Posté le : 18 août 2025 à 11:39:09
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Yashosie : "Cette guerre civile a assez duré", selon le ministre des Affaires étrangères
Alors que le conflit entre communistes et tsaristes entre dans sa 60ème année, le Morzanov appelle à une intervention humanitaire avec la CSN. Un éditorial de notre correspondant dans la région. Soixante ans. Soixante putains d'années que la Yashosie se déchire. Quand j'ai commencé à couvrir ce conflit il y a quinze ans, je pensais naïvement qu'on en verrait le bout rapidement. Que l'une des deux factions finirait par l'emporter, que la communauté internationale se réveillerait, que quelque chose changerait enfin. Mais non. Rien. Le massacre continue, les civils crèvent, et le monde regarde ailleurs.
Hier, lors d'une conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères Rodion Kerzhakov n'y est pas allé par quatre chemins : "Cette guerre civile a assez duré. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur cette tragédie humanitaire qui se déroule à nos portes."
Et franchement, il a raison. Depuis 1964, cette foutue guerre n'arrête pas. D'abord les tsaristes qui se révoltent à l'est, puis les communistes qui reprennent du poil de la bête dans les années 80, ensuite l'attentat de 1996 qui fait 12 000 morts d'un coup... C'est un cycle infernal.
J'ai vu les images des bombardements de 2011 sur la capitale yashosienne. Des quartiers entiers rasés, des familles entières disparues sous les décombres. Et pour quoi ? Pour savoir si c'est un tsar ou un commissaire du peuple qui dirigera ce pays dévasté ? Il faut protéger avant tous les civiles. Ce qui m'a le plus marqué dans les propos du ministre c'est son insistance sur l'aspect humanitaire. "Peu importe nos affinités politiques avec tel ou tel camp, notre devoir premier est de protéger les populations civiles yashosiennes", a-t-il martelé.
Et là-dessus, difficile de lui donner tort. J'ai passé trois semaines l'an dernier dans les zones de combats. Des villages fantômes, des enfants qui n'ont jamais connu autre chose que la guerre, des familles qui survivent avec rien. Ces gens-là, ils s'en foutent de savoir si c'est Marx ou le tsar qui a raison. Ils veulent juste que ça s'arrête.
Marina, une réfugiée que j'avais rencontrée dans un camp près de la frontière, m'avait dit un truc qui m'est resté : "Monsieur le journaliste, moi j'ai 45 ans, ma fille en a 20. Elle a passé toute sa vie à fuir les bombes. Vous croyez que ça l'intéresse de savoir qui gouverne ? Elle veut juste pouvoir dormir sans avoir peur."
Évidemment, quand le Morzanov évoque une possible "intervention humanitaire", ça fait grincer des dents. Surtout quand on sait que le pays a discrètement aidé les communiste par le passé. Mais bon, à ce stade, est-ce qu'on a vraiment le choix ?
Le problème, c'est que cette guerre s'est internationalisée depuis longtemps. L'Empire de Slaviensk qui file des armes aux tsaristes, d'anciennes républiques socialistes qui soutiennent les communistes... Tout le monde a ses petits intérêts géopolitiques, pendant que les Yashosiens crèvent. "Nous proposons la création de couloirs humanitaires sous protection", a précisé le ministre. "L'objectif n'est pas de choisir un camp, mais de permettre enfin aux civils de vivre en paix."
Ce qui me bouffe, c'est qu'on a maintenant des gosses de 20 ans qui n'ont jamais connu la paix. Leur seule référence, c'est la guerre. Comment vous voulez construire un pays après ça ? Pavel, un médecin yashosien que j'ai interviewé l'année dernière, travaille dans un hôpital de fortune près de la ligne de front : "On reçoit des blessés tous les jours. Des soldats, mais surtout des civils. Des enfants qui ont sauté sur des mines, des femmes touchées par des bombardements... À un moment, il faut que ça s'arrête."
Et c'est exactement ça le problème. Cette guerre n'a plus de sens. Les idéologies d'origine se sont perdues dans la violence, les intérêts personnels, la soif de pouvoir. Aujourd'hui, ils se battent pour se battre. Alors oui, l'initiative du Morzanov peut paraître intéressée. Oui, c'est politiquement compliqué. Mais franchement, qu'est-ce qu'on attend ? Que ça dure encore soixante ans ?"Chaque jour qui passe, c'est des morts innocents en plus", a conclu le ministre. "L'humanité avant la géopolitique.
Pour une fois qu'un politique dit quelque chose de sensé sur ce dossier. Espérons que ça débouchera sur du concret, parce que les Yashosiens, eux, ils peuvent plus attendre.
Notre correspondant couvre le conflit yashosien depuis 2009.
Il a reçu le prix du journalisme de guerre en 2018
pour ses reportages sur les populations civiles.