26/05/2017
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Re : La chute de l'Altrecht Livre I [ ALTRECHT - GRAND KAH ]

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Une information semblait sortir de la fouille sur le Dark Web concernant des dossiers suspects d'Altrecht. Un homme semblait haïr le gouvernement du pays, un homme qui se nommait Edward Witoski. Il est actuellement quelque part proche des côtes de la "Commune de Kotios" sur un navire de luxe avec son équipage touristique. Il est assez proche afin de pouvoir capter un signal longue portée pour que quelqu'un le contacte. Mais sa position, elle, est plus complexe à trouver avec exactitude.

D'après les informations recueillies sur le Dark Web, cet homme aurait des plans d’institutions politiques ou de bâtiments importants en Altrecht. Il semblerait que lui et son frère aient travaillé comme assistants d'architecte durant des travaux de rénovation. Cependant, son frère ayant "manqué" de foi envers l'Empereur, d'après les informations fournies par l'Inquisition après avoir travaillé sur la Reichsbank, fut exécuté sommairement en lieu clos dans le silence le plus total. Il semblerait qu'il avait découvert trop de choses et Edward souhaitait ainsi le venger.
https://i.imgur.com/2LK41eX.png

Le vent marin soufflait sur son visage. Il avait l’odeur du sel, du fer rouillé et de la sueur humaine. L’air de Kotios. Un air jeune et ancien. Très ancien.

Eleni Papolonova le huma distraitement. La ville fourmillait de cette agitation molle et confortable. Une fourmilière qui s’imaginait avoir l’éternité devant elle. L’Histoire comme alliée, la Révolution net ses filles prenaient leur temps. Partout où son regard se posait, Eleni voyait des gens heureux.

Elle, pour sa part, aurait été peinée de se définir comme telle. D’un naturel critique, elle considérait plus généralement qu’il n’existait de toute façon pas de bonheur. Pas pour les gens comme elle, les gens de l’Égide.

Cela ne la dérangeait pas et elle traversait l’existence avec un degré tout à fait relatif (mais suffisant) de satisfaction. Les autres humains formaient des constructions théoriques et intellectuelles de joies, des villages Potemkine de réalisations éphémères. L’analyse des données et du réel l’avaient, pour sa part, ancré solidement du côté du cynisme. Rien ne durerait, et on ne pouvait pas construire de joie de vivre, uniquement éviter des malheurs. S’adapter à des conditions matérielles jamais tout à fait confortables.

Pour autant elle ne se considérait pas malheureuse. Elle était relativement satisfaite, voilà tout. Sa vie était faite d’un métier arasant, et de joies simples. Comme celle de marcher sur les quais de Kotios, un Fish and Chips en main, le poison gras soigneusement emballé dans le papier d’un journal de la veille. Les gros titres des articles à peine lisibles entre ses doigts. Guerre en Afarée, grèves d’étudiants à Albigärk, un pirate retrouvé mort chez lui. Un accord commercial.

Eleni mordit dans une fritte et porta son regard sur l’eau huileuse. Des mouettes volaient au-dessus du port. Plus loin, son bateau.

Elle n'était pas, et ne serait vraisemblablement jamais, l'une des "grandes". Rien ne semblait l'y prédestiner, ni dans les opportunités que la vie lui avait présentées, ni dans la façon qu'elle avait eue d'y répondre. Ce n'était pas un problème. Elle n'avait jamais été attirée par les responsabilités des capitaines-Inquisiteurs, pas plus qu'elle n'enviait les Haut Agents pour leur pouvoir. Ces masques anonymes, portant les noms de couleurs qu'on leur associait, étaient pour elle autant de fantômes.

Si métier comportait déjà tant de spectres, elle préférait rester du côté des vivants. De la matière chaude et douce de la chair, du vrai, du tangible. De tout ce qui était brillant, lisible, exposé au soleil. À plus d'un titre, son rôle d'enquêtrice de l’Égide consistait à débusquer ce qui était caché, et à le traîner de force dans le monde du visible. Cela faisait en quelque sorte d'elle une chasseuse de fantôme.

C’était aussi pour ça qu’on lui avait proposé un nouveau poste à Kotios. Proposé. C’était très important, comme mot. Proposé. Rien ne lui avait été imposé. L’Inquisition ne mettait pas ses membres au placard, et leur faisait confiance pour comprendre ce qui était le mieux pour eux, et pour l’institution. La Mährenie était trop politiquement « sensible ». Le retour du fascisme était un risque bien réel tant à l’intérieur qu’hors des frontières confédérales. Et le dossier qui avait occupé Eleni, et justifié qu’on lui propose de plutôt traiter d’affaires pirates en Manche Blanche, concernait un régime souvent qualifié de fasciste, et une institution dont le nom, Inquisition, sonnait comme un contre-point idéologique et ironique à l’Égide kah-tanaise.

Le Haut-État d'Altrecht. Elle grimpa sur le bateau et plongea le papier journal vide dans une poche de son manteau. L’équipage se mit en branle. L’un des hommes lui fit signe. Elle nota le pli inhabituel de son pantalon, au niveau de la cheville. Une arme de secours, probablement. Ou un paquet de cigarettes. Elle lui rendit son signe, sans commentaire. Chacun ses petits fantômes.

« Prête, Eleni ?
– On y va. »

Il acquiesce et détache les amarres. Un autre actionna le moteur. Une toux sèche, puis le ronronnement diesel régulier s'éleva, faisant vibrer la coque sous ses pieds. Le petit appareil s'arracha doucement au port pour glisser vers les eaux internationales, où se trouvait le navire de plaisance. Le Haut-État d'Altrecht. Un informateur du nom de Morden avait confirmé certains - sinon l'ensemble - de ses doutes. Elle avait assemblé les autres pièces du puzzle, et on l'avait envoyé ici. Mais cette histoire la poursuivait, et Kotios lui avait offert une nouvelle occasion de compléter son enquête.

Eleni sourit tranquillement. Des secrets dormaient dans le ventre de la Reichsbank. Des secrets qui confirmeraient ou infirmeraient ses théories. Et cet homme, Witoski, saurait sans doute l'aider à les trouver.

Elle n'était pas, et ne serait vraisemblablement jamais, l'une des "grandes". Elle ne serait ni une Thiers sauvant un pays des sectes, ni une Meliorus mourant pour la cause, ni une Mauve assistant à la reconstruction d’une région sinistrée. Elle ne serait jamais qu’Eleni Papolonova. Enquêtrice de second rang, chercheuse de vérité.

C’était très bien comme ça.
Image du Yoat

La petite embarcation arriva à l'arrière du Yoat qui fut surpris de l'arrivée soudaine d'un tel dispositif. Alors, dans un élan de courtoisie, l'équipage se mit sur la partie arrière du navire, là où peuvent s'amarrer des embarcations. Le Yoat était grand mais l'homme était là, il ne se cachait pas, il faisait face aux personnes l'abordant. D'un ton grave, il dit à voix haute :

Qui êtes-vous ?! Vous travaillez pour l'Altrecht, c'est ça ?!

Mettant sa main derrière son dos, prêt à dégainer son pistolet.
Le ton était sec, l'ambiance pesante, et les mots de l'inspectrice devront être résolutoires des tensions provoquées par l'abordage surprise de leur navire.
« Pour le Grand Kah », corrigea-t-elle d’un ton courtois, levant les mains dans un signe universel de paix.

La tension était comme une corde tendue au-dessus du clapotis de l'eau. Une corde qu'Eleni n'avait aucune intention de la laisser claquer. Sa respiration lente, maîtrisée. Son regard balaya son équipage – un ramassis hétéroclite de pirates et de fonctionnaires locaux de la protection civile. Ce qui passait pour des professionnels, à Kotios. Leurs mains restaient loin de leurs armes. Ils attendaient ses ordres. Un poids invisible quitta ses épaules.

« Papolonova, Eleni Papolonova. Heureuse de vous rencontrer, monsieur Witoski. » Son regard glissa un instant vers la main que l'homme cachait dans son dos. « Je ne suis pas en mission officielle. Vous m’excuserez d’ailleurs de ne pas m’être annoncée avant de venir. Les murs ont des oreilles. »

Elle abaissa lentement les mains, paumes toujours visibles, un geste étudié pour désamorcer toute méfiance. Puis, elle fit un pas en avant sur le pont qui tanguait doucement, juste assez pour franchir la distance qui les séparait, et tendit la sienne. Son veston simple et sa chemise blanche auraient pu la faire passer pour une employée de bureau, si ce n'était pour le calme absolu de son regard et la façon dont elle se tenait sur le pont.

« Mon département enquête sur l'Altrecht depuis longtemps, Monsieur Witoski. Nous avons mis au jour une faille, une seule, qui pourrait faire tomber tout l'édifice. Si ça vous convient, vous pouvez me voir comme une cliente. »
Une cliente ? Mais il fallait le dire plus tôt ahah.

L'homme enleva doucement la main de derrière son dos, il invita Madame Papolonova à le rejoindre dans la cabine du capitaine. En se retournant pour s'y diriger, elle put voir que l'homme n'avait qu'une ceinture vide avec la chemise quelque peu débordante. Aucune arme, il ne fallait pas endommager son monstrueux bébé (le Yoat).

Alors dites-moi, vous avez trouvé la faille de l'Altrecht vous dites ? Et si vous m'avez trouvé, c'est grâce à mes plans et mes contacts de clientèle peu discrète je suppose. Passons, que vous faudrait-il, je connais l'Altrecht comme ma poche ?

Il sortit de son socle de table une tablette connectée. Derrière, Madame Papolonova vit descendre d'un coup une télévision interactive commandée par la tablette. Il y projeta un plan des toilettes du palais impérial en attendant les demandes de Madame Papolonova.
Elle nota l'absence de toute bosse suspecte sous sa chemise, la façon décontractée dont il se retournait, lui présentant son dos sans une once d'hésitation. Pas armé. Soit il était follement confiant dans d'autres moyens de défense, soit il était convaincu que le Reich ne pouvait l'atteindre ici. Elle le suivit d’un pas tranquille, faisant signe à ses hommes de rester où ils se trouvaient. Ceux-là, voyant que la situation s’était calmée, se décrispèrent sensiblement.

L'air de la cabine sentait le teck et l'air marin. Eleni s'installa, son regard glissant vers l'écran qui venait de s'illuminer. Un plan détaillé des toilettes impériales. Un plan détaillé des toilettes impériales. Un sourire quasi imperceptible étira ses lèvres. Son hôte avait une façon atypique, presque arrogante, de prouver ses compétences. Elle laissa le silence s'installer une seconde, les yeux rivés sur le plan, puis pivota vers son interlocuteur.

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Marquant une pause, elle son interlocuteur pour cerner ses réactions. Elle avait jusque-là estimé qu'il était au moins partiellement au courant, et partageait sans doute ses propres conclusions. Cet homme avait perdu un frère, vraisemblablement il devait être animé par un fort désir de vengeance uniquement limité par un certain instinct de survie, et une absence caractérisée de moyens pour la mener à bien. Ces moyens, justement, elle venait les-lui offrir.

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Son regard quitta le plan des toilettes pour se planter dans celui de Witoski.

« Il me faut un moyen d’accéder aux sous-sols de la Reichbank. »
Il resta bouche bée devant les propos de la femme devant lui. Dans sa tête venait de se créer un conflit interne. Lui aussi avait vécu en Altrecht, lui aussi vénérait l'Empereur-Dieu, lui aussi croyait en ce système. Mais les affirmations d'Eleni avaient du sens. Il était perturbé, restant quelques secondes à regarder fixement Eleni, attendant d'elle qu'elle affirme que ses propos étaient une plaisanterie visiblement peu amusante. Il dit alors, en l'absence de réaction, d'un ton plus sec, moins arrogant, moins jovial :

Ce que vous affirmez est grave. Je crois comprendre que vous souhaitez prouver vos affirmations avec ce que contient la Reichbank. Astucieux. Mais pour y arriver, vous devrez passer les portes de votre enfer.

Après quelques secondes où son esprit revint à lui, il ajouta :

Mais deux choses pourront vous être utiles. Tout d'abord, il y aura une fête : les personnalités les plus riches se réuniront le XXXX pour se rencontrer et investir en Altrecht. Une technique qu'utilise l'Altrecht pour maintenir son emprise sur le peu de liberté d'investissement qu'il reste. À cette occasion, la totalité des gardes ou presque se trouvera à l'extérieur et aux étages supérieurs de la banque pour protéger les invités, délaissant ainsi majoritairement le sous-sol. Mais pour y accéder, là est la complexité. Il y a trop de protections pour entrer par l'intérieur, mais quelque chose a changé depuis les années 90... Des travaux ont eu lieu dans la partie Est de la banque, je soupçonne l'Altrecht d'y avoir fait creuser les fameux coffres secrets. Mais je pense qu'ils sont liés à quelque chose pour y accéder. Peut-être un tunnel ou autre chose, impossible de le localiser, ce serait chercher une aiguille dans une botte de foin.

Son explication était appuyée par l'enchaînement de cartes de la banque. Il continua :

Cependant, il y a quelques jours, on m'a rapporté un changement troublant similaire dans une usine désaffectée de la banlieue d'Ehrenstadt. Une usine gardée depuis des années par l'Inquisition et qui avait été au cœur de la production militaire et scientifique de l'Altrecht, des expérimentations, m'avait-on dit. On dirait que des travaux souterrains ont également été rapportés. Je ne suis pas sûr, mais il est possible qu'un vaste réseau souterrain ait été construit sous la ville. Un réseau secret qui n'a jamais été vraiment révélé. Nous n'avons pas de preuves, mais moi j'en suis persuadé, et mon frère l'était aussi... Alors ils l'ont tué. Il devait trop en savoir...

Un air triste s'empara alors de lui.
Alors il ne savait pas. Eleni croisa les mains devant elle et fit mine de réfléchi. Après tout, elle-même n'était arrivée à sa conclusion qu'après plusieurs mois d'une enquête que certains qualifieraient de maladive. Elle avait passé toute l'histoire du pays au peigne fin, lut des dizaines de livres, tous les documents d'archives qu'on avait pu extraire du pays, exploité toutes les ressources de son département en Mährenie pour arriver à ce qui, au fond, tenait globalement d'une théorie du complot particulièrement tortueuse.

Pourtant elle était sûre de son coup, et cet homme était la clef.

« Intéressant. Très intéressant. C'est effectivement l'occasion d'une vie. Votre arrivée au large de Kotios était providentielle, monsieur Witoski. »

Elle se redressa, pensant soudain à quelque chose.

« Durant la période où Lac-Rouge était à la merci de la junte impériale, le régime a fait creuser et réhabiliter un important réseau de tunnels permettant à ses unités politiques de se déplacer rapidement d'un quartier à l'autre de la ville. Vers la fin de le révolution, ces tunnels sont tombé aux mains des insurgés. »

Elle cligna des yeux et se passa une main sur le visage.

« Ma foi avons-nous seulement une autre piste ? Non. Alors il faudra tenter notre chance. Monsieur Witoski ? Je peux vous proposer la protection de l’Égide et de ses alliés, et faire de vous un témoin sous protection. Les informations dont vous disposez sont très importantes. Trop pour que nous laissions le Reich vous attendre. La vérité doit être rendue publique. »
Monsieur Witoski était dans tous ses états, entre tristesse et incohérence. Il avait l'impression que certaines choses s'emboîtaient, mais l'Église qu'il a suivie toute sa vie ne serait-ce que mensonge ? Il ne savait pas quoi se répondre.

Merci je suppose, mais mes services de "distribution" de plans risquent d'être perturbés. Cela fait maintenant 12 ans que j'échappe à leur radar, ils ne me chercheront pas chez leurs ennemis communistes. C'est pour cela qu'on s'est amarré non loin de Kotios. Mais votre attention me touche profondément. Vous m'avez intrigué, alors pour la mémoire de mon frère, et parce qu'il y a accessoirement un groupe d'hommes armés sur mon Yoat, prenez les plans des deux bâtiments et faites que justice lui soit rendue, peu importe vos vérités que vous trouverez, j'en suis sûr.

Maintenant j'ai des choses à faire, avez-vous besoin d'autre chose ?


Il attendit la réponse respectueusement.
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