24/09/2017
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Le discours d'Améthyste Castelage pour annoncer les réformes post-Armageddon't

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Le discours d’Améthyste Castelage suite à l’Armageddon’t

Améthyste Castelage

Carnavalais, Carnavalaise,

Je m’adresse à vous pour faire le bilan de l’évènement que l’histoire retiendra sous le nom d’Armageddon’t de Carnavale, un bouleversement profond de notre Principauté que je me dois d’élucider avec vous.

Mais avant, sachez que je m’adresse à vous non seulement comme héritière unique de tous les biens du clan Castelage, mais également seule repreneuse déclarée de la Principauté, investie de la confiance des principaux fonds d'investissements actionnariaux, de Commissariat Central représenté aujourd’hui par la personne du commissaire Mathisaac Tourbemoignon, du Syndicat Autonome de la Défense Balistico-Chimique le SAD BB, héritier direct du complexe militaro-industriel Obéron transformé en SCOP suite à la dissolution du Conglomérat Obéron sur volonté testamentaire de madame Pervenche Obéron, cheffe de clan, et faute d’héritiers présomptifs. Monsieur Blaise Dalyoha n’ayant pas souhaité s’opposer à la prise de pouvoir du clan Castelage sur Carnavale – ses avocats ont reconnu que selon le principe de qui ne dit mot consent il renonçait à sa part légitime d’autorité sur la Principauté – j’ai pris la décision de mettre aux arrêts le conseil municipal de Carnavale le temps qu’une enquête ait lieu pour trafic d’influence dans le cadre d’un soupçon de manipulation boursière du cours des actions Industries Obéron. Si comme je le soupçonne le conseil municipal s’est rendu coupable de délit d’initié en anticipant le suicide massif du clan Obéron, de nouvelles élections municipales seront bientôt organisées.

Ceci étant dit, j’en reviens à la situation. Comme certains l’ignorent peut-être, dans le secret la noblesse carnavalaise a massivement conspiré à la réalisation d’une prophétie biblique censée faire advenir l’Apocalypse à Carnavale. Ce plan prévoyait notamment le gazage de la majeure partie de la ville mais, pour des raisons encore à élucider, non seulement les prévisions eschatologiques ne se sont pas réalisées mais le gazage n’a pas eu lieu non plus. La Principauté de Carnavale examinera la proposition de faire de ce jour un jour férié pour commémorer la mémoire des victimes, mais jusqu’à nouvel ordre aucun congé n’a été décrété et vous êtes tous attendus au travail lundi comme d’habitude.

La noblesse s’étant massivement suicidé et l’apocalypse n’ayant pas eu lieu, Carnavale se retrouve un peu conne face à son destin. Il nous appartient désormais de choisir une nouvelle voie et puisque les anciennes castes ont disparu faute d’élites encore en vie, il m’a semblé naturel de faire appel à la participation citoyenne pour décider de l’avenir de la Principauté.

Plusieurs constats sont à formuler :

D’une part, la lutte des classes, ardemment menée et remportée par Carnavale, s’est avérée vaine. Nous n’avons tiré aucun sens satisfaisant à l’exploitation absolue du travail notre prochain ce qui a plongé nos élites dans le nihilisme et poussé la noblesse à chercher son salut dans la métaphysique et la religion. Au prix de grands sacrifices, Carnavale a fait la démonstration que le projet eschatologique catholan est sans intérêt ni fondement, et que l’alliance du Temple et des marchands n’a pas fourni le retour sur investissement escompté. C’est un sérieux revers pour tous les actionnaires, religieux et travailleurs de la Principauté et nous allons engager une réorientation du projet carnavalais dès le printemps 2017 pour de meilleur résultats. Un plan de route sera établi très prochainement.

D’autre part, cette réorientation ne pourra se faire sans repenser totalement le système économique qui a trouvé ses limites. La Principauté de Carnavale va entamer une refonte théorique totale du capitalisme afin de proposer une alternative à la maximisation du profit. Plusieurs hypothèses sont envisagées, le SAD BB proposait une approche utilitariste visant à maximiser le bonheur humain, les Laboratories Dalyoha penchaient davantage sur un ambitieux retour à l’état de nature. Nous examinerons toutes ces propositions et prendront dans la foulée les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre. Une chose est sûre, l’avenir sera transhumain, et glorieux !

Enfin, sur le bilan de la stratégie militaire Obéron, la vitrification d’Estham s’est révélée une contre-attaque relativement peu stratégique malgré son efficacité matérielle à saluer. L’investissement long de la Principauté de Carnavale dans le balistique ne peut être la seule et unique stratégie défensive de la Principauté. Plusieurs réformes sont attendues en concertation avec le SAD BB et le docteur Philippe Géminéon de Grand Hôpital : d’une part le développement d’une flotte de sous-marins lance-missiles en mesures de tirer de façon régulières des missiles sans dépendre de l’utilisation de silos qui ont montré leurs limites. D’autre part le développement de programme de frappes neuro-toxiques chirurgicales pour décimer l’armée et les élites ennemies sans avoir nécessairement besoin d’assassiner des milliers d’innocents. Je fais confiance à nos chercheurs pour développer cette arme éthique du futur et je place beaucoup d’espoir dans un programme en développement visant à identifier précisément certaines atrophies des zones du cortex cérébral liées au raisonnement analytique. Ce manque d’intelligence propres aux militaires et aux gendarmes permettra de faire le tri dans la population pour éviter les victimes collatérales. Enfin, la Principauté de Carnavale doit pouvoir se reposer sur un réseau d’alliance partageant comme nous les valeurs de développement humain, de prospérité et de progrès scientifique.

Après consultation des avocats de la Principauté, j’ai pris la décision d’entrer en contact avec les Communes Unies du Grand Kah, nos voisins, afin de négocier notre entrée dans l’Union. Le Grand Kah partage avec nous un certain nombre de valeurs dont son accelerationisme financier, son idéologique matérialiste, sa foi dans le progrès humain et technique ainsi que son scepticisme vis-à-vis du système économique mondial.

Plusieurs points avant de finir :

- Le métro aérien recevra de nombreux investissements et sera remis en état pour la rentrée 2018. Le Conglomérat Castelage s’engage pour la connexion entre eux des quartiers de la Principauté.
- La Colonie Chimique de CRAMOISIE© nous annonce changer d’obédience religieuse pour devenir luciférienne. La colonisation messianique catholane est déconseillée, mais il est toujours possible de demander la nationalité cramoisienne si le projet d’Eden rouge porté par la Société Luciférienne Carnavalaise vous séduit.
- Je sais que les bombardements aériens sur la ville sont gênants pour certains d'entre vous, notamment lorsqu’ils perturbent la circulation. Nous vous invitons à emprunter les passages souterrains, je suis actuellement en contact avec le syndicat des égoutiers pour aménager les passages où les flux risquent d’être les plus tendus.
- Carnavale renonce au catholicisme comme religion d’Etat. Une approche davantage philosophique sera mise en avant désormais.
- Suite aux prochaines réformes internes, la municipalité met à disposition des citoyens des conseils juridiques gratuits sur rendez-vous, afin de mieux appréhender la gestion de vos actifs financiers et de vos droits fondamentaux.

Les premiers investissements donnent déjà leurs fruits, l’exécution de la noblesse débloque des capitaux inédits, la cité noire est en plein boom économique ! D'ici quelques mois, nous aurons dépassé ce coup de mou, je vous le garantis.
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Améthyste CastelagePhilippe Géminéon

Dans un salon de Bourg-Léon, plus austère qu’à l’accoutumé, Philippe Géminéon rencontre une fois de plus mademoiselle Améthyste Castelage.

- Vous n’êtes pas très bavard, Philippe.

- C’est que nous nous voyons très souvent ces dernières semaines, je n’ai plus grand-chose de neuf à dire.

- Vous ne tarissiez pas de projets pour Carnavale pourtant quand nous nous sommes rencontré pour la première fois ?

- J’ai fait ma liste de propositions, vous la connaissez, je m’en tiens là. Les grandes œuvres demandes une radicalité d’esprit qui ne souffre pas de compromis.

- Je vois. Écoutez, c'est un fait que nous devons faire des choix. Laissez moi un an ou deux et je vous promets que nous en reparlerons. J’ai vu vos photos de lingerie dans RALL…

- Ces sacs à merde me paieront chaque photo volée ! Ventmoite ne ressortira jamais des Laboratoires ! JAMAIS ! Je m’assurerai qu’elle y passe une longue et douloureuse fin de carrière… j’ai les moyens de maintenir quelqu’un en vie presque indéfiniment !

- En parlant de ça, Philippe, je voudrai savoir où nous en sommes dans le déplacement et la mise en sécurité des possessions stratégiques de monsieur Dalyoha ?

- Dalyoha et moi savons très bien les enjeux de préserver intacts les Laboratoires, plusieurs plans sont sur la table et exécutés en même temps si d’aventure le pire devait arriver. Nous ne pouvons pas complètement assurer la sécurité des infrastructures critiques mais le matériel n’a que peu d’importance. Plus grave serait de perdre les échantillons qui sont en train d’être déplacés en dessous des Jardins Botaniques. J’ai eu l’occasion une fois de voir ce qu’il y avait là-dedans, c’est une abomination et je parle en connaisseur.

- Par pitié faites en sortes que tout ça reste au stade de légende urbaine… Je laisse à monsieur Dalyoha ses jardins pourvu qu’il me laisse la ville.

- C’est votre accord, il n’a jamais été question de le rompre.

- Et donc il y a des laboratoires là-dessus ?

- En… quelque sorte. Vous ne préférez pas ne rien savoir ?

- Si, je crois que vous avez raison. En revanche vous pouvez m’en dire plus sur les mesures de contre-catastrophe Philippe ?

- Seulement le stricte nécessaire mademoiselle. Bien que je souhaite éviter cette extrémité, si d’aventure vous deviez concéder l’examen des sous-sols de Bourg-Léon à nos ennemis, il est inutile de refuser trop vigoureusement. Les Laboratoires se divisent en couchent auxquels n’ont accès que les plus fidèles et les plus fous. Plusieurs salles du 3ème sous-sols sont consacrées au développement d’agents pathogènes archaïques et j’y ai fait déplacer les salles dédiées au développement de l’agent CRAMOISI. Cela devrait donner satisfaction à n’importe quel inspecteur, même du genre hargneux, un véritable laboratoire Potemkine. Les sous-sols inférieurs étaient déjà l’un des lieux les plus secrets au monde, ils sont désormais parfaitement inaccessibles à qui n’en connait pas l’existence. J’ai tout de même aménagé le 4ème de façon à pouvoir laisser croire à nos ennemis qu’ils l’ont découvert par eux-mêmes en cas de besoin. Ils y trouveront des pathogènes en cours de développement mais dont nous savons, nous, que les études ne mèneront à rien. Le temps que leurs scientifiques arrivent aux mêmes conclusions, ils leur faudra cinq ans, et je suis optimiste. J’ai commandé un rapport détaillé sur le niveau d’avancement en microbiologie et sciences du vivant de l’OND, je suis effrayé par le retard technologique qu’ils accusent. Si je leur montrais mes matériel chirurgical à recomposition génique, ils seraient foutus de le confondre avec un microscope. N’oubliez pas ce que je vous ai dit à propos des Transblêmes : toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. Nous sommes des dieux à leurs yeux, cela ne m’étonne pas qu’ils aient fait le choix de s’attaquer à nous. C’est la peur qui les tient, autant que la vengeance.

- Je vous crois Philippe. D’autres mesures ?

- Plusieurs, que je tairais. Je peux cependant vous dire que je supervise en ce moment même personnellement le développement d’une nouvelle synthèse de psychotropes parfaitement indétectables dans le sang et qui, ingérés progressivement et à faible dose, fera douter de la nature même de la réalité à n’importe quel inspecteur un peu trop rationnel. Les Transblêmes ont déjà eu l’occasion de les expérimenter à plusieurs reprises, cela donne des résultats assez plaisants. Nous travaillons à affiner la formule pour obtenir des effets encore plus subtils.

- Et vous pensez que ce sera suffisant ? Si la Principauté venait à être totalement envahie…

- Ne sous-estimez pas la taille de Bourg-Léon mademoiselle. L’île fait un peu moins de 8 000 kilomètres carrés de superficie, c’est un roc dressé au-dessus de la mer, troué de grottes et d’embuches. La beauté idyllique du domaine ne doit pas vous faire oublier que nous sommes dans l’un des lieux les plus complexe du monde, aménagé depuis des siècles, pour certaines parties dans le plus grand secret. Et puis, monsieur Blaise Dalyoha n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier. Trouverait-on un Laboratoire qu’on n’aurait rien trouvé.

- Très bien très bien… Je sais qu’il s’agit du patrimoine de monsieur Dalyoha mais je serai chagrinée que la Principauté perde l’avantage stratégique que représentent ses Laboratoires…

- Le patrim… l’humanité Améthyste. C’est l’humanité que nous portons à bouts de bras !

- Tient vous m’appelez par mon prénom maintenant ?

- Excusez-moi, je me suis laissé emporter.

- Je vous en prie, ce n’était pas importuns. Nous sommes bons amis à présent, n’est-ce pas ?

- Si vous le dites, mademoiselle.

- Appelez-moi Améthyste.

- … y a-t-il encore des choses dont vous désiriez m’entretenir ?

- En fait oui, un certain nombre. Qu’en est-il des défenses de l’île, parvenez-vous à vous retrancher ?

- Je continue à penser que nous devons à tout prix éviter les combats sur Bourg-Léon. Ceci étant dit, j’ai effectivement pris un certain nombre de mesures. Étant donné l’asymétrie militaire dont nous pâtissons, le soutien Kah-Tanais ne sera pas de trop. Néanmoins j’ai également pris soin de fortifier les plages. Étant donné la distance séparant l’entrée du golfe et Bourg-Léon, nous disposons d’un temps relativement court mais non négligeable en cas de détection de navires de débarquement. Il est toutefois illusoire de penser que Bourg-Léon tiendrait face à une invasion de grande ampleur, sans parler des dégats importants que causerait un bombardement aérien ou d’artillerie. Je ne permettrai pas qu’on se batte dans Grand Hôpital, c’est un lieu de science et un sanctuaire.

- J’ai bien compris Philippe néanmoins plus vous retrancherez Bourg-Léon et plus l’hypothèse d’une tentative d’attaque de l’île s’éloignera. Avez-vous reconsidéré ma proposition de vous fournir en miliciens ?

- Les forces de monsieur Dalyoha sont les seules troupes nécessaires à la défense de l’île. Elles sont également les seules à savoir correctement se servir des armes chimiques que nous employons. Je suis navré mais je dois refuser.

- Et considérant notre plan B ?

- Il y a assez de malades de toutes origines sur celle île pour prendre en otage des dizaines de milliers de personne. Bien que je m’y répugne sur le principe en raison de la mauvaise publicité que cela nous ferait. La no fly zone de l’OND a paradoxalement eut le mérite d’empêcher tous départs de l’île et nous disposons d’une foultitude de ressortissants de toutes nationalités à notre disposition. Néanmoins je conseillerai plutôt de faire reposer notre menace sur l’exécution des malades Carnavalais les plus indigents. Nous n’avons que faire de massacrer quelques milliers de sans domiciles fixes mais cela aura un impact psychologique peut être suffisant pour forcer l’ennemi au compromis.

- Vous me confirmez également que le ligne de train qui relie Bourg-Léon à Carnavale est fonctionnelle ?

- Tout à fait, j’ai eu le plaisir de l’utiliser moi-même et si d’aventure des navires hostiles venaient à flotter dans la zone et que prendre le ferry n’était plus possible, vous pourrez l’emprunter aussi. C’est une ligne très rudimentaire je ne vous le cache pas mais elle a bien servi le clan Dalyoha et facilite l’acheminement des marchandises les plus sulfureuses depuis la cité noire.

- Pas de risque d’effondrement ?

- Même si on en soupçonnait l’existence, c’est creusé dans le granite mademoiselle, sans compter les tonnes d’eau au-dessus. Personne n’a la technologie pour percer un trou là-dedans.

- Bon vous me rassurez. Sur un autre sujet, avez-vous eu un retour de monsieur Blaise Dalyoha quant à ma proposition de nationalisation ?

- En effet. Monsieur Dalyoha n’a pas exprimé de refus définitif, bien qu’il entende négocier plus âprement un tel projet. Il vous fait par ailleurs dire que la prochaine fois que vous tenterez de l’assassiner avec un drone tueur, il fera empoisonner monsieur Melchiolivier Grimace et rachètera ses entreprises pour les démanteler.

- C’est de bonne guerre…

- Feu votre père et madame Pervenche Obéron savaient qu’il était inutile d’intenter à la vie de Blaise Dalyoha. Je me permets le même conseil que j’ai donné autrefois à Arthur Castelage : la Principauté ne dort pas que sur des lingots d’or et la famille Dalyoha nous survivra, quoi qu’il arrive. Vous pouvez lui faire concurrence, mais ne vous y attaquez pas trop frontalement, rien de bon n’en sortira.

- Si vous le dites, Philippe, mais l’équilibre des grandes familles est bouleversé, les Castelage sont bien plus puissants qu’au paravent, et j’ai la population avec moi.

- Estham a prouvé que le nombre n’était rien face à la science. Monsieur Blaise Dalyoha a eu la mansuétude de décharger de l’engrais sur la ville, néanmoins cela devrait servir d’avertissement : rien ne l’empêche de cracher ses agents mortels.

- Estham est une ville de province, Philippe, deux millions de gens, c’est à peine plus grand que Salem-Aleykoum qu’on a sorti de terre il y a un an. Carnavale en compte plus de cinquante-cinq millions. Ne comparez pas l’incomparable, nous ne sommes pas un pays archaïque comme l’était l’Empire du Nord.

- Prenez garde à vous Améthyste. Personne n’est à l’abri d’un empoisonnement.

- Vous ne l’êtes pas, vous ?

Pour la première fois le docteur Philippe Géminéon semble surpris par la question.

- C’est moi qui développe les pathogènes alors…

- Alors Blaise Dalyoha n’est que le commanditaire mais c’est vous, Philippe, le véritable maître de Grand Hôpital et des Laboratoires. Que peut-il faire sans vous et sans votre expertise ?

- Ne parlez pas de ce que vous ne comprenez pas !

- Ce n’est qu’un gosse, maintenu éternellement jeune, certes, mais qui pourrit de l’intérieur comme nous tous et le nombre de ses clones n’y changera rien. Tout ça, c’est un tour de passe-passe…

- Taisez-vous ! Blaise Dalyoha est un dieu !

- Oui, j’ai entendu des rumeurs allant dans ce sens. Je n’y crois pas, personnell… que faites-vous ?

Philippe Géminéon s’est levé et a saisi le bras d’Améthyste Castelage.

- Suivez-vous, petite gourde.

- Ouh, j’aime quand vous faites l’autoritaire… où allons-nous ?

- Vous voulez voir les Laboratoires ? Je vais vous montrer les Laboratoires… ! Alors vous comprendrez !
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Améthyste CastelagePhilippe Géminéon

Ce jour-là, Améthyste comprit ce qu’il y avait dans les Laboratoires. Normalement Philippe Géminéon n’aurait jamais dû lui montrer ce qui se trouvait en dessous de Bourg-Léon, mais le vieux docteur était certainement fatigué, de guerre las, pendant que son maître vivait son idylle dans ses jardins et que Carnavale continuait de se faire bombarder, c’était Géminéon qui avait accueilli les milliers de patients venus de la cité noire. C’était lui qui avait, au nom du conglomérat Dalyoha, négocié le virage politique de la Principauté. Lui qui avait militarisé l’île en prévision d’une invasion amphibie. C’était sur ses épaules que reposait la viabilité de l’infernale infrastructure médicale de Grand Hôpital et tous ses secrets. Améthyste était jeune et jolie, agaçante, il s’était laissé convaincre, ou avait baissé les bras, relâché, pour une fois dans sa carrière, le lourd et pesant secret qui sommeillait sous ses pieds.

Il avait conduit Améthyste aux ascenseurs dissimulés, passé les sas, pénétré les passages secrets, était entré dans les grottes obscures où règne l’humidité et les chauves-souris, s’était glissé dans des trous invisibles à l’œil nu où se dévalaient des escaliers. Jusqu'à une grande salle, construire comme une ruche, aux murs troués d’alcôves médicalisées.

- C’est ça, les Laboratoires ?

- Une petite partie, oui. Mais une partie importante.

Elle s’approche des lits médicalisés où de vieilles personnes dorment sous respirateurs et perfusion. Leurs muscles sont stimulés électriquement depuis un moniteur.

- Combien y a-t-il de générations ?

- Douze Dalyoha, nous n’avons pas pu sauver tout le monde. Les plus anciens sont dans un sale état, notre science était encore assez expérimentale à l’époque.

- Et donc ? Vous gardez toute la famille de Blaise en vie en attente de quoi ? Ils ne vont pas se relever un jour pour conquérir le monde, ce sont des cadavres vivants, c’est abominable de faire ça.

- La lignée des Dalyoha est l’une des plus ancienne lignée noble connue. Leur patrimoine génétique a subi très peu de variations au fil du temps grâce à un haut niveau de consanguinité et le fait qu’ils se soient mariés presque exclusivement au sein de la noblesse carnavalaise. C’est comme maintenir en état un livre vieux de deux-mille ans.

Améthyste fait quelques pas et s’approche d’une cuve où dort une personne nue.

- Je la connais ?

- Valeria Visconti. Patrice de Velsna.

Ils passent à la cuve suivante.

- C’est ?

- Catherine III, reine de Teyla. Nous avons toutes la famille.

Une autre cuve.

- Ceux-là je les connais.

- Les Lorenzo. On s’en ait fait en rab au cas où.

- Vous avez cloné les dirigeants du monde entier ? Pourquoi faire Philippe ?

- Pas que les dirigeants. Tous ceux qui passent par Grand Hôpital, ou l’une de nos cliniques, ou l’un de nos partenaires. Quand quelqu’un fait une prise de sang, vous pensez qu’il connait toutes les étapes de la chaîne qui fait l’analyse ? Les Laboratoires Dalyoha sont la plus grande entreprise médicale au monde, nous avons des ramifications dans toutes les économies de marché.

- La Loduarie n’est pas exactement une économie de marché.

- Mais Lorenzo est un ennemi déclaré. Nous avons pris nos précautions.

Améthyste fait la moue, elle dépasse plusieurs cuves d’un air mitigé.

- Ça n’explique pas pourquoi vous faites tout cela ? Blaise les collectionne ?

- Une banque de donnée génétique. Vous vous trouvez dans la plus grande généthèque au monde, en fait j'ignore même s'il en existe seulement d'autres ailleurs. Certains stockent les graines, nous nous stockons le patrimoine génétique de l’humanité. Depuis des décennies. C’est un projet de temps long : nous cartographions le génome et son évolution. Nous clonons tant que c’est possible. Une grande partie des immunités naturelles aux dangers qui pèsent sur notre espèce se trouvent dans ces corps, attendant d’être découvertes.

- Je ne comprends pas.

- Connaissez-vous l’archéologie ?

- Quelques bases, j’ai signé quelques décrets municipaux sur la protection du patrimoine ces derniers mois.

- En archéologie nous appliquons un principe de précaution : si nous n’avons pas les moyens de faire une fouille, nous gardons le site en état le temps que nos outils et nos méthodes se perfectionnent. Pareil pour les objets fragiles, des manuscrits, les manipuler c’est prendre le risque de les détruire alors nous n’y touchons pas, en attendant. C’est ce que nous faisons ici : nous stockons l’humanité, en attendant qu'elle devienne utile.

- Pourquoi des dirigeants ?

- Les Dalyoha croient en la sélection naturelle. Les personnes importantes, les lignées dont on peut retracer la généalogie de longue date sont un matériel précieux qui facilite la recherche. Mais nous travaillons également beaucoup à partir des gens qui survivent aux conditions de vie déplorables de Carnavale.

Améthyste éclate d’un rire franc.

- Blaise et Pervenche faisaient vraiment la paire ! Elle qui maintenait les Carnavalais dans des conditions abominables pour faire apparaitre l’antéchrist et lui qui les expose au pire des toxines pour récolter ensuite les survivants… Carnavale mérite bien sa réputation d’expérience sociale à ciel ouvert.

Philippe Géminéon se rembrunit face à ce rire moqueur.

- Ne plaisantez pas avec ça. C’est à ce prix que nous accomplissons des merveilles. C’est ce que vous devez à tout prix protéger. Si ces barbares de l’OND venaient à ravager nos laboratoires, nous perdrions cinquante ans d’avance et de progrès médicaux.

- Ne vous inquiétez pas ils ne toucheront pas à votre précieuse expérience. Donc c’est tout ce qu’il y a à voir ? Des Dalyoha momifiés et la moitié des dirigeants de ce monde dans des cuves. C’est à la fois impressionnant et un peu convenu.

Philippe Géminéon souffle du nez d’agacement.

- Les Castelage n’ont décidément jamais eu la hauteur de vue nécessaire pour comprendre le bien que nous faisons à l’humanité ici.

- Je plaisante Géminéon. Dites-moi, vos clones, là, on peut s’en servir pour remplacer un dirigeant ?

- C’est un projet que nous expérimentons actuellement, en effet.

- Intéressant ! Où ça ?

- Dans un coin du monde dont personne n'a rien à foutre. En Polkême.
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