25/09/2017
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[Gorae Man/Grand Kah] Communalisme et Wonhyeong sous le ciel d'Heon Kuang

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La délégation garémanienne fut accueillie sur le tarmac de l'aérodrome international de Petchapang par un comité restreint mais de haut rang. Le protocole kah-tanais, bien que moins rigide que celui des vieilles monarchies, n'en était pas moins précis et la descente de la passerelle se fit face donc à un alignement impeccable de la Garde Communale locale, dont les uniformes sombres et fonctionnels tranchaient avec les couleurs vives des bannières flottant au vent – le noir et rouge de l'Union fraternisant avec le bleu et blanc de Gorae Man. Derrière les miliciens s’étendaient des barrières où s’étaient attroupées les citoyennes et citoyens d’Heon Kuang, venu saluer un peuple que l’on considérait dors-et-déjà comme frère, au moins par la simple vertu des similarités fonctionnelle entre le communalisme libertaire de l’Union et les Cercles du Gorae Man.

Si la Cité aux 100 Jardins – comme on surnommait parfois Heon Kuang – faisait généralement forte impression aux étrangers, elle devait bien finalement assez familière à quiconque avait habité ou visité la mégalopole de la Baie des baleines, tout en restant sensiblement moins étendue. Un maillage d’immenses tours, grands espaces verts, centres historiques et canaux médiévaux qui formaient, ensemble, un certain idéal type de cité moderne : surpeuplée, bien administrée et organisée, ouverte aux échanges internationaux. Heon Kuang était l’une des principales interface entre le socialisme appliqué au sein de l’Union et le capitalisme triomphant dans le reste du monde.

Le trajet qui suivit fut une immersion dans la singularité de Heon-Kuang. Les véhicules électriques du gouvernement glissèrent en silence sur des artères impeccables, serpentant entre les tours de verre des consortiums internationaux, les bâtiments administratifs au style brutaliste assumé et les vestiges colorés de l'architecture du vieux royaume d'Ishimura. Des slogans révolutionnaires peints sur les murs cohabitaient avec les enseignes lumineuses des places financières, et les manifestations publiques, musicales, politiques, qui émaillaient chaque espace vert. Une citadelle de la révolution déguisée en place forte du commerce mondial. Enfin, ils arrivèrent à l'Administration du Commissariat aux Exclaves, un grand bâtiment néoclassique où se discutaient en principe les affaires liées aux communes extra-patltoterranes de la Confédération. On les y guida, jusqu’à une salle de réunion préparée pour l’occasion.

Elle offrait une vue imprenable sur la baie, où les porte-conteneurs des Keiretsus croisaient les jonques traditionnelles. Un unique dirigeable de la Garde Communale survolait l’océan, se dirigeant sans doute vers Alpeh, principal port militaire de l’Union, dont l’activité était frénétique depuis que les relations s’étaient tendues avec le régime fasciste du Fujiwa.

La table de réunion, un long bloc de bois clair poli, faisait face à cette vue. Trois figures kah-tanaises y étaient déjà installés, attendant la délégation. Au centre, le commissaire aux exclaves, Shao Kai Yuhan, un natif de la ville dont la droiture militaire se lisait autant dans sa posture que dans ses manières directes. À sa droite, l'architecte de ce rapprochement, la citoyenne Actée Iccauhtli. Elle souriait. À sa gauche, la citoyenne Sasha Melenko, jeune et brillante représentante de l'Assemblée Communale Générale de Heon-Kuang.

Après les salutations d'usage, le Commissaire Yuhan prit la parole, son ton mesuré contrastait grandement avec l'effervescence de la cité qui s'étendait autour d'eux.

« Salut et Fraternité, chers camarades ! Au nom du Comité de Volonté Publique et des communes de l'Union, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à Heon-Kuang. J'espère que notre charmante petite ville vous aura fait bonne impression. Elle est certes du Nazum, mais vous aurez probablement constaté que son cœur bat au rythme de la révolution paltoterrane. Nous avons l'honneur de nous considérer comme un pont. Un pont entre les cultures, un pont entre les histoires, et aujourd’hui, nous l'espérons, entre nos deux nations. »

Il lança un regard à Actée, qui acquiesça et pris la parole.

« Depuis votre Grand Réveil, l'Union observe votre cheminement avec un intérêt dépassant la simple vieille diplomatique. Votre gouvernance par cercles résonne grandement avec notre propre idéal communaliste. Dans un monde encore dominé par les hiérarchies et les centres de pouvoir opaques, nous sommes ensemble la preuve qu'une autre voie est possible. »

Elle posa ses mains sur la table.

« Votre délégation d'observateurs, de retour de vos terres, nous a rapporté la vitalité et la sincérité de votre modèle. Leurs conclusions confirment notre première intuition : nos peuples sont destinés à s'entendre. Ce pourquoi nous souhaitons désormais aller au-delà de l'observation et de l'admiration mutuelle. Nous vous avons conviés pour jeter les bases de ce rapprochement géostratégique que nous avions déjà évoqué à l'écrit.

Ainsi nous aimerions entendre vos perspectives, comprendre vos ambitions, vos besoins, et vos craintes. Ensuite, nous pourrons explorer ensemble les voies concrètes d'une coopération durable, qu'elle soit économique, scientifique, culturelle, et, si vous le jugez pertinent, dans le domaine de la défense de nos souverainetés respectives. Nous aimerions aussi vous soumettre la proposition d’intégrer l’Internationale Libertaire, une organisation entièrement dédiée à la coopération des pays qui, comme nous, ont fait le choix de la démocratie véritable.

Nous vous écoutons.
»

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Pour information Heon Kuang se trouve, eh bien, ici.
À plusieurs milliers de mètres d’altitude, la mer des nuages s’étendait sous la carlingue blanche du vol diplomatique. Le long courrier, préparé spécialement pour cette mission, coupait en silence l’air limpide au-dessus du vaste océan qui séparait le Nazum de l'est à sa partie sud continentale. Cela faisait déjà plusieurs heures que la délégation du Gorae Man avait quitté Haesim, la capitale.

Lee Min-jin n’avait pas dormi. Elle avait passé une bonne partie du vol à relire les documents transmis par le pavillon de la lanterne. Devant elle, soigneusement classés, s’étendaient les différents rapports d’analyse du cercle diplomatique sur le Grand Kah, les protocoles d’accueil envoyés par l’administration du Heon Kuang, ou encore un recueil traduit des statuts de l’Internationale Libertaire, annoté en marge de plusieurs commentaires de ses conseillers.

À côté d’elle, un jeune interprète révisait en silence. Plus loin, une représentante du cercle éducatif et un coordinateur d'un cercle scientifique discutaient à voix basse. Le Gorae Man ne se déplaçait jamais avec faste. Mais chaque mission diplomatique portait dans ses bagages l’écho des cercles : savoir, culture, technique, et diplomatie toujours à parts égales.

À l’atterrissage, le protocole était en place, respectueux et efficace. Lee Min-jin descendit la passerelle d’un pas calme, vêtue cette fois d’un hanbok aux tons sable et vert foncé. L’accueil avait été préparé avec soin, et la délégation gorémanienne fut conduite dans un bâtiment réservé à l'organisation du sommet diplomatique stratégique.

Lee Min-jin salua ses hôtes d’un signe de tête respectueux, et s’autorisa quelques mots à l’adresse du personnel d’accueil, avant de reporter son attention sur les diplomates qui l'accueillaient :


leeminjin


" Merci de nous recevoir. Que la table du dialogue nous éclaire sur ce que peuvent être nos pas communs."

La coordinatrice des affaires étrangères du Gorae Man prit un instant avant de reprendre la parole, pour répondre à ses interlocuteurs. Sa voix, lorsqu’elle s’éleva dans la salle, était douce et pesée.

"Camarades, frères et sœurs en pensée, Heon-Kuang est une ville surprenante. Une racine étrangère qui pousse cependant comme une tige familière. Nous avons été reçus avec chaleur, et pour cela, je vous en remercie, au nom de ma délégation.

Vous avez prononcé un mot qui a du poids dans notre langue : "pont". Notre peuple l’emploie avec prudence, car un pont doit reposer solidement sur deux rives. Mais nous aussi, nous voulons construire des ponts avec le Grand Kah. Pas pour dominer un rivage, mais pour permettre aux voix de circuler, aux regards de se croiser, et aux idées de se transmettre."

Son ton était posé, presque intime, comme si elle faisait une confidence.

"Le Grand Kah et le Gorae Man se ressemblent plus que bien des nations qui se disent alliées. Vous avez vu nos cercles, nous avons lu vos communes. Vous donnez à vos citoyens une voix directe, nous aussi. Vous avez tourné le dos aux anciens trônes, nous avons enterré les nôtres.

Mais là où nos chemins se distinguent peut être, ce n’est ni en valeur, ni en courage, mais en méthode."


Elle marqua une respiration.

"Gorae Man a choisi la voie de la neutralité, là où le Grand Kah semble avoir choisi une voie plus active. Nous soutenons la parole libre, nous refusons la terreur d’État. Mais nous considérons que les révolutions appartiennent aux peuples qui les mènent. Nous ne les portons pas au bout de nos bras.

Alors vous me demandez : qu’attendons-nous de ce sommet ? Voici ce que nous souhaitons : développer une coopération scientifique directe, ouvrir un axe commercial structuré, durable et stratégique entre nos deux nations, échanger sur nos savoirs culturels car les peuples se comprennent mieux par le geste que par le traité."

Elle reprit enfin un ton plus solennel, mais doux :

"Quant à l’Internationale Libertaire… Nous reconnaissons la sincérité de son engagement et partageons ses valeurs. Nous étudierons votre proposition avec attention, en consultant nos cercles, et sommes prêts à en discuter d'avantage avec vous. Si nous sommes prêts à nous engager dans cette organisation concernant les points qui relèvent de la coopération scientifique et universitaire ou de solidarité économique, nous pourrions cependant émettre des réticences en ce qui concerne les questions de défense qui pourraient briser notre position de nation neutre aux yeux du monde.

Cela ne doit pas nous empêcher d'aborder avec franchise ces questions difficiles, et sommes prêts à discuter de défense. Il est évident que le Gorae Man ne représente aucune menace directe ou indirecte pour la souveraineté du Grand Kah. Il nous sera en revanche plus difficile d'engager un serment de soutien direct de principe, sur des situations de menaces futures dont le contexte, la nature et les acteurs ne sont pas encore connus."


Elle inclina la tête respectueusement.
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