28/06/2017
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[Altrecht / Grand Kah] Frères et soeurs en humanité

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Dire que les évènements survenus en Altrecht avaient pris de court les chancelleries du monde entier n’étant probablement pas une exagération, celle du Grand Kah ne faisait pas exception. Bien entendu l’Union des Communes avait ses observateurs dans la région, et la relative proximité du régime impérial avec la sphère d’influence libertaire en Eurysie centrale avait mécaniquement fait naître un certain nombre de plans de contingence, lesquels passant généralement par l’élimination du régime ou de ses moyens militaires.

Cela étant la nature apparemment spontanée de la révolution avait forcé la main d’une Union qui s’imaginait sans mal qu’on verrait de toute façon son ombre derrière la silhouette des insurgés. L’esprit libéral était étriqué, et envisageait plus facilement la fin du monde que la fin du capitalisme. L’autoritarisme fascisant, en ultime application du capitalisme (dans ses logiques sous-jacentes d’exploitation de l’Homme par l’Homme), n’échappait pas à cette règle : il semblait évident qu’aucun pays de la région ne saurait admettre, ni sur le plan théorique ni sur le plan intellectuel, la possibilité d’une révolution spontanée. Et il semblait évident que la naturelle éventuellement provoquée de cette révolution la rendrait « sale ». Il existait une école de pensée qui considérait indéniablement qu’un peuple n’avait pas le droit d’acquérir sa libération s’il se jetait ensuite dans les bras de ses semblables. Ou en d’autres termes, la nature anticapitaliste du nouveau régime (à comprendre, réellement démocratique) hérisserait les poils de toute une ribambelle de nations dont l’injonction première restait la défense des capitaux. Les droits de l’homme, pour celles-là, n’étaient que le cache-sexe d’une politique d’oligopole assumée.

Le choix était donc assez binaire pour le Grand Kah. Il pouvait éviter tout contact avec cette jeune révolution, prétendre ne pas avoir remarqué la soudaine libération d’un peuple, et ainsi éviter qu’on l’incrimine dans la chute d’une des pires dictatures de la région. La suite irait d’elle-même : la réaction ferait son œuvre et soufflerait ce nouveau régime comme un fétu de paille. Tout le monde serait content, l’hégémonie capitaliste serait corps et bien assurée.

Alternativement le Grand Kah pouvait prendre contact avec ce nouveau régime, assurer sa protection et mettre en place les accords nécessaires à son bon développement. Se faisant il marquerait la nature même du nouveau régime, qui serait aussitôt compris par le monde hégémonique comme une émanation du Grand Kah. On parlerait d’impérialisme, et aucun acte démocratique, aucune volonté avérée du peuple de l’Altrecht, ne saurait calmer les allégations. Car celles-là, au fond, sont le résultat d’un simple cynisme.

Car il en fallait, du cynisme, pour reprocher à un peuple sa propre libération.

Le Grand Kah avait, pendant vingt ans, tenté de jouer l’apaisement. On avait signé des accords, des partenariats, reconnu la légitimité d’un certain nombre d’instances capitalistes et établi où cela était possible des coopérations. On avait joué le jeu, en toute amabilité, et on avait donné autant de gages que nécessaires aux puissances les plus approchables. Les dividendes de ces efforts étaient assez maigres, puisqu’il n’avait fallu que quelques mois d’une politique n’allant pas directement dans le sens de ces chancelleries oligarchiques pour que celles-là catégorisent l’Union dans le rang des empires détestable. Une conclusion que les radicaux avaient déjà largement brossée dans leurs discours, et en s’opposant aux politiques menées par les pragmatiques et autres modérés. Pourquoi s’entendre avec ceux qui nous haïssent profondément ? Pourquoi établir des ponts qu’ils briseront en une journée quand cela leur semblera profitable ? Pourquoi travailler avec des gens qui ne voient en nous qu’un problème à circoncire et détruire ?

Au fond les évènements leur donnaient raison. Il était manifestement impossible de parler avec ce pan de la communauté internationale : trop sûre de sa puissance, elle ne s’intéressait pas au dialogue. Pour les représentants de la Modération politique, encore majoritaires au sein des Communes, c’était un drame. Mais un drame annoncé, et la nature même de la politique confédérale rendait sa stratégie fortement granulaire. On avait en d’autres termes progressivement intégré la nouvelle donne géostratégique.

Ainsi donc, quand l’Altrecht chuta, la Chancellerie confédérale fut surprise, certes, mais pas prise de court. Le groupe aéronaval d'intervention, qui devait initialement se rendre au Nazum du nord pour mener des missions conjointes avec les « camarades » de la Confédération Socialiste vit sa mission changer du presque jour au lendemain pour assurer la sécurité de la jeune Union des Communes. Une décision qui s’avéra salutaire considérant l’activité militaire dans la région. Sans parler du bruit désormais très audible des crocs de certains pays, rayant le plancher à mesure qu’ils approchaient de la région.

Les délégués d’Axis Mundis étant tous occupés, et par souci de rapidité, ce fut une représentante de la chancellerie kah-tanais en Mährenie, choisie pour sa connaissance des enjeux régionaux et de la langue allemande, qui fut envoyée en compagnie du citoyen-amiral Tohei, du groupe aéronaval d'intervention.

Les deux arrivèrent séparément mais simultanément à Ehrenstadt. L’un par hélicoptère, l’autre par avion. L'armée de l'Union et son imposant corps diplomatique. Deux petites silhouettes isolées sur le tarmac. Ensemble, elles représentaient les deux puissants bras du Grand Kah.
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Ehrenstadt de nuit

Les diplomates, arrivant simultanément sur le tarmac de la belle capitale d’Ehrenstadt, furent accueillis par deux voitures blindées civiles afin de les accompagner jusqu’aux jardins du palais impérial. Ainsi, les diplomates altrechtois firent connaissance dans la voiture avec leurs homologues kahtanais. Il faisait jour, tôt le matin, et le soleil faisait rayonner sa lumière sur la flore humide des jardins du palais.

Alors, la rencontre pouvait commencer sous le regard de quatre citoyens altrechtois, acceptés pour garantir la transparence de l’échange. En effet, l’Altrecht avait adopté des habitudes diplomatiques de totale transparence. À moins que les diplomates kahtanais ne souhaitent explicitement demander une rencontre privée dans la voiture blindée, auquel cas il n’y aurait aucun civil.

Salutations, camarades du Grand Kah ! Je me présente : Thomas Rosenfeld, je représenterai l’Altrecht durant notre rencontre. Voici également Éric Gansz et Karla Fincke, qui assisteront aux discussions.

Laissant un court silence, Thomas reprit :

Concernant la rencontre, il est de tradition que nous accueillions des citoyens afin d’assurer la transparence de celle-ci. Cependant, vous pouvez demander à la garder privée, et nous serons alors entre nous.
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