27/10/2017
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Rencontre dans l’Enclave verte entre monsieur Blaise Dalyoha et des réfugiés toxiques Shuh

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L'enclave verteMonsieur Blaise Dalyoha

Pour la seconde fois, monsieur Blaise Dalyoha se présente dans l’enclave verte. Son hélicoptère s’est posé en aval des collines reverdies par les Shuh. Cette fois-ci, Blaise Dalyoha n’est pas accompagné de ses milices, seulement de deux de ses médecins, son microbiologiste en chef et d’un jardinier qui porte le matériel. Nous sommes fin mai, l’air est doux et les habitants de Carnavale se sont presque complètement habitué au léger parfum acide qui embaume la Principauté.

A pieds, Blaise Dalyoha et son escorte gravissent les collines vertes à la rencontre de la communauté des réfugiés. Heureusement pour eux, l’ascension est facile grâce à leurs exosquelettes. Ils atteignent rapidement le sommet. Monsieur Blaise Dalyoha prend la parole en premier pour dire des banalités :

- C’est une jolie communauté que vous avez construit ici. Vous êtes bien installés ?
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Un moyen de représenter un peu le type de paysage que l'on voit ici (qui en vrai, est difficile à représenter sans réellement dessiner. L'image a été générée par GPT-Ao, avec le script "Landscape of a rocky steep hill under slightly cloudy weather, on one side, lies a green valley surrounded by steep hills, on the other side, lies hilly badlands,"

"C’est une jolie communauté que vous avez construit ici. Vous êtes bien installés ?"

Le vent porte cette phrase au son atténué et déformé, un peu de loin, sur les rochers qui parcourent le sommet de cette colline. Trois personnes en exosquelette, celles qui venaient de se poser dans la vallée à côté, pendant que Sylvestre relevait les lichens qui poussaient sur les rochers, l'un des moyens les plus fiables disponible pour estimer la pollution du coin. Blaise Dalyoha, le milliardaire qui aurait pu mettre fin au monde tel qu'on le connaissait et faire des centaines de millions de morts, la principale raison pour laquelle le paysage était ce qu'il était... Eh bien, il est là, flanqué de deux personnes, des scientifiques, à tenter de trouver des choses à dire aux gens habitant l'anomalie nichée entre les collines. En face de nous, se déploie l'Enclave verte, ses forêts péniblement replantées, ses murets retenant le sol face au vent quand aucune racine ne peut le faire, les lignes de rails, les villages et zones d'habitation, champs, serres, les étangs, moulins, sa zone de tourbière, ses rochers, éoliennes, stations d'épuration, ses prairies, ses digesteurs, ses gens et ses oiseaux.

Sylvestre lança un "Bonjour"

Puis il lança un appel à l'équipe des émissaires dans l'émetteur-récepteur.


La draisine avale les kilomètres de rail à toute vitesse, sous le bourdonnement du moteur électrique et le souffle de l'air qui fouette Yagyu et toute l'équipe d'émissaires accrochée à la rambarde métallique, alors qu'autour, les rails montent depuis les vergers dans lesquels des dizaines de gens s'affairent sur la pente parcourue de pinèdes, puis de prairies qui flanque cette zone du flanc nord de l'Enclave. Ces derniers temps, l'on n'essaie plus seulement de maintenir des arbres à bout de bras, mais de relancer une faune du sol. Les vers de terre aiment moyennement l'acidité, autant, avec le Lombric à queue octogonale, l'on y arrive, mais avec des vers de terre qui vivent vraiment dans la terre et qui la mélangent comme le Lombric des marais ou le Lombric commun, l'acidité est difficilement gérable. Il y a beaucoup trop de facteurs qui jouent dessus, on travaille sur des gènes qui fonctionnent ensemble, et qu'on connait pas tous. Quand on change un gène, ça a des effets inattendus quelques part ailleurs. Ça fait partie de ces domaines ou tenter de modifier la résistance des vers de terre provoque une cascade d'effets qui font que les embryons ne se développent pas. Donc, on tente la bonne vieille sélection par l'environnement : on met des vers de terre dans des environnements de plus en plus acides, et on prends les survivants, c'est lent, incertain, mais l'on apprends des choses dans le processus, en comparant les vers de terres qui s'adaptent (toujours au prix de quelque chose) à ceux qui vivent toujours dans un sol sans pluie acide, sous les serres par exemple. Un écosystème, c'est complexe, à tous les niveaux, même quand on parle de gènes et de conditions de vie.

C'est confirmé, l'hélicoptère posé non loin est bien celui de Blaise Dalyoha. Une présence bien étrange dans cette zone, une figure connue, planante, presque un concept, une menace planante sur le monde, aussi bien un antagoniste qu'une figure omniprésente dans l'économie mondiale, celle dont dépends la vie de dizaines de millions de gens... Devenue humaine attendant des émissaires en haut d'une colline. En même temps, l'autre présence étrange ici, est celle qui occupe la vallée. Une présence tapie dans l'ombre, là où l'on détourne le regard, faite groupe de gens. Yagyu sait que Blaise aurait juste pu bombarder la vallée pour la faire disparaitre. Blaise sait que cela n'aurait aucunement fait disparaitre la présence shuhe à Carnavale, que cela ne l'aurait rendue qu'encore plus cryptique. Cette rencontre, c'est deux antagonistes qui décident de plonger leur regard l'un dans l'autre, sans le détourner, de finalement s'humaniser, de revoir leur relation, non pas en tant que présence vague, mais en tenant compte du fait que c'est des humain-es qui l'incarnent. D'un côté, le PDG noble quasiment démiurgique qui veut faire pousser des plantes sur le feu des bombes et de la pollution, de l'autre, la collectivité aux limites de l'humanité qui rêve d'écosystèmes exotiques aux confins de l'espace connu, deux visions radicales de l'avenir de l'humanité et de la biosphère, produites par deux sociétés radicalement différentes, dont on voit les réalisations concrètes en ouvrant l’œil.

Le conducteur ralentit draisine s'arrête vers un tronçon de ligne au milieu de nulle part : c'est 300 mètres en contrebas du sommet de la colline, l'on voit tout en haut les trois pics rocheux qui émergent de la colline. Les six émissaires gravissent la colline pendant que le conducteur se verse un thé. Le vent chargé de l'odeur lointaine des pesticides qui couvrent des milliers d'hectares à quelques vallées de là partout autour du massif fouette l'équipe. La lourde cape kharine richement brodée de motifs de fougères arborescentes dorées sur noir de Yagyu flotte un peu en formant des motifs complexes. L'arrivée vers les trois représentants de la société Dalyoha se fait sous un ciel assombri par les nuages d'où le Soleil brillant intensément dans le ciel filtre, imprimant des grands motifs mouvant sur toute la surface des deux vallées, l'Enclave verte et celle beaucoup plus désolée de la Vallée à l'acacia, où l'hélicoptère repose, immobile. Yagyu, observant les trois personnes, finit par lancer :

"Bien le bonjour à vous. Je suis Yagyu aon Shimeg, l'émissaire désigné-e pour entamer le contact avec vous. Les autres émissaires ici présent-es auront toute latitude à intervenir au fil de la conversation. Je vous présente donc Péridote Vigouroux et Éléonore Bellegarde, toutes deux originaires de Carnavale, Yun Pan et Qannik, qui ont traversé les mers, Hishaam el-Sinai, qui fait partie des quelques réfugié-es de Kabalie, qui sont arrivé-es ici. Préférez-vous que l'on mène notre discussion ici, au sommet de cette colline, ou en bas, dans une salle dédiée ?"
L'enclave verteMonsieur Blaise Dalyoha

- C’est amusant votre façon de parler, vous ne vous considérez ni homme ni femme ? Vous savez que Grand Hôpital pourrait vous rendre hermaphrodite si vous me le demandez, je peux vous prendre un rendez-vous avec le docteur Géminéon, si je lui dis que vous êtes un ami vous passerez tout de suite;

Il sourit, il n'a pas l'air méchant. Son regard s'arrête sur les Carnavalais.

- Des compatriotes, c'est vous qui leur avez appris le français ? Bravo c'est du beau travail.

Il se tourne vers les Kabaliens.

- Des réfugiés ? Je n'en avais encore jamais croisé. C'est mon missile qui a ravagé votre pays, enfin, le missile de Pervenche, mais l'agent CRAMOISI est une invention des Laboratoires.

Il pince ses lèvres d'un air embêté.

- J'espère que ça ne compliquera pas cet entretient.

Aux autres :

- Je vous remercie de m'accueillir sur mes terres. Si j'en crois mes professeurs d'anthropologie morale, vous autres de l'étranger devez sans doute considérer les grandes familles de Carnavale comme des monstres froids et sans humanité ? Je ne sais pas si c'est vrai, mon éducation ne me permet pas de juger ce genre de choses. Tout ça c'est du charabia. En revanche je sais que les Shuh ont réalisés plusieurs avancées significatives en agrobiologie. La science carnavalaise tourne en vase clos depuis des décennies, elle a pu explorer librement les hypothèses qui étaient les siennes mais je crois que le temps est venu pour ouvrir la porte à des apports étrangers. Puisque vous êtes venus vous installer sur les terres de la Principauté de vous même j'en déduis que vous êtes intéressés par nos prouesses. Rendons cela réciproque : je me trouve face à une faille technique, j'ai besoin d'un regard neuf sur mon projet de verdissement de la Principauté.
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Cet endroit est la chimère entre des mondes étonnement proches, et étonnement éloignés, comme si plusieurs réalités entraient en collision

Une représentation approximative de Yagyu. C'était au départ un-e travailleureuse de l'Ahak, et l'a intégré précisément parce que la projection à l'échelle de milliers d'années lae fascinait. Iel pense donc très clairement aux retombées à très long terme de cette discussion quand iel la mène. Iel a le souhait de pérenniser l'existence d'une humanité, posthumanité et alterhumanité diverse (et incluant les Kharins) pour les prochains milliers d'années et sera donc intraitable sur les questions anti-impérialistes. Image générée sur GPT-4o, avec le script "Photo of a non-binary mongolian emissary on a steep rocky hill, wearing no hat, braid hair, a large metallic necklace, and a black dress, with an arborescent fern motif drawn with gold wire", le problème de GPT-4o étant qu'il n'est pas très créatif si tu lui demande pas des trucs très précis (encore qu'à tenter avec des Occidentauxes, il lui viendrait peut-être plus de visages, esthétiques et habillements à l'esprit)

Oui, le monstre derrière l'humain est visible, bien heureusement, ici est une bonne place pour les monstres

Quand Blaise, tout gêné, qui sait que la rencontre a un lourd passif, commence à parler, une bourrasque de vent souffle du nord, ramenant un peu de poussière à l'odeur acre. Après tout, c'est le moment où jamais pour le paysage, et de potentielles dieuesses qui le façonne, de prendre aussi part à la discussion. La remarque sur la maitrise du français de Dalyoha fait un peu esquisser un rire à l'ensemble de l'équipe. Le français est une langue internationale, on trouve facilement des locuteurs, même dans l'Enclave volcanique, et l'ORSU fournit des cours de français à toute personne arrivant ici. Il reste que pour pleins de raisons, les gens arrivés de Carnavale même (et du pays de Carnavale en général) sont d'une aide précieuse. Quand il s'adresse à Hishaam, ce dernier a la larme à l’œil. Il reste très calme, peut-être un peu sidéré. Il aurait beaucoup de questions à lui poser... Ou aucune. C'est assez rare qu'une personne de Kabalie puisse rencontrer un membre de l'élite carnavalaise qui a planifié le génocide des siens... Y compris lui. Beaucoup de choses se passent sur son visage, c'est difficilement lisible, et probablement que même un autre kabale aurait du mal à le déchiffrer. Quand il en vient à expliquer le problème auquel il fait face, tout le monde le sait : personne n'a vraiment la force de prendre la parole, et donc, c'est Yagyu qui reprend la parole :

Des monstres, j'en connais. Je peux voir face à ces excroissance que vous avez coupé sur votre crâne que vous n'être possiblement pas complètement humain, même si c'est difficile à avouer, vous êtes loin d'être le seul de cette vallée, même si peu ici ont réellement eu l'occasion et les ressources d'adapter leurs corps en conséquence. C'est des altérations possibles que l'on développe au fil du temps dans l'Enclave. Souvent, on fait face à des centaines de difficultés liés au fait que le corps humain est une entité parcourue de centaines d'équilibres mouvants qui échangent en permanence. Modifier une part est dangereux, mais on apprend à le faire. Par ailleurs, je vous remercie pour votre proposition de contact, pour avoir moi aussi le droit de modifier mon corps comme je le souhaite. Le cadeau est précieux et apprécié, mais je sais que Grand Hôpital n'est pas toujours très clair sur ses opérations médicales ou sur ce qui arrive à ses patients. Je n'ai pas la confiance de m'y faire soigner, et j'en suis bien désolé-e. Peut-être un jour, la... [Iel cherche ses mots, finit par trouver une traduction approximative par un concept proche]... La liberté morphologique... Sera une réalité pour le monde entier, mais ça impliquerait que tout le monde puisse expérimenter sur son corps, pas simplement une élite pistonnée par une élite. En retour, vous pouvez, si vous avez assez confiance pour cela, aussi passer dans l'Enclave volcanique si vous souhaitez tenter des modifications corporelles. Et cela vaut pour vous trois. Je peux contacter toute une communauté qui sait comment obtenir une modification. L'avance est lente, on ne pourra pas tout faire, mais elle est aussi sûre que possible.

Que vous soyez un monstre me convient très bien. J'en connais, certain-es de mes ami-es en font partie, l'Enclave volcanique est parcourue de monstres, et je leur voue le plus grand respect, qu'il leur reste de l'humanité où qu'iels aient chaviré dans un état complètement nouveau. De même pour le froid. Là aussi, j'en ai beaucoup connu dans l'Enclave. Ce froid qui peut te geler sur place au moindre faux pas, ce vent qui rend l'extérieur effrayant, cette neige qui pèse sur les bâtiments que tu dois balayer, ce givre qui casse les machines, et les quelques personne qui ont assez de courage à ce moment se dévouent pour sortir et faire les réparations. Au fil du temps, on apprends à le connaitre, et à l'aimer. Il y a une certaine beauté dans ce paysage glacé. Et quelque chose d'assez indescriptible aussi. Quand la chaleur des volcans rencontre le froid du ciel, l'on voit d'immenses volutes de vapeur s'élever, et... Des fougères arborescentes ! Soyez des monstres inhumains et froids, beaucoup d'entre nous le sommes aussi.

Il reste que vous, et possiblement vous trois (iel regarde aussi les deux scientifiques, qui restent en retrait), constituez une menace existentielle, pour le monde, et l'Enclave d'autant plus. Et même si en fait vous décidez de ne pas plonger l'humanité entière sous une chape de gaz ou dans une pandémie dévastatrice, peut-être que des gens des laboratoires Bonsecours le feraient, ou des gens issus de feu de la Thylacine peut-être. Des patrons de l'OND, ou même des scientifiques du Kah ! Que des gens concentrent autant de pouvoir, et puissent expulser le reste de l'humanité, voire de la biosphère de leur avenir, de leur idéal, c'est terrifiant. Cela ne devrait pas arriver. Un jour, quelqu'un avec ce pouvoir prendra la décision de nous effacer, et cela vous inclura peut-être. Si pas dans la prochaine décennie, peut-être dans un siècle. Il faudra que l'on puisse choisir de continuer à vivre le jour où ça arrive. Et "on", c'est tout le monde. Nous vous reconnaissons que vous n'avez pas pris cette décision même quand l'OND a décidé de bombarder le pays, c'est plutôt un soulagement ici. Mais nous demanderons accès ou participation, ainsi que droit de recherche, d'usage et de partage non commercial à l'ensemble des recherches sur laquelle vous avez un pouvoir concernant les poisons, leurs antidotes, les pathogènes, leurs traitements, ainsi que... L'intelligence artificielle, et éventuellement, la machinerie autoréplicante. Les menaces existentielles desquelles on doit pouvoir se défendre, qu'elles viennent de Carnavale ou d'ailleurs.

Soyons clair-es que si vous et nous nous mettons ensemble pour verdir la principauté, la décision de si et comment il faudrait le faire ne nous concernera pas que nous. Elle reviendra au minimum à l'ensemble des habitant-es de Carnavale, et des Carnavalais-es. Tout cela étant dit, je comprend votre position, et elle est logique. Quand l'on pousse au bout une volonté d'homogénéisation du monde, comme sait si bien le faire la noblesse eurysienne, l'on arrive à tourner en rond dans ses idées. C'est fascinant. Nous voyons à quel point vous êtes allés loin. Beaucoup d'avancées biologiques que vous avez entrepris sont stupéfiantes. L'on serait incapable de faire une bonne partie de ce que vous faites, l'on se perd à détricoter les gènes à modifier pour des modifications parfois simples. L'on doit composer avec des cascades d'effets qui souvent, tuent la graine, et vous y arrivez. Il y a une certaine fascination à voir des graines qui poussent sous des pollutions extrêmes aussi longtemps qu'on les fertilise. Il serait un honneur de travailler avec vous, mais cela impliquera de partager ce pouvoir avec plus que nous. Quoi qu'il en soit, si vous décidez de garder le pouvoir absolu, ou de ne l'attribuer qu'à une élite soigneusement sélectionnée, vous arriverez à court d'idée. L'aventure du verdissement de Carnavale tenterait plus d'une personne ici, et plus d'un-e Carnavalais-e !

Quant à vous ? Que souhaitez-vous ? Quel accord souhaitez-vous conclure ? Quelle relation souhaiteriez-vous avoir avec nous ? Avec l'ensemble du monde ?
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L'enclave verteMonsieur Blaise Dalyoha

Blaise touche les tronçons de ses bois d'un air pensif.

- Plus complètement humain serait la phrase appropriée. En effet Carnavale offre le choix de devenir quelque chose d'autre, d'hybride, l'humanité simple est un concept dépassé lorsque nous donnons la possibilité à tous et toutes de modifier leurs corps. A quoi bon les races ? Le genre ? si tout est transçandable ? Vous devez sans doute connaitre les analyses que Marx fait du capitalisme comme une étape nécessaire à l'émancipation des travailleurs ? Carnavale a gagné la lutte des classes à ce qu'on dit, honnêtement je n'ai jamais trop compris l'économie ce sont mes comptables qui se charge de ça, mais ça m'a donné une idée : vous voyez, les Laboratoires ont été eux aussi une étape intermédiaire, terrible mais nécessaire, qu'il faut dépasser. Nous avons accumulé des savoirs scientifiques qui nous ont émancipé de notre condition, et si l'enjeu désormais était de les démocratiser ?

Il grimace à l'évocation du froid.

- Ce que vous décrivez là a l'air bien terrible. Pour ma part je ne supporte ni l'inconfort ni le travail, si j'étais né dans les bas-quartiers de la ville je serai sans doute mort à l'heure qu'il est.

Il rit avant de redevenir sérieux.

- L'humanité détient le pouvoir de sa propre destruction entre ses mains, ce n'est pas nouveau. Mes ancêtres menaient des chevauchées meurtrières contre les paysans de leurs ennemis, il y a toujours une poignée d'hommes qui décident de la vie et de la mort du plus grand nombre. Toutefois vous devriez vous réjouir que les Laboratoires existent, cela fait une sorte de contre-pouvoir contre ceux qui pourraient être tentés de développer les mêmes armes que nous. Il parait que le Faravan développe son propre programme de frappes chimiques en s'inspirant de notre modèle par exemple, un coup de fil à Petipont et nous rasons ce pays de la carte, c'est un équilibre de la terreur en quelque sorte.

Il se frotte les avant-bras à cause d'un fond de brise.

- Pour en revenir à la question de mes projets... Carnavale subit déjà des transformations intéressantes. Nous sommes des absolutistes vous savez, nous dédions la totalité de nos efforts à des projets, nous créons des environnements sur-mesure dans ce but. Maintenant que les millénaristes sont morts il va y avoir des affrontements pour savoir quel but doit suivre Carnavale, cela peut être aussi terrible que prodigieux. Le mien est aussi simple qu'ambitieux : je désire mettre fin à la pénurie. On peut y donner une justification philosophique, s'il n'y a plus de lutte pour les ressources alors le monde vivra en paix ou je ne sais pas quoi, ça ne m'intéresse pas, je veux prouver que c'est possible. CRAMOISIE© a été la démonstration que nous pouvons apporter la mort, Carnavale peut apporter la vie. Le monde dans le creux de nos mains, encore une fois, dix pas en avant nous ouvrons un chemin, qui nous aime nous suive.

Il sourit.

- Je veux faire de mon peuple un peuple jardinier, artiste et médecin. Son adhésion m'importe peu, les Carnavalais font très peu de politique et on ne convainc pas les gens en leur proposant des idées mais en leur mettant sous le nez des résultats. Mais j'ai besoin de votre aide pour ça, des gens qui partagent ma vision. Je peux ouvrir les portes de Grand Hôpital aux Shuh. Intégrer vos scientifiques à nos projets et vous donner un droit de regard sur nos bases de données, de toute façon la notion de secret défense a perdu de son sens. Cela prendrait la forme d'un partenariat scientifique et éducatif, Bourg-Léon forme déjà cinquante-mille médecins par an. Je pense que nous pouvons en former le double d'ici trois ans. Le triple dans dix ans. Et autant de jardiniers. Irriguer le monde d'une nouvelle élite médicale. Mais cela ne peut pas se faire si nous ne sommes qu'entre Carnavalais, il nous faut des savoirs et des points de vue venus d'horizons différents. Les Shuh peuvent nous aider à ouvrir l'esprit de nos chercheurs. Qu'en pensez-vous ?
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