26/05/2017
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Mont Caucase [Althalj / Carnavale]

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MONT CAUCASE

BARTHOLOMEON DE PETIPONTRENCONTRE AU MONT CAUCASE

Son Excellence Bartholoméon de Petipont, archevêque de CRAMOISIE©, pape noir et vainqueur du Sadr par KO sans avoir eu à lever le petit doigt, accueille les délégués de l'Althalj au sommet du Mont Caucase. Cette montagne qui se dresse au milieu du désert rouge est l'une des seule à avoir survécu au souffle rouge des explosions. La mer de dunes a changé de forme, ses courants ne sont plus les mêmes, mais le Mont Caucase demeure comme une bouée flottante, point de repère dans l'immensité cramoisie.

A perte de vue, des dunes rouges, à en donner la nausée. Elles sont hypnotiques et colorent même le ciel qui s'y reflète.

Contrairement à Bourg-Léon et Carnavale où le luxe le plus intense et démentiel est exposé aux invités, le sommet du Mont Caucase est brut, quasi inexploité. Une grande serre victorienne, dont on devine la luxuriance à l'intérieur, est le seul bâtiment à perte de vue, comme une anomalie. Un peu plus loin une piste d'hélicoptère permet aux diplomates de l'Althalj de se poser sans encombres. Une petite table et des fauteuils, placée sous un auvent de toile, sert de décor à la scène.

- "La République Actionnariale de CRAMOISIE© est heureuse de vous accueillir dans le désert rouge. Ce que vous considérez comme une boursouflure au nom des lois naturelles ou divines vous est exposé dans toute sa splendeur. Une création humaine de bout en bout, entièrement malléable selon nos désirs. Offert à l'homme pour qu'il y grandisse et s'y épanouisse comme les fleurs que nous y faisons désormais pousser. Si vous voulez bien vous asseoir ?"

Il s'assied.

- "J'ai conscience que nous, Carnavalais, vous devons des explications et peut-être même des excuses pour notre brutalité. Nous sommes arrivé en Afarée et l'avons transformé si radicalement que ses habitants eux-mêmes ne la reconnaissent pas. Nous nous sommes approprié cette terre si radicalement qu'il ne fait plus sens de parler de Kabalie. Ses propres habitants y sont désormais des étrangers. Cela peut sembler horrifiant mais notre seul et unique tort est de nous être précipité. Le monde d'hier n'a rien de semblable avec celui d'aujourd'hui, nos ancêtres d'un siècle seraient des étrangers dans le monde moderne. Le destin de l'humanité est de transformer le monde et de se transformer elle-même, pour le meilleure ou pour le pire, ce choix lui appartient. Les grandes dynamiques de transformation nous échappent le plus souvent. CRAMOISIE© reprend la main sur le destin : pour la première fois nous avons repris la totalité de notre environnement en main et le menons dans une direction entièrement soumise à notre volonté.

Les Kabaliens ont fait injustement les frais de ce grand pas en avant. Le monde est injuste, tout ce que nous pouvons leur offrir à présent, c'est de siéger à nos côtés dans ce pays nouveau. Leur rendre un désert qui n'est plus le leur n'a pas de sens, mais la science carnavalaise leur rendra le contrôle sur leur destin. La technologie leur apportera le confort, la prospérité et le luxe de songer à leur avenir, émancipés des contraintes matérielles qui musèlent les peuples sous-développés. Sans mépris aucun, il fait meilleur de vivre dans nos jardins rouges que de courir chaque jour après sa pitance dans un désert inhospitalier. Voilà la justice que leur offre CRAMOISIE© : un avenir où tout est possible.

Voilà notre don à l'Afarée, en guise d'excuse pour la brutalité des messianistes, et nous souhaiterions également le partager avec l'Athalj, selon votre volonté."
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Pourquoi cette folie ?

Le désert pourpre s'étendait sur des kilomètres, à perte de vue... plusieurs centaines de kilomètres dévastés par l'ignorance et la cupidité spirituelle.

La Qari Ijja Shenna tremblait tandis que la qari Sofines Berek lui soutenait le bras. La marche sur la dune n'était pas un exercice aisé et pourtant la Qari avait insisté pour marcher les cent derniers mètres. L'air n'était pas celui qu'elles connaissaient de l'Afarée du Nord Ouest. Les senteurs, mais surtout la densité, décontenançait, laissant un arrière goût métallique au fond de la gorge ; celui de la meurtrissure, de la souffrance.

Le voyage en hélicoptère de transport de dernière génération avait été inconfortable à partir des contrées voisines. Les nuages à la teinte saturée rouge brique ne permettait à aucune couleur naturelle de filtrer. Une pilote fit signe aux deux éminences de la Maktaba et pointa vers le Nord, désignant ce qui ressemblait à de possibles contours de cratères gigantesques, rappelant la puissance de la déflagration et la dévastation.

Et enfin posé, l'hélicoptère de technologie Althaljir, au design et spécificités divergentes des classiques Paltoterrans ou Eurysiens, éteint presque immédiatement ses moteurs.
Le silence prit place, laissant au vent l'opportunité de tenter de rassurer les invités par ses danses virevoltantes.

La vue était impressionnante. Les dunes à perte de vue rappelaient celles d'Asefsaf, néanmoins... le panorama infernal ne permettait aucune confusion. Sofines Berek se mordit un instant les lèvres. Les courbures et méandres des dunes avaient sûrement été grandement bouleversés ces derniers mois...

Habillées d'étoffes traditionnelles, la Qari Ijja Shenna portant le blanc comme à l'accoutumée, le reflet de Cramoisie avait tourné cette couleur en rouge, tandis que la qari Sofines Berek portait l'indigo d'Asefsaf, le visage et les bras marqués par des années à l'avoir porté. Revêtant chacune un masque aux couleurs de leurs régions d'origine, on y voyait et lisait l'expertise de la broderie Althaljir et l'important des symboles et des traditions.

Face au dirigeant Bartholoméon de Petipont, les deux femmes prirent un instant pour le saluer ; la qari Sofines Berek plus raide que d'ordinaire et d'autant plus que le style Eurysien de la grande serre jouait avec le paysage et les contraintes de l'Afarée, telle une anomalie, un havre contre nature.

Elles s'installèrent avec l'évêque sur les fauteuils et écoutèrent attentivement.

"Pourquoi cette folie ?"

La Qari Ijja Shenna en connaissait déjà la réponse et continua, le geste de la main droite se mêlant aux paroles en accentuant les passages et termes importants.
La qari Sofines Berek fit la traduction.


"Alnaas Althalj révère ce qui a été prodigué et façonné par Ilâhat.
Nos desseins en Afarée ne sont pas celles d'une attente inéluctable de miséricorde divine, mais bien d'une contribution à la protection de ce que nous estimons de plus cher : la vie et la beauté de la nature.
La vie n'est pas que celle de l'apparent, aux yeux qui sont nôtres, mais bien l'écosystème de l'Altilal Almujamada ou de la Samak Mumalah, des contrées Sahrannes et d'Afarée.
Le désert et ses difficultés ne sont pas à raser et reconstruire, mais à chérir et protéger. La vie y est certes fragile en apparence, mais c'est indubitablement une erreur de penser que sa résilience est faible.

Bien entendu, les Afaréennes construiront et déformeront au nom de la civilisation et du progrès.
Ilâhat ne pardonnera pas dés lors le fait de façonner par l'annihilation, tel un divin lors de l'orée des temps et son crépuscule."

La Qari était une vieille dame, le dos courbé, la peau marquée par les saisons, toutefois sa voix, le ton n'avaient perdu de leur superbe. Derrière le masque brodé, les yeux parlaient d'eux mêmes.

"Les Carnavalais ont assassiné des peuples entiers.
Nous ne sommes dupes des exactions perpétrées des suites de l'ignominie des bombardements du déluge de Cramoisie.
Et vous avez raison les Carnavalais doivent répondre de leurs actions.

Les habitants de la Kabalie ne sont plus et pourtant légitimes quant à leurs propres desseins, aussi difficile soit-il."

La qari Sofines Berek posa une main sur l'accoudoir de la dirigeante de la Maktaba et celle-ci ponctua son discours avant de reprendre avec gravité.


"Les pays d'Afarée sont d'ores et déjà fortement divisés quant à l'existence et les actions de la Cramoisie.
Les voisins se résignent et espèrent tamiser à terme les effets délétères de votre proximité par l'entremise d'opportunités commerciales ou technologiques.
Les fiertés Afaréennes, quant à elles, appelleront au conflit.

Votre initiative diplomatique ne peut contenir qu'une seule promesse d'une technologie et approche salvatrice à une Afarée émaciée.
La suffisance Eurysienne n'y survivrait pas.

Comment comptez-vous expier les péchés Carnavalais et éviter la guerre ?"


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MONT CAUCASE

BARTHOLOMEON DE PETIPONTRENCONTRE AU MONT CAUCASE

Son Excellence Bartholoméon de Petipont avait longuement parlé, conscient que l'horrifiante incongruité de la présence des eurysiens dans un continent qui n'était pas le leur méritait des explications. Il laissa parler ensuite en retour, en homme de cour qu'il était.

- "Accordons nous sur un désaccord intellectuel, madame. Je crois de mon côté que la nature oppresse l'homme, qu'elle réduit son potentiel, qu'elle l'assigne à des tâches humiliantes qui affaiblissent son corps et réduisent son esprit. Je crois que les missions de la science et du progrès sont d'émanciper toujours l'homme de son environnement et de lui en remettre les clefs. Mais ce sont là des querelles qui ont peu d'importance car c'est à ceux qui viendront après nous de choisir s'ils préfèrent votre voie ou la mienne, et peut-être les deux en même temps, car rien ne nous empêche de cohabiter."

Il servit du thé glacé dont les exhausteurs de goût (de fabrication Dalyoha©) évoquaient parfaitement le parfum intensément rassurant du lait maternel, bu au sein dans la petite enfance.

- "La seule chose qui compte, désormais, est l'avenir et vous avez raison, la guerre se profile. Je me permets toutefois de vous corriger sur un point : ce ne sont pas les Carnavalais qui ont assassiné, mais des Carnavalais. Ceux contre qui mon mouvement, progressiste athée contre les bigots messianiques, a pris le pouvoir. Néanmoins les coupables courent encore, cela je ne le nie pas.

Carnavale, et CRAMOISIE©, n'aiment guère la diplomatie. Nous ne comprenons pas le monde et le monde ne nous comprend pas. Il nous faut pourtant coexister. Ne sous-estimez pas la valeur du cadeau que nous offrons aux Kabaliens : ils seront des dieux parmi les hommes, ils avanceront dans le monde et dans la vie hissés sur les épaules du progrès, libérés de la maladie, du poids des années, les sens éveillés sans cesse. Aucune seconde de leur précieuse existence ne sera plus gâchée à des tâches pénibles. Voilà comment nous rachèterons les vies que nous avons ruiné : en rendons celles les autres infiniment plus douces et riches. Voilà les excuses de Carnavale à la Kabalie.

Nous leurs offrons également les clefs de ce qui un jour fut leur pays. Les Kabaliens pourront transhumer dans le désert rouge à dos de chameaux ou élever les immeubles les plus luxueux pour y vivre, selon leur désir. Nous sommes une seule et même humanité, ils vivront comme les Carnavalais, dans l'abondance du progrès technique ou dans le dénuement traditionnel s'il leur sied. Voilà l'avenir commun que nous dessinons. Voilà les excuses de Carnavale à la Kabalie.

Faut-il également du sang ? J'ai dans mon palais messire Printempérie, grand architecte fou du projet CRAMOISIE©. Je ne le condamne pas personnellement mais si l'Afarée exige sa tête, nous la lui donnerons. Nous avons sacrifié des milliers de gens pour façonner le désert rouge, qu'est-ce qu'une de plus ou de moins ?"
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