussions, mais j'aimerais emmètre un petit doute sur...un détail insignifiant. Étant donné que vous incluez une puissance communaliste qu'est la Mahrénie dans ce montage financier, je me dis que le Gondo n'est pas une si bonne idée que cela: en effet, le pouvoir gondolais est en train de changer de mains, et il est fort probable qu'une rébellion communaliste s'arroge bientôt le pouvoir. Dans cette configuration, il se pourrait donc bien que le pouvoir mahrénien fasse...quelque peu la tête quand il apprendra que nous ruinons le littoral d'un pays qui lui sera bientôt allié. Ces derniers pourraient bien provoquer le blocage de toute cette belle chaîne opératoire que vous êtes en train de construire. Si vous permettez, puis-je donc vous faire deux autres suggestions avisées concernant un lieu d’exploitation. En premier lieu, l'Antérie, qui est une dictature relativement isolée diplomatiquement, et avec laquelle nous ne rencontrerons pas le même problème. En second lieu, il y a le Kéran, au sud de l'Afarée, qui apparaît comme une cible relativement vulnérable. Je pose ça là, vous en faites ce que vous voulez.

Concernant les décorations et autres médailles, vous êtes là forts aimables mes chères excellences. J'accepte ces honneurs de bonne grâce, bien évidemment. Mais c'est vous qui devriez être à féliciter:vous nous avez donné l'idée du siècle avec le principe d'obselescence des navires: votre opération peut à elle seule permettre une production accrue de navires civils, et des gains substantiels pour nous du même coup. Voulez vous que nous discutions des clauses de notre contrat ici même ? Ou souhaitez vous nous transmettre tout cela par courrier ?"
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