Posté le : 12 nov. 2025 à 21:43:38
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Veychter arbora un sourire polis, mais néanmoins franc, en première réponse à son intrelocuteur. Ce dernier jouait finement l'indépendance de sa nation sans toufefois se fermer aucune porte ; malin. L'Illiréen était un homme d'Etat, et avant ça un homme des services secrets, il avait donc toutes les ressources pour répondre au Vayien sur le détail de ses demandes. Cependant, un de ces détail, justement, manquait à l'appel dans sa mémoire. Aussi affecta-t-il un air enthousiaste en tirant une serviette d'un tiroir ; il l'ouvrit vivement et en tira un document — en illiréen, naturellement. Il capta du coin de l'œil le regard curieux de son homologue sur les pages parcourues de leur langue natale dans son alphabet latin. En fait, les Vayiens avaient eux quasiment abandonné la variante silmalienne de l'alphabet, lui préférant les lettres anguleuses usitées par tant de langues sur Terre. En Illirée, ex-Valinor, les deux alphabets cohabitaient encore, même si la tendance semblait être d'écrire en silmalien au manuscrit et en latin sur les apareils typographiques — très certainement un héritage d'une imprimerie qui tenait les alphabets locaux pour étrangers. Veychter parcouru rapidement la page titre avant de se référer à l'indexation pour rapidement feuilleter le document, avant qu'il ne le posât à plat devant lui, satisfait. Il sourit une nouvelle fois au Premier ministre vayien, comme s'excusant pour les brèves secondes écoulées dans la recherche d'un support informatif. Sans plus tarder, il entama sa réponse.
— "Vous soulevez ici, Votre Excellence, des questions bien pertinentes ; voyez comme je n'avais pas moi-même toute les réponses en tête ! Mais, allons." Il jeta un rapide regard sur un paragraphe du papier déployé sous ses yeux. "Pour ce qui est du premier des points que j'avais mentionné tantôt, il est effectivement impératif de définir maintenant le cadre de pareil partage. Voici ce que le Conseil des Ministres me fait proposer pour cela" ; il glissa un document sur la table en direction du Vayien ; "nous pensons que ces services que j'évoquais d'abord pourraient s'échelonner de simple conseil de gestion de telle ou telle problématique, jusqu'à l'intervention consentie de services civils d'un Etat sur le territoire — physique ou juridique — du second à la suite d'une demande expresse d'assistance. De telles situations pourraient, je pense, aller du simple envoi de renfort administratif à des opérations de sécurisation antiterroristes ; encore une fois, sous réserve que l'Etat assisté en ait fait la demande. De la même façon, des informations concernant des champs de recherche et développement pourraient être en partage constant avec les chercheurs de la seconde nation ; à l'exception, certainement, de champs plus sensibles qui resteraient à définir. Mais pour ce qui est, disons, de la recherche médicale par exemple, il serait tout à fait souhaitable que les scientifiques vayiens et illiréens puissent travailler comme une seule nation pour le bien commun. Voyez-vous des lignes rouges sur ce premier point ?"
Le dirigeant illiréen se racla la gorge dans la pose avant sa seconde partie.
"Je note avec enthousiasme votre volonté partagée quant à l'ouverture de nos frontières pour les personnes. Je ne vais pas m'étaler sur ce point étant donné que nous ne semblons par avoir de désaccord là-dessus ; vous me direz si une problématique là dessus nous a échappé. Maintenant, le gros du sujet. Comme je l'avais dit d'entrée, il est certain que cette propositions est la moins évidente de toutes dans son contenu et ses implications. Avant toute chose, voilà pour vous." Il glissa un second dossier à Gilendes. "Je suis tout à fait d'accord avec vous, cette proposition intervient très rapidement dans la reconstruction du rapport entre nos deux nations. Mais je ne dirait pas que c'est trop tôt ; voyez-vous, les crises se précipitent aujourd'hui, et notamment en Eurysie depuis l'entrée en sommeil de la Loduarie. La Vayie est un Etat paisible, mais la paisibilité n'aura pas empêché l'Empire du Nord de voir sa capitale rasée. La souveraineté vayienne est étroitement liée, depuis des siècles, à la souveraineté illiréenne ; non pas que nous souhaitions la compromettre en nous mêlant de vos affaires propres, mais plutôt une préocupation suprême de l'Illiréen pour son frère Vayien. Tel engagement est lourd, nous le concevons. Je pense que sa forme pourrait être un texte garantissant que, si l'un de ses signataires est agressé, par un Etat ou par le terrorisme, il pourrait lors appeler à l'aide ses frères. C'est en prolongement de ce dispositif qu'organiser la coopération en amont de la catastrophe entre nos forces armées et nos services de renseignement, par des exercices communs, serrait un complément souhaitable à l'accord. Mais si vous ne voulez pas de la protection trop étendue de la grande sœur illiréenne, nous pouvons aussi convenir d'une version allégée de ce pacte ; se limitant par exemple à l'étape de coopération sans engagement officiel inviolable."
Il se recula sur son siège, son ombre quittant métaphoriquement la table pour laisser place à son homologue.
"Votre Excellence, qu'en pensez-vous ?"