01/04/2018
00:18:15
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De la politique interne à CRAMOISIE©

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Son Excellence Monseigneur Bartholoméon de Petipont

A Salem-Aleykoum, Bartholoméon de Petipont médite dans son bureau face à la mer. Il a demandé à son secrétaire une petite pause dans son emploi du temps surchargé pour méditer sur ses pêchés. Bartholoméon de Petipont n’est plus croyant depuis longtemps, mais comme son maître à penser Lucifer, il est en mission sacrificielle pour sauver l’humanité. A CRAMOISIE© il défend tout le genre humain contre les méchants et les réactionnaires. Mais CRAMOISIE© est en danger, Bartholoméon de Petipont le sait, seule et entourée d’ennemi, son temps est compté si la République Actionnariale ne trouve pas rapidement un moyen de légitimer sa présence… ou de se défendre.

Encore une fois, la solution se trouve du côté de la science carnavalaise. La Principauté a accompli tant de prouesses dans son histoire, elle s’est élevée si haut et par elle-même, sans aide, par son seule génie. La méthode est éprouvée : la solution, forcément non conventionnelle, se trouve dans l’intelligence de ses savants et l’ingéniosité de ses ingénieurs. Sauf que Bartholoméon de Petipont est un humaniste sincère, contrairement à ses compatriotes il ne peut plus sacrifier des milliers de gens pour aller là où personne n’a osé s’aventurer. Le désert rouge est une chance terrible, un crime commis par des visionnaires mais qu’il ne peut pas reproduire sans s'aliéner définitivement ceux qui n'ont que la morale à l'esprit.

La solution est ailleurs.

- Votre Excellence Monseigneur ? Votre rendez-vous de 13h est là.

- Merci Jacquanges, faites le entrer.

La porte s’entrouvre, un homme âgé mais vigoureux entre dans la pièce. Ils se serrent la main rapidement.

Professeur Ambroise Crogère

- Excellence Monseigneur de Petipont, merci de me recevoir.

- Entrez professeur Crogère, prenez un siège.

- Comment puis-je vous aider Excellence Monseigneur ?

- Je ne vais pas passer par quatre chemins professeur, CRAMOISIE© est menacée et les troubles qui traversent la Principauté ne nous permettent plus d’envisager que Carnavale seule sera une force de dissuasion contre une coalition d’ennemis. Les Afaréens demandent des gages politiques que je ne peux pas leur offrir. Je pense qu’ils préfèreront détruire le pays et ses chances plutôt que de laisser CRAMOISIE© prospérer : à ce stade, c’est une question de symboles et de fierté pour leur continent.

- Trop de colonisation.

- En effet.

- Le seul tort de Carnavale aura été de s’y prendre plus tard que les autres Eurysiens.

- Hm hm.

- Avez-vous songé à ma proposition ?

- La greffe de cerveau ?

- Oui. Si vos fichiers médicaux sont à jour vous allez sur vos cent-cinq ans l’année prochaine. C’est un âge considérable, même pour un Carnavalais de haute naissance. Nous avons déjà remplacé plusieurs de vos organes mais le temps est peut-être venu d’opérer un changement de véhicule ?

- C’est sans danger ?

- La médecine n’est jamais sans danger, mais nous pouvons réduire les risques. Nos Laboratoires à CRAMOISIE© possèdent un nombre considérable de Kabaliens, la plupart tués par la frappe chimique mais certains sont encore en vie...

- Je ne veux rien savoir.

- Je comprends Excellence. Quoi qu’il en soit, nous pourrions en trouver un jeune et beau, déplacer votre cerveau dans son corps, c’est une opération technique mais la science Dalyoha fait des miracles et nous avons déjà eu plusieurs succès.

- Je comprends. Gardons cette possibilité pour un dernier recours. Il y a d’autres moyens de devenir immortel : en faisant de cette terre un paradis.

- Bien sûr Excellence. Nous pourrions accélérer l’implantation de serres et de jardins fruitiers pour imposer notre présence par les faits ?

- Je doute que quelques serres, aussi merveilleuses soient-elles, repoussent une armée. Il faut des solutions qui placent nos ennemis au pied du mur.

- Il reste toujours la possibilité de prendre des gens en otage.

- Professeur Crogère... j’essaye de construire un monde nouveau en CRAMOISIE©, fondé sur l’universalité du genre humain, nous partons déjà suffisamment tragiquement pour ne pas en plus rajouter une prise d’otage à grande échelle. Ces méthodes valent pour Carnavale, mais nous ne serons jamais pris au sérieux ici si nous agissons comme des brigands.

- Bien sûr Excellence. J’ai peut-être une autre solution à vous proposer dans ce cas.

- Allez-y.

- Des bouc émissaires Excellence. Agréez à tout, promettez d’offrir tous les responsables. La chirurgie esthétique fournira à vos ennemis toutes les têtes qu’ils réclament. Grâce à l’hypnose et au conditionnement nous pouvons persuader quelqu’un qu’il est une autre personne. S’ils veulent Printempérie ou Bartholoméon de Petipont, les Laboratoires Dalyoha peuvent les leurs fournir.

- La supercherie sera éventée au premier examen médical.

- A vous de négocier qu’il n’y en ait pas. Et les Laboratoires peuvent se montrer très convaincants pour des néophytes. Rappelez-vous que nous parlons d’Afaréens, ce ne sont pas exactement des génies.

- Ce sont nos compatriotes, professeur, tâchez de vous en souvenir.

- Parlez pour vous Excellence, je ne traine mes guêtres sur ce continent arriéré que parce que monsieur Dalyoha m’a demandé de vous venir en aide, mais moi je reste Carnavalais.
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Camille Printempérie

Dans un autre immeuble de Salem-Aleykoum, Camille Printempérie s’envoie des shots d’alcool fort entouré de jeunes gens nus. Le salon est rempli de fumée d’un opium de synthèse très fort qu’on produit à Carnavale. Il rigole comme un idiot, les pupilles dilatées, tous les sens en éveille, archistimulé des pieds à la tête. Lui aussi avait rendez-vous à 13h, mais au lieu d’accueillir son visiteur dans un endroit calme et avec une franche poignée de main, il l’a invité à se foutre à poil pour profiter des mignons qui gémissent et se dandinent sur les tapis azuréens.

- PDG-Protecteur... notre rendez-vous... Bartholoméon de Petipont... marmonne l’invité qui essaye de se concentrer malgré ses multiples orgasmes.

Printempérie fait claquer sa langue, agacé qu’on l’arrache à tant de volupté.

- Quoi Petipont ? Qu’est-ce qu’il me veut Petipont ???

- C’est vous... PDG-Protecteur... vous m’avez convoqué pour... Petipont...

Printempérie reprend conscience et fronce les sourcils.

Camille Printempérie

- C’est vrai ! Dehors vous autres, dehors !

Tous les mignons s’envolent comme des petits oiseaux.

- Je n’avais pas fini ! proteste l’invité.

- Vous finirez à la main pendant que je parle. J’ai les idées extrêmement claires, écoutez moi bien : Bartholoméon de Petipont veut me zigouiller, c’est évident, il me garde sous la main pour me sacrifier en temps et en heure, écoutez écoutez, si je n’agis pas le premier je suis cuit, cuit !

- Cuicui ?

- Cuit cuit ! Il faut que je reprenne le pouvoir, obtenir la confiance des actionnaires, la SLC sera obligée de me faire confiance si je montre que je tiens CRAMOISIE©.

- Han han... vous avez raison...

- Melchiolivier Grimace m’a d’ores et déjà assuré de son soutien, il a investi pour vingt actions en CRAMOISIE©, c’est un actionnaire ! Un rusé ! Il plaidera ma cause et je reprendrai le contrôle, ses drones volent déjà dans le désert rouge grâce à moi ! A moi ! Il m’est redevable, c’est ma marionnette, mon pantin, si on liquide Petipont, je reprends le contrôle.

- Aaaaaaaaaaaaah... vous avez bien raison PDG-Protecteur.

- Tenez un mouchoir. Dites, vous avez déjà piloté un drone tueur ?
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Printemperie et la téléphonie

Dans le bureau du PDG-Protecteur de CRAMOISIE©, Camille Printempérie et son secrétaire personnel font semblant de travailler. Les deux hommes s'éventent vigoureusement à cause de la chaleur qui règne dans la pièce.

Dring dring !

- Comment ça dring dring ?

Dring dring !

- PDG-Protecteur ? Le téléphone sonne.

Dring dring !

- Oui merci j'ai entendu, on a des téléphones à cadran maintenant c'est quoi cette sonnerie ?

Dring dring !

- C'est pour faire authentique, PDG-Protecteur, vintage.

Dring dring !

- Authentique tu parles.

Camille Printempérie décroche.

- Oui allo ?

- PDG-Protecteur ?

- Oui c'est moi, c'est qui ?

- Melchiolivier Grimace !

Melchiolivier Grimace !

...

- De Robotic & Toc.

- Ah oui ! comment va ?

- Bien PDG-Protecteur, très bien. Je voulais savoir si mes drones vous donnaient satisfaction ?

- Parfait parfait, ils volent bien, on a attrapé plein de Kabaliens avec.

- J'en suis très heureux PDG-Protecteur, ils tiennent bien la chaleur ?

- Écoutez je ne vole pas dessus, j'imagine que oui ? En tout cas ils ne sont pas tombés dans le sable c'est déjà ça.

- Et vos hommes les prennent facilement en main ? Nous avons simplifié l'interface à dessein.

- L'interface à dessin ?

- Oui à dessein.

- Des seins ?

- Dessein ?

- Bon dites, c'est pas le SAV de Robotic & Toc ici, vous voulez quoi ?

- Bien sûr PDG-Protecteur, ces Kabaliens que vous avez capturé grâce à nos drones, qu'allez vous en faire ?

- Vous faites bien de me poser la question ça ! Avec ces lucifériens partout c'est à peine si je peux gouverner en paix, dites vous bien qu'ils veulent l'égalité entre les peuples... avec des afaréens ? Vous même vous êtes à moitié métèque de mémoire, vous comprenez ce que je veux dire.

- Tout à fait PDG-Protecteur. Que diriez vous que je vous les rachète, ces Kabaliens si vous ne savez pas quoi en faire ?

- Monsieur Grimace, je vous les donne même si vous voul- attendez, vous me les rachetez combien ?

- Cinquan- trente Chèques Carnavalais ? Par personne.

- Vendu ! Mais c'est vous qui les récupérez, hein, et monsieur Grimace ?

- Oui PDG-Protecteur ?

- Motus.

- Et bouche cousue, bien sûr PDG-Protecteur.

- Je vous laisse voir les détails avec mon secrétariat et ne parlez pas à Jeantoine Millefeuille, c'est un espion de Petipont.

- J'y ferai attention PDG-Protecteur, c'est un plaisir de faire affaire avec vous PDG-Protecteur.

Printempérie raccroche d'un air suprêmement satisfait.

- Et voilà, sans rien foutre je viens de régler un problème et de me faire un billet au passage, je suis vraiment génial.

- Vous avez vendu les Kabaliens PDG-Protecteur ?

- Comment vous avez deviné ?

- Vous avez parlé à haute voix PDG-Protecteur.

- Ah oui. Effectivement, j'ai vendu les Kabaliens. Enfin, ceux capturés dans le désert rouge, pour ceux à qui ce crétin de Petipont a donné la nationalité je ne peux rien faire. Pour le moment.

- Pour le moment PDG-Protecteur ?

- La dé-mo-gra-phie mon petit, la démographie c'est le nerf de la guerre. Ces basanés se reproduisent comme des lapins ! Imaginez si un jour les Kabaliens devenaient plus nombreux à CRAMOISIE© ? Déjà que ce sont de sacrés boulets pour la société, vous avez vu la carte des QI ? dire que ces gens ont le droit de vote, mais bon, les Kabaliens doivent rester minoritaires, nécessairement, ou notre petit paradis désertique va passer de blanc-rouge immaculé au rouge-brun, couleur crotte !

- Crotte ?

- Crotte.

- Je comprends PDG-Protecteur.

- On en a tué autant qu'on peut mais ça laisse des traces ces conneries, Petipont est sur mon dos, il soupçonne que je la lui fasse à l'envers, ce sale petit enfoiré. Il ne me fait pas confiance ! Après tout ce que j'ai fait pour CRAMOISIE©.

- Mais c'est vrai PDG-Protecteur.

- De quoi ?

- Que vous la lui faites à l'envers.

- Oui, mais de quel droit me soupçonne-t-il ? En tout cas je vais régler le problème des Kabaliens tient, hopopop direction Carnavale, allez vous les peler en Eurysie ! Intégrez vous ou alors bye bye !

- Bye bye.

- Bye bye ! La valise ou la citoyenneté !

- Ça n'a pas l'air d'être un dilemme très difficile.

- Sauf que nous ne leurs laisserons pas le choix, dites donc vous êtes de mon côté ou de celui de Petipont ?

- Du votre PDG-Protecteur.

- Parfait, alors passez moi la cocaïne, on a assez bossé comme ça, il faut se détendre un peu.
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Excellence Monseigneur ! Excellence Monseigneur !

- Excellence Monseigneur ! Excellence Monseigneur !

L'archevêque de CRAMOISIE© sort un peu brutalement de la micro-sieste qu'il piquait dans le jardin de son palais. Pour la forme il fait semblant de se concentrer sur les documents étalés sur la table devant lui, fatigué par avance du ton par lequel on l'interpelle. C'est un ton de mauvaise nouvelle. Un page à bout de souffle vient se planter devant lui.

- Oui mon petit ?

- Excellence Monseigneur, c'est abominable : nous ne sommes pas dans la liste des Etats reconnus par le Pacte afaréen de sécurité !

C'était prévisible mais pas une excellente nouvelle pour autant.

- Le Churaynn y est ?

- Oui Excellence Monseigneur, ainsi que la République d'Ouwanlinda et la République démocratique d'Anterie.

Bartholoméon de Petipont esquisse un sourire entendu, ce qui semble interpeller le page en panique.

- Alors ils viennent de se tirer une balle dans le pied. Nous saurons jouer l'Althalj et le Banairah contre eux. Les plus vieilles nations d'Afarée pèseront toujours davantage qu'une bande de jeunes parvenus. Je vous remercie Baptristan vous pouv-

- Excellence Monseigneur ! Excellence Monseigneur !

Un second page déboule dans la pièce, à bout de souffle.

- Quoi encore ?

- Excellence Monseigneur, c'est terrible : l'Azur vient de lancer un vote d'exclusion contre CRAMOISIE© au Pacte afaréen de sécurité !

L'autre page s'insurge :

- Ce n'est pas vrai, le PAS ne nous reconnait pas !

- Si c'est vrai, ça vient de tomber !

- Tu me traites de menteur ?

- Taisez vous tous les deux.

Les pages font silence. Bartholoméon de Petipont se masse les tempes.

- Bien. Bien bien bien. D'une façon ou d'une autre, tout ce qui ajoute de la confusion et décrédibilise nos adversaires est bon à prendre. Soit le vote échoue et nous ferons valoir notre légitimité dans le PAS, soit il réussit et nous dénoncerons la confusion de cette histoire et un vice de procédure.

- Brillant Excellence Monseigneur !

- Génial Excellence Monseigneur !

Bartholoméon de Petipont continue de réfléchir à voix haute :

- L'Althalj est dans la liste ?

- Non Excellence Monseigneur, même s'il ne fait aucun doute qu'ils y seront acceptés, nous savons que l'Azur les a personnellement contacté.

- Dommage, cela nous aurait été utile qu'ils y soient avant l'ouverture du vote, même si aucune règle n'interdit spécifiquement de voter rétroactivement. Je vais recontacter le Finejouri, cela va être une bataille d'antichambres, j'ai l'impression de retourner au conclave.

L'un des deux pages pense prendre une bonne initiative :

- Un peu de cocaïne pour stimuler votre esprit Excellence Monseigneur ?

Bartholoméon relève les yeux vers lui. Tout le monde sait que Petipont carbure aux drogues de synthèse des Castelage, la cocaïne est plutôt la marque de fabrique de Printempérie. Il ne montre toutefois rien des doutes que vient de faire naitre la proposition du page.

L'autre page ne veut pas rester les bras ballant et renchérit :

- Je vous suce la bite pour vous aider à vous relaxer Excellence Monseigneur ?

- Ni l'un ni l'autre, ouste vous deux, allez me chercher le PDG-Protecteur et les chefs Kabaliens, nous devons parler d'une même voix. Face à la cacophonie du PAS, CRAMOISIE© présentera l'apparence de l'unité.
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L'écran s'éteint, Battholoméon de Petipont se lève et frappe dans ses mains. Tout le monde applaudit dans la salle, même Printempérie qui s'est gratté les bras pendant toute la projection.

PETIPONT

- Ça vous a plu ? Parce que c'est ça qu'on va faire.

Quelqu'un lève la main. Petipont le désigne :

- Oui ?

- Du lait ?

- Entre autre, mais pas que. Il n'y a rien de bien compliqué à comprendre : la technologie est la solution. Nourrissez le monde et le monde vous nourrira. La Terre est faite pour être un paradis, notre mission est de l'extirper du bourbier infernal dans laquelle les nations, les frontières, l'avidité l'ont plongé. Des questions ? Oui Adrien ?

Adrien Lassable prend la parole :

- J'ai bien compris les robots, les vergers, mais Excellence, ce que vous nous montrez là c'est de la science fiction.

- Pour le moment, c'est vrai. Mais ce n'en est que parce que nous n'avons pas consacré toutes nos ressources à faire advenir un tel avenir. Imaginez plutôt : Carnavale, un piège eschatologique à ciel ouvert, bâti pierre par pierre pendant presque un siècle à partir du Chaos. Ils nous disaient tous fous mais en dirigeant tout notre génie, toute notre volonté vers un seul point, alors nous avons produit ce miracle sordide. Comme si la focalisation de tant d'énergies portait le réel à ébullition et soudain la réalité fusionne en un alliage nouveau, inconnu des hommes jusque là, mais pourtant réel. Il faut imaginer, car l'imagination est le premier acte de la création.

La salle applaudit vigoureusement, même Printempérie qui a une fiole de popper calée dans la narine gauche. Petipont l'ignore et poursuit :

- Je vous ai promis la transcendance. Je n'ai pas menti. Mais je ne parle pas de votre âme, c'est le corps qui s'élève, à travers le transhumanisme et à travers l'action collective. Vous serez des dieux, non pas individuellement, mais parce que nous rendrons concret un Olympe terrestre. Nous sommes notre environnement, nous sommes nos conditions matérielles d'existences. Qui marche au paradis est un titan, car c'est le paradis qui fait la divinité.

Quelqu'un lève la main.

- Oui Adrien ?

- Vous voulez dire un Tartare Excellence ? L'Olympe ce sont les olympiens, les ennemis des Titans.

Quelqu'un l'interrompt :

- En fait le Tartare est une prison en enfer donc ce n'est pas vraiment quelque chose de positif à imiter.

- L’Élysée aussi est en enfer et personne ne s'en plaint !

Petipont coupe court au débat.

- Fermez la ! Ce ne sont que des métaphores ! Printempérie, où en sommes nous avec les actionnaires ? Ils valident le dépassement du budget pour l'année 2018 ?

Camille Printempérie relève le nez du rail de coke qu'il se renifle sur l'avant-bras.

- Ah oui oui ! Ils valident ils valident ! Je leur ai dit que c'était bientôt la guerre en Afarée pwouah ! ces armateurs ont a-do-ré ! Vous imaginez pas les retours sur investissements si on poutre deux trois négr- heuuuu des types du sud avec du Robotic & Toc pfiou, et les Laboratoires Dalyoha qui nous promettent de livrer du GILGAMESH si on en veut, ils en ont en rab' ils disent qu'ils veulent pas utiliser deux fois le même machin parce qu'avec l'espionnage industriel baaaaa on sait jamais si il y a pas un labo concurrent qui va leur pondre un vaccin.

Petipont hausse un sourcil.

- Et donc ils nous refilent leurs restes ? Vous avez validé ça ?

- Baaaa quel pays afaréen va sérieusement produire des vaccins ? Il en y a pas un seul qui tient debout, même ceux qui ont un peu de budg' c'est "oulah allah oula oula".

Son immitation des Azuréen fait rire beaucoup de Carnavalais dans la pièce. Petipont, l'air las, adresse une moue pincée aux représentants Kabaliens restés silencieux.

- Honorable chef Tareec Makhloufi, cette vision du futur vous convient-elle ?

Stoïque, l'Afaréen hoche la tête avec dignité. Il est l'incarnation de la sagesse orientale des milles et une nuits qui soufflent sur les dunes d'un champ d'oliviers brouté par un chameau.

- Bon, si tout le monde est d'accord... on part là dessus.
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Petipont entre dans la tente de l'honorable chef Tareec Makhloufi, porte-parole des Kabaliens lucifériens de CRAMOISIE©, ministre de transition des minorités légitimes (la RAC© ne reconnait pas les couleurs, le ministère a vocation à disparaitre quand il n'y aura plus de racisme). La tente a été plantée en plein milieu de Salem-Aleykoum, ex-Printermpériebourg, sur la place de la fraternité réelle. C'est une construction élaborée et luxueuse, richement décorée et meublée. Camille Printempérie emboîte le pas à Petipont. Les deux hommes saluent le chef Kabalien après être entrés. Celui-ci les invite à s'asseoir.

La tente de l'honorable chef Tareec Makhloufi
- Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à vivre dans cette tente Makhoufi, à l'ère des climatiseurs et de l'eau courante...

Le chef Tareec Makhloufi cligne des yeux sans répondre.

- Ah oui, le français, j'oubliais. Pardon. كنت أقول إنني لا أفهم لماذا تصرون على العيش في خيمة بينما لدينا مكيفات هواء ومياه جارية

Le Kabalien hoche la tête.

- لا يجب أن تكون التكنولوجيا أبدًا في خدمة محو الثقافة. بل يجب أن تسمو بها. سنتمتع بالراحة، وسنحظى بالخيام.

- لكل شخص ما يفضله، على ما أعتقد.

Camille Printempérie s'éclaircit la gorge ostensiblement. Petipont lui adresse un regard torve.

- Pardonnez le PDG-Protecteur, il ne parle pas Kabalien.

Le chef Tareec Makhloufi grimace.

- متى ستتخلصون منه؟

- طالما لا أحد يطالب برأسه، فهو أكثر فائدة كصمام أمان، وغير مؤثر سياسياً.

Printempérie toussote encore plus franchement. Petipont reprend en français :

- Parlons peu parlons bien : les travaux avancent lentement mais sûrement. La RAC© est encore largement dépendante de Carnavale mais la Principauté s'enrichit de jour en jour et devrait bientôt dépasser la plupart de ses concurrentes. Une fois de plus, le génie carnavalais triomphe des médiocres. Nous devons réitérer l'exploit dans le désert rouge, l'intelligence est notre atout le plus précieux or les meilleurs cerveaux du monde sont encore à Carnavale et nous, nous avons surtout récupéré des indigents et quête d'une vie meilleur. Les lucifériens représentent une population particulière j'en conviens, plus éclairée que la moyenne de nos compatriotes, mais la majeure partie sont issus du quartier des oranges, ils manquent d'éducation et de manières. Il en va de même pour les Kabaliens d'ailleurs, des bédouins habitués à parcourir le désert, les vôtres n'ont pas grandi dans les conditions favorables au développement de la logique abstraite et du raisonnement théorique. Ce n'est en aucun un problème notez bien car les intelligences se complètent et s'enrichissent, mais il est de notre devoir d'humaniste de leur offrir les conditions optimale pour rayonner. Il nous faut engager un vaste programme d'augmentation générale du QI de la population.

Printempérie hoche la tête.

- C'est exactement ce que je disais.

- Non. Vous avez traité tout le monde de cons et de sauvages. Nous en avons fini avec le racisme, nous devons travailler à l'élévation de l'humanité.

Le chef Tareec Makhloufi se montre pensif. Il formule dans un français approximatif :

- Je nous suis pas le sûr méthodes de Carnavale le convenir tous les coups pour enrichissement culturel de miens.

- On n'a rien compris...

- Taisez-vous Printempérie. Vous avez raison Makhloufi, voilà pourquoi j'ai besoin que vous vous rendiez à Carnavale, à Bourg-Léon plus exactement, pour y rencontrer le Docteur Géminéon. Il faut que nous concevions un programme d'éducation sur-mesure pour répondre à vos besoins et aux qualités de la culture kabalienne. Vous avez une intelligence émotionnelle, c'est certain, je vous vois pleurer presque tous les jours. Mettons cela en avant ! Constituons ensemble une génération d'artistes ! Sur les ruines de vos traumatismes, dans les cendres du génocide fleuriront les plus belles œuvres de ce siècle j'en suis certain ! Vous avez le potentiel de devenir un peuple de poètes maudits. Les Carnavalais construirons les ponts et les routes tandis que les vôtres enrichiront l'humanité de leurs peintures, leurs chansons et de leurs danses ! Nous vous devons bien cela.

- Nous veut je pas réduire nous à de la poétie.

- Poésie.

- Taisez vous Printempérie. Justement il ne s'agit pas de vous réduire à quoi que ce soit mais de vous aider à monter sur-mesure un programme d'enrichissement intellectuel qui corresponde à votre profil. Oubliez la vision carnavalaise, nous ferons quelque chose qui vous convienne, qui mette en avant tout ce qui fait votre identité. Voyez comment nous pouvons nous servir mutuellement les uns les autres : en donnant toujours le meilleur de nous mêmes, le plus pertinent ! Le plus glorieux...

- Essayez l'intelligence, au début ça surprend mais ensuite on s'y fait.

- اصمت يا Printempérie.

- Il a dit quoi ?

- Il a dit taisez-vous, Printempérie.
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- Monseigneur l'archevêque ! Monseigneur archevêque ! On vous écrit une lettre !

- Que je lirai peut-être. Si j'ai le temps.

- Comment ?

- Arrivée par erreur, maladresse de facteur...

- Ah non c'était bien indiqué votre nom.

- Pardon, je confonds les paroles. Vous disiez ?

- Vous avez un message du Calife de l'Azur.

- Donnez moi ça.

Il parcourt le texte.

Il parcourt le message.

- Ils se précipitent les pauvres. Leur vote au PAS n'est même pas terminé qu'ils nous contactent déjà. Aucune légitimité. Aucun mandat. S'il fallait une preuve que leur organisation, c'est de la pantomime.

- Vous allez leur répondre qu'ils ne respectent pas les procédures ?

- En géopolitique les procédures n'ont pas beaucoup d'importance, ce qui compte c'est la force.

- Vous allez raser Agatharchidès alors ?

Petipont lui jette un coup d’œil par en dessous, intrigué par ce valet qui pose plein de questions.

- Ce n'est pas nécessaire pour le moment. A trop vouloir aller vite ils en trébuchent. Regardez, il n'y a ni menace ni ultimatum dans leur message, autant dire que cela ne vaut rien.

- Vous ne craignez pas qu'on nous déclare la guerre alors ?

- Qu'ils essayent. Quand on a de l'humour, rien ne peut nous atteindre. Et puis nous avons trois mois devant nous. Autant dire : une éternité. Faisons les patienter un peu jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour eux.
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Son Excellence Monseigneur Bartholoméon de Petipont visite le chantier secret n°7 (car il existe six autres chantiers secrets qui nous serviront de deux ex machina plus tard dans notre histoire). Des ouvriers l'accueillent avec fierté. Ils sont blancs, marrons ou nègres, tous unis dans la diversité autour de ce projet merveilleux qu'est CRAMOISIE©.

Une femme ingénieure s'approche de lui. Elle est voilée mais la RAC© est un pays de tolérance religieuse alors, grâce à un exercice de pensée, les yeux de Bartholoméon voient à travers le tissu - en attendant que les Laboratoires Dalyoha achèvent de développer cet implant oculaire IA qui brouille automatiquement la vision des signes religieux.

- Excellence Monseigneur, les premiers tests sont probants, nous avons presque réglé le problème des éboulements !

- Splendide madame Kaleel, splendide. Respecterons nous les délais ?

- C'est difficile à dire Monseigneur. Nous ne connaissons pas exactement les détails de ce qui se trouve sous le désert rouge, même si nos géologues ont fait plusieurs modélisations. Certaines optimistes, d'autres moins. Nous estimons nos chances de réussites à 40%.

- In cha Allah comme vous dites.

- Mazal Tov Archevêque.

- Vous êtes juives madame Kaleel ?

- Ah non c'est pour l'intégration.

- Alors Mazal Tov à vous aussi.

- Je crois que ça ne se prononce pas comme ça.

Bartholoméon de Petipont désigne la machine en fronçant les sourcils.

- Vous êtes sûre que ça sera assez gros ? Il faut quand même creuser suffisament profond pour y faire descendre des machines après.

- Une fois la couche entamée il sera assez simple de l'élargir si besoin Excellence Monseigneur. Nos laboratoires de balistique intraterrestre travaillent actuellement pour modéliser l'ampleur des explosions et leur efficacité. Ils m'ont cependant demandé de vous prévenir que nous devrons probablement importer des explosifs depuis la Principauté.

- Ce n'est pas un problème, j'en passerai commande auprès de nos amis de Carnavale. La Principauté sait ce qu'elle doit à CRAMOISIE©.

- Merci Excellence Monseigneur.

Un photographe se présente.

- Excellence Monseigneur, nous allions prendre une photographie avant de lancer la machine, voulez vous apparaitre dessus ?

- Je ne voudrai pas vous voler la vedette.

Zila Kaleel répond :

- Ce sera un honneur Excellence Monseigneur. D'autant que nous risquons de ne plus revoir la foreuse avant un petit moment.

- Alors dans ce cas c'est d'accord. Pour la gloire de l'humanité.

- Mazal Tov !

- Souriez !

Mazal Tov !
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PDG-Protecteur

- Qu'est-ce que j'apprends ?! Bartholoméon est parti dans l'espace ! Ce qui veut dire...

- Ce qui veut dire...

- Tu penses à ce que je pense ?

- Oui...? Mais dites-le d'abord, PDG-Protecteur.

- Que c'est le moment parfait pour l'assassiner !

- Ah oui je pensais aussi à ça.

- Les drones tueurs ? On en est où ?

- Très très tueurs, PDG-Protecteur.

- Et les Kabaliens ?

- Ils ne se doutent de rien.

- Excellentissime ! Je veux un attenta sur le pas d'atterrissage, il descend, paf ! vous me le dégommez !

- Bien monsieur le PDG-Protecteur.

- Et moi, et moi, tel un père éploré, dans les bras de la nation, prêt à assumer vaillamment la charge de guider le peuple carnavalais sur la route de la grandeur de l'épopée coloniale... fini l'écriture inclusive et le wokisme ! Basta ! Ouste ! Zou ! Pfiou ! Tchao ! Bye-bye !

- Bien sûr monsieur le PDG-Protecteur.

- On revient à l'ancienne, discrimination raciale et tout le pataquès, vous me faites ça à la papa : je veux du phénotype, de la craniologie, de bons gros clichés, si c'est basané ça dé-gage.

- Et si ce sont juste des colons bronzés monsieur le PDG-Protecteur ?

- Bronzé comment ?

- Peut-être comme une après-midi à la plage ?

- Alors ça va. Mais pas plus de deux heures et avec de la crème, sinon gare au cancer de la peau.

- Je transmettrai vos instructions aux commandos nettoyeurs PDG-Protecteur.

- Oui et dites leur aussi de me ramener la tête de ce type, là, Tareec Makhloufi.

- Le ministre de Transition des minorités légitimes ?

- Oui voilà.

- Mais PDG-Protecteur, c'est anti-constitutionnel d'arrêter un ministre.

- Et bien vous le virez avant qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? De toute façon la loi c'est fait pour être contourné.

- Bien dit PDG-Protecteur.

- En parlant de ça... le conseil actionnarial ne va pas me filer les pleins pouvoirs comme ça... il va falloir que je remplace Petipont. Si possible par un pantin. Archevêque de CRAMOISIE© et pape noir... où est-ce que je vais m'en dégoter un, moi ?

- Vous pourriez faire comme les lamaïstes et nommer un petit enfant ? Il ne poserait pas trop de problème jusqu'à ce qu'il soit en âge de parler ?

- Peut-être, peut-être... non, je sais. J'ai une idée en tête. Oh qu'elle est belle !

- Une belle idée ?

- Hein ? Taisez-vous, je dois passer un coup de fil.
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26 février 2018
Atterrissage en direct du module de sauvetage cramoisien sur le site de Grand Cratère.
A son bord, les astronautes de la station spatiale piégés en orbite
et Son Excellence Monseigneur Bartholoméon de Petipont

quel champion !



Atterrissage
1079
Bartholoméon de PetipontBalsilek Ishak

Le vent souffle sur le site de Grand Cratère où s'affairent les ingénieurs cramoisiens autour de la fusée qui vient d’atterrir. Des médecins de Grand Hôpital accourent vers les astronautes à moitié mangés tandis que Bartholoméon, dans sa tenue spatiale, se dirige vers plusieurs chefs Kabaliens venus lui parler.

Le premier est Tareec Makhloufi, ministre de Transition des minorités légitimes :

- Bartholoméon de Petipont, vous avez fait un geste héroïque aujourd'hui.

Balsilek Ishak, grognon comme à son habitude, minore :

- Sans doute, mais un chef d’État ne devrait pas prendre de tels risques personnellement. J'espère que vous n'avez pas choisi de participer à cette opération dans l'espace pour vous en servir de prétexte pour retarder la réunion prévue hier avec les chefs.

- Messieurs je vous remercie de votre présence. Si vous m'autorisez à me débarbouiller je suis à vous dans vingt minutes.

- Oui car nous avons des choses à discuter, ce projet martien est complètement absurde.

- Nous aurons l'occasion d'en parler Balsilek Ishak, je vous l'assure. Pour le moment, je ne demande que de retrouver mon équilibre en gravité terrestre.

- Attention là-haut !

- Qu'est-ce que ?

- Drone tueur !

Bartholoméon dégaine ses prothèses défensives.

Explosion
886
Bartholoméon mourrant

- Est-il mort docteur ?

- Pas encore. En tout cas les autres le sont. Il n'a survécu à l'explosion que grâce à ses prothèses anti-attentat mais le souffle a broyé certains de ses organes malgré tout.

- Je pense qu'il n'en a plus pour longtemps. C'est un vieil homme, il aurait fêté ses cent-six ans en mars.

- Dans sa jeunesse il aurait déjà été sur pied. C'était une force de la nature, saviez vous qu'il a déjà survécu à un assassinat ?

- Pas cette fois j'en ai peur.

- C'est une tragédie pour le monde et pour CRAMOISIE©... Camille Printempérie était en larme quand je le lui ai appris au téléphone.

- Il a annoncé une conférence de presse dans l'heure...

- Qui aurait pu s'en prendre à Son Excellence Monseigneur ? Un homme si intègre et si sage...?

- Je ne sais pas mais des temps sombres nous attendent sans lui pour guider CRAMOISIE©.

- J'ai peur que le projet chute en bourse.

- Les actionnaires vont être mécontents.

- En avez vous informé monsieur Dalyoha ?

- Je viens de le faire.

Silence.

- Professeur Crogère ?

- Il m'a transmis ses instructions. Mettons nous au travail.

Ambroise Crogère
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Ambroise Crogère
- Du calme, tout va bien. Voilà, reprenez votre respiration, vous avez un respirateur dans la gorge vous ne pouvez pas encore me parler. Tout va bien. Vous m'entendez ? Serrez le poing si vous m'entendez. Parfait. Vous êtes passé très près de la mort mais vous êtes en sécurité à présent. Est-ce que vous avez mal à la tête ? Serrez le poing si oui. D'accord je vois, je vais vous injecter une dose de tranquillisant, vous allez vous rendormir, vous avez besoin de repos. Beaucoup de repos.
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