Il était une fois… un homme différent du Sadr.

Touthankhanon était l’opposé du Sadr. Il ne buvait pas, ne faisait pas la fête… rien de tout cela. Il était toujours en train de consulter les journaux ou de préparer les discours du Sadr. Il ne parlait pas beaucoup ; on ne savait pas trop à quoi il pensait. Depuis la mort de sa femme, cet homme regardait les autres droit dans les yeux. Il attendait le jour où la mort viendrait le chercher.
Après la mort de sa femme, ne sachant plus quoi faire, il décida à maintes reprises d’en finir. Il enroula la corde autour de son cou, monta sur la chaise… mais ne sauta jamais. C’est lorsqu’il lu un journal qu’il vit une annonce pour entrer dans l’armée : une armée jeune, qui se disait être la plus puissante dans quelques années. C’est dans cette armée naissante qu’il passa des heures à s’entraîner. Au début, c’était pour oublier ce chagrin, pour oublier les mains tendres et douces de sa femme. Peu à peu, il prit goût au travail et ce chagrin se transforma en la raison de vivre qu’il défend aujourd’hui.
Il monta les échelons, jour après jour. Il ne tricha pas, n’avait pas été recommandé et ne venait pas d’une famille aisée. Cet homme devint très vite reconnu dans toute l’armée. C’est après le changement de régime qu’il fut promu « Zadr », le second. Quand il entra dans la salle pour voir le Sadr , il vit un homme ; à côté de lui se trouvaient des substances interdites dans le pays. Il ne comprenait pas : il avait gravi les échelons pour se faire voler sa première place par un… alcoolique ? C’était une humiliation.
Cet homme s’appelait Yazido. Il n’avait pas fait d’école militaire, n’avait pas été recommandé… il était juste là. Le Zadr se donnait donc à fond, partout. Il voulait surpasser ce drogué, qui rentrait tous les soirs ivre et, malgré cela, apportait de bonnes nouvelles.
C’est alors qu’une mission apparut : quelqu’un devait s’entretenir avec une flotte leucytanéenne s’ils venaient à entrer en contact lors de la mission de soumission. Aucun des ADRs ne se désigna (ADR — ils sont 26, commençant tous par une lettre de l’alphabet) ; la plupart avaient des familles, quelque chose à protéger. Mais lui n’avait plus rien, alors si quelqu’un devait mourir, c’était bien lui.
À bord de la mission de soumission, il devait mener la tâche à bien. Si la situation se compliquait, c’était à lui de régler le tout le plus tranquillement possible. Achraf avait volé les substances du Sadr et son alcool la nuit précédant la mission. Il s’était enivré, drogué et était même allé dans un bar de femmes. On voulait se débarrasser de lui — du moins c’est ce qu’il avait compris de la décision des ADRs. Touthankhanon passa la nuit en transe, car c’était peut‑être sa dernière nuit. Quand il rentra chez lui, complètement ivre, la tête qui tournait, il écrivit un discours. Il y passa toute la nuit : il voulait s’adresser à cet homme qu’il admirait mais qu’il détestait en même temps.
Le jour se leva, la mission allait commencer. Avant son départ, il réunit les soldats ainsi que tous les ADRs ; il les vit tous sauf celui auquel il voulait principalement s’adresser. Il serra le poing de colère et commença son discours.
« Je suis l’homme le plus heureux de cette planète. Si aujourd’hui je m’exprime, c’est pour vous dire que je vous déteste tous, et surtout un homme qui n’a même pas pris la peine de se déplacer. Je suis resté avec cet homme, je l’ai vu faire ses conneries ; vous le voyez vous aussi et pourtant vous le laissez faire. Si aujourd’hui nous en sommes là, à punir une nation pour faire ce que j’aurais dû faire il y a bien longtemps, c’est à cause de cet homme. Oui, cet homme dont vous ne voulez pas parler, que personne n’ose appeler pour lui dire de venir à mon discours. Mais je suis le plus chanceux, car je vais enfin pouvoir partir. Allez-y, avouez : vous n’attendiez que ça, non ? Eh bien voilà ! Je vais enfin vous laisser tranquilles avec toute ma paperasse. Je me suis battu à fond pour qu’un homme qui n’a même pas été foutu de se réveiller un jour si important me vole ma place ! Alors, qu’il en soit ainsi : j’espère que je mourrai dans cette attaque qui n’en vaut pas la peine. Que ce soit mon châtiment pour avoir cru en cette armée ! De ce pas, je m’en vais. »Après la fin de son discours, personne ne dit rien ; personne n’applaudit ni n’exprima la moindre émotion. Il monta dans le navire de guerre.
Les missiles prirent feu ; les cieux grondèrent et la terre se déchira.
Ils venaient d’être tirés.
…
Puis le Zadr, d’un ton froid et sec, répondit :
Le Zadr :
« Bon… ne tardons pas. Nous vous suivrons à Leandra. »