"Diviseurs", "Agents de l'étranger", "Espions"...On avait toutes sortes de sobriquets pour qualifier les communistes, communalistes, libéraux, réactionnaires, fascistes...ceux qui voulaient voir au delà du modèle velsnien à demi fantasmé d'un corps civique uni autour de la cité. Le Sénat, dans sa majorité, demeurait insensible à ce que ses membres nommaient "des modes" et "des passades du temps". Le fascisme finirait par disparaître, le communisme finirait par disparaître, le libéralisme également...mais la construction politique velsnienne demeurerait inchangée. Mais qu'en était-il pour ces pays qui eux, avaient cédé aux sirènes de la mode ? Ceux qui s'engouffraient avec énergie dans le nouveau siècle ? Ceux qui actaient que les moments de changements radicaux étaient le moteur de l'Histoire, qu'il y avait des mouvements d'accélération brusques desquels on ne pouvait revenir en arrière ? Eh bien...advienne que pourra, et les sénateurs avaient acté le fait qu'il n'y avait pas toutes les choses de l'univers sur lesquelles ils n'avaient aucune prise. Plutôt de faire des partenaires de circonstance que des ennemis...
L'Altrecht, bien que bordant la Manche Blanche, n'avait jamais représenté un quelconque intérêt pour la cité velsnienne. Le pays était relativement pauvre, selon les standards velsniens, et de fait, ne représentait que peu de raisons pour lesquelles un traité commercial eu pu être proposé. Velsna avait déjà des ports et des installations côtières tout du long de la Manche Blanche. S'étendre pour s'étendre ne faisait guère de sens, d'autant que la Grande République avait toujours plus ou moins ignorer les nations du BNE, qui comme beaucoup d'organisations, érigeaient leur modèle politique en horizon indépassable... Une posture ignorante au mieux selon les élites politiques velsniennes, arrogante au pire. Le BNE n'était pas bien différent de l'OND, ou du Liberalintern en ce sens. La seule différence étant l'étendue de leurs moyens, beaucoup plus restreinte, qui faisait dire au gouvernement communal qu'il n'y avait pas d’intérêt à mettre des bâtons dans les roues de ces "réactionnaires du dimanche".
Mais voilà: la donne avait profondément changée. En l'espace de quelques jours, il vint à Velsna les nouvelles d'un enchaînement d'évènements incontrôlés: l'accélération de l'Histoire était là, elle avait débarquée en pleine Manche Blanche. Un renversement de gouvernement, des émeutes...que dis-je...une Révolution. L'Altrecht, du jour au lendemain, était passée d'un extrême à un autre, dans un mouvement d'horloge complet: inoui, historique, sans pareil, qui confinait presque à la beauté. Des communalistes en Manche Blanche, qui se battaient tout autant que les réactionnaires pour ce qu'ils estimaient être l'avenir du monde. Pour beaucoup de velsniens de l'aristocratie sénatoriale, cela leur faisait une belle jambe...mais les réalités de la géopolitique se rappelaient aux plus lucides: d'une nation isolée dans un bloc lui aussi isolé, on passait à une succursale potentielle de l'UICS et du Liberalintern. Il fallait donc agir, et agir vite, afin que le gouvernement communal puisse voir en ce chaos annoncé une opportunité d'avoir une prise sur lui, même toute relative. L'Altrecht: ses ports, ses marchandises, sa production... était soudainement devenu très intéressant...ou problématique, au choix.
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement communal s'était dépêché d'envoyer sur place un sénateur volontaire pour ce type d'entrevue improvisé et/ou à haut risque. Son excellence sénateur Alessandro Benedetti s'était fait une spécialité de ce genre d'occasion de se démarquer de ses autres illustres confrères. Il n'était ni stratège militaire, ni amiral, ni ambassadeur...mais il avait réussi à se glisser jusqu'à des cercles proches du Gouvernement communal actuel, et avait déjà à son actif des présences à des sommets particulièrement sensibles, comme la rencontre tripolaire de la Nouvelle Kintan. Il s'était donc improvisé "chargé de relations publiques", en absence de toute fonction ou magistrature sénatoriale. Sa présence en Altrecht faisait donc soudain sens, alors que de ce pays émergeait un gouvernement révolutionnaire.
L'arrivée à Ehrenstadt fut marquée par la sobriété et la petitesse de la délégation velsnienne. En tout et pour tout, on ne comptait pas plus de dix gardes wanmiriens autour du sénateur, lequel était seul de son rang, accompagné seulement d'un greffier sénatorial. Le serrage de mains fut bref, mais courtois. Le Sénat avait explicité ses vœux de rendre cela le plus bref possible au vu de la situation: Altrecht était un pays profondément isolé, et qui venait de subir une frappe de missiles venant d'une nation voisine. Il n'y avait guère de temps de tergiverser, et les choses devaient être faites rapidement et de manière pertinente. Benedetti, au vu de ses positions, avait conscience que les négociations allaient être courtes.

En face de son interlocuteur (ou de ses interlocuteurs, au choix du jour), celui-ci exposa ainsi la situation:
" Excellence. C'est un plaisir de faire votre rencontre. Vus nous pardonnerez si vous avez l'impression de nous voir nous imposer, mais j'ai bien l'impression que tout le monde dans cette affaire essaie de s'imposer dans tous les cas. Mais avant de discuter du contenu de notre communiqué qui vous était adressé, et de notre négociation à venir, je me permets de vous exposer la situation dans laquelle notre gouvernement a été mis suite aux....évènements qui ont lieu chez vous.
En premier lieu, et je tiens à le dire, à priori je pense que nous devrions trouver un moyen de nous entendre, malgré votre côté...comment dire...rouge ? Ce n'est pas la première fois que Velsna a affaire à des gens comme vous, et jusqu'à maintenant, les tractations avec vos "camarades" ont toujours été relativement profitables. Certes, nous ne pouvons que réprouver la manière que le Kah, a parfois de s'imposer dans des régions du monde dans lesquels il n'a probablement rien à faire, mais la réalité est la suivante: votre gouvernement est la continuité de celui que vous avez renversé, quoi qu'on en dise, vous êtes un gouvernement de la Manche Blanche, et il est de mon devoir de tout faire pour que cette "cohabitation" passe le mieux possible. Aussi, notre position à votre égard est la même que celle que nous avons avec tous les gens de votre espèce, mais également les membres d'organisations voisines comme l'OND: ne faites pas de vagues, et nous pourrons nous tolérer, voire nous entendre dans un cadre pacifié.
Aussi, sachez que sur cette base, le gouvernement communal velsnien est prêt à reconnaître de manière officielle la légalité de votre gouvernement à la face du monde, moyennant quelques garanties que nous avons évoqué plus tôt. Cette reconnaissance de notre part serait un premier gage de sécurité pour vous en Manche Blanche, et je pense, même si cela ne changerait pas drastiquement votre situation, la rendrait légèrement plus confortable. Nous sommes d'ailleurs relativement satisfaits de voir qu'une partie de nos requêtes sont déjà en cours d'application...même si nous pensons qu'une élection organisée en si peu de temps est au mieux suspecte dans ses résultats...vos devriez retarder la date de l'échéance, sinon je pense que certaines personnes pourront flairer l'arnaque.
Mais bref...faites comme vous l'entendez à partir du moment où ce qui doit être fait est bien fait. En dehors du volet politique, nous sommes également disposés à effectuer un rappel à l'ordre au gouvernement de l'Hotsaline pour sa conduite à votre égard. Il va de soi qu'un lancement de missiles, sans déclaration de guerre ni ultimatum préalable outrepasse ce que nous pensons être les convenances de la guerre entre gentilshommes. Ceci, nous ne pouvons le cautionner, d'autant que nous avons appeler ces derniers à la tempérance. Aussi, en échange d'une levée de droits de douane sur un certain nombre de nos produits dans vos ports, nous sommes disposés à mettre en application tous nos leviers afin que l'Altrecht ne soit plus menacée dans son intégrité par le gouvernement hotsalien.
Hésitez pas à me faire connaître vos doutes et vos interrogations sur ce que je viens de vous proposer, après quoi nous pourrons passer à la signature de l'accord. Et nous seront les meilleurs amis du monde..."